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Publié le 17 Mai 2022

L’Odyssée. Scénario pour Hollywood (Homère -VIIIe, Hanna Krall 2006)
Représentations du 17 et 18 mars 2022
La Comédie de Clermont Ferrand – Scène nationale
Et représentation du 12 mai 2022
La Colline – Théâtre national

Shayek Mariusz Bonaszewski
Ulysse Stanisław Brudny
Martin Heidegger Roman Gancarczyk (mars) / Andrzej Chyra (mai)
Elizabeth Taylor Magdalena Cielecka
Izolda, Le Dibbouk Ewa Dałkowska
L’Officier SS, Télégonos, l’Homme dans le train, le client du magasin des pantalons Bartosz Gelner
Roma, Hannah Arendt Małgorzata Hajewska-Krzysztofik
Pénélope Jadwiga Jankowska-Cieślak
Claude Lanzmann Wojciech Kalarus
Robert Evans Marek Kalita
Moine Bouddhiste, Coiffeur Hiroaki Murakami
Izolda Jeune Maja Ostaszewska
La traductrice, Frau Ruth, Calypso Jaśmina Polak

Barbara Walters Jaśmina Polak (mars) / Magdalena Poplawska (mai)
Roman Polanski Piotr Polak (mars) / Pawel Tomaszewski (mai)          Krzysztof Warlikowski
Marek Hłasko, Télémaque Jacek Poniedziałek
Et en vidéo :
La sœur Maja Komorowska 
La mère Krystyna Zachwatowicz-Wajda

Mise en scène Krzysztof Warlikowski (2021)
Dramaturgie Piotr Gruszczynski
Décors, Costumes Małgorzata Szczęśniak
Lumières Felice Ross
Vidéo Kamil Polak
Collaboration artistique Claude Bardouil

Production Nowy Teatr
Coproduction Athens and Epidaurs Festival – Athènes, La Comédie de Clermont-Ferrand – SN, La Colline – Paris, Printemps des Comédiens – Montpellier, Schauspiel Stuttgart
Avec le soutien du programme Europe créative de l’Union européenne

Mise à jour le 17 mai 2022

Née à Varsovie le 20 mai 1935, Hanna Krall est connue pour ses écrits dédiés à la mémoire des Juifs de Pologne et à ce qu’ils ont enduré. Elle fut journaliste dans les années 70 et reporter pour ‘Gazeta Wyborcza’ après la chute du mur de Berlin.

Magdalena Cielecka (Elizabeth Taylor incarnant Izolda Regensberg)

Magdalena Cielecka (Elizabeth Taylor incarnant Izolda Regensberg)

A l’été 2009, Krzysztof Warlikowski impressionna fortement le public du Festival d’Avignon avec '(A)pollonia' qui, à travers un assemblage de textes, évoquait notamment l’histoire d’une mère, Apolonia Machczynska, qui cacha vingt cinq enfants au cours de la Seconde Guerre mondiale pour les épargner de la barbarie nazie. Il s’inspirait d’un documentaire rapporté par Hanna Krall dans ‘There is No River There Anymore’ – 1998.

Ewa Dałkowska (Izolda)

Ewa Dałkowska (Izolda)

Dans ‘L’Odyssée. Scénario pour Hollywood’, le metteur en scène polonais place à nouveau un récit d’ Hanna Krall au cœur de son histoire en faisant revivre le destin d’Izolda Regensberg qu'a relaté l’écrivaine dans ‘Le Roi de cœur’ – 2006.

Izolda s’est en effet battue pour aller sauver directement son mari, Shayek, enfermé dans un camp de concentration, avec la même détermination que celle d’une Léonore qui se rendrait en prison pour retrouver son Fidelio. Ce livre fut écrit plus d’une décennie après d’autres tentatives insatisfaisantes de rendre compte de cette aventure extrêmement dangereuse.

Maja Ostaszewska (Izolda Jeune)

Maja Ostaszewska (Izolda Jeune)

A travers une image très forte de Claude Bardouil poussant nu, et lentement, une immense cage à travers la scène – cage qui comprend en son centre des bancs de déshabillage pour chambres à gaz -, s’allient d’emblée la beauté classique d’une puissance sisyphéenne au poids d’un destin intemporel qui pèse sur toute une communauté.

Małgorzata Hajewska-Krzysztofik (Roma), Stanisław Brudny (Ulysse), Bartosz Gelner (Télégonos) et Jacek Poniedziałek (Télémaque)

Małgorzata Hajewska-Krzysztofik (Roma), Stanisław Brudny (Ulysse), Bartosz Gelner (Télégonos) et Jacek Poniedziałek (Télémaque)

Izolda est incarnée avec humour et détachement par Ewa Dałkowska, malgré ce qu’a vécu son personnage dans sa jeunesse, et, en arrière scène, la mémoire d’un épisode d’humiliation par un officier nazi décrit dans le livre est ravivé sous forme d’une vidéo aux teintes vertes fantomatiques sous les traits plus jeunes de Maja Ostaszewska qui joue cette scène hystérique en temps réel.

