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Publié le 25 Janvier 2022

Hamlet (Ambroise Thomas – 1868)
Représentation du 24 janvier 2022
Opéra Comique – Salle Favart

Hamlet Stéphane Degout
Ophélie Sabine Devieilhe
Claudius Laurent Alvaro
Gertrude Géraldine Chauvet
Laërte Pierre Derhet
Le Spectre Jérôme Varnier
Marcellus, 2ème Fossoyeur Yu Shao
Horatio, 1er Fossoyeur Geoffroy Buffière
Polonius Nicolas Legoux

Direction musicale Louis Langrée
Mise en scène Cyril Teste (2018)
Orchestre des Champs-Élysées & Chœur Les Eléments

AvecRoméo et Juliette’ de Charles Gounod puis, ce soir, ‘Hamlet’ d’Ambroise Thomas,  l’Opéra Comique présente en moins de deux mois deux opéras français en cinq actes créés à Paris à moins d’un an d’intervalle, respectivement en avril 1867 et en mai 1868, au crépuscule de l’ère du Grand opéra. Cette conjonction est d’autant plus remarquable que ces deux ouvrages sont inspirés de deux tragédies shakespeariennes qui feront les belles soirées du Théâtre national de l’Opéra jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, avant de décliner durablement.

Sabine Devieilhe (Ophélie) et Stéphane Degout (Hamlet)

Sabine Devieilhe (Ophélie) et Stéphane Degout (Hamlet)

Mais si ‘Roméo et Juliette’ fut souvent représenté à la Salle Favart, ce ne fut pas le cas d’’Hamlet‘ qui ne fit son entrée au répertoire de cette salle qu’en 2018, dans la production de Cyril Teste qui est reprise en ce début d’année 2022.

‘Hamlet’ n’était en effet réapparu sur la scène parisienne qu’en l’an 2000 au Théâtre du Châtelet dans la production du Capitole de Nicolas Joel, avec Thomas Hampson, Natalie Dessay et José van Dam, à un moment où ce grand théâtre parisien rouvrait pour concurrencer l’Opéra national de Paris.

Sabine Devieilhe (Ophélie) et Stéphane Degout (Hamlet)

Sabine Devieilhe (Ophélie) et Stéphane Degout (Hamlet)

La scénographie de Cyril Teste inscrit les errances d’Hamlet dans l’univers mondain d’une grande famille d’aujourd’hui à partir d’un décor facilement modulable et épuré, éclairé avec un goût raffiné et légèrement glacé, qui représente les différents lieux d’un grand appartement bourgeois avec chambres et salle de réception qui se succèdent. 

Le sol et l’arrière-scène noirs semble isoler cet espace du reste du monde, et la direction d’acteur privilégie la lenteur comme si Hamlet vivait dans un temps décalé par rapport à un milieu qui ne lui convient pas. 

L’emploi de vidéographies permet sur toute la hauteur du cadre de scène de projeter les visages sévères, éperdus ou dépressifs des différents protagonistes avec une grande force expressive. 

Après une succession d’horizons pastels, de gris océaniques et une plongée calme dans des eaux abyssales, la mort d’Ophélie constitue le climax de ce travail de vidéaste qui n’est pas sans rappeler les réflexions de Bill Viola sur la mort de Tristan.

Stéphane Degout (Hamlet) et Géraldine Chauvet (Gertrude)

Stéphane Degout (Hamlet) et Géraldine Chauvet (Gertrude)

L’utilisation des espaces entourant la salle de l’Opéra-Comique, et le suivi filmé en direct du Roi ou du chœur avant qu'ils ne pénètrent au niveau du parterre, contribuent à l’immersion de l’auditeur, avec toutefois une réserve sur le spectre du père d’Hamlet – chanté par Jérôme Varnier avec une présence vocale d’outre-tombe saisissante, légèrement grisaillante et fortement impressive – qui s’extrait des rangs des spectateurs en tant qu’observateur, ce qui ne permet plus de l’associer à une conscience immatérielle.

Ce beau travail visuel, dont la complexité est savamment masquée, prend cependant le dessus sur l’envie d’enrichir le livret par une relecture forte des symboles contenus dans l’œuvre shakespearienne. En 2012, au Theater an der Wien, Olivier Py avait brillamment analysé les aspects œdipiens du drame, par exemple.

