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Publié le 23 Janvier 2024

Jules César (Georg Friedrich Haendel - King's Theatre Haymarket de Londres, le 20 février 1724)
Représentations du 20 et 30 janvier 2024
Palais Garnier

Giulio Cesare Gaëlle Arquez
Tolomeo Iestyn Davies
Cornelia Wiebke Lehmkuhl
Sesto Emily d'Angelo
Cleopatra Lisette Oropesa
Achilla Luca Pisaroni
Nireno Rémy Bres
Curio Adrien Mathonat

Direction Musicale Harry Bicket
Mise en scène Laurent Pelly (2011)

A l’occasion des 300 ans de la création de l’ouvrage le 20 février 1724 au King’s Theatre de Londres, l’Opéra national de Paris reprend la production de ‘Giulio Cesare’ montée par Laurent Pelly en 2011, et en confie l’interprétation à son propre orchestre, une première depuis 1997 (‘Giulio Cesare’ sous la direction d’Ivor Bolton), les œuvres baroques étant habituellement confiées à des spécialistes tels 'Les Arts Florissants', 'Les Musiciens du Louvre' ou bien 'Le Concert d’Astrée'.

Gaëlle Arquez (Giulio Cesare)

Gaëlle Arquez (Giulio Cesare)

Cette ouverture du répertoire s’inscrit ainsi dans la même logique observée avec Gluck dont les deux dernières reprises d’’Iphigénie en Tauride’ (2016 et 2021) ont aussi été assurées par l’Orchestre de l’Opéra de Paris.

Harry Bicket a donc accepté de délaisser pour un temps ‘The English Concert’, et il entraîne les musiciens de la maison dans une lecture juvénile qui soigne la rondeur et la douceur du son. La pâte sonore est constamment fluide et brillamment polie, et le chef d’orchestre britannique s’assure de l’excellente continuité entre la vivacité instrumentale et l’expressivité vocale des chanteurs.

Lisette Oropesa (Cleopatra)

Lisette Oropesa (Cleopatra)

Dans cette mise en scène, la cohérence dramatique est délaissée au profit d’une vision qui consiste à faire revivre, dans l’entrepôt d’un musée qui pourrait être celui du Caire, les personnages de l’antiquité, tout en y mêlant la vie du personnel agissant sans les voir.

Cela permet d’introduire des scènes humoristiques, mais aussi de maintenir un regard distancié avec le passé colonialiste. La profusion de bustes et de statues, de la lionne mycénienne à l’Auguste Caesar, a aussi le pouvoir d’inspirer chez le spectateur un imaginaire qui lui permette de développer sa propre théâtralité intérieure.

Lisette Oropesa (Cleopatra)

Lisette Oropesa (Cleopatra)

A l’occasion de cette reprise, il se dégage de la part des solistes une unité d’ensemble fort plaisante à écouter, d’autant plus que la plupart des chanteurs ne sont pas des spécialistes du répertoire baroque.

Lisette Oropesa est par tempérament naturellement sensationnelle dans le rôle de Cléopâtre, très à l’aise à défier les aspects virtuoses de son personnage, mais elle fait aussi entendre une richesse de teintes vocales qui lui donne de la densité. Dans les fameux lamenti ‘Se pietà di me non senti, giusto ciel’ et ‘Piangerò la sorte mia’, elle n’hésite d’ailleurs pas à laisser filer des affects qui ajoutent subtilement de la vérité à la souffrance qu’elle exprime.

Rémy Bres (Nireno) et Lisette Oropesa (Cleopatra)

Rémy Bres (Nireno) et Lisette Oropesa (Cleopatra)

Nireno, le confident de la Reine égyptienne, est interprété par Rémy Bres, 26 ans, jeune contre-ténor avignonnais qui fait ses début à l’Opéra de Paris, et qui a déjà fréquenté l’année dernière, à Rome et à Leipzig, un autre rôle de cet ouvrage, Tolomeo.

Le timbre est chaleureux, rond et mélancolique, ce qui donne le sentiment d’une touchante candeur nimbée de séduction dans son air ‘Chi perde un momento di un dolce contento’, vif et scintillant, un air ajouté par Haendel peu après la création et réintroduit à l’occasion de cette production.

