Publié le 22 Février 2024
Dorénavant, l’annonce de chaque saison du New-York Metropolitan Opera (312 M$ de budget annuel en 2023) est scrutée de près car, même si la culture musicale américaine diffère de la culture européenne, aussi bien par ses modes de financements que par ses manifestations créatives (respectivement privés et plus tournées vers le grand public, outre-Atlantique), elle reste néanmoins un indicateur de la bonne santé de l’art lyrique dans le monde, et un soutien important pour les grands artistes.
Par ailleurs, Peter Gelb a même reconnu lors d’une interview donnée au blog Appreciate Opera (1) (près de 50 000 consultations par mois), fondé en 2019 par Alkis Karmpaliotis à l’âge de 12 ans, qu’il ne peut prévoir ce que sera l’opéra dans 5 ans.
Récemment, les informations révélées au New-York Times, fin janvier 2024 (2), montrent que le taux de fréquentation de l’année 2023 au MET atteint 73 %, bien mieux que les 61 % d’il y a un an, signe que la tendance s’inverse. Il sera cependant encore nécessaire de retirer 40 M$ du fond de dotation de l’institution, tombé à 255 M$, pour financer les projets à venir, mais Peter Gelb espère obtenir plus de 100 M$ de donations dans les années à venir pour le recompléter.
Une des pistes retenues pour améliorer la marge artistique de 15 M$ est également de programmer plus d’opéras populaires pendant les week-ends.
(1) Appreciate Opera 16/01/2024 : An Interview with Peter Gelb
(2) New York Times 25/01/2024 : Met Opera Taps Its Endowment Again to Weather Downturn
18 spectacles, 6 nouvelles productions, 12 compositeurs dont 4 contemporains (4 œuvres du XXIe siècle)
Avec 194 représentations lyriques au cours de la saison 2024/2025 et 18 spectacles lyriques (dont 6 nouvelles productions), le MET se situe très légèrement en dessous de la saison 2023/2024 (191 représentations et 18 spectacles), car deux de ces spectacles concernent la même œuvre (‘La Flûte enchantée’, en version originale et en version abrégée en anglais).
Il s’agit clairement d’une programmation d’équilibre qui se resserre sur un socle ferme.
12 compositeurs différents sont représentés (contre 13 la saison dernière), dont 4 sont contemporains et toujours vivants, soit 17% des soirées dédiées à 4 nouvelles productions de 4 œuvres du XXIe siècle: ‘Ainadamar’ du compositeur argentin Osvaldo Golijov (Tanglewood - 2003), ‘Moby Dick’ de Jake Heggie (Dallas – 2010), ‘Antony and Cleopatra’ de John Adams (San Francisco – 2022), et ‘Grounded’ de Jeanine Tesori (Washington – 2023), un hommage à l’US Air Force.
Deux ouvrages de Richard Strauss représentent le XXe siècle
Absent de la programmation la saison dernière, Richard Strauss revient avec deux ouvrages dirigés par Yannick Nézet-Séguin avec Elza van den Heever en premier rôle, ‘Die Frau Ohne Schatten’, dans la mise en scène d’Herbert Wernicke, et ‘Salome’, dans une nouvelle production de Claus Guth (le metteur en scène allemand a déjà monté deux productions de cet opéra, l'une pour le Deutsche Oper de Berlin en 2016, l'autre pour le Bolshoï en 2021, avec lequel une coproduction était prévue originellement).
Au total, le répertoire des XXe et XXIe siècles représente 24% de la programmation, en incluant les 4 ouvrages contemporains, ce qui est conséquent dans une maison qui consacre habituellement moins de 20% de son affiche aux œuvres post-Puccini.
Une saison heureuse pour Mozart et le crépuscule du classicisme
Avec deux versions de ‘La Flûte enchantée’, puis la reprise des ‘Noces de Figaro’, Mozart se porte très bien au MET, puisqu’il va occuper plus de 20% des soirées. Ces deux ouvrages font partie des 12 titres les plus joués de l’institution depuis l’ouverture du Nouveau Metropolitan Opera sur le Lincoln center en 1966, et, de par leur popularité, ils devraient le rester.
En effet, le regain d’intérêt pour Mozart date de cette période, au moment où Wagner et le répertoire français refluaient de plus en plus du MET.
Auprès de Mozart, la reprise pour 5 représentations de ‘Fidelio’ de Beethoven, dans la production de Jürgen Flimm, entretient la flamme d’un ouvrage qui a aussi tendance à se faire rare. Il est confié à Susanna Mälkki qui, après ‘L’amour de Loin’ et ‘The Rake’s Progress’, dirige cette fois une œuvre teintée d’un classicisme crépusculaire et d’un romantisme naissant. Lise Davidsen sera Leonore.
Le répertoire italien du XIXe siècle (Puccini, Rossini, Verdi) premier pilier du MET
Mais le grand répertoire italien préserve ses fondamentaux avec 24% des soirées dédiées à Giuseppe Verdi, avec ‘Aida’ (dans la nouvelle production de Michael Mayer – sa quatrième production après ‘Rigoletto -2013’, ‘Marnie-2018’ et ‘La Traviata-2018’ -, initialement prévue en 2020, mais dorénavant sans la participation du Bolshoi), et deux reprises, ‘Il Trovatore’ par David McVicar, et ‘Rigoletto’ dans la production de Bartlett Sher qui remplace depuis 2021 celle de Michael Mayer.
