Publié le 29 Juillet 2014

Der fliegender Holländer (Richard Wagner)

Représentation du 26 juillet 2014
Bayreuther Festspiele

Daland Kwangchul Youn
Senta Ricarda Merbeth
Erik Tomislav Muzek
Mary Christa Mayer
Der Steuermann Benjamin Bruns
Der Holländer Samuel Youn

Direction musicale Christian Thielemann
Mise en scène Jan Philipp Gloger

 

 

                                                                     Samuel Youn (Le Hollandais) et Ricarda Merbeth (Senta)

L'édition 2014 du Festival de Bayreuth vient à peine de débuter, et d'emblée la reprise du Vaisseau Fantôme ravive tous nos sens et notre sensibilité à une interprétation musicale incroyablement présente, prenante par sa fluidité et la finesse des détails qui strient la texture orchestrale, autant que par les ornements mélodiques qui se dessinent avec évidence.

Benjamin Bruns (Le pilote)

Benjamin Bruns (Le pilote)

On ne sait plus bien, de Christian Thielemann ou bien de l'orchestre, à qui l'on doit le plus la force et l'expérience d'une telle direction, mais pendant plus de deux heures, la musique de Wagner se fait le souffle d'une vie qui se déroule inéluctablement dans une tension pure et sans esbrouffe, nimbée de poésie jusqu'au dernier fil.

Les chanteurs, eux, sont tous mis en valeur, non seulement par l'acoustique merveilleuse du Festspielhaus, mais également par leur incarnation entière et sans faille.
Rarement aura t-on entendu un pilote ausi dramatiquement terrifié que celui de Benjamin Bruns.

Il marque au point d'être un égal de Daland, marchand repris, cette année, par Kwangchul Youn. Celui-ci, au sommet de sa réalisation lyrique et théâtrale, est un géant de noblesse et d'humilité, une humanité bienveillante et austère, une voix qui frappe nos pensées lorsqu'elles vaquent à leur indiscipline.

Samuel Youn, l'autre chanteur sud-coréen de cinq ans son cadet, vit le Hollandais avec une identique gravité résignée et une manière d'être ferme et directe qui repose sur un timbre vocal bien affirmé et une ampleur quelque peu réservée quand ses aigus se veulent puissants.

 

 

                                                                                                    Kwangchul Youn (Daland)

 

Bien que peu valorisée scéniquement par ses tristes habits, Ricarda Merbeth, impressionnante Chrysothemis à l'Opéra Bastille cette saison, renouvelle une interprétation encore plus vaillante, dardant la salle entière de ses aigus projetés de toutes parts dans un élan exaltant, au sacrifice, toutefois, d'une certaine sensibilité moins perceptible quand elle devrait nous faire fondre de tendresse.

Ricarda Merbeth (Senta)

Ricarda Merbeth (Senta)

Il en est va de même de Tomislav Muzek, avec lequel Erik est d'un impact écorché inévitable.

Dans la mise en scène de Jan Philipp Gloger, Senta est une jeune femme qui se sent très différente de ses consoeurs ouvrières, car elle entretient en elle-même un amour hors du commun et monstrueux qui se cristallise sur ce Hollandais issu d'un univers technologique deshumanisé, où il ne survit que grâce à des artifices exitants, la drogue, le sexe facile, comme si l'argent était son seul moyen de rapport au monde.

Der fliegende Holländer (Merbeth-Youn-Thielemann) Bayreuth 14

Le directeur scénique laisse néanmoins perplexe avec cette vision d'un amour salvateur, noir et étrange, que le monde contemporain productiviste exploite au final en produit marchand, si bien que c'est surtout l'impressionnant décor initial, grandiose et inquiétant, bardé de circuits électroniques s'illuminant au son des remous violents de la musique, qui restera dans les mémoires.

Et la candeur du choeur féminin, l'unité puissante du choeur masculin, totalement stable même dans les déplacements scéniques, culminent vers une grâce confondante.

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Publié le 17 Juillet 2014

Tamar Iveri – Un concert pour le National Coming Out Day le 11 octobre 2014 à Tbilissi

Victime d’un mari chrétien orthodoxe profondément religieux - La Georgie est un territoire qui fait de l'orthodoxie une condition d'adhésion à l'état - dont les mots dépassèrent la pensée lorsqu’il manifesta, sur le profil Facebook de sa femme, son désaccord au passage du défilé LGBT prévu à Tbilissi le 17 mai 2013 devant, notamment, le cimetière où étaient au même moment enterrés des soldats tués en Afghanistan, Tamar Iveri a subi le mois dernier une vague de dénigrements impressionnante sur internet.
 

Cette affaire, un moment éclipsée, est en effet réapparue au grand jour, stigmatisant une incroyable violence verbale envers cette chanteuse, qui apparaissait comme l’auteur de ces propos.

