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Publié le 23 Septembre 2016

Esa-Pekka Salonen - Philharmonia Orchestra
Concert du 22 septembre 2016
Théâtre des Champs-Elysées

Igor Stravinsky
Fanfare pour trois trompettes
Symphonies d’instruments à vent

Ludwig van Beethoven  
Symphonie n° 3 en mi bémol majeur « Héroïque »
Jean Sibelius
Symphonie n° 5 en mi bémol majeur

Direction musicale Esa-Pekka Salonen
Philharmonia Orchestra

 

C’est un magnifique programme, en apparence hétéroclite, qu’Esa-Pekka Salonen et le Philharmonia Orchestra nous offrent ce jeudi soir au Théâtre des Champs-Elysées, emporté par un ensemble de musiciens vifs et galvanisés par les fulgurances de leur chef.

Première image saisissante que de voir Esa-Pekka Salonen séparé de sa section de vents par un encerclement de chaises vides. Cette disposition aussi peu conventionnelle a cependant pour effet de renforcer ce qu’il y a d’inédit dans cette fanfare pétaradante aux impressions éclatantes.

Esa-Pekka Salonen

Esa-Pekka Salonen

S’en suit le déroulé des ‘symphonies d’instruments à vent’, puissantes et gorgées d’un son généreusement chaud, dont la force pulsante ancre l’instant dans une réalité intense et prenante.

Et une fois l’orchestre au complet pour interpréter la '3ième symphonie' de Beethoven, nous sommes pris par une lecture enthousiaste, presque vaillante, sans aucune lourdeur.

Tous ces timbres, portés par des lignes rebondies sous tension permanente, se colorent ainsi les uns les autres, au point de nous saisir d'une jeunesse d’esprit pure et chantante.

Esa-Pekka Salonen et le Philharmonia Orchestra - ‘symphonie d’instruments à vents’

Esa-Pekka Salonen et le Philharmonia Orchestra - ‘symphonie d’instruments à vents’

Mais la grande surprise de la soirée provient du fabuleux voyage de la '5ième symphonie' de Jean Sibelius, qui évoque les forêts et reliefs du Grand Nord.

Amples respirations de l’orchestre, tempi implacables, forte concentration et détermination des musiciens, merveilleuse transformation du déploiement symphonique en mélodies pastorales, comme si nous sortions d’un survol chaotique en montagne pour atterrir dans un paisible village, un envol vers des contrées imaginaires qu’il est rare de vivre dans une salle de concert.

Esa-Pekka Salonen

Esa-Pekka Salonen

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Publié le 3 Septembre 2016

Wolfgang Amadé Mozart / Anton Bruckner (Daniel Barenboim)
Concerts du 02 et 09 septembre 2016 et 07 janvier 2017
Philharmonie de Paris – Grande Salle

Concerto pour piano et orchestre n°24 (1786)
Symphonie n°4 en mi bémol majeur « Romantique » (1888)

Piano et direction Daniel Barenboim
Orchestre de la Staatskapelle Berlin

L’intégralité des symphonies d’Anton Bruckner, précédées d’une sélection de concertos écrits par Mozart pour le piano, va résonner pendant un an au cœur de la Philharmonie de Paris, sous les coups de trois salves, une première en septembre 2016, une seconde en janvier 2017, et une dernière en septembre 2017.

Daniel Barenboim et la Staatskapelle Berlin ont ainsi commencé, ce soir, à ranimer la lumière flamboyante de la culture musicale autrichienne des XVIIIème et XIXème siècles dont le cœur artistique palpitait entre Salzbourg, Vienne et Linz.

Daniel Barenboim - Photo Monica Ritterhaus

Daniel Barenboim - Photo Monica Ritterhaus

L’introduction par le 'Concerto pour piano n°24' de Mozart, créé juste avant ‘Les Noces de Figaro’, teinte d’emblée l’espace vide de la grande salle d’une tonalité tragique qui annonce, dans le premier mouvement, l’ouverture de ‘Don Giovanni’.

Les enlacements de flûtes et l’urgence des cordes instaurent cette présence mozartienne qui nous est si familière, puis, les accords de piano viennent s’y superposer, et s’y noyer, dans un élan fantaisiste mais guindé de l’élégante dextérité du pianiste et chef d’orchestre qui l’empreint d’une solennité pesante.

Daniel Barenboim - Salut final de la 6ième symphonie de Bruckner

Daniel Barenboim - Salut final de la 6ième symphonie de Bruckner

La densité et la prégnance de la musique de Mozart se diluent vraisemblablement trop dans cette vastitude, mais l’esprit de recueillement s’installe pourtant confortablement.

Ce premier concerto prend en toute évidence la forme d’un palier de décompression avant que ne se déploie l’une des symphonies les plus monumentales de Bruckner.

Car la lecture pleine de respirations et d’une clarté somptueuse qui en est faite contraste avec la droiture affichée par Daniel Barenboim dans le concerto mozartien.

Cette fois, l’orchestre a plus que doublé de volume, et l’éventail des cordes, soutenu en arrière-plan par l’ensemble des vents, est dominé par une section de huit contrebasses donnant une image d’ensemble fortement structurée.

