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Publié le 7 Mars 2023

Cet article présente l’architecture d’'Hamlet' d’Ambroise Thomas et ses différentes altérations.

La création d’’Hamlet’ à l’Opéra de Paris le 09 mars 1868

Contrairement à ‘Benvenuto Cellini’ de Berlioz, ‘Don Carlos’ de Verdi ou ‘Faust’ de Gounod dont il existe plusieurs versions fortement différentes, ‘Hamlet’ d'Ambroise Thomas, qui fit partie des 20 opéras les plus joués à la salle Le Peletier, et des 12 opéras les plus représentés au Palais Garnier jusqu’en 1938, n’existe que dans une seule version majeure.

Toutefois, la partition piano et chant (édition Heugel) signale plusieurs coupures possibles, intègre des variantes dans l’andante et la ballade d’Ophélie du IVe acte destinées aux débuts de Caroline Miolan-Carvalho dans le rôle d’Ophélie à l’Opéra de Paris le 31 mars 1875, et indique également que le duo n°8 de la Reine et du Roi devait être supprimé pour la scène, et ne fut donc pas intégré à la partition d’orchestre.

Une première version d’’Hamlet’ en 4 actes et sans ballet fut achevée en 1863, sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré inspiré d'’Hamlet, Prince de Danemark’ d’Alexandre Dumas (1848), où le héros était un ténor. Mais cette première mouture ne fut pas publiée.

C’est donc pour l’Opéra de Paris que fut créée une version pour baryton en cinq actes avec ballet (avec partage de l'ancien 4e acte en deux nouveaux actes) dont la première aura lieu le 09 mars 1868 à la salle Le Peletier. 

Mais un an plus tard, le 19 juin 1869, une version en italien fut jouée à Covent Garden pour laquelle Ambroise Thomas réécrivit le final, plus court, afin d’achever la pièce sur la mort d’Hamlet, comme chez Shakespeare (le final d’Alexandre Dumas laisse Hamlet survivre ce que le public anglais n’aurait pas accepté par fidélité à William Shakespeare).

Hamlet d'Ambroise Thomas, lors de sa reprise au Palais Garnier en 1875 - DeAgostini/Getty Images

Hamlet d'Ambroise Thomas, lors de sa reprise au Palais Garnier en 1875 - DeAgostini/Getty Images

Les altérations possibles de la partition d’Hamlet

Afin de rendre facilement lisible l’architecture en cinq actes d’'Hamlet’ tel qu'il fut créé à l'Opéra de Paris le 08 mars 1868, les graphiques qui suivent cherchent à mettre en évidence les passages dont la partition autorise la suppression, et présente à titre de comparaison deux interprétations scéniques récentes, celle d’Olivier Py et Marc Minkowski créée le 23 avril 2012 au Theater an der Wien - mais avec un faux final de Covent-Garden (1869) ajouté après le final original -, et celle de Krzysztof Warlikowski et Pierre Dumoussaud créée à l’Opéra de Paris le 11 mars 2023.

Dans le premier acte, seules les 13 mesures du prélude de l’Esplanade qui précèdent la reprise du motif solo du trombone peuvent être omises, selon la partition d’orchestre.

Dans le second acte, le second volet ‘Les serments ont des ailes’ de l’air d’Ophélie peut être coupé, et le duo de la Reine et du Roi ‘Hélas ! Dieu m’épargne la honte’ du livret original est indiqué 'supprimé à la scène' et n’est pas présent dans la partition d’orchestre.

Ce duo, qui ne laisse aucun doute sur la culpabilité du couple, sera cependant joué en 2012 au Theater an der Wien et aussi à l’Opéra de Paris en 2023 (il est présent dans un manuscrit conservé à la Bibliothèque Nationale de France).

Aussi étrange que cela puisse paraître, le 3e acte autorise la suppression du monologue d’Hamlet ‘Etre ou ne pas être’. Un peu plus loin, une partie de l’air du Roi ‘Ah ! Vains efforts !’ peut être coupée, et les dernières mesures du trio Hamlet, Ophélie et la Reine, ‘Quel funeste soupçon .. Mon âme est fermée … Adieu joie et bonheur ‘, ne furent pas jouées lors de la création parisienne, selon les indications de la partition chant et piano, mais elles le seront bien en 2023.

Variante pour Madame Carvalho dans l'air d'Ophélie (Acte 4)

Variante pour Madame Carvalho dans l'air d'Ophélie (Acte 4)

Le 4e acte est composé du traditionnel ballet parisien (plus de 17 minutes), qui ne sera pas repris à Vienne en 2012, mais dont l’Opéra de Paris a conservé les deux premières parties, les ‘Pas des chasseurs’ et la ‘Pantomime’, soit 4 minutes, pour sa nouvelle production en 2023. Après le ballet, plusieurs variantes pour Mme Carvalho dans l'air d'Ophélie sont signalées.

Enfin, il est autorisé dans le 5e acte de ne conserver qu’un des deux couplets du duo des fossoyeurs.

Ludovic Tézier et Krzysztof Warlikowski lors d'une séance de travail d'Hamlet à l'Opéra de Paris (2023)

Ludovic Tézier et Krzysztof Warlikowski lors d'une séance de travail d'Hamlet à l'Opéra de Paris (2023)

La version que présentera en 2023 l’Opéra de Paris sur la scène Bastille est donc la plus complète jouée à ce jour depuis 1938, puisque seuls les derniers mouvements du ballet la ‘Valse Mazurka’, la ‘Scène du bouquet’, la ‘Freya’ et la ‘Strette finale’ ne seront pas repris.