Fureur d'Hamlet après la pièce du Meurtre de Gonzague

Fureur d'Hamlet après la pièce du Meurtre de Gonzague

10 ans après ses débuts en Hamlet, justement dans la production d’Olivier Py, Stéphane Degout est au summum de sa maturité vocale et dramatique. Grande force éruptive, désarroi poétique, chant et déclamation superbement liés et d’une grande netteté, il s’impose aujourd'hui comme l’un des interprètes majeurs du prince danois, lucide et torturé, et surtout moderne. Et pourtant, n’y a-t-il pas des sentiments encore plus noirs et encore plus profonds qui pourraient être montrés?

Auprès de lui, Sabine Devieilhe trouve ici probablement son rôle le plus abouti et le plus complet à la scène jusqu’à présent, car il met à l’épreuve sa virtuosité - dans son grand air final intime et si purement aérien, évidemment -, et il fait également exprimer les couleurs joliment teintées et les accents les plus touchants que l’on puisse entendre de sa part. Son regard sur Hamlet est d’une totale sollicitude, et quel malheur que ce soit le personnage le plus équilibré de l’histoire qui finisse par disparaître ! Cyril Teste cherche probablement à créer une connivence forte entre le public féminin et Ophélie.

Sabine Devieilhe (Ophélie)

Sabine Devieilhe (Ophélie)

D’une solide homogénéité de timbre, Laurent Alvaro dépeint un Claudius robuste avec une excellente assise, mais son personnage ne sort pas beaucoup d’un certain monolithisme. Géraldine Chauvet connaît bien le personnage de Gertrude depuis son incarnation au Grand Opéra d’Avignon en 2015, et offre ainsi un beau portrait de la mère d’Hamlet, sensible et réservé, sans aucun trait excessif, avec un timbre de voix ambré peu altéré qui contribue à la dignité de son caractère. 

Et par ailleurs, l’excellent Laërte de Pierre Derhet, avec un véritable sens de l’urgence et un impact vocal poignant, ne fait que donner envie de l’entendre dans des rôles bien plus consistants.

Enfin, la magie du chœur des Eléments opère formidablement dans cette salle qui permet d’en apprécier l’unité élégiaque et le raffinement jusque dans les murmures, et même si la salle Favart parait un peu restreinte pour déployer toute l’étendue du tissu orchestral d’'Hamlet', Louis Langrée lui apporte du nerf, attache une grande attention à la poésie des motifs des instruments en solo, bien mis en valeur ici, et la scène du meurtre de Gonzague est véritablement le confluent des forces instrumentales qu’il conduit sur une ligne théâtrale d’une grande efficacité.

Pierre Derhet (Laërte) et Sabine Devieilhe (Ophélie)

Pierre Derhet (Laërte) et Sabine Devieilhe (Ophélie)

Le final est celui de la création, c’est-à-dire l’avènement d’ Hamlet au trône du Danemark - mais Cyril Teste nous montre en ultime image le visage d’un Hamlet intérieurement ravagé, et c’est avec grande impatience que l’on attend de savoir si c’est cette version d’'Hamlet' que l’Opéra de Paris présentera au cours des prochaines saisons, ou bien si ce sera celle modifiée par Ambroise Thomas pour Londres (1869) qui s’achève sur la mort de l’anti-héros afin de rapprocher un peu plus son œuvre lyrique de l’esprit de la pièce de Shakespeare.

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Publié le 2 Juin 2009

Cyrano de Bergerac (Franco Alfano 1875-1954)
Représentation du 31 mai 2009
Théâtre du Châtelet

Cyrano Placido Domingo
Roxane Nathalie Manfrino
Christian Saimur Pirgu
De Guiche Marc Labonnette
Ragueneau Laurent Alvaro
Carbon Franco Pomponi
La Duègne Doris Lamprecht

Direction musicale Patrick Fourmillier
Orchestre symphonique de Navarre

Mise en scène Petrika Ionesco

                                                                                       Placido Domingo (Cyrano de Bergerac)

Nul doute que le talent à animer un plateau envahi par des dizaines de figurants est ce que nous admirons le plus dans la nouvelle mise en scène de Petrika Ionesco, du véritable film de cape et d’épée.
Décors assez imposants, l’immense ouverture du ténébreux couvent des Dames de la Croix est comme la vie vaincue par la mort, c’est la scène du balcon, plus sobre et soigneuse éclairée, qui séduit le plus.