Piotr Polak (Roman Polanski) et Magdalena Cielecka (Elizabeth Taylor)

Piotr Polak (Roman Polanski) et Magdalena Cielecka (Elizabeth Taylor)

Puis, débute l’entrecroisement avec un personnage imaginaire, l’Ulysse de l’’Odyssée’ d’Homère, qui prend les traits d’un vagabond débonnaire dont Stanisław Brudny traduit avec poésie lunaire la simplicité un peu mystérieuse. On ne sait pas ce qu’il a vécu, de quelle guerre il parle, mais la scène de reconnaissance avec sa femme, Pénélope (Jadwiga Jankowska-Cieślak), est profondément touchante car elle initie un thème qui va traverser toute la pièce : la permanence des sentiments au long du temps.

Bartosz Gelner (L'officier SS) et Magdalena Cielecka (Elizabeth Taylor incarnant Izolda Regensberg)

Bartosz Gelner (L'officier SS) et Magdalena Cielecka (Elizabeth Taylor incarnant Izolda Regensberg)

Et la petite scène de reconstitution d’une famille qui écoute ce que le voyageur a à dire autour de la table rappelle d’autres images des productions de Krzysztof Warlikowski (‘Parsifal’ - 2008, ‘La femme sans ombre’ – 2013). Mais cette famille ne sait quoi en penser.

Maja Ostaszewska (Izolda Jeune)

Maja Ostaszewska (Izolda Jeune)

Nous basculons précipitamment dans le temps, probablement dans les années 60, et nous nous retrouvons dans un studio hollywoodien où le producteur Robert Evans – formidable Marek Kalita en rouleur de mécaniques – a réuni Liz Taylor, Roman Polanski et Izolda Regensberg pour imaginer comment produire un film qui retracerait le parcours de cette héroïne selon les standards hollywoodiens. 

Roman Gancarczyk (Martin Heidegger) et Małgorzata Hajewska-Krzysztofik (Hannah Arendt)

Roman Gancarczyk (Martin Heidegger) et Małgorzata Hajewska-Krzysztofik (Hannah Arendt)

Cette extraordinaire séquence illuminée par le jeu de Magdalena Cielecka rompue aux rôles d’américaines maniérées crée un moment d’allègement avant que ne soit proposé aux participants de visionner un extrait du film en cours de production. Magdalena Cielecka, métamorphosée en Izolda après une séance de tabassage, se retrouve face à un officier nazi, bien troublant Bartosz Gelner de par la jeunesse et la froideur de son rôle. Il s’agit d’un autre passage du livre qui est ici restitué, et la transformation dramatique de l’actrice polonaise qui encaisse le fait qu'elle va mourrir à cause de ses origines juives est une leçon d’interprétation cinématographique saisissante.

Claude Bardouil

Claude Bardouil

Et, comme c'était déja le cas dans la scène d’introduction, Krzysztof Warlikowski fait entendre les réminiscences du prélude de ‘Tristan und Isolde’ de Richard Wagner, mais joué cette fois au piano sous les doigts de l’officier SS. 

A nouveau, en filigrane, l’amour éternel et mortifère hante la mémoire de l'auditeur qui assiste à cette scène irréelle.

Puis, changement de temporalité dans la zone d’occupation soviétique, lorsque Izolda, jeune et à nouveau habitée par Maja Ostaszewska, retrouve enfin son mari. 

Mariusz Bonaszewski (Shayek)

Mariusz Bonaszewski (Shayek)

Mariusz Bonaszewski imprime une force sensible à Shayek comme s’il s’agissait de quelqu’un qui résiste à une envie de dislocation intérieure. Mais les sentiments ne sont plus ceux d’avant, et le couple se séparera plus tard.

En guise de transition vers le tableau final de cette première partie, Ulysse et Pénélope se retrouvent sur une plage, très joliment et très simplement stylisée par les éclairages, toujours à évoquer des aventures imaginaires. Puis, survient une rencontre majeure de la pièce, celle des retrouvailles d’Hanna Arendt et Martin Heidegger, réunis après la guerre et après un quart de siècle de séparation, sur fond de paysage pastoral bucolique et au son de la 6e symphonie de Beethoven. Le bruit de fond des vagues que l'on entend à certains moments s'échouer, a le tranchant d'une lame qui coupe.

Bartosz Gelner (Le client du magasin des pantalons)

Bartosz Gelner (Le client du magasin des pantalons)

Il s’agit ici à nouveau d’évoquer une relation qui dure, mais surtout de se confronter à une problématique. Comment cette relation entre une philosophe allemande juive et un philosophe allemand ayant adhéré au parti nazi a pu exister?

A travers une simple scène de pique-nique, Małgorzata Hajewska-Krzysztofik dépeint une femme intellectuelle très forte pour qui seuls ses amis comptent et qui se détache de toutes les étiquettes et catégorisations sociales.

L’Odyssée. Scénario pour Hollywood (Krzysztof Warlikowski) Clermont-Ferrand & La Colline

A l’inverse, Roman Gancarczyk laisse entrevoir un homme qui s’effondre petit à petit sur ses convictions dans une sorte de panique dure et désespérée. 