Des codes couleurs sont utilisés ci-après pour identifier les coupures possibles et les passages symphoniques et de ballet, ainsi que le duo du Roi et de la Reine et le Final de Covent Garden.
La durée des actes est fidèlement retranscrite (1er acte 45 mn, 2d acte 48 mn, 3e acte 37 mn, 4e acte 26 m + 17 mn de ballet, 5e acte 19 mn), soit 3h12 ballet compris.

Versions et architecture de l'Hamlet' d’Ambroise Thomas depuis la création en 1868 à sa renaissance à l’Opéra de Paris en 2023
Versions et architecture de l'Hamlet' d’Ambroise Thomas depuis la création en 1868 à sa renaissance à l’Opéra de Paris en 2023
Versions et architecture de l'Hamlet' d’Ambroise Thomas depuis la création en 1868 à sa renaissance à l’Opéra de Paris en 2023
Versions et architecture de l'Hamlet' d’Ambroise Thomas depuis la création en 1868 à sa renaissance à l’Opéra de Paris en 2023
Versions et architecture de l'Hamlet' d’Ambroise Thomas depuis la création en 1868 à sa renaissance à l’Opéra de Paris en 2023
Versions et architecture de l'Hamlet' d’Ambroise Thomas depuis la création en 1868 à sa renaissance à l’Opéra de Paris en 2023

Interprétation au disque : la version d’Antonio de Almeida (1993)

En 1993, le chef d’orchestre Antonio de Almeida (1928 – 1997), enregistra chez EMI la première intégrale complète d’'Hamlet', avec en appendice, le duo de la Reine et du Roi, le ballet et le final de Covent Garden.

Il reste aujourd’hui l’enregistrement de référence d’’Hamlet’ avec une distribution magnifique, Thomas Hampson, June Anderson, Samuel Ramey, Denyce Graves, Jean-Philippe Courtis et même Gregory Kunde et François Le Roux.

Hamlet - Antonio Almeida (1993)

Hamlet - Antonio Almeida (1993)

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Publié le 16 Avril 2022

Cet article cherche à présenter de la façon la plus claire possible les grandes différences entre la version originale de ‘Maometto II’ de Gioachino Rossini et sa version parisienne ‘Le Siège de Corinthe’ dont il fut ensuite réalisé une traduction en italien ‘L’assedio di Corinto’.

L'ensemble des éléments réunis ne prétendent pas à l'exhaustivité, et toute remarque, suggestion ou complément de la part des lecteurs seront pris en compte. Des ajouts à cet article pourront d’ailleurs être apportés ultérieurement.

Maometto II -  Teatro dell'Opera di Roma - ms Luigi Pizzi (2014)

Maometto II - Teatro dell'Opera di Roma - ms Luigi Pizzi (2014)

Maometto II – Version de Naples 1820 (durée 3 heures)

‘Maometto II’ est une commande du Teatro di San Carlo di Napoli où il fut créé le 03 décembre 1820.
Cet opéra en deux actes et d’une durée de trois heures est basé sur un livret italien de Cesare della Valle dont l’écrivain tirera par la suite sa première tragédie moderne ‘Anna Erizo’, en écho à la guerre d’indépendance grecque qui se préparait à Odessa depuis 1814.

Sur fond de première guerre vénéto-ottomane déclenchée peu après la chute de Constantinople en 1453, conflit au cours duquel la République de Venise perdit plusieurs possessions dont l’île de Négrepont en 1470, le drame fait l’éloge en filigrane des valeurs héroïques italiennes, tout en décrivant un sultan Mehmet II à la fois sanguinaire et généreux.

Est ainsi racontée la résistance de la citadelle de Négrepont à travers les portraits de son Provéditeur, Erisso (ténor), sa fille, Anna (soprano), et celui qui en est amoureux, Calbo (mezzo-soprano).  Anna vit cependant avec le souvenir d’un homme qu’elle a rencontré quelques années auparavant et qui s’avèrera être Mehmet II (basse) lorsque ce dernier combattit Erisso à Corinthe en 1458.

Dans cette première version, les Grecs réussissent à repousser et terrasser l’armée musulmane grâce à leur courage et au sceau que Mehmet avait remis à la fille d’Erisso, mais Anna se suicide pour échapper à la vengeance du Sultan.

Le 14 juillet 2012, le Santa Fe Opera fit découvrir une nouvelle édition critique du ‘Maometto II’ de 1820 établie par Hans Schellevis sous la supervision de Philip Gossett. Cette édition fut reprise à l’opéra de Garsington en 2013, puis à la Canadian Opera Company en 2016. On y observe quelques réductions dans certaines scènes ou récitatifs, notamment au deuxième acte (le choeur 'Nume, cui' est chanté sans reprise), sans remise en cause de la structure narrative d'ensemble.

Premier enregistrement mondial de 'Maometto II' - Kingsway Hall, London (1983)

Premier enregistrement mondial de 'Maometto II' - Kingsway Hall, London (1983)

Maometto II – Version de Venise 1822 (durée 2h45, avec ouverture)

Trop novateur pour son temps, ‘Maometto II’ ne reçut pas l’accueil qu’il méritait lors de sa création à Naples.
Gioachino Rossini révisa la structure de son opéra pour la reprise vénitienne du 26 décembre 1822 en lui ajoutant notamment une ouverture et en modifiant le final de manière à ce qu’il soit heureux. Il acheva ainsi l’opéra sur ‘Tanti affetti in tal momento’ tiré de son opéra ‘La donna del lago’ créé au Teatro San Carlo di Napoli en 1819. 