Malgré ses explications, les médias internationaux, musicaux où généralistes, relayèrent, selon un comportement moutonnier quasi unanime, des accusations d’homophobie sans chercher à comprendre quoi que ce soit à cette situation invraisemblable.
Car, pour ma part, je ne crois pas cette artiste capable de cela, et n’ai aucun doute sur son cœur.

 


                                                                                         Tamar Iveri (Suor Angelica - Opéra Bastille 2010)


Deux contrats furent très vite annulés, à Sydney et Bruxelles, le contrat australien ayant été résilié à sa demande pour éviter les provocations.

 

Tamar Iveri s’est alors rendue le 15 juin 2014 au siège de l’ONG Identoba, organisation dédiée à la défense des droits LGBT en Georgie, pour s’excuser à nouveau de cette lettre diffusée sur sa page Facebook.

Elle a alors décidé de réunir nombres de personnalités géorgiennes, de chanteurs lyriques et d’autres artistes à un concert qui sera joué le jour du National Coming Out Day, le 11 octobre prochain à Tbilissi.

Tous les fonds seront ainsi restitués à des associations refuges pour les victimes de violences quelles qu’elles soient. Cette condition est importante, car la Georgie est un état où les minorités religieuses subissent la même violence que les homosexuels de la part de groupes fondamentalistes, et ce, malgré la législation qui tente d'enrayer ces exactions.

Tamar Iveri (Desdémone- Opéra Bastille 2011)

Tamar Iveri (Desdémone- Opéra Bastille 2011)

Lors de la conférence de presse du 17 juillet à Tbilissi, Identoba a ainsi souligné à quel point cette initiative est un précédent important et positif et un grand exemple de soutien qui bénéficiera à tout le monde.

Ci-dessous, le communiqué d’Identoba :

As LGBT individuals, we have to deal with hate on an everyday basis. Not only does the hostile environment force some of us into the closet, but we are violently prohibited from speaking up about discrimination experienced. In these circumstances it is exceptionally valuable that well-established and respected public personae denounce violence and show support for equality. This is exactly why homophobic letter, published on Tamar Iveri’s page and dedicated to 2013 May 17th, turned out to be so offensive for the great majority of Georgian and international public.

On June 15th, 2014, Tamar Iveri paid a visit to Identoba. We had detailed and friendly discussion on the harmfulness of the hate speech in an already hostile environment that Georgia is. Hate speech only incites hatred between diverse social groups and worsens the already difficult situation for marginalized individuals. Tamar Iveri agreed that violence against human right defenders is undoubtedly harmful and that hate speech is unacceptable in public life. She expressed her deep concern for the pain that her Facebook statement caused to the LGBT individuals in Georgia and worldwide.

Coming Out Day is celebrated on October 11, dedicated to the LGBT individuals who speak about their experiences of being forced to live closeted lives and in secrecy, because of their sexual orientation and gender identity. Tamar Iveri expressed her desire to bring together notable Georgian and foreign opera singers and other artists for the day, and to express her support through a charity concert. Raised funds will be donated to various domestic violence victim shelters. It is commendable that artists will call Georgian public to establish environment for mutual acceptance and solidarity building.

We believe, it is the duty of every person to recognize the principle of universality of human rights. Without this peaceful coexistence is unimaginable. As socially marginalized groups are systematically deprived freedom of expression and have limited or no possibility to talk with the public about the discrimination they face, every step taken towards changing the culture of violence is very important. In spite of this, we also recognize that it is impossible to compensate the harm homophobic statements caused to LGBT individuals.

Acknowledgement how detrimental homophobia is, publicly expressing solidarity towards oppressed groups by each of us, and especially by notable personae, is itself an important and a positive precedence and a great example of the support that benefits everyone.

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Publié le 13 Juillet 2014

Dimanche 06 juillet 2014 sur Arte à 18h30
Mozart, Schubert. Martha Argerich & Daniel Barenboim (piano)

Mercredi 09 juillet 2014 sur Arte à 20h45
La Flûte Enchantée (Mozart) à Aix-en-Provence.
Fischesser, Lehtipuu, Koningsberger, Shagimuratova, Eriksmoen...
dir. Heras-Casado, Mc Burney, m.s.

Dimanche 13 juillet 2014 sur Arte à 00h50
Dialogues de Carmélites (Poulenc)
Koch, petibon, Gens, Piau, Plowright, Lehtipuu, Rouillon, Vavrille.
dir. Rhorer, Py, m.s.

Dimanche 13 juillet 2014 sur Arte à 17h40
Le Miracle Karajan
Documentaires et concert.