Le moine Bouddhiste d’ Hiroaki Murakami s’immisce dans leur relation comme une sorte de contrepoint beaucoup plus simple – trop simple ? - pour apporter sourire et recul à cette confrontation monumentale que le temps finit par figer sous une tempête de neige poétique.

Krystyna Zachwatowicz-Wajda (La mère d'Ulysse) et Mariusz Bonaszewski (Shayek)

Krystyna Zachwatowicz-Wajda (La mère d'Ulysse) et Mariusz Bonaszewski (Shayek)

La seconde partie débute avec l’image d’un minotaure géant avançant aux portes d’Hadès alors que Claude Bardouil se dirige nu vers lui, le pas appliqué et fragile, au cours d’une séquence esthétique et mythologique spectaculaire qui symbolise le passage vers le mal absolu, et prépare à l’analyse post-Shoah.

Une autre séquence du livre d’Hanna Krall est mise en scène, celle du jeune homme qui essaye dix-sept jeans dans un magasin. Mais la disposition de ces pantalons dans la cage suggère qu’ils auraient pu appartenir à ceux qui ont disparu dans les camps.

Magdalena Cielecka (Elizabeth Taylor)

Magdalena Cielecka (Elizabeth Taylor)

Ulysse réapparaît au moment où Shayek et Izolda se séparent, et le souvenir de sa mère vient lui rappeler comment il l’a déçue, et comment en partant vers des horizons sans but il a perdu tous les sentiments de ses proches.

Une séquence avec Calypso laisse penser qu’il a enjolivé la nature de ses aventures, ce qui le rend plus misérable. Sur ces sentiments de culpabilité, l’image de la mère (Krystyna Zachwatowicz-Wajda) se dissipe, un livre de Simone Weil à la main, le renouveau d’une pensée philosophique qui s’amorce.

Ewa Dałkowska (Izolda) et Hiroaki Murakami (Le coiffeur)

Ewa Dałkowska (Izolda) et Hiroaki Murakami (Le coiffeur)

Un extrait de ‘Doktor Faustus’ – 1967 fait revivre l’amour de Richard Burton et de Liz Taylor jouant Pâris et Hélène de Troie, puis Magdalena Cielecka réapparaît sur un lit d’hôpital à un moment où l’actrice américaine était sur la fin de sa vie. A nouveau, une superbe incarnation, la voix étant nettement modulée, et ces adieux émouvants arrivent après une projection des derniers instants filmés de l’enterrement de l’ancien amant de Liz Taylor

Autre moment fort, celui de cette femme (Maja Komorowska) qui a retrouvé Shayek pour lui transmettre la mémoire de sa sœur, la mémoire d’une souffrance, et qui, simplement en en parlant par une conversation téléphonique, semble lui transmettre quelque chose de son âme en ressentant une forme de soulagement salutaire. L’échange est très dense, et nimbé d’une force métaphysique sourde.

Mariusz Bonaszewski (Shayek), Ewa Dałkowska (un Dibbouk) et Maja Ostaszewska (Izolda Jeune)

Mariusz Bonaszewski (Shayek), Ewa Dałkowska (un Dibbouk) et Maja Ostaszewska (Izolda Jeune)

Puis, à l'arrivée de Claude Lanzmann (Wojciech Kalarus), le réalisateur de ‘Shoah’ – 1985, s’imprime fortement l’idée que l’Holocauste est un train qui ne s’arrête jamais. S’en suit un extrait du film qui présente l’interview difficile d’Abraham Bomba, un coiffeur qui a survécu au camp de Treblinka et qui œuvrait dans les bâtiments de déshabillage. Les couleurs du film, jaune pour la blouse et bleue pour la serviette, résonnent par une étrange coïncidence avec la réalité du moment. 

Krzysztof Warlikowski, Bartosz Gelner et Magdalena Cielecka

Krzysztof Warlikowski, Bartosz Gelner et Magdalena Cielecka

Mais la scène finale, située en plein hiver polonais, qui reconstitue un moment de la vie de couple d’Izolda et Shayek quand ils étaient jeunes, est agrémentée par la venue à leur table d’un Dibbouk malicieux, ce qui permet d’achever ce voyage sur une forme d’exorcisme riant et libérateur. 

Les couleurs de l’Ukraine se joignent alors au salut des artistes.

L’Odyssée. Scénario pour Hollywood (Krzysztof Warlikowski) Clermont-Ferrand & La Colline

Pour la première jouée au Théâtre de La Colline le 12 mai 2022, quelques changements de distribution sont opérés mais sans que cela n'altère la force de l'interprétation, à nouveau exceptionnelle. Andrzej Chyra incarne un Martin Heidegger fin et affable qui rend encore plus stupéfiant son monologue ombrageux où l'ombre d'Hitler semble encore plus prégnante.

Et dans la scène de discussion avec Liz Taylor sur la forme du film censé relater la vie d'Izolda, Pawel Tomaszewski apporte encore plus de désinvolture au jeune portrait de Roman Polanski.

