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Publié le 14 Novembre 2023

Las Golondrinas (José María Usandizagal - Madrid, 1914 puis Barcelone, 1929)
Livret de Gregorio Martínez Sierra et María Martínez Sierra
Édition critique de Ramon Lazkano (1999)
Représentation du 10 novembre 2023
Teatro de la Zarzuela (Madrid)

Puck César San Martín
Lina Sofía Esparza Jáuregui
Cecilia María Antúnez
Juanito Jorge Rodríguez Norton
Roberto Javier Castañeda
Un caballero Mario Villoria

Artistes de cirque : Alex G.Robles (chef de la troupe), Emilio Rodriguez (jongleur), Nacho Serrato (acrobate, monocycle), Néstor Marqués (acrobate, contorsionniste), Angel Lee (acrobate, cracheur de feu, Diable), Pedro Torres (acrobate, Cupidon), Sergio Dorado (Clown)

Direction musicale Juanjo Mena
Mise en scène Giancarlo del Monaco (2016)
Orquesta de la Comunidad de Madrid, Titular del Teatro de La Zarzuela
Coro del Teatro de La Zarzuela

La reprise de la production de ‘Las Golondrinas’ permet à Daniel Bianco de quitter la direction du Teatro de la Zarzuela avec le spectacle qui avait ouvert son mandat au début de la saison 2016/2017.
C’est en effet Isamay Benavente qui lui succède dès à présent en devenant la première femme à diriger cette institution créée en 1856.

Les saltimbanques

Les saltimbanques

'Las Golondrinas' est joué ce soir dans sa version opéra de 1929 – à l’origine, la création en 1914 sous forme de Zarzuela comprenait des textes parlés -, et l'on retrouve à la mise en scène Giancarlo del Monaco qui avait connu son âge d'or au début des années 2010 lorsque Nicolas Joel l'invitait à l'Opéra de Paris pour mettre en scène des œuvres issues du vérisme italien (‘I Pagliacci’, ‘Andrea Chénier’).

Il y a effectivement une correspondance entre le monde des saltimbanques de José María Usandizagal et 'I Pagliacci' de Ruggero Leoncavallo, mais l'univers musical est moins violemment passionnel et plus délicat dans le drame lyrique espagnol où les motifs psychologiques diffèrent également.

Le Teatro de la Zarzuela

Le Teatro de la Zarzuela

Il s'agit ici d'observer la montée de l'obsession maladive et destructrice de Puck pour une femme, Cecilia, qui recherche son indépendance, alors qu'une autre jeune femme, Lina, amoureuse de lui, plus sociable et naturelle, lui révélera son attachement affectif au moment où, n'en pouvant plus, Puck assassinera son ancienne amante - cet acte n'est pas montré, comme le vérisme italien le ferait, et seule la conséquence est divulguée -. Lina lui pardonnera pourtant tout.

La scénographie et les costumes sont purement colorés de gris, blanc et noir, et la première scène prend pour décor le plateau vide du théâtre avec ses murs mis à nus.

Les saltimbanques arrivent par l'allée centrale du parterre et montent sur scène non sans faire peser un léger risque lorsque déambulation d'échassier, jongleries et numéros de monocycle se déroulent en bordure de la fosse d'orchestre.

César San Martín (Puck) entouré des saltimbanques

César San Martín (Puck) entouré des saltimbanques

Le sentiment de mélancolie de Puck se projette ainsi dans le regard du spectateur, et tous les personnages sont instantanément présentés.

Cecilia paraît être le prolongement d'une Carmen frustrée qui attend de pouvoir vivre, mais qui, dans sa posture refermée, peut tout aussi bien suggérer l'attente de la mort.
Lina se montre beaucoup plus insouciante et prévenante, et pour qui ne connaît pas l'ouvrage, rien ne laisse transparaître le caractère ardent et fort volontaire qui couve sous ce personnage en apparence léger.

Quant à Puck, il croule déjà sous ses ressassements.

María Antúnez (Cecilia)

María Antúnez (Cecilia)

C'est à partir du second acte qui se déroule dans le grand cirque d'une importante cité, que les décors et les costumes prennent momentanément une coloration plus festive, jusqu'à la pantomime qui conserve toujours une certaine empreinte dépressive avec la présence du personnage de Charlot.