Mais la musique, elle, est prodigieusement épanouie et sublimée par l’acoustique de la Philharmonie.

Non seulement les solos d’instruments forment des motifs d’une pureté magnifique, mais la montée des cadences et l’étendue du voile orchestral s’animent d’une belle énergie confiante, et le chef israélien donne ainsi l’impression de maîtriser généreusement un ensemble qui ne demande qu’à filer, et même se précipiter, vers des gouffres fracassants pour mieux en renaître plein d’allant.

La perception des détails met ainsi en valeur la nature répétitive des phrases qui évoquent, à certains moments, les réminiscences chères à la musique de Philip Glass.

Orchestre de la Staatskapelle Berlin - salut final de la 7ième symphonie de Bruckner

Orchestre de la Staatskapelle Berlin - salut final de la 7ième symphonie de Bruckner

Lustre des cuivres sans être écrasants, tension des percussions sans être assourdissantes, cette impression de puissance et d’aisance se combine également à d’impressionnants effets d’échos qui ajoutent, parfois, une sensation d’infini autour du corps orchestral.

Daniel Barenboim et la Staatskapelle Berlin sortent d’un concerto mozartien crépusculaire, mais ressortent avec une nouvelle jeunesse de cette « Romantique » dont ils se sont évertués à dépasser les noirceurs.

 

Symphonie concertante pour hautbois, clarinette, cor et basson  en mi bémol (1778?)
Symphonie n°7 en mi majeur (1884)

Une semaine plus tard, la formation allemande est à nouveau déployée sous le regard concentrique des spectateurs, mais cette fois, c'est l'énigmatique symphonie concertante pour hautbois, clarinette, cor et basson, attribuée à Mozart, qui ouvre la soirée.

D'une tonalité bien plus légère que le concerto pour piano et orchestre n°24, l'ensemble est joué avec une belle fluidité, et toute l'âme malicieuse qui s'en dégage semble provenir d'un merveilleux hautboïste, Gregor Witt, qui dessine d'élégantes arabesques fines et nuancées en clin d'oeil vers ses partenaires.

La symphonie de Bruckner jouée en seconde partie de soirée, la 7ème, est naturellement un des sommets de ce cycle.

Daniel Barenboim - salut final de la 7ième symphonie de Bruckner

Daniel Barenboim - salut final de la 7ième symphonie de Bruckner

Elle est en effet chargée d'une symbolique sombre et mystique, où se rejoignent l'univers fantastique de Louis II de Bavière, le dédicataire de l'oeuvre, et celui de Luchino Visconti, qui fit de ce Roi le sujet d'un de ses chefs-d'oeuvre, "Le Crépuscule des Dieux", et qui utilisa également l'esthétique de l'adagio de la 7ème pour sublimer l'atmosphère décadente du Venise de son premier film baroque, "Senso".

Comme pour l'interprétation de la "Romantique", on retrouve chez Daniel Barenboim et les musiciens de la Staatskapelle un talent majestueux pour l'ampleur lumineuse et l'hédonisme sonore, mais surtout, la puissance et l'éclat de l'orchestre s'accomplissent dans la salle de la Philharmonie en jouant d'effets acoustiques parfois très surprenants. 

Les cors se reflètent ainsi sur les plafonds des balcons, les sons des cordes flottent en suspension au-dessus de l'ensemble, et les déflagrations des chutes orchestrales s'évanouissent le long des parois dans de fulgurants mouvements de fuite vers l'arrière de la salle. 

C'est absolument saisissant à entendre.

Daniel Barenboim - Concerto n°22 de Mozart - 07 janvier 2017

Daniel Barenboim - Concerto n°22 de Mozart - 07 janvier 2017

Concerto pour piano n°22 en mi bémol majeur K.482
Symphonie n°3 en ré mineur "Wagnérienne" (1877)


C'est au cours des tous premiers jours de l'année 2017 que la seconde partie du cycle Mozart-Bruckner interprété par Daniel Barenboim et la Staatskapelle de Berlin se poursuit en revenant sur les premières oeuvres du compositeur originaire de Linz.

En première partie de soirée, le 07 janvier, le bel allant de la formation décrit un Mozart moelleux et vif, subtil lorsque les filaments des violons se détachent et se dissipent dans l’atmosphère réflexive de la Philharmonie, et flamboyant avec une intensité qui se resserre au dernier mouvement. Daniel Barenboim, au piano, joue beaucoup d’effets de nuances absolument captivants par leur optimisme, privilégiant, à certains moments, le courant pianistique à la précision, et à d’autres, le contraste d’une seule note pour marquer l’attention dans l’instant.