L’Odyssée. Scénario pour Hollywood (Krzysztof Warlikowski) Clermont-Ferrand & La Colline

Revoir ce spectacle c'est à nouveau admirer sans limite le talent d'artistes éblouissants, en saisir les touches subtiles qui rendent chacun de leurs personnages uniques et si vrais, et se confronter, à travers les couples qui sont ainsi ravivés, au mystère des liens qui durent ou qui rapprochent des personnes qui évoluent pourtant au fil du temps, et ce malgré les épreuves indicibles de l'Histoire qui sont ici si bien suggérées.

Maja Komorowska (La Soeur) et Mariusz Bonaszewski (Shayek)

Maja Komorowska (La Soeur) et Mariusz Bonaszewski (Shayek)

Il y a donc toujours un effet miroir avec le spectateur qui, en reconnaissant certains thèmes, peut presque malgré lui entrecroiser sa vie personnelle pendant le déroulement de la pièce, tout en gardant pour lui seul le mystère de ses propres réflexions. La puissance évocatrice du prélude de 'Tristan und Isolde' et de tout ce qu'il peut engendrer chez l'auditeur en images et souvenirs dans un tel contexte en est un exemple.

Krzysztof Warlikowski, Pawel Tomaszewski et Claude Bardouil

Krzysztof Warlikowski, Pawel Tomaszewski et Claude Bardouil

Et les nombreuses références aux démons et dibbouks mythologiques dans 'L'odyssée. Scénario pour Hollywood' font regretter de ne pas avoir vu 'Dibbouk', pièce que Krzysztof Warlikowski monta au Théâtre des Bouffes du Nord en avril 2004, quelques jours seulement avant l'entrée officielle de la Pologne dans l'Union européenne, car elle est nécessairement un élément de compréhension et de connaissance supplémentaire pour reconstituer l'univers du metteur en scène.

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Publié le 16 Février 2014

Kabaret warszawski (Krzysztof Warlikowski)
Représentations du 12 et 14 février 2014
Théâtre National de Chaillot
Durée 4h30 (avec un entracte)

Mise en scène Krzysztof Warlikowski

Dramaturgie Piotr Gruszczynski
Décor et costumes Malgorzata Szczesniak

Production du Nowy Teatr, Varsovie

Avec Andrzej Chyra, Magdalena Cielecka, Maja Ostaszewska, Ewa Dalkowska, Maciej Stuhr, Malgorzata Hajewska-Krzysztofik, Magdalena Poplawska, Claude Bardouil, Stanislawa Celinska, Bartosz Gelner, Wojciech Kalarus, Redbad Klijnstra, Zygmunt Malanowicz, Piotr Polak, Jacek Poniedzialek.

                                                                                         Claude Bardouil

Musiciens Pawel Bomert, Piotr Maslanka, Pawel Stankiewicz, Fabian Wlodarek

 

Avec cette nouvelle pièce spécifiquement imaginée pour le public polonais afin de proposer un espace de liberté qui puisse parler de la résurgence des discours nationalistes, de l’accroissement des discours intolérants aux choix de vie minoritaires – sous prétexte qu’en Démocratie seule compte la voix de la majorité – et de l’oppression de plus en plus agressive des milieux catholiques intégristes d’extrême droite, Krzysztof Warlikowski s’est appuyé sur deux oeuvres principales : La pièce I am a Camera (1951) de John Van Druten, qui est le sujet de sa première partie de spectacle et qui se déroule dans le Berlin des années 30 pendant la montée du nazisme, et le film Shortbus (2005) de John Cameron Mitchell, en deuxième partie de spectacle, qui parle de la sexualité comme remède au mal de vivre dans une ville telle que New-York après les attentats du 11 septembre.

Zygmunt Malanowicz

Zygmunt Malanowicz

Contrairement à ses pièces précédentes qui s’inspiraient de sources littéraires approchant l’humain dans sa complexité la plus obscure, Shakespeare, Levin, Coetzee, Kushner, Kafka, Krall, Kane ou bien Koltès, Kabaret warszawski ne contient pas la même richesse de texte.

En revanche, la musique est bien plus prépondérante, ce qui est l’apanage du lieu.

Ainsi, quatre musiciens prennent place sur un côté de la scène pour interpréter live des morceaux contemporains, en alternance avec de la musique enregistrée.

Wojciech Kalarus, Bartosz Gelner, Redbad Klijnstr sur la musique de Oh, du shöner Westerwald

Wojciech Kalarus, Bartosz Gelner, Redbad Klijnstr sur la musique de Oh, du shöner Westerwald

Le voyage musical est absolument vaste et évocateur des lieux et des époques mais avec un sens très réfléchi, puisque que l’on entend aussi bien une marche militaire allemande « Oh, du shöner Westerwald », suivie d’un dance israélienne « Halaila » (La nuit est tombée)« Time to say goodbye », « Je t’aime … moi non plus » en première partie, que du Radiohead, dont le magnifique « How to Disappear Completely », en seconde partie.

Derrière l’apparente légèreté de ces airs, se cache en fait une gravité de situation.

