Articles avec #vaysset tag

Publié le 13 Août 2014

Nabucco (Giuseppe Verdi)
Représentation du 11 août 2014
Théâtre antique de Sanxay 

Direction musicale Eric Hull
Orchestre, Chœur et Ballet des Soirées Lyriques de Sanxay

Mise en scène Agostino Taboga
Costumes Shizuko Omachi

Nabucco Albert Gazale
Ismaële Luca Lombardo
Zaccaria Ievgen Orlov
Abigaille Anna Pirozzi
Fenena Elena Cassian
Le grand Prêtre de Baal Nika Guliashvili
Abdallo Xin Wang
Anna Sarah Vaysset

                                                                                                              Albert Gazale (Nabucco)

Pour sa quinzième année des Soirées Lyriques, le Théâtre antique de Sanxay accueille à nouveau le premier grand succès milanais de Verdi, son troisième opéra, qui fera de lui un compositeur très courtisé. Le festival avait déjà monté Nabucco en 2003, peu de temps après ses débuts, avec Michèle Lagrange dans le rôle d'Abigaille.

Cependant, contrairement à la légende qui est régulièrement propagée par les médias, cette partition n’a pas été composée avec des arrières-pensées patriotiques, mais pour son sujet biblique, et elle fut dédiée à la fille de l’archiduc Rainier vice-roi du royaume lombard-vénitien et « protecteur de la Scala », c'est-à-dire l’occupant autrichien.
Le livret se réfère à la prise de Jérusalem par le roi néo-babylonien – et non pas assyrien – Nabuchodonosor, et à la déportation des juifs vers sa capitale.

Nabucco (A.Pirozzi- A.Gazale- I.Orlov- dir E.Hull) Sanxay 2014

La mise en scène confiée à Agostino Taboga comporte tous les traits des productions traditionnelles des années 1980, gestes stéréotypés, mouvements de foule illustratifs, et lourdeurs inutiles dans les modifications du décor de la dernière partie – les colonnes du temple sont travaillées afin de suggérer l’usure du temps, et celui-ci comporte différents niveaux éclairés au fur et à mesure par un nombre croissant de torches élégantes.

Elle révèle néanmoins une originalité saisissante en alliant les babyloniens à des amazones menaçantes, tatouées et armées de lances, alimentant ainsi une imagerie fantasmatique issue de l’heroic fantasy, mais historiquement peu crédible.

Faire ressortir la profondeur d’expression des caractères, malgré le temps nécessairement court, ne semble pas avoir inspiré le directeur, ce qui est un peu dommage.

La distribution réunit un ensemble de chanteurs qui ont tous en commun un timbre harmonieux à l’écoute. Ievgen Orlov incarne ainsi un prêtre encore très jeune pour porter entièrement le poids terrifiant du dieu juif qu’il représente, noirceur et ampleur étant plus impressionnants par la voix de Nika Guliashvili, le grand Prêtre de Baal.

Anna Pirozzi (Abigaille)

Anna Pirozzi (Abigaille)

Albert Gazale, un peu pale avant que la foudre ne lui tombe dessus, fait progressivement ressortir les failles et l’humanité du roi babylonien bien loin de la caricature qu’Anna Pirozzi brosse d’Abigaille.
Cette soprano percutante possède les aigus tranchants et spectaculaires de ce personnage tyrannique, un médium riche et des graves plus mesurés, une dynamique vocale fascinante, mais elle persévère trop dans l’expression d’une méchanceté hystérique, ce que sa coiffure de Méduse ne fait qu’accentuer. Elle conforte ainsi la vision du metteur en scène qui ne voit en cette histoire qu’une opposition manichéenne entre un paganisme sauvage et cruel et une religion monothéiste.

Léger, mais sensible et énergique, Luca Lombardo défend très bien le rôle d’Ismaële, et Elena Cassian se contente de faire entendre son beau timbre chaleureux et sombre. Elle avait cependant semblé plus émouvante en 2003, à moins qu’il n’en reste que des souvenirs idéalisés.

Eric Hull, le chef d'orchestre, et Albert Gazale (Nabucco)

Eric Hull, le chef d'orchestre, et Albert Gazale (Nabucco)

Et s’il y a quelqu’un à qui l’on doit de bien mettre en valeur ces chanteurs, ce n’est pas le directeur scènique, mais le chef d’orchestre, Eric Hull.
Invité pour la première fois aux Soirées Lyriques, ce directeur musical fait des merveilles dès l’ouverture. Le son s’épanouit bien mieux que les années précédentes dans ce théâtre de plein air, la richesse des détails harmoniques surgit d’une belle enveloppe orchestrale qui ne peut que séduire les oreilles musicales les plus fines.

Ce travail tout en délicatesse, qui laisse un peu de côté les fulgurances de la jeunesse verdienne, mais ni son élan, ni sa générosité, est un plaisir qui fait entendre, par exemple, dans la scène intime de Zaccaria avec ses tables, une description torturée des sentiments du prêtre que les inflexions slaves d’Ievgen Orlov ne font que rendre encore plus proches de ceux qu’évoquent Tchaikovsky dans ses opéras.

Nabucco (A.Pirozzi- A.Gazale- I.Orlov- dir E.Hull) Sanxay 2014

C’est d’ailleurs très étonnant d’écouter les commentaires des spectateurs, très sensibles à la qualité des voix et au visuel, mais qui parlent peu de la finesse avec laquelle la musique a été jouée, l’âme véritable de la soirée.

Quant au chœur, très doux car formé d’interprètes français, il ne restitue pas suffisamment le souffle et l’orgueil de la langue italienne. Il manque encore d’unité, de ce quelque chose qui rend son incarnation totalement spirituelle, même si l’achèvement du ‘Va pensiero’ est fort beau.