Daniel Barenboim - Symphonie n°3 de Bruckner - 07 janvier 2017

Daniel Barenboim - Symphonie n°3 de Bruckner - 07 janvier 2017

En seconde partie, l’interprétation de la troisième symphonie d'Anton Bruckner montre à quel point ses dimensions requièrent une habilité et une tension qui peuvent expliquer la difficulté que le compositeur eut à la diriger lors de sa création.
Daniel Barenboim tient son orchestre à bout de corps, l’esprit sévère mais prêt à revenir à une détente légère quand les réminiscences de valses surviennent, les attaques des cuivres fusent et soutiennent une architecture monumentale pour laquelle on ressent une adhésion infaillible des musiciens, et ce souffle paraît presque incroyable tant Bruckner cherche dans cette symphonie à trop impressionner.

Paradoxalement, le pathétisme de l’adagio est à peine fiévreux, emprunt d'une sérénité qui invite au rêve plus qu'à un grand voyage imaginaire.

Soirée d'une grande unité pour deux oeuvres pourtant bien dissemblables.

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Publié le 18 Juin 2016

Représentations du 17 juin 2016 (14h et 20h30)
Durée 1h30 - Espace municipal Jean Vilar

 

Piano Julie Traouën
Baryton Emmanuel Gendre
Mise en scène et récitante Dorothée Daffy
Création Lumières Patricia Luis-Ravelo

Textes et Musiques Erik Satie (1866-1925)

La troupe des Cassandres réunit des artistes du monde musical et théâtral afin de faire connaître de nouvelles formes de spectacles alliant Art Lyrique, mises en scène vivantes, et regard audacieux sur la manière de partager sa passion avec le public.                       Erik Satie

 

Quand, en 1898, il n’eut plus suffisamment de moyens pour vivre à Montmartre, Erik Satie s’installa dans le village d’Arcueil, village traversé par le quadri-centenaire aqueduc Médicis, auquel il resta attaché pendant près de trente ans jusqu’à sa mort en 1925.

Le compositeur et pianiste français, qui vécut dans la pauvreté toute la seconde partie de sa vie, est pourtant un caractère essentiel de la culture musicale française.  

Dorothée Daffy (Récitante)

Dorothée Daffy (Récitante)

Il s’opposa au culte du public pour Richard Wagner – le compositeur allemand avait totalement investi la programmation de l’Opéra de Paris, et son ‘Vaisseau Fantôme’ était même joué sur la scène de la Salle Favart -, et fut le père, avec Jean Cocteau, du ‘groupe des six’ dont sont issus Arthur Honegger, Darius Milhaud et Francis Poulenc.

Il a donc fortement influencé le renouveau musical au XXème siècle et permis l’émergence de nouveaux musiciens et compositeurs d’opéras régulièrement joués aujourd’hui.

 

Lettre à Jean Poueigh (adaptation sour forme de carte postale)

Lettre à Jean Poueigh (adaptation sour forme de carte postale)

Et, en 1916, alors que se constituait ce groupe des six musiciens, Erik Satie composa pour Serge de Diaghilev le ballet ‘Parade’ sur un poème de Jean Cocteau.

Ce ballet opposait, en pleine première Guerre Mondiale, la poésie à la brutalité du monde moderne, ce qui lui valut une critique virulente du musicien Jean Poueigh lors de sa création au Théâtre du Châtelet.

Le spectacle des Cassandres rappelle avec humour, sur une simple carte postale, la réponse franche que lui fit Erik Satie.

Dorothée Daffy - réflexion sur un fauteuil en forme de poire

Dorothée Daffy - réflexion sur un fauteuil en forme de poire

Autre clin d’œil, cette fois affectueux, les 'Trois morceaux en forme de poire' – poire symbolisée sur scène par un pouf affaissé – sont chantés en hommage à Claude Debussy et à son opéra ‘Pelléas et Mélisande’, qui fut raillé par une part de la critique parisienne pour sa soi-disante absence de forme.

Le jeune public du spectacle joué en début d'après-midi

Le jeune public du spectacle joué en début d'après-midi

Mais quand il arriva à Arcueil, Erik Satie eut du mal à s’habituer à son univers ouvrier.

Il s’impliqua cependant dans la vie de la commune et s’investit principalement pour les enfants défavorisés, en leur donnant des cours de solfège et en les amenant en balade par classes entières.

Et c’est ce lien fort avec les enfants que Les Cassandres nous rappellent à travers un spectacle d’une intelligence rare porté par une trentaine d’œuvres d’Erik Satie – dont les Gymnopédies, Gnossiennes, La Diva de l’empire, Je te veux, Clair de Lune de Claude Debussy, Les jeux d'eau de Maurice Ravel, Rag time …- jouées en contrepoint des textes méconnus du musicien.

Dorothée Daffy (Récitante) et Emmanuel Gendre (Baryton)

Dorothée Daffy (Récitante) et Emmanuel Gendre (Baryton)

Ce spectacle, écourté de trente minutes dans sa version pour enfant, est d’abord joué devant 200 élèves d'une école primaire d'Arcueil, en début d'après-midi.

Il faut imaginer ce qu’est l’ambiance dans une salle emplie d’enfants, un fond de chuchotements incessant, des réactions à fleur de peau en réponses aux questionnements des comédiens, une indistinction entre rôles et acteurs, et une absence de barrière mentale entre scène et salle.