Quant aux amateurs de musique lyrique, eux, ils reconnaitront autant l’ouverture de l’Or du Rhin que le « o du, mein holder Abendstern » de Richard Wagner.

Magdalena Cielecka  (Sally Bowles)

Magdalena Cielecka (Sally Bowles)

Dans I am a Camera, Krzysztof Warlikowski montre Sally Bowles (Magdalena Cielecka) avec une excentricité décoiffante  – c’est le mot – mais aussi à travers des rêves illusoires de célébrité et la solitude qu’elle en récoltera au final ( le personnage de Jacqueline Bonbon n’est que le prolongement de Sally). Derrière les paillettes, pointe le désastre d’une vie où elle n’a dû compter que sur elle-même, et son portrait rejoint celui que le metteur en scène avait fait d’Iphigénie dans  « Iphigénie en Tauride » au Palais Garnier, c'est-à-dire cette fascination pour ces artistes qui auront connu les heures de gloire, et qui finiront dans l’alcool et l’isolement.
On entend, dans le lointain, rompant avec le silence, les réminiscences des airs qu’elle chantait quand elle était plus jeune.

Maciej Stuhr et Piotr Polak (James et Jamie)

Maciej Stuhr et Piotr Polak (James et Jamie)

La montée du nazisme est figurée par la projection du défilé des jeux olympiques de 1936 devant Hitler. A voir toutes ces nationalités, on reste ébahi à se demander, encore aujourd’hui, comment des représentants du monde entier, occidentaux mais aussi africains ou asiatiques, ont pu marcher dans cette propagande, et comment la capacité d’obéissance de l’homme peut l’amener à coopérer aussi loin même avec un tel régime.

Les dernières scènes montrent comment l’individu se déconstruit en se pliant à l’idéologie d’un Hitler de cabaret, alors que les premières violences antisémites, dans un univers de plus en plus glauque, commencent à frapper.

Piotr Polak et Magdalena Poplawska

Piotr Polak et Magdalena Poplawska

La seconde partie, Short Bus, place l’expression de l’identité sexuelle au cœur du sujet en reprenant des scènes du film, comme l’évolution de Sofia, thérapeute et sexologue qui n’a jamais connu d’orgasme, ou bien la recherche du partenaire idéal qui pourrait aider Jamie et James à résoudre les difficultés sexuelles de leur couple.

A cela, s’ajoute toute une partie, trop longue, sans doute, sur la vie de Justin Vivian Bond, artiste transsexuel, alors que seule une de ses chansons était évoquée à la fin du film au moment de la panne de courant.

Kabaret warszawski (Krzysztof Warlikowski) Théâtre Chaillot

Si le film avait pour but de démythifier le sexe – la plupart des actes ne sont pas simulés, et l’actrice Sook-Yin Lee avait même failli être licenciée par son employeur pour cela - Krzysztof Warlikowski le ridiculise plus ou moins consciemment tout en essayant d’en extraire une certaine poésie (voir la dernière scène aquatique).

C’est drôle, les acteurs sont fascinants d’aisance corporelle, et leur langage parlé est d’une plasticité sensuelle troublante, même si le propos est cru. En tout cas, ce rapport à l’être corporel est magnifiquement mis en valeur en mélangeant érotisme, vulgarité, improvisation et liberté de geste qui rendent ce sentiment de libération si prégnant.

Krzysztof Warlikowski, Maciej Stuhr et Wojciech Kalarus

Krzysztof Warlikowski, Maciej Stuhr et Wojciech Kalarus

Et c’est ce travail de style qui s’admire tant et fait envie. Pour la première fois le comédien Bartosz Gelner apparaît dans une pièce de Warlikowski, comédien d’une aisance physique fine et stupéfiante, dont les traits du visage évoquent étrangement ceux du metteur en scène.

Dans les dernières minutes Warlikowski pose la question du sexe par rapport à la liberté. Cette question n’est absolument pas anodine, car il invite à évaluer toutes les facettes de la vie par rapport aux libertés qu’elles nous font gagner.

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Publié le 21 Mars 2012

Contes Africains (d’après Shakespeare)
Représentation du 17 mars 2012
Théâtre National de Chaillot

Texte d’après Shakespeare (Le Roi Lear, Othello et Le Marchand de Venise), JM Coetzee (L’Eté de la vie et Au cœur de ce pays), Eldridge Cleaver (Soul of Ice) et Wajdi Mouawad

Avec Stanisława Celinska, Ewa Nalkowska, Adam Ferency, Małgorzata Hajewska, Wojciech Kalarus, Marek Kalita, Zygmunt Malanowicz, Maja Ostaszewska, Piotr Polak, Magdalena Popławska, Jacek Poniedziałek

Mise en scène Krzysztof Warlikowski
Décor et costumes Małgorzata Szczesniak
Dramaturgie Piotr Gruszczynski
Musique Paweł Mykietyn
                                                                                                             Maja Ostaszewska (Cordelia)
Production Nowy Teatr-Varsovie
Avec le soutien de l'Institut Polonais de Paris

A la différence de sa précédente pièce La Fin (Koniec), où Krzysztof Warlikowski entrelaçait le destin de plusieurs parcours personnels dans un univers irréel à la David Lynch, Contes Africains retrouve un développement linéaire, et un seul homme incarne successivement le Juif Shylock, le Maure Otello et le Vieux Lear : Adam Ferency.
Aucune emphase chez lui, tout son jeu repose sur un naturel neutre et débonnaire qui vit sa vie sans trop de doutes, avec une faible empathie pour les femmes qui occupent sa vie.