Mais il remplaça aussi le trio de l'acte I, 'Ohimé ! Qual fumine', par un autre trio 'Cielo, il mio labro espira' inspiré de 'Bianca e Falliero' (1819), supprima l'air de Maometto 'All invito generoso',  et modifia totalement la quatrième scène du second acte qui devint une scène de rencontre entre Erisso, Calbo et Mehmet II dans la crypte. Cette scène comprend les airs 'Pria svenar conferme ciglia' 'All'empio in braccio' et 'tu che tanto orgoglioso ostenti'.

Cette version fut jouée à Vienne, Milan et Lisbonne, mais fut abandonnée après 1826, même si ces premiers remaniements annonçaient déjà la version pour Paris.

Le siège de Corinthe - Festival de Pesaro 2017 - Edition critique de Damien Colas

Le siège de Corinthe - Festival de Pesaro 2017 - Edition critique de Damien Colas

Le siège de Corinthe – Version parisienne de 1826 (durée 2h45, inclus un ballet de 15 minutes)

Alors que la chute de Missolonghi, ville où mourut Lord Byron en avril 1824, provoquée par les assauts des Ottomans venait de faire basculer l’opinion européenne en faveur de l’indépendance des Grecs, Rossini acheva son premier opéra dédié à l’Académie Royale de Musique, ‘Le siège de Corinthe’. Jusqu’à présent, ses opéras italiens avaient été repris à la salle Louvois du Théâtre des Italiens à Paris où il avait également pu créer ‘Il Viaggio a Reims’.

C’est dans ce contexte que le compositeur s’attacha dès novembre 1825 à refondre ‘Maometto II’ qui n’avait pas été joué aux Italiens et était donc inconnu du public parisien. Ce qui ne devait être qu’une adaptation en français par Luigi Balocchi et Alexandre Soumet va très vite évoluer en une recomposition qui intègrera des faits ayant cours au même moment en Grèce.

‘Maometto II’ ne disposant pas d’ouverture (celle de la version de Venise n’était qu’occasionnelle), une splendide introduction orchestrale fut donc composée pour ‘Le Siège de Corinthe’ à partir de mesures tirées de ‘Bianca e Falliero’ (1819). 

L’intrigue fut déplacée dans le temps en 1458, quand la ville de Corinthe rendit les armes après l’attaque de Mehmet II. Dans cette version, Erisso devient Cléomène (ténor), Anna devient Pamira (soprano) , mais Calbo (mezzo-soprano) devient Néoclès, un ténor, pour satisfaire au goût de l’Opéra de Paris.

Le premier acte du ‘Siège de Corinthe’ reprend celui de ‘Maometto II’, avec une révision de l’orchestration et une réécriture des récitatifs, sans ajout d’éléments majeurs. Rossini supprime cependant plusieurs passages, la cavatine d’Anna ‘Ah ! Que invan su questo cigllio‘, un chœur ‘Misere !’ et deux trio ‘Figlia … mi lascia’ et ‘Giusto ciel, che stazio é questo’

La prière d’Anna ‘Giusto cielo’ sera quant à elle déplacée à la fin de de l’acte III du 'Siège de Corinthe'.

Le 03 avril 1826, Rossini, toujours directeur du Théâtre des Italiens, organise un concert en soutien aux assiégés de Missolonghi, avant que la citadelle ne tombe trois semaines plus tard.

Le premier acte du ‘Siège de Corinthe’ entre ainsi en répétition en mai 1826, mais les évènements de Grèce vont probablement influencer le travail sur les deux actes suivants auxquels le second acte de ‘Maometto II’ servira de base dramatique.

Le second acte du ‘Siège de Corinthe’ débute par une nouvelle introduction à laquelle viennent se greffer trois passages chantés par Anna dans la dernière partie de ‘Maometto II’, ‘Oh! Patrie!’, ‘Du séjour à la lumière’ et ‘Mais après un long orage’.

Un nouveau chœur ‘La fête d’hyménée’ et la ballade d’Ismène ‘L’hymen lui donne’ adaptée d’’Ermione’ (1819), sont aussi ajoutés, ainsi que l’inévitable ballet destiné aux danseuses de l’institution.

Le final du second acte est également entièrement nouveau, et après tant de musique qui célèbre le futur mariage entre Mehmet et Pamira, celle-ci et Néoclès vont réussir à s’enfuir.

Quant au troisième acte, il ne comprend quasiment plus rien de ‘Maometto II’, hormis le récit initial de Néoclès, le trio ‘Céleste providence’, le chœur ‘Oh! Toi que je vénère’ et la prière de Pamira ‘Juste ciel!’.

Néoclès se voit adjoindre un nouveau récitatif et un nouvel air, ‘C’est toi … C’est toi grand dieu’, adapté de ‘Barbara sorte’ de ‘La Gazza Ladra’ (1817).

Mais l'air si mélancolique d’Erisso ‘Tenera sposa!’, que l'on croirait être la source d'inspiration des plus beaux adagios de Gustav Mahler ou d'Anton Bruckner, n’est pas repris. Au final, 'Le siège de Corinthe' n'est composé que pour moitié de matériaux issus de 'Maometto II'.

A travers l’évocation des batailles des Thermopyles et de Marathon, ce dernier acte exalte la ferveur pour la patrie mais, cette fois, tous les Grecs sont tués et les femmes préfèrent mourir dans un élan de suicide collectif plutôt que de se rendre à Mehmet, une évocation directe des évènements de Missolonghi.

