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Publié le 27 Septembre 2010

Les Vêpres siciliennes (Verdi) 

Représentation du 26 septembre 2010 

De Nederlandse Opera (Amsterdam)

Hélène Barbara Haveman
Ninetta Livia Aghova
Henri Burkhard Fritz
Guy de Montfort Alejandro Marco-Buhrmester
Jean Procida Balint Szabo
Tybalt Huber Francis
Danieli Fabrice Farina
Mainfroid Rudi de Vries
Robert Roger Smeets
Le sire de Bethune Jeremy White
Le Conte de Vaudemont Christophe Fel

Direction Musicale Paolo Carignani
Mise en scène Christof Loy

 

 

 

                          Barbara Haveman (Hélène)

Après sa création à Paris le 13 juin 1855, et une reprise en 1863, la capitale s'est détournée des Vêpres Siciliennes qui ne fut, par la suite, quasiment plus chantée en français.

L'œuvre disparut même au cours de la première partie du XXième siècle avant de réapparaitre à Florence et à Milan en 1951, renaissance immortalisée par un enregistrement live de la version italienne I Vespri siciliani avec Maria Callas et sous la direction de Erich Kleiber.

Il fallut donc attendre 2003 pour que la version française renaisse à l'Opéra Bastille sous la direction de James Conlon, dans une mise en scène d'Andrei Serban.

En attendant une reprise éventuelle de la part du spécialiste des voix qui dirige actuellement l'Opéra de Paris, sa rareté justifie un déplacement à Amsterdam.

Alejandro Marco-Buhrmester (Guy de Montfort)

Alejandro Marco-Buhrmester (Guy de Montfort)

Le fait que Christof Loy soit le régisseur de la production peut induire une vague appréhension, mais son  travail a au moins le mérite de conserver l'intégralité de la partition et notamment le ballet des quatre saisons.

Dans ce passage de près d'une demi-heure, cédé aux exigences de l'Académie impériale, la musique de Verdi y est facétieuse, enthousiaste, dramatiquement hors sujet, ce qui devient prétexte à une burlesque évocation de l'enfance d'Henri, avec ses jeux et ses bêtises, dans un décor kitsch des années 60.

La mise à profit d'une musique de divertissement pour évoquer un rêve décalé n'est pas nouvelle, Arnaud Bernard y avait eu recours dans La Dame de Pique créée au Capitole de Toulouse en 2008.

Les Vêpres siciliennes. Fin acte III (mise en scène Christof Loy)

Les Vêpres siciliennes. Fin acte III (mise en scène Christof Loy)

Il y a bien quelques frayeurs lorsque l'opéra ouvre directement sur la scène des Français convoitant les Siciliennes, jusqu'à ce que l'ouverture apparaisse entre l'acte I et II pour marquer le temps relativement long qui sépare ces deux phases théâtrales.

Mais dans l'ensemble, bien que le metteur en scène allemand analyse l'évolution psychologique d'Hélène, qui ne peut devenir une femme aimante tant qu'elle n'a pas fait le deuil du meurtre de son frère, on retient surtout de la réussite pour les scènes rayonnant de joie de vivre..

Parmi cet univers banal et souvent vide, rien sur le plan esthétique, pas même les éclairages, ne contribue à une sorte d'emprise mentale, et le travail d'acteur n'est percutant que pour Hélène, le chœur, et quelques rôles mineurs parmi les soldats français. La liberté que s'octroie Loy est un défi engagé avec le spectateur qui doit soit s'en contenter, soit s'en aller.

Barbara Haveman (Hélène) et Burkhard Fritz (Henri)

Barbara Haveman (Hélène) et Burkhard Fritz (Henri)

Ainsi, lorsque le visuel déçoit, intellectuellement parlant, les grandes émotions verdiennes doivent compter sur la qualité musicale.

La sensibilité de Paolo Carignani est gourmande de sensualité, de fusion parfaite entre cordes, cuivres et vents, et de sonorités patiemment polies.

Le chef sait même être léger et entrainant au cours du ballet ou du boléro. Il se refuse en revanche à toute réaction sanguine, aux attaques fulgurantes, aux grondements de terreur, aux grands traits qui soulèvent les passions humaines.

Barbara Haveman (Hélène)

Barbara Haveman (Hélène)

Cette relative placidité se retrouve sur scène, que ce soit Burkhard Fritz, Henri au langage sensible, élégiaque et sans fougue, ou bien Alejandro Marco-Buhrmester (Amfortas dans le mémorable Parsifal mis en scène par Warlikowski en 2008),  Guy de Montfort  humain et dépressif, ou encore Balint Szabo, Jean Procida au grain mûr et aux lignes vocales toujours élégamment modulées.

Mais la grande satisfaction verdienne, sans aucune réserve, se concentre sur Barbara Haveman.

A aucun moment il n’est possible de décrocher d’une incarnation de feu, la souplesse, l’aisance dans les transitions du registre le plus grave aux piani les plus subtiles et les plus élevés, une puissance sauvage et sensuelle, et une présence scénique qui domine ses partenaires masculins.

Barbara Haveman (Hélène). Boléro (Acte V)

Barbara Haveman (Hélène). Boléro (Acte V)

Timbre similaire à celui d’Anna Caterina Antonacci, diction française un peu moins précise que la soprano italienne toutefois, la soprano néerlandaise n’avait pas donné aussi forte impression il y a deux ans dans le rôle de Lisa à Toulouse.