Adam Ferency (Shylock)

Adam Ferency (Shylock)

Au centre d’une grande pièce rectangulaire délimitée par des cloisons en plexiglas, les paroles dites sur un ton détaché - avec le charme de la langue polonaise - et les moindres sons de gestes amplifiés par la sonorisation plantent le climat mystérieux que l’on aime tant chez le metteur en scène polonais.
Toutefois, il se montre économe en moyens techniques, n'a recours à la projection de films qu'à deux reprises durant tout le spectacle, ne filme plus en gros plans les visages des acteurs, mais approfondit toujours autant les climats lumineux, glacés ou feutrés, et les ambiances musicales enveloppantes.
 
La cohérence d'ensemble de ces trois longs extraits de pièces de Shakespeare est renforcée par une ouverture sur l'introduction stylisée du film de Kurosawa, Vivre, qui confronte un homme au seuil de la mort et une femme dont l’énergie de sa jeunesse l’attire.
Ensuite, une courte scène montre un homme banal, Lear, exigeant des preuves d’amour de ses trois filles, assises sur un canapé en cuir, les hypocrites Goneril et Régane, et la sincère Cordélia, avant que ne débute Le Marchand de Venise.

Piotr Polak (Bassanio)

Piotr Polak (Bassanio)

Warlikowski se place du côté de Shylock, un boucher juif, en lui faisant porter le poids de l’imaginaire antisémite, de la peur irrationnelle et des méchancetés d’Antonio qui contraignent son cœur à se durcir au point de réclamer sa livre de chair.

Le couple bourgeois que Portia (Małgorzata Hajewska ) et Bassanio (Piotr Polak) forment après la judicieuse épreuve du choix du portrait se fissure très vite, lorsque la nature de la relation homosexuelle entre lui et Antonio (Jacek Poniedziałek) se révèle, explication assez attendue de la générosité de ce dernier.
Małgorzata Hajewska est absolument fascinante dans la scène du procès, habillée en homme, mais troublante de par sa voix qui suggère sa féminité, et Piotr Polak en est le parfait reflet masculin et ambigu.

L’autre perdante est Jessica, la fille de Shylock, qui finit en croix au sol, tiraillée entre son amour pour Lorenzo, chrétien, et son amour paternel.

Małgorzata Hajewska (Portia) et Piotr Polak (Bassanio)

Małgorzata Hajewska (Portia) et Piotr Polak (Bassanio)

Subitement, la scène de fiançailles de la blanche Desdemone, en robe de mariée, et du Maure Otello, militaire haut gradé, annonce la seconde partie juste avant la première pause.
 
Desdemone a fait elle aussi un choix qui choque les conventions sociales en épousant un noir. Mais si Iago est bien le manipulateur qui pousse le couple vers le drame, Warlikowski montre que ses motivations puisent leurs forces dans sa jalousie du désir qu’éprouve Cassio pour Desdémone, alors qu’elle est devenue une femme, relativement passive, qui s‘ennuie à lézarder devant un poste de télévision sur son lit conjugal (on ne s'étonne plus de ces points de vue toujours inattendus) .

Toute fine, souple et longiligne, on reste stupéfait de la spectaculaire transformation de Magdalena Popławska, poussée à bout par des hommes complexés par la virilité supposée du Noir, au point de régresser et de se métamorphoser en primate apeurée. 
Le procédé est surprenant, mais très théâtral, et lorsque le couple succombe, les fantômes ensanglantés et désarticulés des amants réapparaissent dans une vision cauchemardesque.

Magdalena Popławska (Desdemone)

Magdalena Popławska (Desdemone)

Le talent de Warlikowski semble toutefois, dans cette seconde partie, appuyer sur les résurgences de l’animalité humaine avec un impact beaucoup plus fort que ses masques de cochons et de rats dans la première partie. Mais, en même temps, on se sent plus éloignés de la tragédie d’Otello, car la jalousie du Maure est atténuée et déportée sur la faiblesse et les préjugés de la nature humaine de son entourage.

Adam Ferency porte seul la transition vers le Roi Lear, comme si Otello était devenu fou, et que ce dernier se retrouvait sur son lit d’hôpital, uniquement soutenu par Cordelia (Maja Ostaszewska) qui a choisi de sacrifier sa vie de femme, ses désirs intimes, pour s’occuper de lui, et finalement rester malheureuse.
Son désarroi est très lisiblement restitué.

