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Publié le 23 Juin 2021

Maria Jose Siri et Placido Domingo
Récital du 21 juin 2021
Paris, Salle Gaveau

Giuseppe Verdi Luisa Miller, ouverture
Umberto Giordano « Nemico della patria » (Andrea Chénier)
Giuseppe Verdi « Tacea la notte placida ... Di tale amor » (Il Trovatore)
Giuseppe Verdi « Madamigella Valery? » (La Traviata)
Giuseppe Verdi Les Vêpres siciliennes, ouverture
Ambroise Thomas « O vin, dissipe la tristesse » (Hamlet)
Umberto Giordano « La Mamma morta » (Andrea Chénier)
Fedora, ouverture
Giuseppe Verdi « Udiste ? ... Mira d’acerbe lacrime »  (Il trovatore)

Bis

José Serrano « ¿Qué te importa que no venga? » (Los Claveles)
Pablo Sorozábal « No puede ser » (La tabernera del puerto)
Manuel Penella « Vaya una tarde bonita ...Torero Quiero ser » (El Gato Montes)
Franz Lehár « Lippen schweigen » (Die lustige Witwe)

Direction musicale Mathieu Herzog
Orchestre Appassionato

La venue de Placido Domingo à la Salle Gaveau et de Maria Jose Siri, une spectaculaire soprano habituée des grandes maisons italiennes, et des Arènes de Vérone en particulier, ne pouvait qu’engendrer un débordement d’émotions immédiatement saisissables par un auditoire venu s’emplir d’une vitalité généreuse qui n’en a que plus de prix quand elle provient d’un artiste né en 1941.

Rarement est il également offert au public une telle proximité avec un chanteur qui fit ses débuts au Palais Garnier le 20 mai 1973 dans Il Trovatore, puis revint l’année d’après dans Les Vêpres siciliennes, et dans La Forza del destino en 1975.

Placido Domingo

Placido Domingo

Immense ovation à son arrivée sur scène, le poids des ans palpable mais l’élégance immuable comme comme on imaginerait Giuseppe Verdi revenant sur la scène de La Scala pour présenter à l’âge de 80 ans son ultime opéra, Falstaff, Placido Domingo s’empare d’emblée du grand air de Gerard, « Nemico della patria », le corps en tension, l’émission tremblante, mais l’élocution franche et claire, et un visage qui fait revivre la rancœur d’un personnage au cœur retourné par l’amour. Admiration et sentiment de l’invraisemblable se mêlent subtilement chez l’auditeur.

Puis, Maria Jose Siri le remplace à l’avant scène afin d’incarner Leonore d’Il trovatore. Le flot vocal riche et métallique aux teintes de bronze envahit tout l’espace de son opulence qui permet de tisser de longs aigus renversants, et le regard scintillant de cette grande artiste amplifie cette impression de don sans limite qu’elle rayonne sans mesure.

Maria Jose Siri

Maria Jose Siri

Et lorsque son partenaire la rejoint, le duo du second acte de La Traviata devient l’un des plus inhabituel qu’il soit permis d’entendre. En effet, on ne peut s’empêcher de voir à travers Germont son fils même, Alfredo, devenu vieux, alors que Placido Domingo incarne dans une sorte d’évolution naturelle - lui qui avait commencé à chanter le rôle de l’amoureux de Violetta le 19 mai 1961 à Monterrey, soit 60 ans plus tôt – un changement de génération.

Il est à la fois émouvant de par ses tressaillements qui soulignent une faiblesse, mais aussi d’une très grande force expressive par cette capacité à jouer sur les sentiments du cœur tout en affichant la négativité du père d’Alfredo. Mais face à lui, Maria Jose Siri paraît trop ample pour paraître une femme souffrante et soumise à la volonté d’un vieux père, et c’est donc ce qu’il y a d’atypique et d’opératique à outrance dans cette partie qui fait tout l’intérêt de cet échange habituellement plus intime.

