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Publié le 13 Février 2024

‘Sein oder Nichtsein’
Récital du 12 février 2024
Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet

Johannes Brahms      Fünf Lieder der Ophelia WoO 22 (1873)
                                  Sech Lieder op.97/1 Nachtigall (1885)
Felix Mendelssohn    Sech Lieder op.71/4 Schilflied (1842)
Hugo Wolf                Mörike Lieder No. 42 Erstes Liebeslied eines Mädchens (1888)
Arthur Honegger      Trois chansons extraites de La Petite Sirène de Hans Christian Andersen (1926)
Franz Schubert         Rosamunde D 797 - Romanze ‘Der Vollmond strahlt auf Bergeshöh'n’ (1823)
Richard Strauss        Drei Lieder der Ophelia op. 67 (1918)
Kurt Weill                Das Berliner Requiem - Die Ballade vom ertrunkenen Mädchen (1928)
Robert Schumann    Sechs Gesänge op.107/1 Herzeleid (1851)
Hector Berlioz         Tristia op.18/2 La mort d'Ophélie (1842)
Franz Schubert        Der Tod und das Mädchen, opus 7 no 3, D.531 (1817)
John Dowland         Sorrow, Stay (1600)
Lecture de textes de William Shakespeare, Georg Heym, Heiner Müller & Georg Trakl

Bis       Kurt Weill    L'Opéra de Quat'sous, Liebeslied (1928)

Soprano Anna Prohaska
Voix Lars Eidinger
Piano Eric Schneider

A l’occasion des 400 ans de la mort de William Shakespeare, la soprano Anna Prohaska, l’acteur berlinois Lars Eidinger et le pianiste Eric Schneider ont donné à la salle Mozart de l’'Alte Oper’ de Frankfurt, le 01 décembre 2016, un concert en hommage au dramaturge anglais, élaboré à partir d’un programme regroupant des mélodies de différents compositeurs dédiées à la figure féminine d’Ophélie.

Eric Schneider, Lars Eidinger et Anna Prohaska

Eric Schneider, Lars Eidinger et Anna Prohaska

Depuis, ce récital a été repris dans plusieurs villes allemandes telles Potsdam et Dresde, et c’est le Théâtre de l’Athénée qui offre l’opportunité de l’entendre à Paris, quasiment à l’identique, moyennant un léger arrangement : ‘Mädchenlied’, le 6e des ‘Sieben Lieder’ op. 95 de Brahms, et ‘Am See’ D746 de Schubert ne sont pas repris, mais une ballade de Kurt Weill ‘Die Ballade vom ertrunkenen Mädchen’, extraite de son 'Requiem Berlinois', un texte sur la guerre, est ajoutée et chantée par Lars Eidinger qui alterne voix basse et voix de tête détimbrée pour en exprimer sa sensibilité.

Eric Schneider et Anna Prohaska

Eric Schneider et Anna Prohaska

Au total, dix compositeurs de John Dowland, contemporain de Shakespeare, à Kurt Weill, en passant par Brahms, Schubert, Mendelssohn, Wolf ou Strauss, sont réunis pour faire vivre la folie de l'âme doucereusement mélancolique de celle qui ne put épouser le Prince Hamlet

Les textes évoquent la quiétude d’eaux sombres dans une atmosphère nocturne, et Anna Prohaska les chante en ne sollicitant que sa tessiture aiguë, souple à la clarté âpre, évoquant ainsi une forme de plénitude à la recherche du visage de la mort, son corps semblant onduler à la faveur des ondes d’un lac imaginaire.

Anna Prohaska et Lars Eidinger

Anna Prohaska et Lars Eidinger

Dans les chansons extraites de ‘La Petite Sirène’ d’Arthur Honegger, sa prosodie est impeccablement nette, et cette forme de joie funèbre se trouve confortée par la charge qu’imprime Eric Schneider au toucher de son piano, tout le long du récital, un son dense, vibrant profondément, le poids de chaque note semblant méticuleusement calculé et appuyé en résonance avec les mots.

Au creux de l’atmosphère de ce lundi soir, pratiquement dénuée de la moindre toux, seuls quelques craquements de sièges signalent la présence des auditeurs, et le regard intériorisé de Lars Eidinger, lui qui peut être des plus exubérants, est ici au service de textes de Shakespeare, un de ses auteurs de prédilection, qu’il incarne dans un esprit totalement recueilli.