Dorothée Daffy (Récitante)

Dorothée Daffy (Récitante)

Dorothée Daffy, en Satie féminin, leur renvoie un portrait fort et empreint d’un charme ironique très drôle.

Douée d’une diction pleinement satyrique, elle donne à voir toute la vitalité loufoque du compositeur et son environnement poétique, et sort ainsi ce récital classique d’une interprétation conventionnelle qui pourrait paraître trop sérieuse.

Emmanuel Gendre (Baryton)

Emmanuel Gendre (Baryton)

Elle est accompagnée par Emmanuel Gendre, jeune baryton qui aime impressionner son public en se mêlant à lui à travers les rangs de la salle, dont l’interprétation déjantée des airs populaires de Satie montre aussi à quel point le chant lyrique peut être l’expression théâtrale d’une exubérante joie de vivre.

Si ce spectacle pour enfants comprend un court métrage accéléré filmé à travers les rues d’Arcueil, en passant devant la façade jaune de l’appartement d'Erik Satie pour finir sur sa pierre tombale, il remémore essentiellement son attachement à leur ville - sans oublier un passage par les manèges géants de la fête foraine.

Et le second spectacle donné en soirée devant un public mixte d'adultes et d’enfants révèle encore plus largement son univers inépuisable.

Julie Traouën (Pianiste) - en fond de scène, extrait d' 'Entr'acte'

Julie Traouën (Pianiste) - en fond de scène, extrait d' 'Entr'acte'

Cette seconde version s’ouvre sur un extrait du film surréaliste de René Clair (1924), ‘Entr'acte’, et, en particulier, sur la scène du coup de canon tiré par Satie et Picabia.

Cette fois, les trois personnages, récitante, baryton et pianiste sont habillés à l’identique, en veste noire et pantalon blanc, et se présentent comme des facettes distinctes du même artiste.

De nouvelles scènes font allusion à Beethoven et son ‘Hymne à la joie’ devenu l'emblème de l’Europe unie, et, surtout, des enfants apparaissent à plusieurs reprises sur scène en tant que figurants.

Enfant jouant sur scène

Enfant jouant sur scène

Ces enfants, pris parmi les plus disciplinés, ne sont pas pour autant les moins vifs, et on les admire quand ils traversent la scène en courant, rampent joyeusement par terre, dessinent à la craie sur le sol, et, surtout, quand ils viennent achever le spectacle en chantant tous en chœur ‘Allons-y Chochotte’, tout en affichant des personnalités différentes, de l’exubérance incontrôlée au calme le plus retenu, et tous couverts du chapeau melon d’Erik Satie.

Julie Traouën (Pianiste)

Julie Traouën (Pianiste)

Et Julie Traouën, la talentueuse pianiste qui, sous un immense parapluie - un autre objet attaché au compositeur -, nous fait vivre les multiples facettes de cet univers musical facétieux et mélancolique avec un sens des nuances merveilleux, rend un très bel hommage au musicien en se prêtant, elle aussi, à ces facéties.

Enfants du choeur final

Enfants du choeur final

Magnifiques sonorités pleines et lumineuses, en profonde osmose avec l’esprit d'une époque bohème, les auditeurs ont bien compris qu’ils ont vécu un spectacle complet et sensoriel inoubliable.

 

Lien vers le site des Cassandres.

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Publié le 13 Mai 2016

Wagner Monologues (Richard Wagner)
Concert du 11 mai 2016

Philharmonie de Paris – Grande Salle

Tristan et Isolde  Prélude
Tristan et Isolde  Monologue du roi Marke
Le Vaisseau fantôme  Monologue du Hollandais
La Walkyrie  Adieux de Wotan et incantation du feu (version réduite)

Matthias Goerne, Baryton
Direction musicale Christoph Eschenbach
Orchestre de Paris

A la veille de la première représentation de ‘Tristan und Isolde’ au Théâtre des Champs Elysées, l’un des événements lyriques très attendu de la saison parisienne, la montée diffuse et progressive des premiers accords de l’ouverture, ce soir, résonne comme les prémices à une immersion imminente dans l’univers sombre de Richard Wagner.

L’ampleur de la voilure de l’Orchestre de Paris est de suite enveloppante, animée par une houle qui se déroule dans une majesté très féminine, séductrice, mais également sans point d’impact fort. Christoph Eschenbach semble ainsi emporté par un univers imaginaire qui déborde dans l'espace de la salle.

Matthias Goerne - le 11 mai 2016 à la Philharmonie de Paris

Matthias Goerne - le 11 mai 2016 à la Philharmonie de Paris

Et Matthias Goerne, avec sa voix de Wolfram lunaire, fascinant par la souplesse avec laquelle il vit de son corps, décline son arc-en-ciel de nuances du clair vers l'obscur pour incarner des personnages wagnériens bien plus autoritaires que le chevalier de 'Tannhäuser', un capitaine, Le Hollandais, un roi, Marke, et un dieu, Wotan.

Cette interprétation, où direction orchestrale et chant se rejoignent dans un lyrisme dépouillé de toute névrose, se dématérialise et donne ainsi une sensation d’irréalité inhabituelle, amplifiée par l’acoustique de la Philharmonie.

