Publié le 24 Février 2023
L’annonce de la saison 2023/2024 était très attendue car l’institution américaine a été beaucoup plus ébranlée par la crise sanitaire que les établissements européens du fait que son modèle économique ne repose pas sur un système de subventions publiques directes, et qu’elle a du subir 18 mois de fermeture consécutifs jusqu’à la saison 2021/2022. La fréquentation est passée de 73 % avant crise à 61 %, et la billetterie s’est effondrée de plus de 40 millions de dollars (1).
Mais Peter Gelb est bien décidé à prouver que l’opéra a un avenir et qu’il peut y amener une nouvelle génération d’amoureux d’art lyrique. En effet, cette saison a montré que le public, et le plus jeune en particulier, ne court pas après les anciennes productions classiques et démodées et s’intéresse surtout aux thèmes qui le touchent plus directement. Les 40 % de fréquentation observés pour la production de ‘Don Carlo’ (1) par David McVicar sont un constat cinglant pour ceux qui croient sérieusement que ce genre de spectacle traditionnel peut plaire au grand nombre.
(1) Radio Classique 27/12/2022 :New York : Le Met Opera mise sur des œuvres plus contemporaines pour enrayer la baisse de fréquentation
18 spectacles, 6 nouvelles productions, 13 compositeurs dont 6 contemporains.
Avec 191 représentation lyriques au cours de la saison 2023/2024 et 18 spectacles lyriques (dont 6 nouvelles productions), le MET réduit considérablement la voilure. C’est 15% de spectacles et 10% de représentations en moins que la saison 2022/2023. Et sur 5 ans, la baisse est de 30% de spectacles et 15% de représentations en moins.
Toutefois, 13 compositeurs différents sont représentés, dont 6 sont contemporains et toujours vivants, et c’est le grand pari de cette saison qui offre 25 % de ses soirées à des ouvrages créés après 1980, ‘X: The Life and Times of Malcolm X’ d’Anthony Davis (1985), ‘Florencia en el Amazonas’ de Daniel Catán (1996), ‘Dead Man Walking’ de Jake Heggie (2000), ‘El Niño’ de John Adams (2000), ‘Fire shut up in My bones‘ de Terence Blanchard (2019) – premier opéra d’un compositeur noir présenté au MET en 2021 - et ‘The Hours’ de Kevin Puts (2022).
Le répertoire italien (Puccini et Verdi) et français (Bizet et Gounod) préservé
Mais le grand répertoire italien préserve ses fondamentaux avec 30 % des représentations dédiées à Giacomo Puccini (‘La Bohème’, ‘Tosca’, ‘Turandot’ et la plus rare ‘Rondine’) et 17 % à Giuseppe Verdi (‘Rigoletto’, 'La Forza del Destino' et ‘Un Ballo in Maschera’).
Dans un tel contexte, le répertoire français s’en sort très bien puisque deux ouvrages ‘Carmen’ (Nouvelle production mise en scène par Carrie Cracknell) et ‘Roméo et Juliette’ de Gounod couvrent 12 % des soirées, alors que Richard Wagner se maintient avec un seul ouvrage, ‘Tannhäuser’, dans une très ancienne production d’Otto Schenk, totalement dépassée aujourd'hui.
Le répertoire 1900-1980 allemand, tchèque et anglais, les œuvres baroques et les ouvrages russes absents
Quant à Mozart, il ne sera joué que dans une version réduite et familiale de ‘La Flûte enchantée’, et le répertoire classique pourra cependant compter sur la reprise d’’Orfeo ed Euridice’ de Gluck pour être pleinement défendu. Et les œuvres baroques, généralement assez rares dans cette immense salle de 3700 places, sont absentes cette saison.