Sofía Esparza approfondit à ce moment là la charge affective de Lina en exprimant une flamme lumineuse et très intense qui rappelle beaucoup celui du personnage de Tatiana dans 'Eugène Onéguine' de Tchaïkovski.

Ce mélange de passion et de juste-boutisme attachant devient alors le point central de toute la seconde partie, tant l'investissement de la chanteuse à défendre les sentiments de la jeune femme est formidable à vivre.

Sofía Esparza Jáuregui (Lina)

Sofía Esparza Jáuregui (Lina)

A l'inverse, María Antúnez, qui use d'un registre mélangeant chant et déclamation réaliste, maintient une coloration dramatique qui annonce un sombre présage.

Quant à César San Martín, baryton très sonore qui s'inscrit aussi dans une ligne expressive vériste qui s'affine dans les duos avec Sofía Esparza, il joue une personnalité hallucinée avec un jeu théâtral bien marqué, en laissant filer l’image d’un homme dont l’identité se délite.

Toutefois, on ressent à plusieurs moments que l’écriture vocale ne s’harmonise pas toujours avec la ligne mélodique de l’orchestre que Juanjo Mena peaufine en privilégiant la douceur du toucher et le délié bucolique de la peinture orchestrale.

Sofía Esparza Jáuregui (Lina) et César San Martín (Puck)

Sofía Esparza Jáuregui (Lina) et César San Martín (Puck)

Mais il semble moins attentif au soutien des solistes, et n’insuffle pas suffisamment à son interprétation une ampleur dramatique qui pourrait donner plus de corps et d'unité à une partition qui alterne beaux moments poétiques, voir fortement romantiques et tourmentés, et des atmosphères plus discrètes.

L’association à la vision assez sobre de Giancarlo del Monaco fonctionne cependant très bien, ce qui permet d'apprécier les valeurs de l'ouvrage et de ressentir aussi qu’elles pourraient s'épanouir avec encore plus de flamboyance et de violence.

Las Golondrinas (Mena del Monaco Esparza Antúnez San Martín) Teatro La Zarzuela

Finalement, c’est assurément Sofía Esparza qui fait l’unanimité ce soir dans ce rôle exaltant où une certaine surpuissance se met en place chez elle pour absoudre la folie de l’être aimé.

Sofía Esparza Jáuregui

Sofía Esparza Jáuregui

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Publié le 27 Juillet 2010

Simon Boccanegra (Giuseppe Verdi)
Représentation du 25 juillet 2010
Teatro Real de Madrid

Simon Boccanegra Placido Domingo
Amelia Grimaldi Inva Mula
Jacopo Fiesco Ferruccio Furlanetto
Paolo Albani Angel Odena
Gabriele Adorno Marcello Giordani

Direction musicale Jesus Lopez Cobos
Mise en scène Giancarlo del Monaco

 

 

                         Ferruccio Furlanetto (Fiesco)

 

Il ne pouvait y avoir meilleur signe qu’une Espagne en fête, depuis son succès triomphal au Mundial,  avant que ne débute la première saison de Gerard Mortier au Teatro Real de Madrid.

Et si l’on en juge à l’accueil qu’ont reçu dimanche soir les artistes de Simon Boccanegra, dans la reprise de la production de 2002, le public Madrilène pourrait bien être le plus généreux et le plus enthousiaste d’Europe.

Une pluie de ‘Brava!’ adressée à Inva Mula suivit l’air contemplatif ‘Come in quest’ora bruna’, une longue ovation suivit la grâce du grand trio de la réconciliation à la fin du deuxième acte, et, comme au Châtelet dans Cyrano de Bergerac, Placido Domingo eut la joie d’amasser une standing ovation d’une bonne demi heure lorsque le rideau rouge se referma.

Le Teatro Real de Madrid, la veille de la projection en extérieur de Simon Boccanegra.

Le Teatro Real de Madrid, la veille de la projection en extérieur de Simon Boccanegra.

L’excitation se prolongea même à l’extérieur, puisque la représentation fut retransmise sur grand écran, avec une acoustique multi-dimensionnelle créée par les façades du Palais Royal qui s’opposent, vers l’ouest, à l’entrée du théâtre.