Mais l’on entend également des accents portés par les accords cuivrés du ‘Vaisseau Fantôme’ qui paraissent comme jamais aussi évocateurs de ceux du dragon Fafner dans ‘Siegfried’.

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Publié le 20 Avril 2016

Gurre-Lieder (Arnold Schönberg) - 1912
Concert du 19 avril 2016
Philharmonie de Paris – Grande salle

Waldemar Andreas Schager
Tove Irène Theorin
Waldtaube Sarah Connolly
Bauer Jochen Schmeckenbecher
Klaus-Narr Andreas Conrad
Sprecher Franz Mazura

Direction musicale Philippe Jordan
Orchestre de l’Opéra National de Paris
Chœurs de l’Opéra National de Paris et Chœur Philharmonique de Prague

Après les Variations pour orchestre, Moïse et Aaron, le quatuor à cordes n°2 et Pierrot Lunaire, Philippe Jordan poursuit une ligne musicale tracée à travers l’univers sonore complexe d’Arnold Schönberg, pour embrasser une des œuvres qui enflamme probablement le mieux son âme lyrique et symphonique, les Gurre-Lieder.

Ce poème de près de deux heures qui croise les inspirations langoureuses de Tristan et Isolde (Richard Wagner) et du Roi Arthus (Ernest Chausson) n’est en effet pas altéré par l’écriture atonale que le compositeur autrichien développera plus tard.

Philippe Jordan et l'Orchestre National de Paris

Philippe Jordan et l'Orchestre National de Paris

Le directeur musical de l’Opéra National de Paris devient donc l’Empereur d’un répertoire qu’il épouse d’une gestuelle à la fois emphatique et rigoureuse, face à un orchestre dont il aime soulever la houle dans une plénitude qui fait la part belle aux élans romantiques et élancés de cuivres volcaniques.

La rondeur orchestrale claire et majestueuse laisse moins ressortir les détails des bois comme on pourrait l’entendre dans la fosse de Bastille, mais une telle interprétation invite à un voyage surnaturel dont les voix, noyées par les effets acoustiques qui longent les balcons d’arrière-scène, perdent cependant en sensibilité expressive.

Andreas Schager impose une vaillance tendre, mais, néanmoins, Sarah Connolly est la plus impressionnante par son rayonnement et la gravité d’un timbre qui ramène dans un présent tragique toutes les pensées inspirées par la musique.

Philippe Jordan - Gurrelieder (Philharmonie)

Philippe Jordan - Gurrelieder (Philharmonie)

Chœurs sévères et bienveillants à la fois, un mur vocal au pied duquel les musiciens semblent décrire un fleuve qui tente de le submerger, l’ampleur de cette soirée nous laisse ainsi cette grande impression d’un fabuleux sentiment de libération dominé, répétons-le, par la prestance souveraine de Philippe Jordan.

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Publié le 7 Novembre 2015

Waltraud Meier - Wagner, Mahler : de la partition à l’incarnation

Master class du 05 novembre 2015
Abbaye de Royaumont

Waltraud Meier soprano
Vincent Huguet metteur en scène
Alphonse Cemin chef de chant

et les stagiaires :

Marc Haffner, Daniel Philipp Witte ténors
Julie Robard-Gendre, Marion Gomar mezzos-sopranos
Soumaya Hallak, Axelle Fanyo sopranos
Benjamin Mayenobe baryton
Douglas Henderson basse                                               Waltraud Meier
Tanguy de Williencourt, Sarah Ristorcelli piano

Pendant toute une semaine, l’Abbaye de Royaumont, un ancien monastère cistercien construit sous Saint-Louis, accueille la plus grande chanteuse wagnérienne des vingt dernières années, Waltraud Meier.

Accompagnée par Vincent Huguet - qui assista Patrice Chéreau sur Elektra de Strauss en 2013 -, elle offre la chance à dix chanteurs de travailler les cinq rôles principaux de Tannhaüser, Tannhäuser, Elizabeth, Venus, Wolfram, le Landgrave Herman.
Parmi ces chanteurs, on retrouve Marc Haffner, qui avait interprété Siegmund dans le Ring Saga qui avait été donné à la Cité de la Musique en 2011.

Waltraud Meier

Waltraud Meier

Avant d’entrer dans le cloitre, la traversée des jardins mène sur la vision gothique et chargée d’imaginaire médiéval des ruines de l’église abbatiale, puis, après avoir gravi les étages de l’hôtellerie, nous arrivons dans une grande pièce sous les toits, où les élèves, assis en demi-cercle comme les chevaliers autour de la table ronde, rendent un premier hommage à Waltraud Meier par cette simple disposition.

Face à eux, une centaine de spectateurs venus de toute la région parisienne n’attendent que le début de la leçon.

Edouard Fouré Caul-Futy, jeune présentateur, commence par rappeler, dans un hommage dit avec une très belle empathie et un ton très agréable à écouter, le parcours de la soprano allemande, et notamment son lien avec le metteur en scène Patrice Chéreau.