Mais aucun ouvrage allemand, tchèque, autrichien ou britannique de la période 1900-1980 ne sera représenté (exit Richard Strauss, Alban Berg, Leos Janacek, Kurt Weill ou Benjamin Britten qui constituent habituellement 8 % du répertoire du MET), et il est trop tôt pour dire si l’absence du répertoire russe sera amenée à se prolonger en raison de la guerre en Ukraine, car Peter Gelb indiquait bien en avril 2022 que « il est ridicule que des artistes soient écartés parce qu’ils sont russes et le fait que certains orchestres et compagnies d’opéra annulent le répertoire russe est une erreur. Cela envoie exactement le mauvais message. Les grands chefs-d’œuvre russes ne sont pas responsables de Poutine. Nous annulons Poutine, pas Pouchkine. Nous n’allons donc pas modifier nos plans pour la représentation du répertoire russe. » (2)
Les débuts au MET de la chef d’orchestre ukrainienne Oksana Lyniv dans ‘Turandot’ n’en seront donc que plus remarqués.
(2) Diapason : Selon Peter Gelb, le public new-yorkais n’accepterait pas qu’Anna Netrebko se produise au Met.
Yannick Nézet-Séguin : Dead Man Walking, Florencia en el Amazonas, La Forza del Destino, Roméo et Juliette
4 ouvrages en 4 langues différentes dont 3 nouvelles productions dirigées par Yannick Nézet-Seguin
Avec l’enthousiasme qu’on lui connaît, Yannick Nézet Séguin conduira 4 spectacles dont 3 nouvelles productions, ‘Dead Man Walking’ (Nouvelle production mis en scène par Ivo van Hove), ‘Florencia en el Amazonas’ (Nouvelle production mise en scène par Marie Zimmerman) , La Forza del Destino (Nouvelle production mise en scène par Marius Trelinski en co-production avec le Teatr Wielki–Polish National Opera) et ‘Roméo et Juliette’.
A ces 3 nouvelles productions s’ajoutent celles d’‘El Niño’ mis en scène par Lileana Blain-Cruz et conduite par Marin Alsop, ‘X: The Life and Times of Malcolm X’ mis en scène par Robert O’Hara et dirigée par Kazem Abdullah (coproduction Detroit Opera, Lyric Opera of Chicago, Opera Omaha, et Seattle Opera), et 'Carmen’ mis en scène par Carrie Cracknell sous la direction de Daniele Rustioni.
Et si l’on s’intéresse aux artistes français, seul 3 seront mis en valeur, Clémentine Margaine dans ‘Carmen’, Benjamin Bernheim dans ‘Roméo et Juliette’ et Roberto Alagna dans ‘Turandot’.
Pour rendre compte du travail du MET sur sa recherche de diversité d’origine et de genre des artistes qu’il souhaite représenter, il suffit alors de regarder les visages des distributions qui montrent le niveau de volontarisme pour cette ouverture au monde d’aujourd’hui.
Même s’il on n’adhère pas à la politique artistique des dernières décennies du MET qui mettait l’accent sur les voix et non la recherche de spectacles signifiants et intelligents, il faut souhaiter que la vision de Peter Gelb soit la bonne, car elle replace New-York à l’avant-garde, ce qui pourrait amplifier l’effet d’entraînement en Europe, et notamment à Paris où les choses bougent malgré une frange conservatrice du public.
9 productions du MET en direct au cinéma en HD
Samedi 21 octobre 2023 - 12h55 (EST) : Dead Man Walking
Samedi 18 novembre 2023 - 12h55 (EST) : X: The Life and Times of Malcolm X
Samedi 09 décembre 2023 - 12h55 (EST) : Florencia en el Amazonas
Samedi 06 janvier 2024 - 12h55 (EST) : Nabucco
Samedi 27 janvier 2024 - 12h55 (EST) : Carmen
Samedi 09 mars 2024 - 12h55 (EST) : La Forza del Destino
Samedi 23 mars 2024 - 12h55 (EST) : Roméo et Juliette
Samedi 20 avril 2024 - 12h55 (EST) : La Rondine
Samedi 11 mai 2024 - 12h55 (EST) : Madame Butterfly
Le détail de la saison 2023/2024 du MET peut être consulté sous le lien suivant : On Stage 2023–24.
A écouter également, la très intéressante conversation entre Peter Gelb et Jim-Zirin (février 2023) sur les défis du MET, son engagement dans la guerre en Ukraine et les enjeux pour attirer de nouveaux passionnés. Peter Gelb se dit être un optimiste prudent.
Conversation entre Jim Zirin et Peter Gelb sur l'avenir du MET (Février 2023)