Et preuve de la motivation du cœur, des spectateurs s’étaient déjà installés sur les chaises, supportant la lourdeur d’un soleil écrasant, plus de deux heures avant le début du spectacle.

Le public Madrilène, le soir de la diffusion sur grand écran de Simon Boccanegra.

Le public Madrilène, le soir de la diffusion sur grand écran de Simon Boccanegra.

On connait bien le style des mises en scènes de Giancarlo del Monaco, prisé par les directeurs en quête de visions à l’apparence historique et un peu dépoussiérées.

Goût pour les symboles statuaires, ici celle du doge qui s'impose au milieu d’une salle du palais tout en marbre s'il fallait souligner l'enjeu de puissance, goût pour les costumes connectés aux rôles politiques de chacun, la longue toge rouge de Simon, les armures des combattants, clarté et simplicité des états d’âmes du chœur considéré comme personnage unique, bras vengeurs quand il s’agit de s’en prendre aux kidnappeurs d’Amélia, mais jeu stéréotypé là où il faudrait trouver les détails qui montrent la vérité subtile des sentiments entre personnages.

 Inva Mula (Amelia Grimaldi)

Inva Mula (Amelia Grimaldi)

C’est ce genre de production "péplum" qui révèle la force qu’il y avait dans la production de Johan Simons à l’Opéra Bastille, décriée pour son esthétique, où tout le travail reposait sur les relations intimes, l‘affection de Simon pour sa fille, l’affection de Fiesco prenant par l’épaule son successeur quand il constate qu’il va mourir, et également un sens de la continuité qui disparait totalement dans la production de Madrid lorsqu’il faut attendre plus de cinq minutes pour passer de la scène du jardin à celle du sénat.

La réalisation musicale repose avant tout sur un engagement émotionnel total de tous les chanteurs.

Le parcours ambitieux de Paolo, tragiquement conduit vers la déchéance, est très bien rendu par Angel Odena, avec une très grande force dans l’expression faciale et une caractérisation vocale terrible.

Placido Domingo (Simon Boccanegra)

Placido Domingo (Simon Boccanegra)

La noblesse du chant de Ferruccio Furlanetto est un émerveillement renouvelé, car celui qui est un des plus prodigieux chanteurs de notre époque est dans un constant approfondissement du sens musical, laissant petit à petit, année après année, tomber les facilités des expressions véristes.

A la veille de ses 70 ans, on ne peut reprocher les aspérités évidentes des lignes vocales de Placido Domingo.

Il n’est plus question de savoir si la voix est plus proche du ténor ou du baryton, le fait est que les yeux fermés il nous touche de manière unique car il porte la mémoire d’un chant et d’un timbre qui a forgé notre univers lyrique mental pour la vie.

Il y a cette présence, une projection décoiffante qui brave irrésistiblement le temps lorsque le texte exige une tenue infaillible dans l’instant.

A certains moments, les névroses d’Otello ressurgissent même sans la moindre altération.

Inva Mula (Amelia Grimaldi)

Inva Mula (Amelia Grimaldi)

Après son apparition idéalisée fascinante, sur fond d’une mer Méditerranée animée par la technique vidéo fréquente dans les théâtres lyriques d‘aujourd’hui, Inva Mula apporte son sens mélodramatique sincère au rôle d’Amélia, une puissance qui contraste avec son allure si douce et fragile.

 

Marcello Giordani, dont la poésie de la voix se durcit au fil des ans, trouve en revanche des ressources pour imposer un Adorno guerrier, presque mauvais, à la hauteur de tous ces politiciens endurcis, et au niveau desquels il souhaite se hisser.

Sa rage l’emporte beaucoup trop sur ses sentiments sensibles et amoureux.

Angel Odena (Paolo Albiani)

Angel Odena (Paolo Albiani)

Mais un des points forts de la représentation repose sur le lyrisme mystique des chœurs du Teatro Real, un souffle vif et léger qui unifie sensiblement les voix des chanteurs principaux.

Jesus Lopez Cobos dirige un orchestre énergique, d’où se détachent des cuivres très sûrs d’eux-mêmes, auquel manquent toutefois un peu ampleur et surtout de la grâce.