Waltraud Meier, telle une institutrice devant ses enfants, engage alors un échange avec le public afin de lui donner quelques rudiments de sa vision de l’incarnation. Le chant ne suffit pas, et ne peut rien exprimer s’il n’est pas vécu de l’intérieur.

Ruines de l’église abbatiale de Royaumont

Ruines de l’église abbatiale de Royaumont

Elle insiste donc sur la responsabilité que prend le chanteur en engageant pour un rôle - sur lequel il a préalablement réfléchi aux motivations et à la direction dans la vie – ses propres souvenirs émotionnels et  personnels qu’il va instrumentaliser pour vivre son personnage.

Elle démontre inconsciemment que l’opéra n’est pas la vie, puisque les émotions en jeu appartiennent à un passé qui est en fait déjà mort. Et pour l'auditeur, l'opéra est l'occasion de vivre ainsi des émotions qu'il ne vivra pas forcément dans sa vie réelle.

Elle pose ensuite la question du corps, de la capacité de chacun à l’utiliser et à savoir quoi en faire.
A travers un petit jeu avec le public, elle tente de lui faire prendre conscience de la difficulté à coordonner à la fois le chant et le geste.

Waltraud Meier

Waltraud Meier

Puis, elle se met à l’écart, sur une chaise simplement posée à gauche du public, pour assister à un extrait du deuxième acte de Tannhaüser, la scène du concours de chant qui dure jusqu’au chant de louange à Vénus qui va scandaliser l’assistance de la Wartburg.

Le travail des chanteurs est évident, pas uniquement vocalement, mais par la crédibilité des émotions qu’ils mettent en jeu. Daniel Philipp Witte, chanteur blond et bonhomme, a quelque chose dans la clarté franche du timbre qui rappelle Christopher Ventris, Marc Haffner, en Walther, joue le scandale avec une teinte de sympathie, Benjamin Mayenobe livre un Wolfram au souffle très bien canalisé, et Soumaya Hallak, en Elisabeth, fait ressentir ce conflit intérieur qu’engendrent les propos d’un homme qu’elle estime profondément.

Daniel Philipp Witte et Marc Haffner

Daniel Philipp Witte et Marc Haffner

Quant au timbre du jeune Douglas Henderson, qui chantait dans les jardins extérieurs, seul avant la classe, la gravité souple qu’il impose avec panache exprime un certain plaisir d’être.

Et pendant tout ce spectacle accompagné au piano et par Alphonse Cemin, le directeur de chant, Waltraud Meier est restée assise dans son coin à vivre aussi intensément cette scène avec les jeunes chanteurs comme le faisait Patrice Chéreau avec elle même.

Le metteur en scène avec lequel elle a longtemps travaillé lui manque énormément, et c’est ce que l’on aura ressenti le plus ce soir.
A la fin du spectacle, elle se lève simplement pour dire que c’est fini, et en remercie tout le monde y compris, bien entendu, le public.

Il n’est pas possible de rendre totalement la lumière incroyable dans son regard brillant d’émeraude au cours d'un bref échange de quelques mots personnels tenu avec elle sur sa carrière.

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Publié le 6 Novembre 2015

Orchestre de chambre de Paris (Britten-Tippett)
Un jeu d'échos du baroque à Britten entre l'Angleterre et l'Italie.

Concert du 03 novembre 2015
Théâtre des Champs Elysées

Corelli  Concerto grosso op. 6 n° 2
Tippett  Fantaisie concertante sur un thème de Corelli
Britten  Sérénade pour ténor, cor et cordes op. 31
Purcell  Fantasia
Britten  Variations sur un thème de Frank Bridge op. 10

Ténor   Andrew Staples                                           Cor Stefan Dohr
Direction musicale Douglas Boyd

                                                   Stefan Dohr        

Les couleurs et l’atmosphère que l’on associe naturellement à la musique de chambre sont d’une intériorité austère, parfois joyeuse, et renferment toujours une part de vérité grinçante.

C’est donc une surprise pour l’auditeur que d’entendre l’Orchestre de Chambre de Paris débuter ce concert sur la musique de Corelli, qui est une pièce vibrante et légère, propice aux évocations des ambiances de fêtes vénitiennes imaginaires, dominées par la brillance des premiers violons.

Andrew Staples

Andrew Staples

Par la suite, on comprend que Michael Tippett a repris les thèmes de ce concerto pour composer une fantaisie concertante. Les mouvements de cette composition sont cependant bien plus profonds, et Douglas Boyd, chef volubile et entrainant, montre comment un orchestre composé d’une trentaine de musiciens, tous munis de bois et d’archers, peut renvoyer vers la salle, plongée dans une pénombre un peu triste, un univers ample et sensuel traversé de noirceur et de sonorités pigmentées de métal.

Se présentent alors Andrew Staples,  le regard en paix, calme et concentré, et le corniste Stefan Dohr. Andrew Staples est un ténor britannique peu connu en France, pour le moment, ce qui rend l’attente avant qu’il ne chante que plus intrigante. Suavité éthérée d’une douceur magnifique, harmonie totale avec les lignes mélancoliques de la sérénade de Benjamin Britten, ce qu’il fait en duo au son du cuivre tout aussi chaleureux et poli du cor est d’une grâce captivante qui nous recentre dans l’instant.