Placido Domingo (Cyrano)

Placido Domingo (Cyrano)

Avec une force émotionnelle exceptionnelle, Placido Domingo nous tire au bord des larmes, cette manière de déclarer son amour par procuration à Roxane - il est l’ombre, elle est la lumière - alors que la musique d’Alfano tire sur le mélo, est une épreuve irrésistible pour le spectateur.
Et ce n’est rien quand plus loin il avoue la lassitude du poids de son amour inexprimé.

Mais il est aussi vaillant, la puissance de ses éclats de voix sonne comme un avertissement et une défiance, cette énergie improbable fascine.

Placido Domingo (Cyrano) et Nathalie Manfrino (Roxane)

Placido Domingo (Cyrano) et Nathalie Manfrino (Roxane)

Et Nathalie Manfrino est tout simplement un ange un peu espiègle, doué d’une musicalité qui résiste aux hauteurs de la tessiture sans perdre aucune couleur, et d’effets fuyants absolument magnifiques.

En support de tout cela, le très sympathique Patrick Fourmillier s’évertue à faire vivre la partition avec souffle et élégance, une musique que l’on pourrait rapprocher de celle de Cilea - Adrienne Lecouvreur évidemment - sans leitmotiv marquant.

Le couple principal nous fait un peu oublier les autres partenaires, mais la situation est trop unique.

Ce défi au temps (et Placido Domingo projetterait de revenir au Châtelet en 2011 pour ses 70 ans dans Luisa Fernanda) touche une part profonde en nous même, et cela nous ne l’oublierons pas.

La demi-heure de rappels au rideau final non plus.

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Publié le 29 Mars 2009

Die Feen  (Richard Wagner)
Représentation du 29 mars 2009 au Théâtre du Châtelet

Direction musicale Marc Minkowski
Mise en scène Emilio Sagi

Ada Christiane Libor                               Lora Lina Tetruashvili
Arindal William Joyner                            Gernot Laurent Naouri
Farzana Salomé Haller                             Zemira Eduarda Melo
Morald Laurent Alvaro                            Drolla Judith Gauthier
Le Roi des Fées, Groma Nicolas Testé    Gunther Brad Cooper

 

Les Musiciens du Louvre-Grenoble
Choeur des Musiciens du Louvre-Grenoble

Ce que vient de réaliser le Théâtre du Châtelet en offrant « Les Fées » tient du miracle musical.
Cet opéra est si peu connu, que chacun se trouve dans la situation du spectateur qui découvre le premier opéra d’un jeune compositeur âgé de 20 ans, un gamin en somme.

Né la même année que Wagner (1813), Verdi ne composera d’œuvre lyrique que six ans plus tard, c’est dire si l’émotion est forte à l’écoute de ces pages qui nous transportent dans un univers évoquant la Flûte Enchantée, Lohengrin, La Femme sans Ombre, Turandot ou bien Der Freischütz.

William Joyner (Arindal) et Christiane Libor (Ada)

William Joyner (Arindal) et Christiane Libor (Ada)

C’est l’histoire d’un Prince qui trouve l’amour auprès d’une Fée, brise le serment de ne pas la questionner sur ses origines, la perd, la retrouve en jurant de ne jamais la maudire, échoue lorsqu’une illusion le trompe, mais réussit à la libérer d’un sortilège en affrontant trois épreuves.

Pour ce conte de Fées, Marc Minkowski et les musiciens du Louvres créent un univers sonore dense et vif, un envoûtant tourbillon qui permet de traverser plus facilement les passages parfois peu contrastés de la partition.

La qualité de la distribution réunie montre le sérieux avec lequel ce projet a été mené. Même les seconds rôles ont fait l’objet d’un soin qui confère à l’ensemble une musicalité homogène, belle et expressive.

Lina Tetruashvili

Lina Tetruashvili

William Joyner est certes parfois en difficulté dans les passages qui sollicitent la force des aigus, mais sa partition, riche d’airs sensibles et plus mozartiens, lui laisse un large champ pour imposer ses nuances et la poésie de son chant.

Christiane Libor, en prise avec un rôle aux dimensions de l’Elisabeth de Tannhauser et de l’Elsa de Lohengrin, est d’un impact vocal précis, les lignes fusent sans que jamais les limites ne semblent atteintes, le tout gardant comme une sorte de légèreté qui jamais ne fait douter qu‘elle pourrait avoir une personnalité plus sombre (alors que le livret cherche à nous le faire croire).