Lundi 14 juillet 2014 sur France 2 à 21h30
Le Concert de Paris, en direct du Champ-de-Mars.
Netrebko, Dessay, Garanca, Peretyako, Florez, Beczala ...
Orch. nat. de France, dir Gatti

Mardi 22 juillet 2014 sur France 2 à 00h30
Elektra (Strauss)
Meier, Pieczonka, Herlitzius, dir. Salonen, Chéreau m.s.
Festival d'Aix en Provence 2013

Dimanche 27 juillet 2014 sur Arte à 18h30
Concerto n°2 de Beethoven. Pires (piano).
Orch. de Paris, dir. Chailly

Lundi 28 juillet 2014 sur Arte à 22h25
La Force du Destin (Verdi)
Harteros, Kowaljow, Tézier, Kaufmann, Kratseva, Girolami...
dir. Fisch, Kusej, m.s.

Mardi 05 août 2014 sur France 2 à 21h55
Otello (Verdi)
Alagna, Mula, Pondjiclis, Ko, Laconi, Lori, Dran...
dir. Myung-Whun, Duffaut, m.s
En direct des Chorégies d'Orange.

Mardi 19 août 2014 sur France 2 à 00h30
Stabat Mater (Pergolèse/Traetta)
dir. Rousset.

Mardi 26 août 2014 sur France 2 à 00h30
Master Class de Jorvi Savall, Sneguirev et Sommer.
L'Offrande musicale (Bach).
Le Concert des Nations.

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Rédigé par David

Publié dans #TV Lyrique

Publié le 5 Juillet 2014

Nous ne sommes que bouche (Cassandres Cie)
Variations sur « Une souris verte » pour cor anglais, soprano, comédienne et musique électroacoustique
Représentation du 03 juillet 2014
Galerie Talmart (Paris 4ème)

Avec Marie Soubestre (Soprano), Sylvain Devaux (Cor anglais), Dorothée Daffy (Voix)

Compositeur / Arrangeur Greg Beller
Mise en scène Dorothée Daffy
Compagnie Les Cassandres

 

 

 

                                                                                                        Sylvain Devaux (Cor anglais)

 

Entrer à l’intérieur de la Galerie Talmart située le long du cloître Saint-Merri c’est s’immerger dans l’univers glaçant du conflit syrien et des massacres d’Alep : un tableau situé sur la gauche représente un mur de pierre visé par des bombes guidées, des blocs de savon évoquent les restes du bombardement, et des visages d’anges qui grimacent les yeux bandés parlent d’eux-mêmes.

Marie Soubestre (Soprano), Sylvain Devaux (Cor anglais), Dorothée Daffy (Récitante) et, en arrière plan à la toute gauche, Greg Beller (Compositeur)

Marie Soubestre (Soprano), Sylvain Devaux (Cor anglais), Dorothée Daffy (Récitante) et, en arrière plan à la toute gauche, Greg Beller (Compositeur)

Et lorsque l’on rejoint le sous-sol où va se dérouler le nouveau spectacle de la Compagnie Les Cassandres, le léger malaise de cet univers clinique se prolonge car, non seulement le sol de la scène est recouvert de plumes au creux desquelles les trois comédiennes et comédien dorment lovés, mais en plus, chacun est invité à porter un masque chirurgical.
Ce masque, pour celui qui le porte, lui donne le sentiment de dissimuler partiellement ses réactions, et donc le met finalement à l’aise.

Au cours de cette courte pièce d’une demi-heure, le spectateur se trouve face à ces trois jeunes aux talents complémentaires dont les expressions respectives vont quelque peu l’interloquer, le fasciner ou bien le faire rire.

Car nous assistons à l’émergence d’une humanité au milieu des restes d’un chaos animal - ceci dit bien douillet – et l’on peut imaginer qu’un metteur en scène tel Calixto Bieito aurait recouvert tout le monde de boue pour accentuer le sordide de la situation.
 

Dorothée Daffy n’a cependant pas cherché de telles extrémités. Elle-même récitante, elle raconte une histoire de la naissance de l’âme, chante une variation enfantine et plutôt cruelle sur « Une souris verte », alterne ses déclamations avec Marie Soubestre, qui, à la toute fin, fait passer son soprano du bruitage à l’éclosion de la beauté du chant.   « Remember me », une des plus belles plaintes pathétiques du XVIIème siècle (Henry Purcell), émerge enfin.

Quant à Sylvain Devaux, balbutiant de premiers sons mélancoliques avec son cor anglais auquel l’amateur d’opéra associe naturellement le solo du 3ième acte de Tristan et Isolde, il offre une leçon de technique et un accompagnement musical magnifique sur l’air final. Par ailleurs, il y a quelque chose de touchant dans sa fragilité d’être.


                                                                                             Dorothée Daffy (Comédienne/Metteur en scène)


Mais on ne se rend pas toujours compte des effets électroacoustiques créés par Greg Beller. Ceux-ci se fondent tant dans l’atmosphère vocale, que le spectacle prend un pouvoir méditatif qui pousse chacun d’entre nous – de par la disposition circulaire des auditeurs tout autour des acteurs – à également admirer les visages de chacun pour déceler les réactions engendrées par la tension de la pièce.

Une expérience de l’étrange, de l’humour et de la musique pour lier dans un instant des regards très différents.

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