Orchestre de Chambre de Paris

Orchestre de Chambre de Paris

On retrouve ensuite, dans la seconde partie, ces mêmes lignes orchestrales, fines et saillantes, aussi bien dans Britten que Purcell, un orchestre audacieux qui dispense une énergie communicative pour le reste de la nuit.

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Publié le 26 Octobre 2015

Arnold Schönberg  (Quatuor à cordes n°2 - Pierrot Lunaire)

Concert du 25 octobre 2015
Palais Garnier

Quatuor à Cordes n°2, op.10 (1908)
Violons Frédéric Laroque, Vanessa Jean
Alto Laurent Verney
Violoncelle Aurélien Sabouret

Pierrot Lunaire, op.21 (1912)
Violon Frédéric Laroque
Alto Laurent Verney
Violoncelle Aurélien Sabouret
Flûte et Piccolo Catherine Cantin
Clarinette Véronique Cotter-Dumoulin
Clarinette Basse Bruno Martinez
Piano François Frédéric Guy

Soprano Caroline Stein

Direction musicale Philippe Jordan 

Alors que les représentations de Moïse et Aaron viennent de débuter à l’Opéra Bastille depuis quelques jours, les solistes de l’Opéra National de Paris consacrent par un doux dimanche d’automne une soirée à l’univers musical d’Arnold Schönberg. Nous sommes transportés peu avant la Grande Guerre, au moment où le compositeur s’apprête à dépasser sa passion pour l’art de Richard Wagner et Richard Strauss, et se dirige vers l’écriture atonale révélatrice des sentiments angoissés d’une époque surgie du romantisme national.

Partition du Quatuor à cordes n°2

Partition du Quatuor à cordes n°2

Dans la première pièce, le Quatuor à Cordes n°2, baignée par les lumières blafardes du grand lustre du Palais Garnier, les vibrations passionnées du violoncelle d’Aurélien Sabouret créent une tension permanente par les résonances qu’elles entretiennent avec notre propre puissance vitale. Les deux violons de Frédéric Laroque et Vanessa Jean et l’alto de Laurent Verney se répondent sur le ton de la fantaisie. Et au troisième mouvement, le violoncelliste au visage si malicieux jusqu’à présent, prend une gravité un peu sur jouée mais qui s’accorde avec ce climat de plus en plus triste et vrai. 

Caroline Stein, voix technique et légère sans pathos, est alors comme une étincelle vitale qui s’amuse des effets mécaniques d’un langage musical plus espiègle que n'est ce texte profond et désespéré.
Après l’entracte, la salle s’éteint pour ne laisser que quelques projecteurs illuminer le vieux parquet en bois, les fonds des loges de côté restant, eux aussi, allumés.

Le ciel de Paris peu avant Pierrot Lunaire

Le ciel de Paris peu avant Pierrot Lunaire

Clarinettes, flûte, piccolo et piano ont rejoint la scène et Philippe Jordan apparaît dans un état de concentration sereine. En fin mélodiste, il harmonise joliment d'un simple geste l’ensemble tout en conservant la plus grande part de son attention à la soprano. Les maladies de l’âme que drainent partition et poèmes du Pierrot Lunaire donnent dans cette interprétation une sensation de chaleur inattendue de la part du compositeur. Et Caroline Stein raconte ces égarements avec une intelligence qui semble en surplomber les affects douloureux.

Il n’est pas habituel de voir un public aussi nombreux assister à un concert de musique de chambre dans une salle aussi grande, et d’avoir le sentiment que la vie musicale parisienne débute cette saison avec une vitalité qui donne de la joie pour les jours qui vont suivre.

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Publié le 26 Septembre 2015

Philharmonique de Radio France (dm Mikko Franck)
Concert du 25 septembre 2015
Philharmonie – Grande salle

Erich Wolfgang Korngold
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur (1945)
Violon Vilde Frang

Gustav Mahler
Das Lied von der Erde (Le Chant de la terre) (1908)
Mezzo-soprano Alisa Kolosova
Ténor Christian Elsner

Direction musicale Mikko Franck
Orchestre Philharmonique de Radio France

 

                                           Alisa Kolosova

Une semaine après son concert de rentrée à l’Auditorium de la Maison de la Radio, l’Orchestre Philharmonique de Radio France se retrouve dans la grande salle de la Philharmonie pour jouer deux œuvres en mémoire de Gustav Mahler et d’un jeune compositeur qui lui fut présenté alors qu’il n’avait que 9 ans, Erich Wolfgang Korngold.

Mikko Franck

Mikko Franck

Le concert de ce soir ne suit pas l’ordre chronologique, puisqu’il débute par le concerto pour violon en ré majeur, dédié à Alma Mahler-Werfel, la veuve du compositeur autrichien.

Au cours de sa période américaine, Korngold était devenu un fantastique compositeur de musiques de films d’aventures historiques, avec pour héros Errol Flynn, dont l’Aigle des Mers reste le chef-d’œuvre épique.

