Publié le 26 Octobre 2022
Venise révélée – Grand Palais Immersif à l’Opéra Bastille
Exposition ‘Venise révélée’
Du 21 septembre 2022 au 19 février 2023
Vernissage du 20 septembre et visite du 18 octobre 2022
110, rue de Lyon – Paris 12
Opéra Bastille
L’exposition ‘Venise Révélée’ s’inscrit dans la continuité des expositions ‘Sites éternels’ (14 décembre 2016 au 09 janvier 2017) et ‘Pompéi’ (01 juillet au 29 octobre 2020) qui furent organisées par la Réunion des musées nationaux et le Grand Palais afin de présenter des reconstitutions 3D de sites archéologiques.
Elle se déroule dans un tout nouvel espace qui était originellement prévu pour accueillir de nouvelles formes musicales, la salle modulable de l’Opéra Bastille, projet cher à Pierre Boulez, Massimo Bogianckino et Gerard Mortier initié en 1984.
Les vicissitudes historiques ont reporté ce projet à des horizons inconnus, mais l’espace brut existe toujours, si bien que c’est dans ce volume de 1600 m² et 40 m de hauteur, réservé pour moitié à l’espace d’exposition et pour l’autre moitié à l’accueil du public, que les visiteurs peuvent venir apprécier ce lieu inachevé et profiter dorénavant de la première exposition à s’y dérouler.
Lion de Saint-Marc en bois sculpté et peint de la Chaire de la Basilique Saint-Marc (Bianco Alvise XVIe siècle)
Pour réaliser cette prouesse virtuelle, le Grand Palais s’est associé à la société Iconem qui a développé des technologies de numérisations innovantes à grande échelle éprouvées en 2017 pour évaluer les dommages subis par l’ancienne ville d’Alep, en Syrie, à partir d’images satellites UNOSAT à finalité humanitaire.
En collaboration avec la Fondazione Musei Civici di Venezia, ils ont pu démontrer l’intérêt de ces modèles numériques pour la conservation de la Sérénissime, si bien qu’en plein covid, les équipes techniques ont eu accès à l’intérieur de tous les palais de la ville.
Il en résulte une banque de données de plus de 300 000 images à très haute résolution récoltées en scannant à partir d’avions, de drones, de photos prises au sol, l’ensemble de la ville et le Grand Canal, qui ont ensuite été traitées afin de reconstituer un modèle unique de toute la cité, y compris l’intérieur des Palais principaux, jusqu’aux détails millimétriques des peintures.
La hauteur sous plafond réservée à la salle modulable permet ainsi de créer de très grandes projections qui invitent chacun à voyager de manière inédite à travers la cité. Pour ce faire, il suffit d’un peu de laisser-aller, et de s’installer sur l’un des bancs de l’espace d’exposition tout en fixant les grands écrans où défilent de splendides façades. Et soudain, le spectateur a alors l’impression que c’est lui-même qui est en mouvement et navigue le long des canaux, des escaliers et des salles des monuments, l’illusion se déstructurant au fil de l’avancée.
Dès l’entrée, d’ailleurs, cette impression de survol au-dessus des toits de la ville peut être expérimentée à partir d’une projection étalée légèrement en contrebas qui s’élève ensuite en arrière-plan.
La disposition de tous les écrans n’est donc pas laissée au hasard, car elle cherche à créer de la perspective et augmenter l’impression d’immersion.
La musique du compositeur David Chalmin, relaxante et parcellée d’effets liquides, aide aussi à se laisser aller à un état d’esprit contemplatif.
Coupe d'un palais avec le double escalier de Léonard de Vinci séparant les espaces de vie imbriqués de deux familles
Certains espaces, plus confinés, permettent d’entrer dans un état d’esprit analytique à partir de tableaux numériques qui aident à comprendre l’architecture de la ville, la construction des rues sur l’eau, l’origine du bois et des matières premières, ou invitent à suivre les différentes étapes de construction des bateaux à l’Arsenal. Une vue ouverte sur un palais comprenant un double escalier qui évite aux deux familles y habitant de se croiser est même montrée. Sa description se trouve dans un manuscrit de Léonard de Vinci datant de 1490.
Il est également possible de comparer des peintures de Venise par Francesco Guardi ou Antonio Canaletto avec les modèles réels d’Iconem grâce à des impressions lenticulaires qui permettent, par un simple mouvement de tête de quelques centimètres, de modifier l’image vue.
A cette expérience qui mêle réalité objective et perception artistique, s’ajoute une étonnante section dédiée au jeu d’Ubisoft ‘Assassin’s Creed’ qui est une manière interactive de voyager dans la Venise de la Renaissance, telle que les historiens de la société de jeu vidéo ont pu la reconstituer.
L’analyse des œuvres d’art est également renforcée en mettant à disposition du visiteur des photographies haute résolution de peintures habituellement inaccessibles, car trop éloignées des regards, et qui sont ainsi mises en valeur par l’utilisation de grands écrans digitaux tactiles qui deviennent de formidables outils de navigation à travers les détails les plus fins de ces œuvres, et qui permettent même de s’affranchir de la vue générale.
L’intérêt scientifique devient mieux palpable, car le but est d’identifier des microfissures dans des toiles perchées à 12 mètres de haut dans les salons du Palais des Doges, ou de voir des phénomènes d’érosion sur les Palais du Grand Canal – on peut remarquer, par exemple, des statues ébréchées lors de la navigation dans les modèles -, ainsi que des caractéristiques topographiques en cas d’inondation.
Le Bucentaure : maquette en bois précieux, incrustation de nacre, feuille d'or et velours ancien (Atelier d'Ivan Ceschin)
Et même si cette exposition rend compte à quel point la cité est un miracle d’architecture qui résiste à tous les changements et les menaces actuelles, et notamment écologiques, la numérisation de la ville est utilisée à des fins artistiques et visionnaires en proposant un voyage à travers une Venise noyée sous les eaux dans une lumière bleuâtre irréelle.
Enfin, un grand espace sert à reconstituer à l’échelle réelle les grands lieux de pouvoir, la Place Saint-Marc et sa Basilique pour le pouvoir religieux, le Palais des Doges pour le pouvoir politique et militaire, afin de montrer l'importance de l’architecture.
Et au pied des trois grands écrans, une maquette du luxueux bateau du Doge (‘Bucintoro’ en italien) reproduit la magnificence de ce vaisseau galérien qui servait aux dignitaires de la Venise afin de parader aux yeux de tous.
Ce voyage virtuel peut donner envie à ceux qui ne connaissent pas Venise de s’y rendre, mais il est aussi un intéressant outil qui peut modifier notre regard, le rendre plus acéré, lors de nos visites dans des lieux anciens.
L'espace de la salle modulable (en rouge) de l'Opéra Bastille dédié à l'exposition 'Venise révélée'.
Pour en savoir plus sur la salle modulable : La salle modulable et les ateliers de l'opéra Bastille - Historique et projet d'achèvement (1982 - 2023)