Avec ‘Le Siège de Corinthe’ créé à la salle Le Peletier le 09 octobre 1826, le public de l’Académie Royale de Musique trouve ainsi une œuvre qui suit de près l’actualité brulante comme il ne l’avait jamais vécu auparavant.

L'assedio di Corinto - All Saints Church Tooting, London - dm Thomas Schippers 1974

L'assedio di Corinto - All Saints Church Tooting, London - dm Thomas Schippers 1974

L’assedio di Corinto – Version italienne du ‘Siège de Corinthe’ de 1827 (durée 2h30 environ)

Dans la foulée de la création parisienne, ‘Le Siège de Corinthe’ fut traduit en italien par Calisto Bassi et créé à l’Accademia Filarmonica Romana en version de concert le 27 décembre 1827. 

Le librettiste retoucha le texte, supprima le ballet, mais n’altéra aucunement le déroulement de l’intrigue.

Et dès son entrée au Teatro Carlo Felice de Gênes le 07 juin 1828, ‘L’assedio di Corinto’ fut révisé par le jeune Gaetano Donizetti – ce dernier n’avait composé aucun de ses grands succès à ce moment là -.  En s’appuyant sur la version de Naples de ‘Maometto II’, il choisit de faire chanter le rôle de Néoclès par une mezzo-soprano, et ajouta au duo Pamira - Maometto du second acte une cabalette ‘Pieta all’amor mio’ qui sera maintenue jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Cette traduction ne s’est jamais imposée, et à chaque fois qu’elle sera jouée, de nouveaux éléments seront incorporés ou retranchés si bien qu’il n’en existe aucune interprétation identique sur scène ou au disque.

En 1969, Thomas Schippers dirigea à la Scala de Milan une spectaculaire version de ‘L’assedio di Corinto’ avec Beverly Sills et Marilyn Horne, captée sur le vif et qui comprenait plusieurs coupures telles l'invocation de Cléomène 'Il vostro ardor' et le chœur 'Su quest ' armi' à la fin de la première scène, le récit de Cléomène 'E salva encor la patria', le récit de Mehmet 'Cessi vittoria', la cabalette de Pamira du début du second acte, et le récitatif qui précède l'air de Néoclès 'No, no ben credo'. Cette version ne durait plus que 2h20, malgré l'insertion d'éléments de 'Maometto II' (voir quelques lignes plus loin).

Il enregistra cinq ans plus tard pour EMI une version basée sur celle de 1969, avec le London Symphony Orchestra, Beverly Sills et Shirley Verrett, en y ajoutant la grande scène de rencontre entre Cléomène, Néoclès et Mehmet dans la crypte, 'Pria svenar conferme ciglia', tirée du second acte de la version vénitienne (1822) de 'Maometto II' (sans qu'il soit clair si cet ajout venait de Schippers lui-même ou d'une révision antérieure de 'L'assedio di Corinto')

Très critiquée, cette version composite est pourtant absolument splendide si l’on aime les outrances ornementales et les délires de raffinement vocaux.

Environ 20 minutes de musique sont effectivement coupées, dont le 'No, no ben credo' de Néoclès (présent dans la version de 1969), et il est très surprenant de constater que la cabalette de Pamira ‘Mais après un long orage’ du début de l’acte II se trouve remplacée par un air extrait du premier acte de ‘Ciro in Babilonia’ (1812), ‘A que spiegar’.

Comme dans la version de 1969, Schippers réintroduit également au IIIe acte l’air ‘Non temer’ et la cabalette ‘E d’un trono’ de Calbo (qui est chantée deux fois) issues de ‘Maometto II’ - ce qui peut expliquer la suppression de la cabalette de Pamira du début de l'acte II inspirée du même passage -.

Il ajoute enfin une dernière cabalette pour Pamira, ‘Parmi vederio’, composée par Sir Michael Costa (1808-1884) à l'intention de Giuditta Grisi lors de la première londonienne de 'L'assedio di Corinto' représentée en juin 1834 au King's Theater, Haymarket.

Marilyn Horne - L'assedio di Corinto - Teatro Alla Scala di Milano (1969)

Marilyn Horne - L'assedio di Corinto - Teatro Alla Scala di Milano (1969)

La comparaison des versions de Naples (1820), Paris (1826) et Schippers (1974)

Afin de rendre lisible les principales évolutions identifiées entre ‘Maometto’, ‘Le siège de Corinthe’ et ‘L’assedio di Corinto’, les graphiques qui suivent cherchent à détailler trois versions emblématiques.

La première est celle de ‘Maometto II’ dans sa version de Naples 1820.

La seconde est celle du ‘Siège de Corinthe’ dans la version parisienne de 1826, d'après la partition publiée en français par Eugène Troupenas (1798-1850).

La troisième est celle de ‘L’assedio di Corinto’ enregistrée par Thomas Schippers en 1974.

Des codes couleurs sont utilisés pour identifier l’origine des différents passages et distinguer les récitatifs et passages du ‘Siège de Corinthe’ repris de ‘Maometto II’, moyennant réarrangements, de ceux créés spécifiquement pour Paris.