Lars Eidinger, Anna Prohaska et Eric Schneider

Lars Eidinger, Anna Prohaska et Eric Schneider

Et en bis, Anna Prohaska et Lars Eidinger entonnent le 'Liebeslied' de l''Opéra de Quat'sous' de Kurt Weill, pour offrir une image finale plus heureuse.

En à pleine plus d’une heure, on se serait cru à une soirée musicale à Berlin ou Munich, se laissant aller avec joie à la sérénité de sentiments noirs, poétisés magnifiquement par trois artistes d’une sincère humilité.

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Publié le 7 Avril 2023

Symphonies 1  & 9 (Franz Schubert – 1815 & 1828)
Concert du 06 avril 2023
Philharmonie de Paris – Grande Salle Pierre Boulez

Franz Schubert
Symphonie no 1 en ré majeur, D 82
Symphonie no 9 en ut majeur, D 944

Direction musicale Herbert Blomstedt
Orchestre de Paris

Retrouver Herbert Blomstedt (96 ans le 11 juillet 2023) à la Philharmonie est d’avance l’assurance de vivre un très grand moment d’inspiration symphonique au relief bien marqué dans une absolue sérénité.

Herbert Blomstedt - Philharmonie de Paris, le 06 avril 2023

Herbert Blomstedt - Philharmonie de Paris, le 06 avril 2023

Et personne n’a probablement été déçu ce soir, lorsque, une fois arrivé au bras du premier violon sous d’immenses applaudissements, et installé face aux musiciens avec un regard acéré et bienveillant, le doyen des chefs d’orchestre s'est mis à impulser avec précision et délicatesse les premiers motifs de la 'première symphonie' de Schubert. Souplesse de la rythmique, légèreté du tissu orchestral sensiblement irisé en surface, fluidité des vents qui laissent vivre des trainées de lumières ouatées très poétiques, c’est tout un champ de félicité douce et solaire qui est dispensé à travers la grande salle pour l’émerveillement et l’apaisement de chacun.

Herbert Blomstedt - Philharmonie de Paris, le 06 avril 2023

Herbert Blomstedt - Philharmonie de Paris, le 06 avril 2023

A cet esprit mélodiste très mozartien qui imprègne la première partie de ce concert, ne manquait donc plus que les grandes emphases.

On retrouve dans la 'neuvième symphonie' de Schubert cette façon subtile, d’un simple souffle de la main, de donner de l’élan, de la respiration, et de faire ressentir les frémissements de la vie à travers une vision d’ensemble ample et très lumineuse.

Herbert Blomstedt et l'Orchestre de Paris- Philharmonie de Paris, le 06 avril 2023

Herbert Blomstedt et l'Orchestre de Paris- Philharmonie de Paris, le 06 avril 2023

Mais le plus phénoménal est d'avoir vu tous les instrumentistes de l’Orchestre de Paris s’unir et s’engager de tout leur corps avec vivacité, et parfois même véhémence, comme s’ils ne jouaient que pour le plaisir extatique de leur chef, et toujours avec ces superbes mouvements d’une patine splendide, et un excellent alliage des cuivres aux cordes et aux vents.

Une inoubliable réflexion sur la jeunesse d’esprit de la vie et sur le bonheur de l’existence qui nous a emporté très haut vers un univers intemporel !

Herbert Blomstedt - Philharmonie de Paris, le 06 avril 2023

Herbert Blomstedt - Philharmonie de Paris, le 06 avril 2023

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Publié le 19 Novembre 2022

Nocturne Vidéo enchantée (Schubert, Lekeu, Duparc, Brahms, Wolf, Liszt)
Concert du 18 novembre 2022
Amphithéâtre Olivier Messiaen (Opéra Bastille)