Adam Ferency (Lear) et Maja Ostaszewska (Cordelia)

Adam Ferency (Lear) et Maja Ostaszewska (Cordelia)

Warlikowski présente alors le destin des deux autres filles de Lear, Goneril et Régane, selon deux angles de vue très modernes.
L’une est devenue une nymphomane qui joue avec les hommes sans en être amoureuse, juste pour le plaisir érotique, mais qui laissera passer un homme qui, lui, était sincèrement amoureux.
L’actrice joue cette scène totalement nue et avec nonchalance, on n’imagine pas le travail introspectif personnel et la maturité que cela a pu demander. La scène est admirable par le sentiment de solitude qui en émane, sous les éclairages rasants.

 Et, pour achever sur une ambiance plus légère, une entraînante leçon de salsa fait revenir sur scène tous les acteurs aux rythmes espagnols et répétitifs cadencés par Stanisława Celinska, une image ironique et dérisoire du bonheur de masse qui amuse toute la salle, jusqu’au metteur en scène, assis en spectateur, s‘exclamant de joie à la vue de tous ses fantastiques acteurs.
Il faut un certain temps pour comprendre qu’il s’agit de la dernière fille de Lear sur scène...

Krzysztof Warlikowski

Krzysztof Warlikowski

Avec ces trois pièces, Krzysztof Warlikowski pose tant de reflets et de questions que l’unité d’ensemble semble moins naturelle que ses précédentes créations. On sait cependant que bien des séquences sont restées obscures. Le Marchand de Venise, la plus complexe et la plus chargée en références identitaires, devient un indispendable à lire, ou à relire, en tout cas.

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Publié le 16 Février 2011

La Fin. au Théâtre National de l’Odéon
Représentations du 05 et 11 février 2011

D’après Nickel Stuff. Scénario pour le cinéma de Bernard-Marie Koltès,
Le procès et le Chasseur Gracchus de Franz Kafka,
Elisabeth Costello de John Maxwell Coetzee

Mise en scène Krzysztof Warlikowski

Dramaturgie Piotr Gruszczynski
Décor et costumes Malgorzata Szczesniak
Production Nowy Teatr - Varsovie

Avec Magdalena Cielecka
Stanislawa Celinska
Maja Ostaszewska
Ewa Dalkowska
Wojciech Kalarus
Mateusz Kosciukiewic
Zygmunt Malanowicz
Magdalena Poplawska
Jacek Poniedzialek
Anna Radwan
Maciej Stuhr   

                                                                                                            Magdalena Cielecka

Krzysztof Warlikowski est un metteur en scène contemporain qui illustre le mieux ce que faire de sa vie une œuvre d’art veut dire..

Il s’agit d’un questionnement sur la manière de parler de soi à partir d’un ou plusieurs textes imbriqués les uns avec les autres, avec un style qui tire sa force envoutante de l’ambiance musicale, des effets d’espace visuels modifiés par quelques plans, de la vidéo projection et des angles d’éclairages, des torsions des corps, des silences, des douleurs et des violences, et de la séduction charnelle de la langue polonaise.

Maja Ostaszewska

Maja Ostaszewska

Après Apollonia, poignante mise en perspective du mythe du sacrifice, Krzysztof Warlikowski pose le problème de la certitude de la Fin, de la rencontre inévitable avec la mort, et donc du sens que chacun donne à sa vie pendant l’attente.

Cette vie peut être une lutte à subir la culpabilité vécue intérieurement, à travers le personnage attachant joué par Maciej Stuhr, à la fois inspiré de Joseph.K et du chasseur Gracchus - la femme à la tête de chamois en est un indice-, que l'on voit régresser et entouré d'êtres qui l'observent étrangement.

A vrai dire, ce qu'il vit est d'une opacité difficile à élucider, comme la relation avec la femme sirène (Maja Ostaszewska), et seul s’extériorise un mal être, une mise à nue qui aboutit sur un cri de rage et une volonté de paix inatteignable.

N’y a-t-il pas plus angoissant que l’idée d’une âme qui ne trouve pas sa réalisation?

Maciej Stuhr

Maciej Stuhr

Cette désorientation n’est pas nouvelle, parmi les thématiques chères au metteur en scène, Le Roi Roger avait été une autre occasion de donner forme à un questionnement spectaculairement inquiétant.

Mais dans le propos, c’est le texte de Nickel Stuff qui nous touche plus directement.
Après une ouverture sur la fascinante danse de Babylone - la souplesse corporelle de Magdalena Poplawska est l'une des plus précieuses merveilles de Krzyzstof Warlikowski -, nous sommes à genou lorsque la jeune femme pleure l'enclenchement fatal qu'a engendré l'attaque verbale de Tony à propos de ses jambes.
Car ces deux êtres seront obligés de se battre jusqu'au bout, malgré le fait qu'ils n'étaient pas faits pour se rencontrer.

On ne peut rattraper une balle, une fois qu'elle a été tirée.

La pièce de Koltès est jalonnée de frappes verbales sur la tendance de l'homme à trouver sens dans un médiocre conformisme, dans la victoire aux concours, dans l'acceptation des hiérarchies sociales, mais aussi dans un idéalisme universel tel que le rêve le jeune homme incarné par Mateusz Kosciukiewicz.