Maometto II (1820) de Rossini, Le siège de Corinthe (1826) et sa version italienne L’assedio di Corinto
Maometto II (1820) de Rossini, Le siège de Corinthe (1826) et sa version italienne L’assedio di Corinto
Maometto II (1820) de Rossini, Le siège de Corinthe (1826) et sa version italienne L’assedio di Corinto
Maometto II (1820) de Rossini, Le siège de Corinthe (1826) et sa version italienne L’assedio di Corinto
Maometto II (1820) de Rossini, Le siège de Corinthe (1826) et sa version italienne L’assedio di Corinto
Maometto II (1820) de Rossini, Le siège de Corinthe (1826) et sa version italienne L’assedio di Corinto
Maometto II (1820) de Rossini, Le siège de Corinthe (1826) et sa version italienne L’assedio di Corinto
Maometto II (1820) de Rossini, Le siège de Corinthe (1826) et sa version italienne L’assedio di Corinto
Maometto II (1820) de Rossini, Le siège de Corinthe (1826) et sa version italienne L’assedio di Corinto
Maometto II (1820) de Rossini, Le siège de Corinthe (1826) et sa version italienne L’assedio di Corinto
Maometto II (1820) de Rossini, Le siège de Corinthe (1826) et sa version italienne L’assedio di Corinto

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Publié le 9 Novembre 2021

Cet article propose un récapitulatif détaillé de la genèse de Faust, et afin rendre compte facilement de la constitution des différentes versions possibles de l’œuvre, une représentation graphique de certaines versions de référence est utilisée à titre d'illustration. L'ensemble des éléments réunis ne prétendent pas à l'exhaustivité, et toute remarque de la part des lecteurs sera prise en compte pour enrichier et améliorer l'article.

Benjamin Bernheim (Faust) - ms Tobias Kratzer - Opéra de Paris 2021

Benjamin Bernheim (Faust) - ms Tobias Kratzer - Opéra de Paris 2021

L'écriture de la première version de Faust

En janvier 1840, Charles Gounod se rend à la Villa Médicis de Rome dirigée alors par Jean-Auguste-Dominique Ingres.
Il est seulement âgé de 21 ans et est totalement absorbé par la lecture d’un roman, Faust de Goethe.

De retour à Paris en 1843, il se consacre à la composition de musiques sacrées, puis, en 1849, il édite une partition intitulée « Marguerite à l’église » dont seule une réduction pour deux pianos est accessible aujourd’hui.

Il assiste ensuite en 1850 à la version dramatique de la pièce montée par Michel Carré au Théâtre du Gymnase-Dramatique (actuellement situé à la sortie du métro Bonne Nouvelle), Faust et Marguerite.

Lorsque Léon Carvalho est nommé directeur du Théâtre Lyrique le 20 février 1856 - ce qui marque le début d’une carrière brillante vouée à encourager les compositeurs nationaux et à concurrencer l’Opéra et l’Opéra-Comique -, il demande à Charles Gounod de lui composer un Faust. Jules Barbier et Michel Carré seront ses librettistes.

La composition avance, et le 01 juillet 1858 Gounod fait entendre Faust à Carvalho au foyer du Théâtre Lyrique.

Faust entre en répétition en septembre 1858, et le manuscrit est soumis le 17 novembre 1858 à la censure qui conteste la scène de l’église. Elle sera finalement maintenue sur intervention de la Comtesse de Ségur.

Charles Gounod au piano par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1841)

Charles Gounod au piano par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1841)

L'évolution de l’ouvrage au cours des répétitions jusqu’à la création du 19 mars 1859

A l’époque, les airs sont reliés par des dialogues parlés et des mélodrames. Mais au cours des répétitions, de nombreux remaniements ont lieu jusqu'aux derniers jours.

En effet, soucieux que l’opéra puisse être joué en un soir et que sa trame dramatique tienne suffisamment en haleine le public, Carvalho intervient à plusieurs reprises pour obtenir de Gounod la suppression de nombreux passages, ce qui ne va pas se faire sans tensions.

Ainsi, la scène du cabinet de Faust perd le trio entre Siebel, Wagner et Faust « Dieu! c'est ce mot qui me rejette », celle de la kermesse perd la chanson du mendiant « Mes beaux messieurs » interprétée en contrepoint du chœur, mais perd surtout le duo entre Marguerite et Valentin « Adieu, mon bon frère !» .

La scène du jardin perd l’allegro de Faust « Et toi malheureux Faust .. C'est l'enfer qui t'envoie » qui suit la cavatine « Salut demeure chaste et pure », le duo entre Marguerite et Faust est écourté, la scène de la chambre de Marguerite perd le chœur des jeunes filles « Source au doux murmure », la chanson de Lise « Chacun de nous a connu » et la romance de Siebel « Versez vos chagrins », et la scène de la prison perd le monologue de Marguerite « Ma mère la bohémienne » et deux passages dans le duo final entre Marguerite et Faust.

D’après Carvalho, Gounod supprima également toute la scène du Hartz, mais Joseph d’Ortigue, dans La lettre du Menestrel datée du 27 mars 1859, décrit pourtant la présence du chœur des feux follets, du chœur des courtisanes, de l’air la coupe de Faust et du second chœur des sorcières, ce qui laisse supposer que la suppression eut lieu après la création.

Mais l’œuvre gagne aussi deux remaniements : le remplacement, lors de la scène de la kermesse, de la chanson du Scarabée par celle du Veau d’Or, et le remplacement, lors de la scène de la rue, de l’air de Valentin « Chaque jour » par le chœur « Gloire immortelle ».

Quant à la scène de l’église qui scindait en deux la scène de la rue, elle est dorénavant placée après la mort de Valentin par fidélité à Goethe.

C’est au total environ 40 minutes de musique qui disparaissent lors de la création au Théâtre Lyrique le 19 mars 1859, ce qui ramène la durée du spectacle à environ 2h45 hors entractes.

Il faut attendre 1912 pour que deux archivistes, Albert Soubie et Henri de Curzon, donnent dans leur « Documents inédits sur Faust » le relevé des airs et dialogues qui ne figurent plus dans la partition au moment de la création.