Franz Schubert – Wandrers Nachtlied I & II (1822) 
Poèmes de Johann Wolfgang Goethe (1776 / 1780)
Guillaume Lekeu – Nocturne (extrait de ‘Trois Poèmes’ – 1892)
Poème de Guillaume Lekeu (1892)
Henri Duparc – Romance de Mignon (1869)
Poème de Johann Wolfgang Goethe (1796)
Henri Duparc – L’Invitation au voyage (1870)
‘Les fleurs du mal’ de Charles Baudelaire (1857)
Johannes Brahms – Vier ernste Gesänge op.21 (1896)
Textes extraits de l’Ancien et du Nouveau testament
Guillaume Lekeu – Molto adagio sempre cantante doloroso (1886-1887)
‘Mon âme est triste jusqu’à la mort’
Johannes Brahms – Der Tod, das ist die kühle Nacht Op.96 (1884)
Poème de Heinrich Heine (1824)
Hugo Wolf – Mignon Lieder Op.96 (1888)
Poèmes de Johann Wolfgang Goethe (1795)
Franz Liszt – Wandrers Nachtlied I & II (1848 / 1859)
Poèmes de Johann Wolfgang Goethe (1776 / 1780)

Équipe artistique
Conception, réalisation, vidéo Denis Guéguin             
Adrien Mathonat (Basse)
Scénographie Faustine Zanardo

Artistes de l’Académie de l’Opéra national de Paris
Laurence Kilsby (Ténor), Marine Chagnon (Mezzo-soprano), Seray Pinar (Mezzo-soprano), Thomas Ricart (Ténor), Adrien Mathonat (Basse), Martina Russomanno (Soprano), Andres Cascante (Baryton)
Carlos Sanchis Aguirre et Guillem Aubry (Piano)
Alexandra Lecocq (Violon), Keika Kawashima (Violon), Perrine Gakovic (Alto), Auguste Rahon (Violoncelle)

L’invitation au voyage, que présentent pour un seul soir à l’amphithéâtre Bastille les artistes lyriques de l’Opéra national de Paris, prend la forme d’un récital de lieder et de mélodies de compositeurs romantiques du XIXe siècle voué principalement à l’univers poétique de Goethe, pour lequel Denis Guéguin, artiste vidéaste associé à nombre de productions de Krzysztof Warlikowski, a repensé la forme visuelle en créant des résonances entre l’esprit des mots, la manière d’être des solistes et des images d’une envoûtante mélancolie.

Martina Russomanno - 'Mignon Lieder'

Martina Russomanno - 'Mignon Lieder'

Ode à la nuit et à la nature, allusion à la mort, aspiration au retour aux origines et à l’évitement des vanités du monde, mais aussi besoin de réconfort, sont racontés à travers une conception lyrique qui débute comme elle s’achève sur les paroles de ‘Wandrers Nachtlied’, portées, au début, par la musique de Franz Schubert, puis, à la toute fin, par celle de Franz Liszt.

Et en plein cœur du récital, l’auditeur est amené à découvrir la poignance du quatuor à cordes ‘Molto adagio’ composé par Guillaume Lekeu entre 1886 et 1887, qui s’ouvre comme il s’achève, lui aussi, sur le même motif méditatif du violoncelle.

Alexandra Lecocq (Violon), Keika Kawashima (Violon), Perrine Gakovic (Alto) et Auguste Rahon (Violoncelle) - 'Molto adagio' de Guillaume Lekeu

Alexandra Lecocq (Violon), Keika Kawashima (Violon), Perrine Gakovic (Alto) et Auguste Rahon (Violoncelle) - 'Molto adagio' de Guillaume Lekeu

Dans la lueur en contre-jour d’un projecteur, les quatre interprètes, Alexandra Lecocq, Keika Kawashima, Perrine Gakovic et Auguste Rahon, innervent cette pièce peu connue du compositeur belge d’une irrésistible virtuosité, mais aussi d’une douceur langoureuse qui s’étire et enfonce dans l’ombre alors que l’on discerne à peine les visages des musiciens.

C’est en fait sur l’écran situé en arrière-plan que l’on découvre les jeunes artistes filmés en noir et blanc dans une pose calme et rêveuse. Ils défilent avec la lenteur du mouvement musical.

Vidéo sur 'Molto adagio sempre cantante doloroso' de Guillaume Lekeu

Vidéo sur 'Molto adagio sempre cantante doloroso' de Guillaume Lekeu

Mais les premières images bleutées du spectacle renvoient à celles d’un vieux théâtre en ruine, à une vision poétique d’un temps passé et à des premières visions d’élévation et d’apesanteur.

Laurence Kilsby procure d’emblée beaucoup de charme aux Lieder de Schubert avec consistance et clarté lunaire, une sensation idéale pour entrer dans l’esprit du soir.