A la toute fin, Placido Domingo réussit son petit effet en se laissant tomber de façon tellement naturelle, comme si le dernier souffle s’envolait, que notre propre cœur pouvait se laisser prendre par l’émoi.

Synopsis de Simon Boccanegra

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Publié le 3 Décembre 2009

Andrea Chénier (Umberto Giordano)
Répétition générale du  30 novembre 2009
Opéra Bastille

Andrea Chénier Marcelo Alvarez
Maddalena di Coigny Micaela Carosi
Carlo Gérard Sergei Murzaev
La Mulatta Bersi Varduhi Abrahamyan
La Contessa di Coigny Stefania Toczyska
Madelon Maria José Montiel
Roucher André Heyboer
Incredibile Carlo Bosi

Direction musicale Daniel Oren
Mise en scène Giancarlo Del Monaco

"André Chénier" est l'une des rares œuvres de l'art lyrique qui soit consacrée aux évènements de la révolution française, et à la période de la terreur en particulier.

La littérature offre plus précisément matière à réflexion avec "La Mort de Danton" de Georg Büchner (l'auteur de Woyzeck) et "La persécution et l'assassinat de Jean Paul Marat" de Peter Weiss.

Acte I : Château de la Comtesse de Coigny

Acte I : Château de la Comtesse de Coigny

L'idéal révolutionnaire cède le pas à la réalité d'une population affamée, se libérant dans une sorte d'orgie vitale et criminelle où l'âme humaine s'exalte hors de toute moralité.
La vie s'y montre dans son essence même, sans la couverture des oripeaux bourgeois.

Récemment, le théâtre de la Colline mettait en scène "Notre Terreur", création de Sylvain Creuzevault qui s'interrogeait sur Robespierre et la République des Décemvirs.
Qui étaient ces hommes qui choisirent la Terreur comme arme garante de la Vertu, afin de promouvoir un homme nouveau débarrassé de toute médiocrité? Que valaient-ils finalement ?

Marcelo Alvarez (Andrea Chénier)

Marcelo Alvarez (Andrea Chénier)

Une fois cette situation bien imaginée, l’approche de l’opéra de Giordano devient passionnante car Luigi Illica, le librettiste, utilise ses connaissances historiques pour reconstituer un climat révolutionnaire crédible, pas du tout avantageux pour la population française de l’époque. Le peuple se réjouit des décapitations, fornique, répand un désordre inouï parmi lequel les personnages principaux semblent surnager du mieux qu’ils peuvent.

Pour mettre en scène « André Chénier », Nicolas Joel a fait appel à Giancarlo Del Monaco, le fils d‘un des plus grands interprètes du rôle : Mario Del Monaco.

Le spectacle n’est pas une nouveauté, puisqu’il s’agit de la reprise d’un travail qui a parcouru l’Europe de Bologne jusqu’à Helsinki.

Micaela Carosi (Maddalena) et Sergei Murzaev (Gérard). 4 ans plus tard, en 1900, Puccini créera Tosca.

Micaela Carosi (Maddalena) et Sergei Murzaev (Gérard). 4 ans plus tard, en 1900, Puccini créera Tosca.

Les moyens dispendieux de l’Opéra Bastille sont utilisés pour reprendre et enrichir les décors, comme au premier tableau où l’aristocratie de Province est grimée en un monde de morts vivants, sorte de bal des vampires aux costumes outrés. Visuellement, cela sonne plus étrange qu’intéressant.

Changement d’atmosphère par la suite, quatre ans et des poussières plus tard, après l’assassinat de Marat. Les drapeaux français sont encore à bandes horizontales, avant qu’elles ne deviennent verticales selon le dessin de Jacques-Louis David depuis le 15 février 1794.
Chénier est un lecteur assidu de « L’Ami du peuple », journal créé par Jean-Lambert Tallien, défenseur de Marat puis opposant à Robespierre.

Tout le drame se déroule dans la pénombre, sans doute l’élément le plus saisissant que la musique souligne dans cet engrenage de complots.

Cependant, cette richesse de détails qui stimule notre intérêt pour une période clé de l’Histoire de France (un modèle romantique pour l’Italie de Giordano en recherche d’unité) ne masque pas le rendu théâtral peu travaillé par le metteur en scène.