Ces éléments sont reproduits dans le programme du Faust de la saison 1993/1994 de l’Opéra national de Paris.

Partition de Faust du Théâtre Lyrique - Lithographie de T.Laval

Partition de Faust du Théâtre Lyrique - Lithographie de T.Laval

Les représentations de l’œuvre après la création du 19 mars 1859

Créée au Théâtre Lyrique sous la forme d’un opéra-comique, l’œuvre est par la suite transformée en version opéra avec récitatifs à la place des dialogues.

La première est donnée à Strasbourg le 04 juin 1860 (seconde édition pour piano-chant et pour orchestre).

La première jouée à Bruxelles le 25 février 1861 est réalisée dans sa version originale avec dialogues parlés, et la version avec récitatifs y obtient enfin sa première le 07 septembre 1862.

En Allemagne, la première de Faust est donnée à Darmstadt, 10 février 1861 sous le nom « Margarethe ».

Et à l’occasion de la 3e édition de la partition, au tournant de l’hiver 1861/1862, la scène de l’église repasse avant la mort de Valentin.

Lors de la création milanaise du 11 novembre 1862, la nuit de Walpurgis est supprimée, mais en contrepartie, les deux passages du duo final entre Marguerite et Faust sont rétablis. Ces modifications seront maintenues pour Londres l’année d’après.

Siebel gagne par la suite un nouvel air « Si le bonheur à sourire t’invite »  pour la scène de la chambre de Marguerite lors de la création en italien au Théâtre de leurs Majestés de Londres le 11 juin 1863, et pour la création au Covent Garden le 02 juillet 1863.

L’année d’après, lors de la reprise à Londres le 23 janvier 1864, Henry Chorley écrit sur la mélodie de l’ouverture un air pour Valentin qui sera traduit plus tard par Onésime Pradère en « Avant de quitter ces lieux ».

Cet air vise à mieux mettre en valeur Valentin dès la scène de la kermesse

Mais Charles Gounod proscrira plus tard de jouer cet air dans la version pour l'Opéra de Paris. Son interprétation ne sera finalement autorisée qu’à partir de la seconde partie du XXe siècle (il n'est pas clair si c'est lors de la production de Max de Rieux montée en 1956 ou lors de la production de Jorge Lavelli montée en 1975 que l’air réapparait pour la première fois).

Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021

La création à l’Opéra de Paris le 03 mars 1869

Mis en faillite le 06 mai 1868, Carvalho est obligé de céder le Théâtre Lyrique.

Emile Perrin, directeur de l’Opéra, en profite pour demander à Gounod l’autorisation de faire entrer Faust au répertoire. Le chef d’œuvre de Gounod connait déjà 314 représentations à Paris même.

Cela implique d’écrire un ballet, ce à quoi le compositeur s’attèle en septembre 1868.

Faust entre donc au répertoire de l’Opéra de la rue Le Peletier le 03 mars 1869 dans sa version avec récitatifs à la place des dialogues parlés.

Le ballet est placé au dernier acte lors de la nuit de Walpurgis, et comprend sept entrées pour une durée totale de 15 minutes environ.

Gounod compose également un air « Minuit ! Minuit ! » en remplacement de l’air de la coupe de Faust, mais il n’apparaît dans aucune partition ce qui laisse supposer qu’il ne fut pas joué. On peut le trouver dans l’enregistrement de Faust par Carlo Rizzi en 1994 (Teldec) avec l’air de la coupe en appendice.

Le chœur des sorcières « Un, deux, trois » disparaît également.

L’air de Siebel « Si le bonheur à sourire t’invite » des représentations londoniennes est acquis, mais celui de Valentin « Avant de quitter ces lieux » reste tenu à l’écart.

Et la scène de l’église passe avant l’intégralité de la scène de la rue.

Faust fait par la suite son entrée au Palais Garnier le 06 septembre 1875 dans une mise en scène de Léon Carvalho.
La 2000e représentation de Faust à l’Opéra est atteinte le 11 février 1944, et la 2397e le 31 décembre 1961.

Michèle Losier (Siebel) er Ermonela Jaho (Marguerite) - ms Tobias Kratzer - Opéra de Paris 2021

Michèle Losier (Siebel) er Ermonela Jaho (Marguerite) - ms Tobias Kratzer - Opéra de Paris 2021

La constitution de 6 versions possibles de Faust

Afin de rendre lisible les différentes évolutions identifiées de Faust, les graphiques qui suivent cherchent à  détailler trois versions éditeurs et trois versions emblématiques jouées récemment sur scène, afin que chacun puisse en avoir une image assez précise.

Ces différentes versions, livret de la censure 1858, Palazzetto Bru Zane, création au Théâtre lyrique du 19 mars 1859, ainsi que 3 versions de l’Opéra de Paris (Création 1869, Lavelli 1975 et Kratzer 2021) sont représentées ci-après de manière graphique afin de permettre une lisibilité la plus immédiate possible de leur architecture.

Des codes couleurs sont utilisés pour identifier l’origine des différents passages, et l’ordre des actes dans la colonne de droite est celui de la création au Théâtre Lyrique en mars 1859 (scène de l’église après scène de la rue).

Un effort est réalisé pour rendre le plus compréhensible possible l’impact de l’alternance de la scène de l’église selon les versions.

Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021
Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021
Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021
Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021
Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021
Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021
Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021
Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021
Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021
Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021
Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021
Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021

Interprétation au disque : la version du Palazzetto Bru Zane (répétitions de 1858)

Le 14 juin 2018, le Palazzetto Bruzane révéla au public du Théâtre des Champs-Élysées une version très proche du Faust tel que Charles Gounod le présenta à la censure le 17 novembre 1858.

