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Publié le 9 Septembre 2022

Concert d’ouverture de l’Orchestre de Paris
Représentation du 08 septembre 2022
Philharmonie de Paris

Kaija Saariaho
Asteroid 4179
: Toutatis (Commande 2005 de l’Orchestre philharmonique de Berlin créée à Berlin, le 16 mars 2006, sous la direction de Simon Rattle)
Richard Strauss
Ainsi parlait Zarathoustra
(Créé à Francfort-sur-le-Main, le 27 novembre 1896)
Jimmy López Bellido
Aino
(Création mondiale sur une commande de l’Orchestre de Paris, de l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam et de l’Orchestre symphonique de Chicago)
Pascal Dusapin
A Linea  
(Création mondiale sur une commande de l’Orchestre de Paris)
Alexandre Scriabine
Poème de l'extase
(Créé à New-York, le 10 décembre 1908)

Orchestre de Paris
Direction musicale Klaus Mäkelä
Violon solo Zsolt-Tihamér Visontay

Concert dédié à la mémoire du pianiste et chef d’orchestre allemand Lars Vogt, disparu le 05 septembre 2022 à l’âge de 51 ans.

C’est avec un fantastique concert comprenant pas moins de 3 œuvres symphoniques du XXIe siècle, dont deux créations mondiales in loco, que l’Orchestre de Paris a fait sa rentrée à la Philharmonie de Paris sous la direction de Klaus Mäkelä, tous dans une forme éblouissante.

Klaus Mäkelä

Klaus Mäkelä

Et quelle magnifique idée que de débuter la soirée en interprétant la pièce de 5 mn que la compatriote du chef d’orchestre finlandais, Kaija Saariaho, composa pour le Philharmonique de Berlin en 2005 pour rendre hommage à l’astéroïde Toutatis découvert le 04 janvier 1989 par un astronome français, astéroïde qui a comme particularité de croiser la trajectoire de la Terre tous les 4 ans et donc de représenter une menace à long terme pour la vie sur notre planète!

Il s’agit d’une musique stellaire où cordes et bois créent un espace temporel vibrant et ouvert parcellé de chatoiements lumineux, alors que les contrebasses rythment une avancée inéluctable dans l’espace. Une soudaine vague orchestrale semble même précipiter l’auditeur dans une plongée dramatique à travers les reliefs de l’objet sidéral.

Et à nouveau, d’amples respirations soutenues par la tension des cors et les frémissements des violons dépeignent un mouvement majestueux et impressionnant.

Orchestre de Paris – Klaus Mäkelä (Saariaho Strauss López Dusapin Scriabine) Philharmonie

Puis, des vibrations sombres et familières réapparaissent avant que l’on ne réalise que l’enchaînement avec le poème de Richard Strauss ‘Ainsi parlait Zarathoustra’ s’est fait sans rupture nette.

Se retrouver ainsi face à l’orchestre, et surtout face à l’orgue de la Philharmonie baignant en hauteur dans une lueur orange étincelante, est un choc émotionnel à couper le souffle tant l’évocation de la planète Jupiter de ‘2001, l’Odyssée de l’espace’ , juste après 'Toutatis', est d’une intelligence inouïe. Et tout le déroulé symphonique est une ode à la lumière et à l’harmonie où s’exhalent les foisonnantes textures orchestrales et le charme poétique de passages chantants et plus légers.

Les musiciens de l'Orchestre de Paris

Les musiciens de l'Orchestre de Paris

Klaus Mäkelä, d’une audace bien affirmée, déploie son art du geste d’ensemble qui unit les musiciens dans des formes d’ondes éthérées somptueuses mais qui ont également du corps sans la moindre lourdeur. Il faut entendre le niveau de précision et de délicatesse avec lequels les bois, cordes, cuivres et percussions se transmettent les lignes musicales et les font vivre avec un sens ornemental qui engendrent un splendide enivrement sonore chatoyant avec toujours de la chaleur dans l’éclat.