L'orchestre Appassionato

L'orchestre Appassionato

Le lyrique torrentiel de Maria Jose Siri trouve alors dans l’air de Maddalena « La Mamma morta » une nouvelle occasion de conjuguer assurance, puissance de souffle et rayonnement vocal sans la moindre sensiblerie, avec le soutien d’un orchestre qui ne ménage en rien son emportement avec ces deux grands artistes.

Car il est rare d’entendre un orchestre avoir une telle présence au point de représenter un protagoniste à part entière tout au long de la soirée.

Fondé par Mathieu Herzog qui dirige ce soir avec un étonnant sens de l’équilibre entre la flamme des musiciens et la nécessité de préserver un champ vocal suffisant pour les chanteurs, l’ensemble Appassionato est disposé sous l’orgue de façon à porter les cordes sur l’avant scène, les bois en second plan, puis les cuivres et enfin les percussions en fond de scène.

Placido Domingo, Maria Jose Siri et Mathieu Herzog

Placido Domingo, Maria Jose Siri et Mathieu Herzog

La jeunesse des musiciens s’accompagne d’une manière d’être fortement impliquée dans le déroulé de ce qui se joue sur scène, et les regarder tout en profitant des timbres ronds et charnus de leurs instruments contribue tout autant au plaisir de ce spectacle.

L’allant sans complexe avec lequel est menée l’ouverture des Vêpres siciliennes est l’un des grand moment orchestral de la soirée, et l’on aura tous remarqué l’enthousiasme expressif du timbalier se donnant à corps joie de façon fort communicative, mais aussi le comportement des musiciens qui, lorsqu’ils ne sont pas sollicités par la partition, se laissent entraîner par la musique comme pour vibrer à l’unisson de leurs camarades. Véritablement, ils donnent une image de vie extrêmement positive qui est une grande source d’inspiration et de plaisir pour le public.

L'orchestre Appassionato

L'orchestre Appassionato

Le programme de la soirée comprend aussi des airs plus légers, en bis en particulier, qui contribuent à l’agrément et à la respiration du récital, ce qui permet aux artistes de jouer sur un registre comique et ludique, et du fait que tous les insrumentistes et solistes soient réunis finalement sur un espace assez réduit donne aussi une image concentrée et un peu bousculée propice au sentiment de convivialité si important pour tous.

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Publié le 12 Août 2009

Aida (Verdi)
Représentation du 10 août 2009
Théâtre antique de Sanxay

Direction musicale Didier Lucchesi
Orchestre, Chœur et Ballet des Soirées Lyriques de Sanxay

Mise en scène Antoine Selva
Chorégraphe Laurence Fanon

Aida Maria-José Siri
Amnéris Malgorzata Walewska
Radamès Thiago Arancam
Amonasro Michele Kalmandi
Ramphis Balint Szabo
Le Roi d’Egypte Dan Paul Dumitrescu
La Grande Prêtresse Sarah Vaysset
Le Messager Dominique Rossignol               Malgorzata Walewska (Amnéris)

Le festival lyrique de Sanxay est une manifestation qui célèbre l’opéra de manière simple et naturelle, lové au creux des vestiges de l’ancien théâtre d’un sanctuaire thermal gallo-romain.

En pleine campagne et au son des grillons, la disparition des dernières lueurs du soleil laisse place à la musique et aux voix, auxquels les corbeaux répondent parfois.

Et afin d’apporter une dernière touche subtile à l’ensemble, les soirées coïncident avec le maximum d’intensité des Perséides, étoiles filantes laissées par la comète Swift Tuttle.
Hasard incroyable,  lorsque Aida rejoignit Radamès ce soir dans son tombeau, « Vois! déjà l’ange de la mort a déployé son aile » fût suivi d’un débris très lumineux dans le ciel à droite de la scène.

Le théâtre antique de Sanxay. La reconstitution des deux mille gradins tels qu'ils étaient à l'époque est à l'étude.

Le théâtre antique de Sanxay. La reconstitution des deux mille gradins tels qu'ils étaient à l'époque est à l'étude.