Il ne s’agit pas de la version de la création de mars 1859 comme on a pu le lire un peu partout, y compris dans des revues spécialisées, mais celle des répétitions qui ont couru de septembre 1858 à fin février 1859.

Quelques coupures dans les dialogues de la création sont opérées pour assurer de la cohérence à la réintégration des airs supprimés au cours des répétitions, et seuls l’allegro de Faust « Et toi, malheureux Faust », la scène de Lise au 4e acte, le monologue de Marguerite du 5e acte et les coupures du duo final ne figurent pas dans cette version.

On retrouve ainsi le trio entre Siebel, Wagner et Faust, puis la chanson du mendiant interprétée en contrepoint du chœur de la kermesse, la chanson du Scarabée à la place du Veau d’Or, le duo entre Marguerite et Valentin, la romance de Siebel « Versez vos chagrins », l’air de Valentin « Chaque jour » à la place du chœur « Gloire immortelle », l’air de la coupe de Faust, et le spectaculaire second chœur des sorcières

Quant à la scène de l’église, elle est placée après l’arrivée de Valentin, mais avant sa mort comme c’était prévu à l’origine dans le livret de la censure.

L’enregistrement de cette version est disponible depuis le 23 août 2019. Elle est interprétée par Benjamin Bernheim et Véronique Gens sous la direction de Christophe Rousset.

Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021

Interprétation au disque : la version de Michel Plasson (Opéra de Paris 1869)

Un an après la production des Chorégies d’Orange de 1990, Michel Plasson enregistre pour EMI avec l’orchestre du Capitole de Toulouse la version de Faust la plus proche possible de celle entrée à l’Opéra de Paris en 1869.

L’air de Valentin « Avant de quitter ces lieux » est cependant maintenu, et le ballet intégral est relégué en appendice avec 4 passages qui furent coupés avant la création au Théâtre Lyrique : le trio entre Siebel, Wagner et Faust, le duo entre Marguerite et Valentin, la chanson du Scarabée et la scène de comédie abrégée entre Siebel, Marthe et Méphistophélès au 3e acte.

Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021

Interprétation au disque : la version de Carlo Rizzi (Opéra de Paris 1869 version Oeser)

En juillet 1993, Carlo Rizzi enregistre avec l’orchestre de l’Opéra national du Pays de Galles une version de Faust basée sur celle entrée au répertoire de l’Opéra de Paris en cherchant à lui apporter une meilleure cohérence dramaturgique et musicale. Il se réfère au travail critique de Fritz Oeser édité en 1972.

Dans cette version, l’air de Valentin « Avant de quitter ces lieux » est maintenu et la scène entre Marthe, Siebel et Méphistophélès à l’acte III, supprimée avant la création au Théâtre Lyrique, est rétablie dans sa version abrégée en récitatifs « Du courage ! » que l’on trouve en appendice de la version Plasson. Cette scène a du être jouée dans la version opéra des années 1860, mais comme elle a disparu de la troisième édition de la partition, elle ne fut pas jouée à l’Opéra de Paris.

Et la scène de l’église retrouve sa position prévue à l’origine en 1858, avant la mort de Valentin mais après le chœur des soldats.

Mais c’est surtout le dernier acte qui est le plus modifié, car la scène des sorcières et de Méphistophélès « Un, deux et trois, comptons jusqu’à treize » est partiellement rétablie (il s’agit d’une esquisse que l’on ne trouve même pas à cet endroit là dans la version du Palazzetto Bru Zane).

Puis, l’air de la coupe « Doux Nectar » est remplacé par l’air « Minuit ! Minuit ! » de Méphistophélès que Gounod avait composé pour l’entrée à l’Opéra de Paris, mais dont on suppose qu’elle n’est destinée qu’aux représentations sans ballet, ce qui est le cas ici, car le ballet est uniquement enregistré en appendice ainsi que l’air de la coupe.

Le spectaculaire second chœur des sorcières est également rétabli.

Enfin, une des coupures du duo final est rétablie, si bien que l’on peut entendre Faust chanter « Oui… mon cœur se souvient ».

En appendice, l’air original de Siebel « Versez vos chagrin ! » est gravé, et si Rizzi avait choisi de le réintroduire à la place de « Si le bonheur à sourire », nous avons là la meilleure interprétation musicale en version opéra, surtout que la direction est d’une finesse poétique magnifique.

Les versions de Faust de Gounod depuis les répétitions de 1858 à la version de l'Opéra de Paris par Tobias Kratzer de 2021

La version de Jorge Lavelli pour l’Opéra de Paris en 1975

Pour le centenaire de l’entrée de Faust au Palais Garnier, une nouvelle production est confiée à Jorge Lavelli. La première a lieu le 03 juin 1975. Cette version sera jouée 117 fois sur près de 28 ans (parfois en version de concert).

Par rapport à la version d’entrée au répertoire de 1869, cette version est fortement écourtée car elle n’intègre pas le ballet et supprime également l’intégralité de la scène de la chambre de Marguerite.

Le chœur des feux follets et l’air de la coupe du Ve acte sont également retirés, et ce sont au total 30 minutes de musique de la version d’entrée à l’Opéra qui sont omises.

Mais l’air de Valentin est bien intégré cette fois. L’opéra est ainsi ramené à une durée de 2h35 environ.