Ce concerto pour violon marque cependant la fin de cette vie américaine, et la préparation au retour vers le Vieux Continent, sorti enfin de la guerre.

La salle à la fin du concert

La salle à la fin du concert

En avant des emphases d’un orchestre opulent, la violoniste norvégienne Vilde Frang laisse transparaître une personnalité ardente et irradiante, et un sens de l’accompagnement lyrique stupéfiant au fil des ondes de l’ensemble. Les irisations sont travaillées avec une précision d’orfèvre, et sa virtuosité joyeuse est d’autant plus captivante que le Philharmonique lisse les nappes orchestrales sans exagérer la composante hollywoodienne et nostalgique de la musique.

Dans la seconde partie, la composition crépusculaire de Gustav Mahler atteint des sommets d’immatérialité qui imprègnent et subjuguent notre conscience au point de nous faire perdre tout sens du réel.

Christian Elsner

Christian Elsner

Les voiles des cordes s’évaporent de toutes parts, le corps dense des bois du Philharmonique ramène à une sérénité terrestre poétique, et Mikko Franck mène cet élan orchestral vers des hauteurs majestueuses qu’il contrôle magnifiquement, pour les faire s’éteindre ensuite avec un art de l’achèvement d’une perfection impressionnante.

Et Christian Elsner laisse entendre la clarté sans tension de son chant qui, inévitablement, se dilue dans une acoustique peu favorable aux voix, bien que, et ce sera la plus belle des surprises, celle d’ Alisa Kolosova arrive à toucher même ceux qui l’entendent de dos.

Alisa Kolosova

Alisa Kolosova

La mezzo-soprano russe est en effet toujours fascinante dans les rôles charmeurs et posés – Olga, dans Eugène Onéguine, est un personnage qu’elle incarne avec beaucoup de sensualité -, mais, ce soir, elle porte une profonde langueur, un grand chant d’espoir qui s’évade vers un horizon sans limite, amplifiée par les gestes enrobés de Mikko Franck.

Comment avoir envie de parler après avoir entendu une telle beauté d’interprétation?

 

Disponible en réécoute sur France Musique jusqu'au 25 octobre.

 

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Publié le 17 Septembre 2015

Orchestre de l’Opéra National de Paris (Ph.Jordan – G.Kühmeier)
Concert du 16 septembre 2015
Philharmonie – Grande salle

Variations pour orchestre, op.31 (Arnold Schönberg)
Symphonie n°4 (Gustav Mahler)

Soprano Genia Kühmeier
Direction musicale Philippe Jordan
Orchestre de l’Opéra National de Paris

 

 

                                     Philippe Jordan

 

Après le Ring et les neuf symphonies de Beethoven, Philippe Jordan débute un nouveau cycle dédié cette fois au grand compositeur viennois, Arnold Schönberg.
Au cours de la saison, deux autres concerts lui seront voués, l’un au Palais Garnier le 25 octobre, l’autre à la Philharmonie le 19 avril, dans le prolongement de la trainée laissée par le passage de son œuvre majeure à l’Opéra Bastille, Moïse et Aaron.

Croissant de Lune dans le couchant depuis la Philharmonie

Croissant de Lune dans le couchant depuis la Philharmonie

On se souvient avec quelle envie Philippe Jordan s'était évertué à faire partager sa passion pour la musique de Schönberg, lors des journées Tous à l’Opéra, en la dédramatisant.
Et à l’écoute du concert de ce soir, on ne peut qu'admirer sa manière à mettre en avant la finesse et la poésie d’une œuvre construite sur le sérialisme et les dissonances, et son attention à l'unir selon une forme d’onde coulante où se dissimule un désir de séduction. Mais a t-il raison d'éluder aussi franchement la rugosité grinçante des accords et l’ambiance tendue qui, par moment, devrait pincer au cœur ? Ne laisse-t-il pas un peu de côté le regard perçant d’un compositeur qui inspira Bernard Herrmann, le créateur des musiques d’Alfred Hitchock ?

Philippe Jordan

Philippe Jordan

La symphonie n°4 de Gustav Mahler apparaît alors comme une œuvre merveilleuse qui laisse au chef d'orchestre un large champ d’expression pour sa pleine subtilité, pour son attachement profond au charme des couleurs viennoises, et pour un enivrant art de l’éclat qui fait briller tous les petits reflets chantants des instruments. Il est fascinant d’entendre comment cette musique, moins marquée par le pathétisme inhérent au compositeur, peut être aussi subjugante et innervée par des volutes d’un sensualisme exacerbé par l’hédonisme caressant du directeur musical.

Salle de la Philharmonie à la fin du concert

Salle de la Philharmonie à la fin du concert

Ce voyage dans une limpidité qui surpasse sa part d’ombre prend, de plus, une dimension noblement humaine grâce à la belle voix apaisante et chargée de compassion de Genia Kühmeier.

Philippe Jordan, par l’esprit qu’il insuffle à ses musiciens et solistes, est véritablement une incarnation de la Joie qui rayonne en toutes circonstances.

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