Le malheureux Sergei Murzaev ne peut aucunement réussir son entrée menaçante, coincé dans un costume saugrenu, et cela malgré une présence vocale qui va se déployer avec force au fur et à mesure du déroulé du drame.

Micaela Carosi (Maddalena di Coigny)

Micaela Carosi (Maddalena di Coigny)

Mais quelque part, on sent immédiatement que son personnage va se situer dans un registre plutôt sensible et intériorisé, ce que « Nemico della patria » à l’acte III confirme, tant nous sommes loin de la caricature d’un Scarpia. C’est toujours le passage le plus fort du baryton.

C’est donc une première à l’Opéra de Paris pour Micaela Carosi, et l’interprétation qu’elle fait de Maddalena di Coigny devrait logiquement créer le désir de la réentendre à nouveau.

Voix large et dramatique, riche en couleurs sombres et en aigus amples, la soprano dépasse les instabilités initiales pour brosser un portrait sans doute très conventionnel de la jeune aristocrate, mais qu’elle a le bon goût de tirer de la légèreté vers la tragédie, et non pas vers le mélo larmoyant.
« La mamma morta » est ainsi une pure leçon de dignité finement assurée.

Surtout qu’elle est à la hauteur d’un Marcelo Alvarez vaillant et lumineux, extrêmement nerveux, et auquel ne manqueraient que quelques nuances noires, caractéristiques des personnages romantiques.

Maria José Montiel (Madelon)

Maria José Montiel (Madelon)

Sans trop de surprise, le chanteur est là avant tout pour se mettre en valeur, ses gestes - main sur le cœur, point menaçant, regard questionnant - restent très stéréotypés et ne le rendent pas attachant, ce qui donne une faible impression d' interaction avec les partenaires.

Parmi eux, André Heyboer et Carlo Bosi n’imposent pas véritablement une forte personnalité à Roucher et Incredibile, mais Maria José Montiel s’empare sans complexe de l’air de Madelon fait pour pleurer.

C’est un peu le problème avec l’œuvre de Giordano, l’auditeur est amené d’airs en duo magnifiques du début à la fin, en passant par des phases transitoires où l’action confuse le perd un peu.

 Acte III, tableau 3 : le tribunal révolutionnaire.

Acte III, tableau 3 : le tribunal révolutionnaire.

Ces artistes sont ainsi soutenus par un Daniel Oren très attentif à la finesse du tissu musical qu’il leur offre, quitte à retenir un peu trop prudemment les tensions dans l’acte I.
Soi-disant opéra vériste, « André Chénier » montre ici des facettes teintées de préciosité.

Aujourd'hui, en France, dans le climat douteux « d’identité nationale », la débauche de drapeaux français et de Marseillaise stylisée peut agacer, mais le portrait tyrannique de la Révolution qui sacrifie un poète vient en contrepoint noircir cet héritage.

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Publié le 23 Août 2009

André Chénier (Giordano)
Représentation du 22 août 2009
Opéra d‘Helsinki

Direction musicale Alberto Hold-Garrido

Mise en scène Giancarlo Del Monaco
Coproduction avec le Teatro Comunale di Bologna

Andrea Chénier Mihail Agafonov
Maddalena de Coigny Päivi Nisula
Carlo Gérard Raimo Laukka
Madelon Hannele Aulasvuo
Roucher Olli Tuovinen
Incredibile Hannu Jurnu
Grevinnan de Coigny Sari Nordqvist
                                          

 

                                                                                   Päivi Nisula (Maddalena de Coigny)

Bien que l’Opéra National de Finlande n’ait que seize ans d’existence, c'est pourtant un des rares opéras nationaux européens à proposer un festival en plein mois d’août (c’est ici que débuta en 1998, Elina Garanca, dans le Barbier de Séville, Anna Bolena et le Stabat Mater de Rossini).

Le bâtiment offre un large espace de vie, lumineux et ouvert sur les balades de la baie de Töölö, et la salle se distingue par une acoustique qui équilibre orchestre et voix avec une légère réverbération.

Les places sont très bon marché, 62 euros en première catégorie.