Jimmy López Bellido

Jimmy López Bellido

Avec ‘Aino’ du compositeur péruvien Jimmy López Bellido, la magnificence sonore de Strauss se prolonge dans un univers marin plus profond et plus grandiloquent avec des miroitements qui ne sont pas sans rappeler l’univers de ‘La Femme sans ombre’. Pleins de signaux vibrionnants s’immiscent dans cette musique immersive dont le rythme de progression du dernier mouvement est d’une grande efficacité théâtrale.

Pascal Dusapin

Pascal Dusapin

A cette première partie si enthousiasmante, suit une seconde partie innervée d’un mystère plus austère.

A Linea’ de Pascal Dusapin donne beaucoup plus de prévalence aux cuivres et joue, avec un grand sens de la fluidité, sur les déformations dépressives des lignes instrumentales. 

Une atmosphère mythologique mêlant irréalité et monumentalité se dégage inévitablement de cette œuvre prégnante.

Il s’agit d’un retour du compositeur français à l’écriture symphonique, lui qui se consacre surtout à la création lyrique et dont ‘Il Viaggio, Dante’, créé au Festival d’Aix-en-Provence 2022, sera repris dans les années qui viennent à l’Opéra de Paris.

Klaus Mäkelä et les musiciens de l'Orchestre de Paris

Klaus Mäkelä et les musiciens de l'Orchestre de Paris

Enfin, le ‘Poème de l'extase’ d’Alexandre Scriabine fait écho à la verve marine du dernier mouvement d' Aino’ mais avec un développement qui s'étend sur un temps bien plus long. Klaus Mäkelä communique une merveilleuse élégance de geste, toujours dansante, ingénieux modeleur d’une masse incandescente qui s’élance avec un optimisme épique vers un sommet glorieux et qui parachève un assemblage d’œuvres qui ont toutes des liens esthétiques et spirituels entre elles.

Kaija Saariaho, Jimmy López Bellido et Pascal Dusapin étaient naturellement présents ce soir, un supplément d’âme qui fait le charme et la valeur de ce grand moment de partage.

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Publié le 16 Septembre 2021

Chin – Strauss et Mahler (Lise Davidsen - Klaus Mäkelä)
Concert du 15 septembre 2021
Grande salle Pierre Boulez, Philharmonie de Paris

Unsuk Chin Spira  (Création le 5 avril 2019 au Walt Disney Concert hall de Los Angeles) - création française
Commande du Los Angeles Philharmonic, de l’Orchestre philharmonique royal de Stockholm, de l’Orchestre de Paris, du City of Birmingham Symphony Orchestra et de l’Orchestre de la NDR-Elbphilharmonie
Richard Strauss Quatre Lieder, op. 27
Gustav Mahler Symphonie n°1,« Titan »

Soprano Lise Davidsen
Direction musicale Klaus Mäkelä
Violon solo Elise Båtnes
Orchestre de Paris

 

Deux semaines après le passage de l’Orchestre du Festival de Bayreuth et l’un de ses grands solistes des Maîtres chanteurs de Nuremberg, le ténor allemand Klaus Florian Vogt, la Philharmonie accueille une autre star du Festival qui interprétait cet été l’Elisabeth de Tannhäuser, Lise Davidsen.

Associée cette fois à l’Orchestre de Paris sous la direction de son jeune chef Klaus Mäkelä, la soirée s’annonçait électrisante, et ce ne fut pas démenti

L'Orchestre de Paris

L'Orchestre de Paris

En ouvrant ce concert de rentrée pour la première formation symphonie française par Spira, la dernière création de Unsuk Chin, compositrice sud-coréenne qui a une relation affective très forte avec la Finlande, la luxuriance et la vigueur de l’orchestre s’épanouissent dans l’immensité de la salle, l’architecture de la composition se prêtant bien à des jeux de nuances sonores comme si un vent soufflait par rafales au dessus des musiciens pour créer des envolées de sonorités où vents, percussions, archets et vibraphones se mélangent et ruissellent en palettes de couleurs bien teintées et changeantes.

Les images restent abstraites, mais l’on peut s'imaginer à contempler de grands paysages spectaculaires aux reliefs variés et irréels.