Le troisième poème, ‘Nocturne’, de Guillaume Lekeu, poète et compositeur à l'instar de Richard Wagner qu'il admirait, prolonge ce début intense et serein, seule séquence entièrement enregistrée par Marine Chagnon (magnifiquement mise en valeur par la vidéo et ses reflets lumineux) et le quatuor à cordes.

Seray Pinar - 'Romance de Mignon'

Seray Pinar - 'Romance de Mignon'

Puis, l’expressivité devient plus viscérale pour Henri Duparc, quand Seray Pinar fend l’espace sonore d’une intense luminosité teintée de gravité pour la ‘Romance de Mignon’ – intensité que l’on retrouvera plus loin dans ‘ Der Tod, das ist die kühle Nacht’ de Brahms - , alors que Thomas Ricart partage une générosité expansive dans ‘L’invitation au voyage’

La vidéographie complexifie les enchevêtrements d’espaces, notamment en insérant des images du château de Nymphenburg tirées de ‘L’année dernière à Marienbad’, film d’Alain Resnais qui avait aussi inspiré la production de ‘Die Frau ohne Schatten’ par Krzyzstof Warlikowski à l’Opéra d’État de Bavière en 2013.

Denis Guéguin altère ainsi réalité et imaginaire en donnant l’illusion de fondre l’image filmée du jeune ténor dans les scènes du Palais qui furent tournées il y a plus de 60 ans.

Une autre séquence cinématographique issue d'une autre production mise en scène à La Monnaie de Bruxelles en 2012, 'Lulu', apparait également en surimpression, celle d'une Lune un peu étrange, objet céleste fortement inspirant chez Goethe.

Vidéo sur 'Vier ernste Gesänge' de Johannes Brahms

Vidéo sur 'Vier ernste Gesänge' de Johannes Brahms

Et sur les ‘Quatre chants sérieux’ composés par Johannes Brahms en 1896 à Vienne, à partir de textes de l’Ancien et du Nouveau testament, Adrien Mathonat impose une stature impressionnante pour son jeune âge, donnant à sa présence l’autorité d’un ‘Prince Grémine’. Les images renvoient à la faiblesse humaine, à la dépression, puis à la joie simple en communion avec la nature, et l’évocation des vanités fait alors écho au crâne humain laissé au sol près du piano. 

Guillem Aubry (Piano) et Martina Russomanno (Soprano) - 'Mignon Lieder'

Guillem Aubry (Piano) et Martina Russomanno (Soprano) - 'Mignon Lieder'

C’est dans les ‘Mignon Lieder’ que la vidéo est ensuite utilisée de manière à mettre en valeur corps, visage et sentiments intérieurs de l’interprète, Martina Russomanno, qui incarne avec un grand sens de l’extériorisation adolescente, et un lyrisme vibrant et émouvant, les états d’âmes et le cœur battant décrits par Hugo Wolf.

L’image contribue à la sophistication du personnage, à l'expression du désir de séduire par la couleur des maquillages en bleu et violet, et à la mise en perspective du souvenir d’un être qui hante la mémoire.

Carlos Sanchis Aguirre (Piano)

Carlos Sanchis Aguirre (Piano)

Enfin, c’est à un retour à une bienveillante sérénité qu’Andres Cascante, au timbre doux et souriant, invite le spectateur à refermer ce livre ouvert sur la psyché humaine, où les deux pianistes, Carlos Sanchis Aguirre et Guillem Aubry, ont alternativement dispensé une expression poétique chatoyante et chaleureuse enveloppante pour les solistes tout au long de la soirée.

Carlos Sanchis Aguirre, Alexandra Lecocq, Guillem Aubry, Adrien Mathonat, Seray Pinar, Keika Kawashima, Auguste Rahon, Andres Cascante, Perrine Gakovic, Laurence Kilsby, Thomas Ricart et Martina Russomanno

Carlos Sanchis Aguirre, Alexandra Lecocq, Guillem Aubry, Adrien Mathonat, Seray Pinar, Keika Kawashima, Auguste Rahon, Andres Cascante, Perrine Gakovic, Laurence Kilsby, Thomas Ricart et Martina Russomanno

Le plus incroyable est qu’un tel moment d’évasion qui renvoie chacun à ses propres émotions, soigné dans sa mise en espace, en image et en lumière, qui se construit sur un choix de textes et de mélodies qui amène l’auditeur vers des découvertes musicales, et qui permet de le confronter à des expressions vocales très différentes, avec l’intention de le ramener en douceur au point de départ de ce voyage, n'a pu s'apprécier que le temps d'un soir.