Voir les commentaires

Publié le 10 Août 2013

Madame Butterfly (Giacomo Puccini)
Représentation du 08 août 2013
Festival de Sanxay

Cio-Cio San Lianna Haroutounian
Suzuki Elena Cassian
F.B Pinkerton Thiago Arancam
Sharpless Kosma Ranuer
Goro Xin Wang
L’oncle Bonze Balint Szabo
Le prince Yamadori Florian Sempey
Kate Pinkerton Sarah Vaysset
Le commissaire impérial Fabien Leriche
Le fils de Cio-cio San Robin Mèneteau

Direction musicale Didier Lucchesi
Mise en scène Mario Pontiggia
Costumes Shizuko Omachi
Lumières Eduardo Bravo
                                                 Lianna Haroutounian (Cio-Cio San) et Thiago Arancam (Pinkerton)


Sur les ruines du théâtre romain d‘Herbord, les intempéries tumultueuses de ce début de mois d’août se sont retirées quelques heures seulement avant que le drame lyrique de Madame Butterfly ne débute au milieu du paysage bucolique embrasé par le Festival de Sanxay chaque été, après les dernières lueurs du soleil couchant.

Elena Cassian (Suzuki) et Robin Mèneteau (L'enfant)

Elena Cassian (Suzuki) et Robin Mèneteau (L'enfant)

Cette nouvelle production est sans doute une des plus abouties de cette manifestation lyrique car, non seulement la distribution vocale est d’une belle musicalité homogène et délicate, mais la mise en scène de Mario Pontiggia forme un tout poétique, sensible et subtilement harmonisé à la musique de Puccini, un raffinement auquel on n’est pas accoutumé dans un tel lieu.

Le décor élégant, composé de seulement trois panneaux japonais finement décorés, et d’un cerisier oriental au second acte, définit les limites entre un espace intime et le monde extérieur symbolique pour lequel les lumières tamisées d’Eduardo Bravo, progressivement changeantes, modifient les couleurs et l’intensité du climat visuel, tout en mettant bien en valeur les différents protagonistes.

Lianna Haroutounian (Cio-Cio San), Robin Mèneteau (L'enfant) et Kosma Ranuer (Sharpless)

Lianna Haroutounian (Cio-Cio San), Robin Mèneteau (L'enfant) et Kosma Ranuer (Sharpless)

Ces derniers sont de plus magnifiés par la qualité et la variété des costumes de Shizuko Omachi, d’une blancheur immaculée pour le jeune couple, rose clair, puis noir pour Suzuki, mais, surtout, le metteur en scène prend soin de la disposition expressive de chaque artiste pour en souligner l’existence et la tension qu’il crée avec son entourage.

Il émane également une forme de musicalité de la gestuelle-même, comme si tous faisaient partie d’un tout harmonieux, excepté Pinkerton (mais est-ce volontaire?).

Lianna Haroutounian (Cio-Cio San)

Lianna Haroutounian (Cio-Cio San)

Les chanteurs se fondent donc naturellement dans cet ensemble, à commencer par Lianna Haroutounian, interprète qui fut la brillante remplaçante d’Anja Hartejos dans Don Carlo à Covent Garden en mai dernier, et qui, dans le rôle de Cio-Cio San, se départit de tout effet dramatique et mélodramatique pour dessiner un portrait infiniment fragile et idéaliste, avec une projection puissante et lumineuse, et une apparente sérénité qui dure jusque dans la mort. Elena Cassian est pour elle une Suzuki confidente et attentive d’une même douceur, son duo avec Butterfly se dénouant dans une intimité un peu trop sage, sans exubérance.
 

Pinkerton notamment gauche, Thiago Arancam apparaît donc comme une figure décalée face à ces deux dames.

Il ne bénéficie pas de la même projection, néglige sa musicalité dans le médium, mais, contre toute attente, sa voix s’épanouit aisément dans les aigus, ce qui lui donne une dimension qu’il cède dès qu’il revient dans un registre moins lyrique.


A son retour, pourtant, il se montre inhabituellement expressif, et il réussit même un coup d’éclat scénique en fuyant ses responsabilités pour laisser sa femme, sous les traits de Sarah Vaysset, se charger de régler la situation filiale.

 

 

  Florian Sempey (Le prince Yamadori)

 

Et tous les rôles secondaires sont très bien distingués pour faire entendre leur charme vocal, le Goro ricanant de Xin Wang, très bon acteur, le noble et précieux Sharpless de Kosma Ranuer, et le magnifique jeune prince Yamadori de Florian Sempey, sombre et royal, avec une fierté qu’il aime afficher, le menton légèrement levé en avant.

Dans la fosse, tout n’est pas parfait. Le naturalisme expressif de Puccini pose des problèmes d’harmonie, le paysage sonore du début du troisième acte en souffre perceptiblement, et c’est dans les passages plus fluides et lents, majestueusement développés, que Didier Lucchesi obtient un lyrisme introspectif qui s’aligne sur l’atmosphère raffinée de toute l’œuvre.

Elena Cassian (Suzuki) et Lianna Haroutounian (Cio-Cio San)

Elena Cassian (Suzuki) et Lianna Haroutounian (Cio-Cio San)

Enfin, la nature et la modernité sont venues s’insérer poétiquement dans le spectacle pour conclure le duo d’amour du premier acte. En effet, en levant les yeux, il était possible de suivre, à travers le ciel étoilé, le passage d’un astre artificiel invariablement lumineux, la Station spatiale internationale ISS, qui croisait la Voie lactée pour aller se perdre derrière les arbres vers l’est, juste au moment où les dernières notes s’achevaient.

Voir les commentaires