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Publié le 5 Décembre 2011

Des Femmes (Sophocle)
Représentation du 03 décembre 2011 au Théâtre des Amandiers de Nanterre
Trilogie : Les Trachiniennes, Antigone, Electre (durée 6h30)
 

Olivier Constant Les Trachiniennes > Lichas / Antigone > Le garde / Électre > Pilade
Samuël Côté Les Trachiniennes Hyllos / Antigone > Hémon / Électre> Oreste
Sylvie Drapeau Les Trachiniennes > Déjanire, Héraclès / Électre > Clytemnestre
Charlotte Farcet Antigone > Antigone / Électre > Chrysothémis
Raoul Fernandez Les Trachiniennes > Lichas / Antigone > Le garde / Électre > Pilade
Patrick Le Mauff Antigone > Créon / Électre > Égiste
Sara Llorca Antigone > Ismène / Électre > Electre
Marie-Eve Perron Les Trachiniennes > Coryphée / Électre > Coryphée
Véronique Nordey Antigone > Tirésias / Électre > Le précepteur

Igor Quezada Les Trachiniennes, Antigone, Électre

Le Choeur - chan                                                             Charlotte Farcet (Antigone)
Mise en scène Wajdi Mouawad

La saison précédente, Olivier Py avait monté la Trilogie d’Eschyle dans l’un des salons intimes du Théâtre de l’Odéon. Je n’en ai pas restitué de compte-rendu faute de temps, mais aussi par intimidation face à la proximité des trois acteurs et leurs regards très directs qui vous prennent à parti dans un jeu émotionnel outré.

C’est un peu le contraire que l’on ressent à cette première Trilogie de Sophocle mis en scène par Wajdi Mouawad, point de départ d’une aventure qui aboutira, dans un an ou deux, par la représentation en une seule journée des sept pièces qui ont survécu jusqu’à aujourd’hui.

A travers le dérèglement que vivent trois femmes, Déjanire, trahie par Héraclès, Antigone, victime des idées politiques tyranniques de Créon, et Electre, privée de son père par Egisthe et Clytemnestre, Sophocle révèle qui est réellement le monstre, à chaque fois un homme.

Marie-Eve Perron (Coryphée) et Sylvie Drapeau (Déjanire)

Marie-Eve Perron (Coryphée) et Sylvie Drapeau (Déjanire)

La continuité entre les trois pièces est entretenue par un espace scénique unique architecturé autour de la pièce centrale entourée d’un rail, en second plan un cube qui servira de tombeau comme de tribune, un désordre d’objets, une atmosphère de fin du monde humide qui rappelle les bas-fonds de Los Angeles dans Blade Runner.

Chaque pièce comprend des images belles ou fortes, la grâce lascive de Déjanire purifiée par Coryphée, le délire d’Antigone dans une violence musicale saisissante, les tensions d’Electre et d’Oreste qui se libèrent dans un bain sensuel et plein de joie, mais aussi des images peu convaincantes comme le retour Grand-guignol d’Héraclès, le Happy-end des fiançailles heureuses d'Antigone et d’Hémon, et la fin ridicule de Clytemnestre et de son amant emballés dans un sac plastique.

En fait le metteur en scène prend ses distances avec la tragédie, et c’est sans doute cette façon de conclure chacune des pièces qui est la plus déroutante.

Le style de jeu et de déclamation en reste également à une forme d’académisme banalisé qui n’approche que partiellement la complexité du vivant. Ceci dit,  Charlotte Farcet noue une affinité forte avec la souffrance d’Antigone, sans doute le moment de vérité le plus poignant de la trilogie.
Le style évanescent de Sylvie Drapeau est lui aussi révélateur de la nature poétique de Déjanire, bien qu’elle ne réussit plus à convaincre lorsque le doute et l’effroi prennent prise sur elle, et que pointe le drame.
Le personnage d’Electre a lui aussi de quoi surprendre, car Sara Llorca rend une image d’enfant rebelle réussie, avec un soin de la diction incisive frappant, mais l’on est loin de la rage incessamment ruminée de l’Elektra de Strauss.

Sara Llorca (Electre)

Sara Llorca (Electre)

Pour ces trois femmes, Wajdi Mouawad exprime leur douleur et la perte de leur dignité dans leur rapport avec la terre, la boue, dont elles souillent leur corps dans un élan autodestructeur.

Il y a des valeurs sûres, Véronique Nordey et  Raoul Fernandez, et Samuël Côté montre une capacité d’extériorisation qui gagnera en profondeur avec le temps, sans aucun doute.

La transposition des chœurs en un ensemble musical moderne, dont une batterie aux éclats métalliques est le cœur pulsant, apparait, malgré quelques excès sonores, comme une manière de jouer avec les émotions adolescentes, mais cela ne se substitue pas à l’engagement humain qui aurait du s’imposer avec beaucoup plus de force.

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