Le chœur, fortement sollicité par l’action à laquelle il participe amplement et avec joie, assume la ferveur enthousiaste de la partition.

Synopsis des Vêpres Siciliennes.

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Publié le 12 Février 2008

La Dame de Pique (Piotr Ilitch Tchaïkovski)
Représentation du 10 février 2008 (Capitole de Toulouse)


Hermann Vladimir Galouzine Lisa Barbara Haveman
Comte Tomsky Boris Statsenko Pauline Varduhi Abrahamyan
Prince Yeletsky Vladimir Chernov La Comtesse Raina Kabaivanska

Direction musicale Tugan Sokhiev
Mise en scène Arnaud Bernard

La Dame de Pique est soit l’histoire d’un homme, Hermann, parfaitement cynique et antipathique qui finit fou (version Alexandre Pouchkine), soit celle d’un homme dont la passion romantique pour une femme l’entraîne vers les illusions du jeu puis son suicide (version Tchaïkovski).

Ce que propose Arnaud Bernard à Toulouse ne correspond à aucune de ces deux approches.

Hermann, fou d’entrée de jeu, n’arrive à retrouver partiellement de sa lucidité que face à Lisa ou la Comtesse. Convaincu que son entourage est bon pour l’asile, seul compte pour lui la quête d'un bonheur hors de ce monde avec Lisa et le mystère de cette Comtesse à la fois clé et obstacle à ce bonheur (bien plus que Yeletsky).

Avec l’obtention du secret des cartes, la folie d’Hermann s’intensifie cette fois pour de bon et son échec au jeu le conduit au suicide.

Visuellement, les rares instants où Hermann reprend contact avec la réalité voient réapparaître les décors traditionnels et bourgeois parmi les carreaux blancs de son univers mental.

Les individus reprennent également des gestuelles plus naturelles.

Si au premier acte l’impression laisse perplexe,  la représentation du bonheur qu’imagine Hermann au second acte dans un petit appartement ringard des années 60 (esthétique chère à Christoph Marthaler) et qui ne laisse qu'une place utilitaire à Lisa , est d’un burlesque dont le public toulousain devrait se souvenir pour longtemps.

Car cela ne l’a pas fait rire du tout.

Il faut dire que cet instant de délire se conclut sur le défilé d’une Impératrice grotesque et sur un silence glacial à peine ponctué d’un timide petit ouh!
Un mépris spectaculaire à la hauteur de l’émotion ressentie.

Pourtant il n’y avait pas de quoi. Ce divertissement, à l’instar de la musique de Tchaïkovski parodiant Mozart, ne fait que mieux préparer le basculement vers l’atmosphère blafarde et très réussie de la scène suivante dans la chambre de la Comtesse.

Raina Kabaivanska (La Comtesse) et Vladimir Galouzine (Hermann)

Raina Kabaivanska (La Comtesse) et Vladimir Galouzine (Hermann)

Le drame tourne même au cauchemar lorsque Lisa devenue aussi folle qu’Hermann se suicide sous des murs ensanglantés.

C’est la valeur du metteur en scène d’avoir pu montrer les deux extrêmes de ce drame, sans doute pas de manière la plus raffinée qu'il soit, mais qui sont bel et bien présents dans l’œuvre.

Par ailleurs son parti pris scénique accentue le caractère sordide qui lie Hermann à l'argent. 
La froideur avec laquelle les joueurs se débarrassent de son corps et le regard indifférent de Lisa à la fin ne sont que réponses méritées.

Bien sûr avec Vladimir Galouzine le travail en est facilité. Sa familiarité avec la dimension déséquilibrée et obsédée du protagoniste principal (déjà bien expérimentée dans la mise en scène de Lev Dodin vue à l’Opéra Bastille) donne une force de plus à l’interprétation. Ampleur et noirceur de la voix, souffle d’une énergie démesurée, l’humanité d’Hermann s’impose à chacun.

Arnaud Bernard met également très en avant la relation entre la Comtesse et son agresseur. Ce règlement de compte est une occasion extraordinaire pour Raina Kabaivanska de porter sur scène à 74 ans un personnage inquiétant et fantomatique et une grande émotion pour le public d’admirer le bonheur de cette femme à jouer ainsi.

Monolithique vocalement et scéniquement
, Barbara Haveman
ne trouve pas le moyen d’opposer à Hermann une humanité fragile et bouleversante. Trop de volonté anéantit la sincérité.

La noblesse de Vladimir Chernov et de son phrasé ne suffit pas non plus à palier le manque de luminosité du timbre alors que le chant d’ébène de Varduhi Abrahamyan vibre trop pour ne pas figer Pauline dans une posture timide excessive.

En revanche, Boris Statsenko est un Comte Tomsky solide, charismatique et très assuré.    

Tugan Sokhiev prend beaucoup de soin à garantir la netteté et la cadence musicale et cherche le théâtral sans exagérer les noirceurs pathétiques de la partition.
L’atmosphère dans la chambre de la Comtesse est un très bel exemple des subtilités qu’il tire de l’orchestre.

Voir également l' Interview d'Arnaud Bernard.

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