William Joyner (Arindal)

William Joyner (Arindal)

Presque surdimensionné, Laurent Alvaro est de l’envergure d’un Amfortas, c’est le genre de chanteur qui donne une âme, et le personnage de Morald gagne en envergure avec lui.

A côté de ces chanteurs, Lina Tetruashvili apporte un style encore plus subtil, des couleurs que l’on imagine formées à l’univers baroque, la présence de Laurent Naouri allie un timbre bien connu à un style impeccable, Salomé Haller et Eduarda Melo rappellent les Dames de « Die Zauberflöte » avec beaucoup de gaieté.

                                                                                           Laurent Naouri (Gernot)

Au final, Nicolas Testé impose la prestance et l‘autorité du Roi des Fées, on croirait voir surgir le Sarastro de Mozart.

Un enregistrement ne semble pas prévu, et pourtant il aurait grande chance de faire référence.

Vient le traitement scénique.

La forme choisie par Emilio Sagi n’aide en rien à comprendre la trame de l’histoire, et mieux vaut l’avoir bien étudiée avant d’appréhender la représentation.

De manière fort créative, les images prennent les couleurs de l’esthétique hors norme de « Pierre et Gilles », dégradés de rose, nuit vert et bleu luminescents et scintillants, soulignent l'univers d'enfant sous-jacent, et finalement le troisième acte, construit autour d’un gigantesque lustre écrasé au sol, bénéficie le mieux du très sophistiqué travail sur les éclairages.
Beau ? Peut être pas, mais visuellement stimulant sûrement.

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Publié le 24 Janvier 2008

Véronique (André Messager)

Représentation du 21 janvier 2008

Théâtre du Châtelet

Hélène de Solanges (Véronique) Amel Brahim-Djelloul
Florestan de Valaincourt Dietrich Henschel
Agathe Coquenard Ingrid Perruche
Gaston Coquenard Laurent Alvaro
Ermerance de Champ d'Azur Doris Lamprecht
Séraphin Sébastien Guèze
Loustot Gilles Ragon
Tante Benoît Catherine Hosmalin

Direction musicale Jean-Christophe Spinosi
Mise en scène Fanny Ardant                                                  
Ingrid Perruche (Agathe)

A première vue, l’histoire de Véronique n’est que banale. Une jeune fille découvre que son futur époux aime la femme d’un fleuriste. Seulement, endetté jusqu’au cou, Florestan se résigne au mariage de raison.

Tout le premier acte chez le fleuriste Coquenard met en place l’intrigue, sorte de défilé de personnages surexcités,  comédiens dans la comédie, finalement à l’image d’un milieu mondain léger et en perpétuelle représentation.

D’emblée, Fanny Ardant ne se pose aucune limite, les personnages les plus excentriques se pavanent avec une débauche de costumes et de couleurs, le spectateur en a plein la vue et se demande tout de même combien de temps cela va durer ! 

Heureusement, les deux parties suivantes réservent de très beaux moments de vérité que ce soit le duo entre Florestan et Véronique ou bien la complainte d’Ermerance considérant sa réelle solitude. Et tout cela sans que le sérieux ne prenne le dessus. 

Visuellement, le deuxième acte à Romainville est le plus réussi si l’on considère la fusion impeccable entre la vidéo illustrant les paysages de campagne, et les décors et lumières de la scène. 

La mise en valeur de la vie dans tous les tableaux de cette œuvre ( plein de choses se passent dans les vidéos) est également une constante qui ne surprend guère chez une femme aussi passionnée que Fanny Ardant.

                                                            Amel Brahim-Djelloul (Véronique) et Dietrich Henschel (Florestan)

Bien que la dynamique musicale ne soit particulièrement pas accentuée au premier acte, la direction de Jean-Christophe Spinosi se fond très bien dans l’ensemble.

Tous les artistes sont excellents acteurs. Laurent Alvaro est nettement le plus sonore, Dietrich Henschel exprime les plus beaux sentiments, Doris Lamprecht nous réjouit de sa drôlerie, Ingrid Perruche s’amuse sans complexes, et Amel Brahim-Djelloul évoque tant l’espièglerie d’Audrey Hepburn qu’elle achève de faire de cet Opéra Comique une transposition vivante et très élégante des comédies américaines des années 50-60.

Sans doute n'est-ce qu'un hasard si Fanny Ardant resitue l'histoire en 1953, qui est aussi l'année où l'actrice d'Hollywood reçut son premier Oscar.

Scène finale à l'Opéra

Scène finale à l'Opéra

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