Magdalena Cielecka et Krzysztof Warlikowski

Magdalena Cielecka et Krzysztof Warlikowski

Et ici encore, les femmes deviennent d’étranges créatures sophistiquées, presque supérieures, alors que les hommes n’ont que des rôles peu rutilants, comme dans le cinéma de Pedro Almodovar.
L’obsession de la relation à la mère revient également sous une forme très intimiste.

Et après la violence de la vie que décrit Koltès, la seconde partie s’axe sur La porte, la huitième leçon d’Elisabeth Costello - J.M Coetzee est un autre auteur fétiche de Warlikowski déjà utilisé dans Apollonia-, lorsque Ewa Dalkowska bute sur le juge au moment de passer le seuil du paradis. Les justifications n’ont aucun sens face au mystère de la vie totalement assumée, jusqu’au constat qu’il arrive à chacun de nous, comme au juge, d’être totalement déboussolé.

Pourquoi tout ce théâtre? Peut être pour accroitre notre lucidité et ne pas perdre prise avec la vie dans ce qu‘elle a de plus essentiel.

Ewa Dalkowska et Krzysztof Warlikowski

Ewa Dalkowska et Krzysztof Warlikowski

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Publié le 11 Novembre 2009

Apollonia au Théâtre National de Chaillot
Représentation du 08 novembre 2009
Durée 4h30 (avec un entracte)

Mise en scène Krzysztof Warlikowski

Dramaturgie Piotr Gruszczynski
Décor et costumes Malgorzata Szczesniak

Héraclès Andrzej Chyra
Alceste/Apolonia Magdalena Cielecka
Elisabeth Costello Maja Ostaszewska
Ryfka Goldfinger Ewa Dalkowska
Agamemmon/Oreste/Amal Maciej Stuhr
Clytemnestre/La tante Malgorzata Hajewska-Krzysztofik
Iphigénie Magdalena Poplawska
Apollon Adam Nawojczyk
Le petit fils Tomask Tyndyk
Musique et voix Renate Jett

 

Une mère, Apolonia Machczynska, cache vingt cinq enfants pour les épargner de la barbarie nazie. Dénoncée, puis réfugiée chez son père, elle est exécutée après avoir pu sauver une enfant juive.

                                                  

                                                                                         Magdalena Cielecka (Alceste)

A partir de ce drame là, Krzysztof Warlikowski explore une diversité de voies qui nous amène vers des réflexions dont on ne comprend pas toujours l’émergence.
L’analyse n’est pas immédiate, le temps fait son travail après le spectacle, surtout que le metteur en scène se passionne pour les motivations sexuelles, la force et la violence érigées comme part de l’identité masculine au delà de son imbécillité, le patriotisme, l’hérédité et la relation aux parents, le refus de conscience de chacun, pour confronter à la nouvelle d’Hanna Krall, le mythe du sacrifice.

Il aboutit ainsi à une scène profondément marquante, Alceste y apparaît comme une femme souffrant de n’avoir un homme intelligent capable de lui apporter la chaleur dont elle a besoin, et présente cela avec beaucoup d’ironie - l’histoire étrange et merveilleuse d’une relation amoureuse entre un dauphin et un homme - lors d’un repas en présence de convives insipides. A plusieurs reprises elle se lève, puis revient, entretenant ainsi de bien mystérieux moments de silence.

La situation dégénère en séance d’incisions du corps au milieu d’une cage de verre, cette belle femme se meurt en se tordant de douleur sur les paroles du Mépris de Godard Et mes pieds, tu les aimes, mes pieds ? Et mes jambes ? Et mes fesses ? Et mes seins ?.

Pourquoi se sacrifier pour un type pareil?

Il y a également ces magnifiques visages de femmes, très bien mis en valeur par la vidéo, sur lesquels se lisent des vies dures et la résistance au temps.

Renate Jett

A cette langue polonaise si directe, se mélangent la musique de Chopin, des balades et du rock, et ceux qui ont assisté à Iphigénie en Tauride et Parsifal à l’Opéra National de Paris découvrent que Renate Jett, interprète des Rôles muets d’Iphigénie et de Dave Bowman dans ces productions, est une chanteuse attachante.

Après le long discours d’Elisabeth Costello, assimilant extermination des juifs et abattage d’animaux, fort par son interprétation plus que par son analyse, les conséquences révèlent que Ryfka Goldfinger a pu être sauvée par Apolonia, mais que son petit fils est devenu un soldat de l’armée israélienne.

Ewa Dalkowska (Ryfka Goldfinger) et Krzysztof Warlikowski

Ewa Dalkowska (Ryfka Goldfinger) et Krzysztof Warlikowski

Krzysztof Warlikowski est dans une démarche qui paraît sans fin, et chacune de ses œuvres tisse des liens avec les précédentes, Agamemnon et le Parsifal guerrier, Iphigénie et Apolonia, Clytemnestre et la mère de Krum. Un théâtre désinhibé, douloureux, feutré et tendre mais aussi très agressif en réaction aux esprits consensuels et bornés.

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