Chimène ou le Cid (A.Slawinska-A.Sargsyan-M.Lécroart-J.Chauvin-S.Anglade) Saint-Quentin-en-Yvelines

Publié le 15 Janvier 2017

Chimène ou le Cid (Antonio Sacchini)
Opéra créé en 1783 à Fontainebleau et joué à l’Académie Royale de Musique jusqu’en 1793
Représentation du 13 janvier 2017

 

Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines

Chimène Agnieszka Slawinska
Rodrigue Artavazd Sargsyan
Le Roi de Castille Enrique Sanchez-Ramos
Don Diègue Matthieu Lécroart
Un Héraut d’armes Jérôme Boutillier
Don Sanche François Joron
Une Coryphée Eugénie Lefebvre

Mise en scène Sandrine Anglade
Direction musicale Julien Chauvin
Concert de la Loge
Chœur des Chantres du Centre de musique baroque de Versailles

                                                                                       Julien Chauvin (Photo DR)

Création de l’Arcal, compagnie nationale de théâtre lyrique et musical en collaboration avec le Centre de musique baroque de Versailles. Spectacle repris le 14 mars 2017 à l'opéra de Massy.

Il n’y a pas plus grand anachronisme que d’assister, dans la grande salle en format cinémascope du Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, à la réapparition d'une œuvre d’Antonio Sacchini - un compositeur napolitain d’avant la Révolution qui fut pris à partie, au cours de ses dernières années de vie à Paris, par les partisans de Gluck et les partisans de Piccinni -, devant un parterre largement occupé par des adolescents.

Certes, nombre de ces jeunes ont du se sentir totalement en décalage avec leur univers musical habituel, mais il faut souhaiter que certains ont été sensibles aux expressions touchantes des artistes présents sur la scène, et à la révélation de cette soirée, Agnieszka Slawinska.

Agnieszka Slawinska (Chimène) - Photo DR

Agnieszka Slawinska (Chimène) - Photo DR

La soprano polonaise, régulièrement invitée à l’Opéra National du Rhin, possède en effet une dramatique vocale émouvante, une patine voilée sous laquelle l’expressivité use des mots pour les imprégner d’affectations subtiles, un souffle qui nimbe de soie son timbre opalin.

Actrice romantique qui se départit aisément d’effets conventionnels, sa voix est douée d’une projection naturelle taillée pour affronter des scènes plus vastes encore, et l’on ne peut que souhaiter à sa sensibilité artistique une plus large reconnaissance.

Dans ce Chimène ou le Cid ressuscité, elle est entourée de plusieurs partenaires, l'un au chant clair, léger et poétique, tel le rôle du Cid interprété par Artavazd Sargsyan, un autre, autoritaire avec une franchise de timbre séduisante, le Don Diègue assuré de Matthieu Lécroart, et même d’un jeune baryton, Jérôme Boutillier, à l'impact juvénile renforcé par son incarnation fortement sexualisée du Hérault d’arme. L'intégralité de la troupe baigne dans une harmonie d'ensemble, certes aux accents solennels, mais soignés.

Sous la direction vive de Julien Chauvin, attentif à l’équilibre des nuances, l’orchestre du Concert de la Loge et le chœur des Chantres du Centre de musique baroque de Versailles s'épanouissent dans deux alcôves situées au centre de la scène, dont la pente délimite deux espaces communiquant autour des musiciens. Ils entretiennent ainsi un charme délié pour une musique traversée d’inspirations qui évoquent, dans l’ouverture, le dynamisme qui caractérisera plus tard l'écriture de Rossini, dans le second acte empreint d’honneur, le rayonnement du jeune Mozart - inconnu à Paris à l'époque -, et, deci delà, des élancements de cors dramatiques directement influencés par le génie de Gluck.

Sandrine Anglade débute par une très belle image qui montre le Cid laissant filer des pétales de roses rouges pour signifier la blessure mortelle infligée au père de Chimène, alors que celle-ci se présente avec un bouquet qu’elle laisse tomber de stupeur au spectacle du drame qui vient de se jouer sous ses yeux.

Habile mise en espace animée et construite sur des éléments symboliques signifiants, le cérémoniel inévitable du second acte, qui ne repose pas autant sur le rôle primordial de Chimène que les deux autres actes, ne trouve pas l’accroche dramatique suffisante pour soutenir constamment l’attention, mais place heureusement l’orchestre au centre de l’œuvre.

La cohésion musicale qui en ressort fait la valeur de cette recréation, qui peut être vue comme une alternative à la version théâtrale de la pièce de Corneille.

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