Wiebke Lehmkuhl (Cornelia)

Wiebke Lehmkuhl (Cornelia)

Profondément languide, Wiebke Lehmkhul rapproche l’auditeur de la noirceur retenue de Cornelia avec une tessiture d’une très belle noblesse, et Emily d'Angelo, dont la ligne androgyne fascine toujours autant, fait entendre la fureur de Sesto avec des traits violemment fauves et boisés dans la voix qui contribuent à lui donner un caractère fabuleusement perçant.

C’est d’autant plus saisissant qu’une fois revenue pour les saluts, la mezzo-soprano canadienne offre au public un sourire d’un charme absolument fou.

Emily d'Angelo (Sesto)

Emily d'Angelo (Sesto)

Et dans le rôle titre qu’elle a incarné au Théâtre des Champs-Élysées au printemps 2022, Gaëlle Arquez investit la carrure de cet Empereur vieillissant avec une conviction assez confondante, en faisant bien ressentir sa nature dépressive. Les lignes vocales sont souples, joliment moirées, avec de très fins effets filés, mais aussi un mordant sensible sans noirceur excessive.

Gaëlle Arquez (Giulio Cesare) et Lisette Oropesa (Cleopatra)

Gaëlle Arquez (Giulio Cesare) et Lisette Oropesa (Cleopatra)

Son hôte, l’odieux Tolomeo, est incarné par un contre-ténor passionné par l’univers haendélien, Iestyn Davies, qui joue de son assurance avec style, les couleurs du timbre se rapprochant d’ailleurs de celui de Rémy Bres en Nireno.

Iestyn Davies (Tolomeo)

Iestyn Davies (Tolomeo)

Enfin, Luca Pisaroni est un interprète d’Achilla d’une pleine autorité et Adrien Mathonat fait résonner en Curio un ébène dense et aristocratique.

Un grand plaisir mélodique soigné, qui s’apprécie pour les caractères inspirants et contrastés qui traversent cette histoire, dont la trame mêle de façon proche humour et douleur dans un cadre artistique très évocateur.

Wiebke Lehmkuhl, Lisette Oropesa, Harry Bicket, Gaëlle Arquez et Emily d'Angelo

Wiebke Lehmkuhl, Lisette Oropesa, Harry Bicket, Gaëlle Arquez et Emily d'Angelo

Egalement, le compte-rendu de la création en Janvier 2011:

Giulio Cesare (Dessay - Zazzo msc Pelly) au Palais Garnier

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Publié le 8 Juillet 2007

Madame Butterfly (Giacomo Puccini)

Représentation du 20 février 2006 (Bastille)
 
Mise en scène Bob Wilson
Direction musicale Dennis Russell Davies
 
Cio-Cio San Liping Zhang
Pinkerton Marco Berti
Sharpless Dwayne Croft
Suzuki Ekaterina Gubanova
 
Il fallait que je revoie une dernière fois l’interprétation de celle qui fût choisie au dernier moment pour faire la première de la reprise de Madame Butterfly.
 
Liping Zhang est d’une aisance indéniable dans ce rôle. Sa gestuelle souple et gracieuse a du vraiment subjuguer Bob Wilson. Son chant fluide atteint un niveau de projection appréciable pourtant sans puissance exceptionnelle. Et le tout s’allie admirablement dans cette mise en scène épurée.
L’intelligence de cette chanteuse s’admire de bout en bout avec cette préférence pour la musicalité à la tentation d’atteindre toutes les notes. 
Dés son entrée elle ne risque aucun aigu qui trop forcé pourrait créer une rupture des lignes.

Ainsi rarement l’intention vocale ne se tourne vers une expressivité affirmée et encore moins vériste.
L’émotion surgit donc plus d’une certaine beauté et d’une certaine dignité qui rendent les larmes indésirables.
 
Je suis sans illusion devant les réactions instantanées. Mais il est possible que nous ayons assisté à un sommet de l’interprétation pour cette mise en scène dont cette artiste a transcendé l’esthétique.
 
Marco Berti s’est encore révélé ce soir d’une puissance et d’une solidité sereines.

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