Pour cette nouvelle édition d’un événement majeur de la vie culturelle de la région Poitou-Charentes, la distribution réunie est d’un style musical soigné, avec quelques défauts de justesse uniquement dans les personnages secondaires (la Grande Prêtresse et le Messager).

Maria-José Siri assure d’ailleurs le rôle d’Aida en toute confiance, tous les passages aigus sont réussis en couleurs, sans le moindre accroc, le souffle vital qui l’anime est fort touchant, et son interprétation scénique est la plus riche de tous.

Seulement il est difficile de croire au très jeune Radamès de Thiago Arancam (27 ans).

Vocalement son chant est un exemple de contrôle pour ne jamais sacrifier la moindre ligne aux exigences du rôle, le timbre a également quelque chose de mûr, mais la puissance et la stature du guerrier n’y sont pas vraiment.

On sent beaucoup plus le ténor sentimental et poétique sans mièvrerie.
N’ayant visiblement pas bénéficié d’un travail sérieux avec le metteur en scène pour acquérir une expression théâtrale crédible, il s’égare par conséquent dans des gestes artificiels, ce qui est un peu perturbant.

Fascinante par sa noirceur, Malgorzata Walewska gère au mieux une certaine inertie vocale qui la freine dans son agressivité, mordant qui ne manque pas à Michele Kalmandi, car son Amonasro est vivant et digne. Avec Maria-José Siri, ils forment un couple père-fille auquel on croit, d’autant plus que les deux chanteurs ont les voix les mieux projetées.   Thiago Arancam (Radamès) et Maria-José Siri (Aida)

Le soutien musical assuré par Didier Lucchesi et l’orchestre recherche la souplesse et l’homogénéité sonore, c’est à dire qu’aucun effet (même avec les trompettes) ne vient amplifier le rôle de tel ou tel instrument, le spectaculaire est donc volontairement très limité.

Si l’on se concentre sur la réalisation théâtrale, il est impossible de reprocher à Antoine Selva un grand écart avec les conventions.
On comprend bien que le mur d’avant scène sera aussi celui qui se refermera sur les amants, et un soin est apporté aux multiples tableaux rituels du livret.

Thiago Arancam (Radamès) et Maria-José Siri (Aida)

Thiago Arancam (Radamès) et Maria-José Siri (Aida)

Mais en y regardant de plus près, la déesse Hathor ressemble assez étrangement à la vierge Marie (avec un enfant dans les bras), et l’hymne religieux où Radamès reçoit les armes fait plutôt penser à un baptême.

 

S’opère alors une assimilation entre la civilisation égyptienne et la culture chrétienne, figée et ennuyeuse dans ses protocoles.

Les Ethiopiens deviennent une sorte de peuple sauvage, effrayant pour des Egyptiens qui se vivent comme un peuple raffiné.

Didier Lucchesi, Thiago Arancam, Maria-José Siri, Michele Kalmandi

Didier Lucchesi, Thiago Arancam, Maria-José Siri, Michele Kalmandi

Par chance, Antoine Selva nous réserve quand même une surprise en les faisant intervenir pendant le défilé triomphal en beaux danseurs noirs et agiles (chorégraphie de Laurence Fanon).

L’opposition entre cette vitalité éclatante - qui conçoit bien la mort pour ce qu'elle est, comme le montre un crâne de vache érigé en épouvantail - et la rigidité du peuple de Radamès qui rejette la peur de la mort - car conçue comme un simple passage vers un autre monde- , en donne une vision finissante de l’Égypte.

Cela n’empêche pas de regretter que beaucoup trop de metteurs en scène enferment encore aujourd’hui l’opéra dans du mauvais théâtre, ce qui est moins gênant ici - car le plaisir d’être dans un lieu ouvert en pleine nature est fort, et Antoine Selva a quelque chose à dire - que sur des scènes parisiennes, comme cela va de plus en plus se produire.

Résumé et contexte historique de Aida.

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