Laurence Kilsby, Thomas Ricart, Denis Guéguin, Martina Russomanno, Carlos Sanchis Aguirre, Alexandra Lecocq et Guillem Aubry

Laurence Kilsby, Thomas Ricart, Denis Guéguin, Martina Russomanno, Carlos Sanchis Aguirre, Alexandra Lecocq et Guillem Aubry

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Publié le 7 Octobre 2018

Quatuor van Kuijk (Franz Schubert)
Concert du 01 octobre 2018
Théâtre des Bouffes-du-Nord

Franz Schubert Quatuor n°15 en sol majeur
Franz Schubert Quatuor n°14 « La jeune fille et la mort »

Violon Nicolas Van Kuijk 
Violon Sylvain Favre-Bulle
Alto Emmanuel François 
Violoncelle François Robin

De par sa forme semi-cylindrique qui induit une proximité intime avec la scène centrale qui est ornée d'arceaux nobles face à un mur austère abîmé par d'anciennes flammes, le Théâtre des Bouffes-du-Nord offre un cadre suffisamment contrasté pour y entendre résonner les deux derniers quatuors à cordes de Franz Schubert composés à l'approche de la trentaine, et en révéler l'inspiration, certes véhémente, mais empreinte de mélancolie joyeuse.

Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre-Bulle, Emmanuel François, François Robin

Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre-Bulle, Emmanuel François, François Robin

Et en choisissant de débuter ce programme ambitieux par le quatuor n° 15, les quatre jeunes musiciens s'engagent d'emblée dans une démonstration de puissance et de vigueur absolument captivante. Côté jardin, Nicolas van Kuijk, le premier violoniste, tient une ligne fière et lumineuse, virtuose et très sûre comme s'il donnait le cap à tenir. Sylvain Favre-Bulle, le second violoniste, y ajoute l'hardiesse et la même méticulosité technique frémissante, et Emmanuel François, à l'affût des tempi les plus vifs, draine des variations plus ténébreuses.

Sylvain Favre-Bulle (Violon)

Sylvain Favre-Bulle (Violon)

Et côté cour, face au premier violon, le violoncelle de François Robin, dans toute sa droiture, accompagne ses partenaires d'une vibrante émotivité, alors que les échanges furtifs du regard entre ces derniers rendent visibles les nécessaires concordances à l'harmonie de chaque mouvement.

Le résultat est une traduction volontaire qui met en avant la personnalité de chaque musicien, un plaisir presque enfantin à vivifier les petits étourdissements en forme de valse, une interprétation directe qui saisit l'auditeur par son énergie positive, bien que Schubert y exprime aussi des pressentiments funestes.

Nicolas Van Kuijk (violon) et Sylvain Favre-Bulle (violon)

Nicolas Van Kuijk (violon) et Sylvain Favre-Bulle (violon)

Dans La Jeune Fille et la Mort, en seconde partie, la violence romantique et intériorisée atteint son paroxysme, la hardiesse du second violon devient fauve et tranchante, la précision des attaques toujours acérée, mais le son conserve une patine lustrée qui prévient tout pathétisme prononcé.

Le Quatuor Van Kuijk est dorénavant sur les sentiers d'une tournée mondiale qui va traverser la Côte Ouest des Etats-Unis, avant de revenir en Europe et en France.

Après deux quatuors à cordes de Mozart, en 2016, deux autres quatuors de Ravel et Debussy, en 2017, les quatuors n°10 et 14 de Schubert sont à l'honneur du 3e enregistrement des Van Kuijk chez Alpha Classics, un retour aux sources du romantisme salutaire avant d'affronter, l'année prochaine, l'expression du sentiment amoureux selon Alban Berg.

François Robin, Emmanuel François, Sylvain Favre-Bulle, Nicolas Van Kuijk

François Robin, Emmanuel François, Sylvain Favre-Bulle, Nicolas Van Kuijk

Dates des prochains concerts au cours des quatre prochains mois.