L'Opéra d'Helsinki au bord de Töölönlahti

L'Opéra d'Helsinki au bord de Töölönlahti

Toutefois, le contingent de places non occupées (au moins 30%) montre qu’un travail reste à faire pour attirer un public jeune, et pour ne pas laisser l’édifice aux mains d’une classe qui vit l’opéra comme un rituel bourgeois.

Il suffit de voir la cohue à l’entracte pour obtenir les parts de gâteaux, les verres de vins et les tables numérotées réservées à l’avance.
On peut voir de jeunes couples hallucinants, déambulant comme s’ils étaient au festival de Cannes, visiblement sans conscience du ridicule lorsque le spectacle n’est pas à la hauteur.

Mais pour attirer des jeunes, il va bien falloir revoir la qualité des productions.
Car ce n’est sans doute pas le Cosi fan Tutte par Guy Joosten, façon théâtre de Marivaux, ni les Noces de Figaro par Jüssi Tapola, dont le mérite est de travailler avec peu de moyens, qui pourraient les convaincre.

Si dans le premier cas, la prestation vivante et amusante de Paolo Fanale, ainsi que le petit truc qu’il utilisait en couvrant sa voix pour toucher la sensibilité de l’auditeur, faisait l’intérêt de la représentation, la direction de Jan Latham-König était le cœur musical de la folle journée, et non pas les vocalises mozartiennes.

Il aura fallu attendre André Chénier pour commencer à vibrer. Certes, le spectacle de Giancarlo Del Monaco est du niveau de ce que l’on pouvait monter dans les années 1960, cependant, il a le mérite de la sobriété, en axant le drame sur le climat sombre de conspiration pendant les pires jours de la « Terreur ».

Jugement d'Andrea Chénier (mise en scène Giancarlo Del Monaco)

Jugement d'Andrea Chénier (mise en scène Giancarlo Del Monaco)

Quelques symboles de la Révolution française viennent illustrer les principaux épisodes évoqués, comme la place de la Concorde où fût exécuté Louis XVI, ou bien Marianne avec le drapeau tricolore (mais aux bandes horizontales!).

Il faudra voir comment l’ensemble aura évolué, lors de la création à l’Opéra Bastille en décembre 2009.

La distribution est en revanche d’un grand intérêt.

Avec Mihail Agafonov, André Chénier prend vie de manière très simple et naturelle, sans aucune maladresse. Ses aigus se durcissent à peine, et tiennent la distance en force, ce qui n’empêche pas cet habile artiste d’être également très doux, des qualités très difficiles à réunir en un seul chanteur.

Päivi Nisula (Maddalena de Coigny) et Mihail Agafonov (Andrea Chénier)

Päivi Nisula (Maddalena de Coigny) et Mihail Agafonov (Andrea Chénier)

Sa partenaire, Päivi Nisula, séduit tout autant dans la première partie, le timbre est d’un moelleux subtilement métallique, et chaque phrase parlée est d’une précieuse musicalité mozartienne.

Hélas, les passages purement véristes virent à des forte d’acier qui tuent toute émotion dans « La mamma morta » et lors du duo final.
La jeune femme espiègle se laisse aller à un mélo exagéré, au détriment de la tragédie.

Un peu instable, le Gérard de Raimo Laukka en tire malgré lui beaucoup d’humanité, mais deux autres chanteurs se distinguent : Olli Tuovinen, qui dote Roucher d’une voix claire et ferme qui l’impose là, d’un seul bloc, et Hannu Jurnu dont la prestance fait de Incredibile un Mephisto félin très impressionnant.

Hannu Jurnu (Incredibile) et Raimo Laukka (Gérard)

Hannu Jurnu (Incredibile) et Raimo Laukka (Gérard)

Et n’est-elle pas touchante cette vieille Madelon, Hannele Aulasvuo, à la voix usée mais qui en dit tant sur les souffrances de cette mère qui livre son dernier petit fils à la Révolution?

Avec une direction nerveuse et spectaculaire, un peu à la Zubin Mehta, Albergo Hold-Garrido maintient la tension sans relâche, l'orchestre bouillonne, ce qui permet d’achever ces trois soirées de festival sur un inespéré moment de satisfaction.

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