Cycle Mozart / Bruckner (Daniel Barenboim– Staatskapelle Berlin) Philharmonie
Publié le 3 Septembre 2016
Ce premier concerto prend en toute évidence la forme d’un palier de décompression avant que ne se déploie l’une des symphonies les plus monumentales de Bruckner.
Car la lecture pleine de respirations et d’une clarté somptueuse qui en est faite contraste avec la droiture affichée par Daniel Barenboim dans le concerto mozartien.
Cette fois, l’orchestre a plus que doublé de volume, et l’éventail des cordes, soutenu en arrière-plan par l’ensemble des vents, est dominé par une section de huit contrebasses donnant une image d’ensemble fortement structurée.
Symphonie concertante pour hautbois, clarinette, cor et basson en mi bémol (1778?)
Symphonie n°7 en mi majeur (1884)
Une semaine plus tard, la formation allemande est à nouveau déployée sous le regard concentrique des spectateurs, mais cette fois, c'est l'énigmatique symphonie concertante pour hautbois, clarinette, cor et basson, attribuée à Mozart, qui ouvre la soirée.
D'une tonalité bien plus légère que le concerto pour piano et orchestre n°24, l'ensemble est joué avec une belle fluidité, et toute l'âme malicieuse qui s'en dégage semble provenir d'un merveilleux hautboïste, Gregor Witt, qui dessine d'élégantes arabesques fines et nuancées en clin d'oeil vers ses partenaires.
La symphonie de Bruckner jouée en seconde partie de soirée, la 7ème, est naturellement un des sommets de ce cycle.
Elle est en effet chargée d'une symbolique sombre et mystique, où se rejoignent l'univers fantastique de Louis II de Bavière, le dédicataire de l'oeuvre, et celui de Luchino Visconti, qui fit de ce Roi le sujet d'un de ses chefs-d'oeuvre, "Le Crépuscule des Dieux", et qui utilisa également l'esthétique de l'adagio de la 7ème pour sublimer l'atmosphère décadente du Venise de son premier film baroque, "Senso".
Comme pour l'interprétation de la "Romantique", on retrouve chez Daniel Barenboim et les musiciens de la Staatskapelle un talent majestueux pour l'ampleur lumineuse et l'hédonisme sonore, mais surtout, la puissance et l'éclat de l'orchestre s'accomplissent dans la salle de la Philharmonie en jouant d'effets acoustiques parfois très surprenants.
Les cors se reflètent ainsi sur les plafonds des balcons, les sons des cordes flottent en suspension au-dessus de l'ensemble, et les déflagrations des chutes orchestrales s'évanouissent le long des parois dans de fulgurants mouvements de fuite vers l'arrière de la salle.
C'est absolument saisissant à entendre.
Concerto pour piano n°22 en mi bémol majeur K.482
Symphonie n°3 en ré mineur "Wagnérienne" (1877)
C'est au cours des tous premiers jours de l'année 2017 que la seconde partie du cycle Mozart-Bruckner interprété par Daniel Barenboim et la Staatskapelle de Berlin se poursuit en revenant sur les premières oeuvres du compositeur originaire de Linz.
En première partie de soirée, le 07 janvier, le bel allant de la formation décrit un Mozart moelleux et vif, subtil lorsque les filaments des violons se détachent et se dissipent dans l’atmosphère réflexive de la Philharmonie, et flamboyant avec une intensité qui se resserre au dernier mouvement. Daniel Barenboim, au piano, joue beaucoup d’effets de nuances absolument captivants par leur optimisme, privilégiant, à certains moments, le courant pianistique à la précision, et à d’autres, le contraste d’une seule note pour marquer l’attention dans l’instant.
En seconde partie, l’interprétation de la troisième symphonie d'Anton Bruckner montre à quel point ses dimensions requièrent une habilité et une tension qui peuvent expliquer la difficulté que le compositeur eut à la diriger lors de sa création.
Daniel Barenboim tient son orchestre à bout de corps, l’esprit sévère mais prêt à revenir à une détente légère quand les réminiscences de valses surviennent, les attaques des cuivres fusent et soutiennent une architecture monumentale pour laquelle on ressent une adhésion infaillible des musiciens, et ce souffle paraît presque incroyable tant Bruckner cherche dans cette symphonie à trop impressionner.
Paradoxalement, le pathétisme de l’adagio est à peine fiévreux, emprunt d'une sérénité qui invite au rêve plus qu'à un grand voyage imaginaire.
Soirée d'une grande unité pour deux oeuvres pourtant bien dissemblables.