Lise Davidsen

Lise Davidsen

Puis, changement d’univers, les quatre Lieder, op.27 de Richard Strauss pénètrent vers des états d’âmes plus sombres, une forme de grande sérénité classique où le rayonnement puissant de Lise Davidsen semble comme personnifier "Pallas Athena". La voix se pare d’un galbe somptueux, d’un souffle ample irisé par des vibrations métalliques et surnaturelles qui soumettent l‘auditeur à un chant magnétique intense et ensorcelant.

L’envahissement sonore est total, l’Orchestre de Paris se joignant à ce torrent sensuel dans une majesté pleinement souveraine.

Klaus Mäkelä

Klaus Mäkelä

Et quelle seconde partie quand Klaus Mäkelä s’empare de l’orchestre de manière à faire corps harmonieusement et vigoureusement avec lui pour incarner une Symphonie « Titan » jouée dans une transe incroyable!

On ne sait si c’est le directeur musical qui couche sa gestique sur les lignes orchestrales où si ce sont les musiciens qui ont l’habileté pour dessiner exactement la même dynamique des expressions du chef, mais assister à cette manière de saisir certains musiciens comme pour les cajoler tendrement, pour ensuite dynamiser un autre groupe dans une frénésie indescriptible, et vivre cette vélocité dans l'attention qui révèle une vision cohérente et extrêmement détaillée des moindres mouvements de la symphonie, conduit à un inéluctable effet galvanisant.

On aurait presque envie de dire que se joue un sublime échange d’énergie sexuelle pour arriver à une telle tension sans relâche qui désoriente, car ce sont bien des sentiments familiers qui émergent d’une telle interprétation. Un chef fantastique dont il ne faudrait pas sous-estimer le bouillonnement des veines!

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Publié le 13 Juillet 2020

Le Tombeau de Couperin (Maurice Ravel - 1919) et La Symphonie n°7 (Ludwig van Beethoven - 1813)
Concert du 09 juillet 2020
Philharmonie de Paris

 

Maurice Ravel Le Tombeau de Couperin
Ludwig van Beethoven Symphonie n° 7

Direction musicale Klaus Mäkelä
Orchestre de Paris

 

                                                     Klaus Mäkelä

Tant pour les musiciens que les auditeurs, le long accueil chaleureux et tonitruant, chargé de silences qui signifiaient le manque, la reconnaissance, l’amour et la joie, restera un moment inoubliable.

Laurent Bayle disait que, ce soir, les mesures sanitaires n’avaient permis de réunir qu’environ 1200 spectateurs, c’est-à-dire la moitié de la capacité de la Philharmonie. Néanmoins, le public semblait avoir totalement investi la salle de sa présence physique, tout en faisant résonner ses applaudissements comme s’il y avait le double d'invités.

Musiciens de l'Orchestre de Paris

Musiciens de l'Orchestre de Paris

Mais cette première soirée publique sera aussi celle d’une découverte, l’osmose fusionnelle qui transparaît d’emblée entre l’Orchestre de Paris et son futur directeur musical, Klaus Mäkelä.

Certes, tout se mélange en cette représentation exceptionnelle, l’excitation des retrouvailles, le mouvement entropique qui nait d’un sentiment de libération, et la relation galvanisante entre les musiciens et leur nouveau chef aboutit ainsi à une interprétation ample - comme si le jeune leader était le souffle d’un vent impétueux qui anime les mouvements de houles qui traversent majestueusement le corps de l’orchestre de part en part - et finement détaillée du Tombeau de Couperin, où émerveillent la poésie chantante des vents et les frémissements aériens des cordes suraigües.

Klaus Mäkelä et les musiciens de l'Orchestre de Paris

Klaus Mäkelä et les musiciens de l'Orchestre de Paris

Cette cohésion renforcée par une tonicité agile – on admire l'excellente combinaison des timbales et des bois sombres - se retrouve dans la 7e symphonie de Beethoven, empreinte de théâtralité et de gestuelle frénétique, qui est une véritable invitation à la danse, ce qui se retrouve parfois dans les postures du chef qui engage tout son corps pour contrôler les respirations expansives et contractiles de l’orchestre.

La force d’attraction de cette interprétation vibrante est une promesse pour la rentrée prochaine, et l'espoir d'un retour à  une quasi-normalité dans la façon de vivre ces grands moments de partage qui se prolongent bien après les concerts.

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