04/05 octobre San Diego & 6 octobre Carmel - USA
20 octobre Maastricht & 23 octobre La Haye - Pays-Bas
6 novembre Bologna - Italie
8 novembre Coulommiers & 10 novembre Béziers - France
13 novembre Homburg - Allemagne
15 novembre Bergamo & 16 novembre Belluno- Italie
18 novembre Quimper - France
19 novembre Hampstead - Royaume-Uni
22 novembre Müllheim - Allemagne
25 novembre Paris
27 novembre Espalion, 29 Novembre Millau, 01 décembre Villefranche-de-Rouergue  - France
8 décembre Haslemere - Royaume-Uni
6-9 janvier Schloss Elmau - Allemagne
13 janvier Liverpool & 14 janvier Manchester - Royaume-Uni
21 janvier Lodi - Italie
25 janvier Joplin - USA
30-31 janvier Toronto - Canada
1 & 3 février New York - USA

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Publié le 19 Février 2012

Voyage d’hiver (Franz Schubert)
Représentation du 17 février 2012
Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Winterreisse
01 Gute Nacht                            03 Gefrorene Tränen    
02 Die Wetterfahne                    12 Einsamkeit    
08 Rückblick                              05 Der Lindenbaum
17 Im Dorfe                                 19 Täuschung    
06 Wasserflut                              07 Auf dem Flusse
13 Die Post                                 09 Irrlicht
10 Rast                                        11 Frühlingstraum    
04 Erstarrung                            14 Der greise Kopf
18 Der stürmische Morgen     15 Die Krähe    
20 Der Wegweiser                    16 Letzte Hoffnung    
21 Das Wirtshaus                     22 Mut        
23 Die Nebensonnen              24 Der Leiermann

La Femme Mélanie Boisvert
Le Poète Guillaume Andrieux
Le Musicien vagabond Didier Henry                                  Mélanie Boisvert (La jeune femme)

Mise en scène Yoshi Oïda
Direction musicale Takénori Némoto
Ensemble Musica Nigella
(2 violons, alto, violoncelle, basse, clarinette, basson, cor)

Le Voyage d’hiver - cycle de lieder composé à l’origine pour piano et ténor - est présenté ce soir dans une version profondément remaniée.
Avec huit de ses musiciens, tous issus de l’ensemble Musica Nigella, Takémory Némoto en a réalisé une version pour orchestre qui, au creux de l’intimité de la salle aux allures de théâtre en miniature, prend une dimension ouateuse et très enveloppante.
On est pris dans une atmosphère nostalgique, des couleurs à la fois rudes et chaleureuses généreusement dissipées par les résonances et les frissonnements du corps des instruments à cordes, alors que la rondeur des motifs des trois instruments à vent dialogue avec les sensations de l’âme que l’on surprend à évoquer les plaintes de Tristan.

La mise en scène de Yoshi Oïda fait intervenir trois chanteurs, le poète errant, mais aussi la femme pour laquelle il éprouve des sentiments non partagés, et un vagabond qui est son seul compagnon et un regard désarmé sur ces vagues à l’âme sans espoir.
Pour des raisons dramaturgiques l’ordre des lieder est parfois modifié, mais l’intégralité des textes est interprétée.

Guillaume Andrieux (Le poète) et Didier Henry (Le vagabond)

Guillaume Andrieux (Le poète) et Didier Henry (Le vagabond)

La belle découverte est le talentueux Guillaume Andrieux, un jeune baryton clair qui chante cette insondable peine non seulement avec un art pleinement poétique et des effets d’allègement de voix qui évoquent un autre grand romantique du répertoire allemand, Wolfram, mais également avec une incarnation qui rend lisible la perdition dans le regard.

Mélanie Boisvert, belle femme par ailleurs, se situe dans un registre beaucoup plus terre à terre, impeccablement précis, mais bien moins sensuel et touchant, comme pour marquer le fossé qui sépare la vision amoureuse du jeune homme de la personnalité assez indifférente du personnage réel.

Didier Henry apporte, quand à lui,  une touche paternelle solide et humaine au vagabond.

De la scénographie se distinguent surtout le bel arbre blanc et les variations tristes des ambiances lumineuses plutôt que les petits détails sonores qui ont pour effets de divertir de l’impression d’ensemble.

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