La Damnation de Faust (Hymel-Abdrazakov-Garanča-Gardner) New-York MET

Publié le 4 Février 2020

La Damnation de Faust (Hector Berlioz – 1846)
Version de concert du 25 janvier 2020
Metropolitan Opera de New-York

Marguerite Elīna Garanča
Faust Bryan Hymel
Méphistophélès Ildar Abdrazakov

Brander Patrick Carfizzi

Direction musicale Edward Gardner

La Damnation de Faust fit son apparition en version de concert le 02 février 1896 dans la première salle du MET localisée sur Broadway et 39e street, et connut sa première mise en scène en ce même lieu le 07 décembre 1906.  Un an après, une autre production sera par ailleurs montée au Manhattan Opera House d’Oscar Hammerstein, le concurrent du MET, ce qui montre combien cet ouvrage faisait partie des œuvres jugées innovantes à ce moment là.

Elīna Garanča (Marguerite)

Elīna Garanča (Marguerite)

Jouée à l’Opéra Bastille à 3 reprises en début d’été 2001, 2004 et 2006, la production de La Damnation de Faust de Robert Lepage, d’une très grande force visuelle, devait être reprise au Metropolitan Opera de New-York en ce début d’année 2020, mais des contraintes techniques et financières non clairement explicitées n’ont pas permis de la revoir.

Si bien qu’en ce samedi 25 janvier, et en tout début d’après-midi, c’est une version de concert qui est proposée aux auditeurs.

Elīna Garanča (Marguerite)

Elīna Garanča (Marguerite)

Malgré une salle relativement peu remplie, à 60 % au maximum, c’est une version d’une très grande solennité et d’un généreux envoûtement vocal et orchestral qui est pourtant jouée, et un petit évènement renforce son intérêt avec le retour sur scène de Bryan Hymel.

Ce chanteur, qui s’était fait connaître à l’été 2012 lorsqu’il avait remplacé Jonas Kaufmann dans Les Troyens de Berlioz, au Covent Garden de Londres, s’était fait rare depuis 18 mois, entretenant toutes sortes de spéculations à son sujet.

Bryan Hymel (Faust)

Bryan Hymel (Faust)

Quel n’est pas l’émerveillement en découvrant un artiste de retour sur scène qui se révèle dès la première représentation à l'un des sommets de sa carrière. Ampleur du souffle, quiétude et solidité infaillible, il est de bout-en-bout un Faust véritablement métamorphosé en colosse de la nature. Son attitude donne une stature prophétique inhabituelle au vieux savant, et l’une des caractéristiques de son timbre qui avait tendance auparavant à perdre en couleur et étoffe dans les aigus conserve cette fois une homogénéité beaucoup plus affirmée.

Cette sensation d’assurance devient à elle seule un motif d’emprise visuelle et vocale absolument fascinante.

Ildar Abdrazakov (Méphistophélès)

Ildar Abdrazakov (Méphistophélès)

A ses côtés, Ildar Abdrazakov apparaît presque plus modeste, voué avec décontraction à rendre à Méphistophélès une noirceur luxuriante intériorisée et sympathique, sans pour autant afficher un mordant intense qui lui permette de dominer la puissance ancrée sur scène par Bryan Hymel.

Elīna Garanča (Marguerite)

Elīna Garanča (Marguerite)

L’arrivée majestueuse et grave d’Elīna Garanča conforte alors cet étrange sentiment de déité qui imprègne toute l’interprétation de l’œuvre. Aucun pathos, aucun sentimentalisme au bord des lèvres, la chanteuse lettone apparaît telle une Athéna irradiante qui, surtout, s’appuie sur la flamboyance et l’intensité de ses aigus pour donner à sa présence une dimension implacable.

« D’Amour l’ardente flamme» dévoile progressivement que la classe de sa voix puissante ne verse pas pour autant dans la volupté d’ébène, et que son tempérament est celui d’une soprano tragique.

Elīna Garanča et le choeur d'enfants

Elīna Garanča et le choeur d'enfants

Enveloppés par un chœur empli de sentiment de recueillement, riche de l’intensité de ses voix féminines et du charme de ses voix d’enfants lors de la scène finale, ces trois grands artistes sont également portés par un Edward Gardner passionnément engagé à exprimer la flamme de la musique de Berlioz et sa théâtralité sans concession.

Patrick Carfizzi, Elīna Garanča, Edward Gardner, Bryan Hymel

Patrick Carfizzi, Elīna Garanča, Edward Gardner, Bryan Hymel

Que de grandes envolées et de déchaînements d’éléments évoquant la force des océans qui s’abattent contre la scène, de mélanges de textures consistantes et souples à la fois, de sonorités fortes et atypiques de la part des vents, une énergie dont on ressort renforcé et heureux par l’amour de l’art que tous avons partagé au plus haut degré d’expression musicale!

Rédigé par David

Publié dans #Saison 2019-2020, #Berlioz, #Garanca, #Hymel, #Abdrazakov, #Gardner, #Opéra, #MET

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