16% des autres soirées sont réservées à Puccini (‘La Bohème’, ‘Tosca’), deux œuvres déjà jouées au cours de la saison 2023-2024, et 6% à Rossini (‘Le Barbier de Séville’).
Comme la saison passée, ce répertoire populaire est confié à des metteurs en scène plutôt conventionnels, et couvre un peu plus de 45% des représentations.
Les répertoires français et russe du XIXe siècle se maintiennent faiblement
Après ‘Carmen’ et ‘Roméo et Juliette’, la saison passée, la reprise des ‘Contes d’Hoffmann’, dans la mise en scène de Bartlett Sher, sera la seule occasion de défendre le répertoire français.
Et après avoir fait ses débuts au MET en septembre 2022, à la direction de ‘Lady Macbeth de Mzensk’ de Dmitri Chostakovitch, Keri-Lynn Wilson, l’épouse de Peter Gelb, d’origine en partie ukrainienne et créatrice de l’Ukrainian Freedom Orchestra, dirigera un autre opéra russe, ‘La Dame de Pique’ de Tchaikovski, dans la mise en scène d’Elijah Moshinsky.
C’est tout un symbole de l’engagement politique du MET dans le conflit russo-ukrainien.
Richard Wagner absent du MET: une première depuis l’ouverture de l’institution, le 22 octobre 1883.
Mais l’absence de Richard Wagner est le véritable marqueur historique de cette saison, puisque cela n’était jamais arrivé de toute la vie du MET en 140 ans, hormis en 1918 et 1919 par sentiment antiallemand en sortie de guerre, et non pour une raison programmatique.
C’est avec ‘Lohengrin’, chanté à l’époque en italien, que Wagner était entré dans cette maison, le 07 novembre 1883, deux semaines après l’ouverture des portes. Italo Campanini incarnait le héros médiéval, Christine Nilsson était Elsa, et Auguste Vianesi assurait la direction musicale.
Il sera naturalisé français 4 ans plus tard et deviendra chef d’orchestre principal de l’Opéra de Paris la même année, en 1887.
L’absence de Richard Wagner est une conséquence des limitations de la programmation à 17 ouvrages différents, quand, dans les années 2000 et 2010, il y en avait plus de 25.
Les répertoires 1900-1980 tchèque et anglais et le répertoire baroque toujours absents de la programmation
Comme la saison passée, aucun ouvrage tchèque ou britannique de la période 1900-1980 ne sera représenté (exit Leos Janacek ou Benjamin Britten).
Quant aux œuvres baroques, rares au MET, elles devaient être représentées cette saison par la nouvelle production de ‘Semele’ mise en scène par Claus Guth, en coproduction avec Munich, où elle fit un tabac au festival d’été 2023, mais elle a du être reportée pour des questions budgétaires.
5 ouvrages en 3 langues différentes dont 3 nouvelles productions dirigées par Yannick Nézet-Seguin
Toujours engagé dans la rénovation de l’esprit du MET, Yannick Nézet Séguin conduira 5 spectacles dont 3 nouvelles productions, ‘Grounded’ de Jeanine Tesori, avec Emily d’Angelo (création au Washington National Opera en 2023), dans une version remaniée au premier acte et une nouvelle musique, 'Salome’ (nouvelle production par Claus Guth), et ‘Aida’ (la seule nouvelle production 100% MET), qui sera aussi dirigée par Alexander Soddy, ainsi que les reprises de ‘La Bohème’ et ‘Die Frau ohne schatten’.
A ces 3 nouvelles productions s’ajoutent celles d’‘Ainadamar’ (coproduction Opera Ventures, Scottish Opera, Detroit Opera, et Welsh National Opera) mis en scène par Deborah Colker et conduite par Miguel Harth-Beyoda, ‘Antony and Cleopatra’ (création au San Fransisco Opera en 2022) mis en scène par Elkhanah Pulitzer et dirigée par son compositeur, John Adams, et 'Moby Dick’ (coproduction Dallas Opera, State Opera of South Australia, Calgary Opera, San Diego Opera, et San Francisco Opera) mis en scène par Leonard Foglia sous la direction de Karen Kamensek.
Et si l’on s’intéresse aux artistes français, Clémentine Margaine et Benjamin Bernheim défendront ‘Les Contes d’Hoffmann’, respectivement en Giulietta et Hoffmann, Nicolas Teste incarnera Colline dans ‘La Bohème’, et Marianne Crebassa sera Cherubino des ‘Noces de Figaro’.
8 productions du MET en direct au cinéma en HD
Samedi 05 octobre 2024 - 12h55 (EST) : Les Contes d’Hoffmann
Samedi 19 octobre 2024 - 12h55 (EST) : Grounded (Nouvelle production)
Samedi 23 novembre 2024 - 12h55 (EST) : Tosca
Samedi 25 janvier 2025 - 12h55 (EST) : Aida (Nouvelle production)
Samedi 15 mars 2025 - 12h55 (EST) : Fidelio
Samedi 26 avril 2025 - 12h55 (EST) : Les Noces de Figaro
Samedi 17 mai 2025 - 12h55 (EST) : Salome (Nouvelle production)
Samedi 31 mai 2025 - 12h55 (EST) : Le Barbier de Séville
Le détail de la saison 2024/2025 du MET peut être consulté sous le lien suivant : On Stage 2024–25
La présentation de la saison 2023/2024 peut être consultée sous le lien suivant : Saison 2023/2024 du New-York Metropolitan Opera (MET)