Giuseppe Sabbatini (Faust) et Nancy Gustafson (Marguerite) - ms Jorge Lavelli - Opéra de Paris 1993

Giuseppe Sabbatini (Faust) et Nancy Gustafson (Marguerite) - ms Jorge Lavelli - Opéra de Paris 1993

La version de Tobias Kratzer pour l’Opéra de Paris en 2021

Le 16 mars 2021, en plein confinement, l’Opéra de Paris propose une nouvelle production de Faust qu’il confie au metteur en scène Tobias Kratzer.

Par rapport à la version d’entrée au répertoire de 1869, cette version rétablit avec bonheur l’air de Siebel « Versez vos chagrin » qui avait disparu avant la création au Théâtre lyrique en 1859 et qui est chanté par Michèle Losier avec une extrême sensibilité, comme les spectateurs ont pu l’entendre lors de la diffusion en direct et en streaming.

D’ailleurs, la totalité de la scène de la chambre de Marguerite, supprimée par la version de Lavelli, est restituée dans son état de création, mais avec récitatifs.

Mais au Ve acte, le chœur des follets et la scène de la nuit de Walpurgis sont totalement retirés (chœur des courtisanes et air de la coupe compris). Seule la dernière variation du ballet, la danse de Phryné, est conservée.

La durée totale du spectacle est de de 2h50.

Cette version sera reprise en public à la fin de la saison 2021/2022 avec à nouveau le magnifique Benjamin Bernheim.

Benjamin Bernheim (Faust) et Christian Van Horn (Méphistophélès) - ms Tobias Kratzer - Opéra de Paris 2021

Benjamin Bernheim (Faust) et Christian Van Horn (Méphistophélès) - ms Tobias Kratzer - Opéra de Paris 2021

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Publié le 1 Mars 2020

Cet article propose un récapitulatif détaillé, et pourtant simplifié, de la genèse des Contes d'Hoffmann, et afin de rendre compte facilement de la constitution des différentes versions possibles de l’œuvre, une représentation graphique de certaines versions de référence est utilisée à titre d'illustration. L'ensemble des éléments réunis ne prétendent pas à l'exhaustivité, et toute remarque où complément de la part des lecteurs sera pris en compte.

Patricia Petibon (Giulietta) et Michèle Losier (Nicklausse) - ms Warlikowski 2019 - version Kaye

Patricia Petibon (Giulietta) et Michèle Losier (Nicklausse) - ms Warlikowski 2019 - version Kaye

L'écriture de la première version des Contes d'Hoffmann

Les Contes d’Hoffmann est un opéra qui ne connaît aucune version officielle, son compositeur n’ayant pu achever l’orchestration, après de multiples remaniements, avant de disparaître quelques mois avant la première.
Jacques Offenbach avait eu connaissance de la création au Théâtre de l’Odéon, le 21 mars 1851,  d’un drame fantastique de Jules Barbier et Michel Carré.

Mais c’est uniquement une fois devenu le directeur du Théâtre de la Gaité Lyrique en 1873 qu’il commença sa collaboration avec Jules Barbier pour adapter Les Contes d’Hoffmann à la scène lyrique. Il avait auparavant créé sa première œuvre romantique Die Rheinnixen (Les fées du Rhin) sur un livret de Charles-Louis-Etienne Nuitter au Hoftheater de Vienne (l’Opéra impérial), le 04 février 1864.

Sa première version des Contes d’Hoffmann écrite pour Baryton s’apprêtait à entrer en répétition en 1877,  mais la faillite le 5 janvier 1878 d’Albert Vizentini, son successeur à la direction de la Gaîté Lyrique (devenu Théâtre Lyrique), l’obligea à reporter le projet.

Doris Soffel (La Voix) - ms Carsen 2016 - version Oeser / Choudens

Doris Soffel (La Voix) - ms Carsen 2016 - version Oeser / Choudens

L'évolution de l'ouvrage après la première audition en 1879

Le 18 mai 1879, Jacques Offenbach organisa dans son appartement du Boulevard des Capucines une audition de neuf extraits de son opéra devant 300 invités, ce qui ravit Fritz von Jauner, directeur du Hoftheater, et Léon Carvalho, le directeur de l’Opéra Comique où avaient été créés La Damnation de Faust et Carmen.

Les mois suivants, le compositeur travailla à l’adaptation de sa partition pour de nouvelles tessitures (ténor pour Hoffmann, soprano colorature pour les quatre rôles féminins).

Si les actes d’Olympia et d’Antonia ne différaient guère du drame de Barbier, les actes de Giulietta et Stella donnèrent lieu à de nombreux remaniements. Dans les premières versions, l’opéra se terminait sur l’air de la muse «  des cendres de ton cœur ». Mais ensuite, les auteurs firent réapparaître la Muse comme au prologue, avant de supprimer l’apothéose finale.

Au printemps 1880, Offenbach et Barbier envisagèrent la suppression du personnage de la Muse. Offenbach imaginait également un duo entre Stella et Hoffmann, mais n’en laissa aucune version définitive.

Durant l’été 1880, Jacques Offenbach demanda conseil à Henri Meilhac et Ludovic Halévy, les librettistes de ses opérettes créées au Théâtre des variétés. Il supprima de lui même l'air de Nicklausse « Vois sous l’archet frémissant ».

Les répétitions débutèrent le 11 septembre 1880, mais Offenbach, qui avait achevé la partition chant et piano de son opéra, mourut le 05 octobre 1880. 

Ernest Guiraud, ancien prix de Rome, fut désigné pour achever l’orchestration de la  partition. Il n’y ajouta aucune note et acheva la version avec récitatifs (destinée à être jouée dans les maisons lyriques internationales, dont Vienne)  en y intégrant du matériau d’Offenbach.

La Barcarolle fut ainsi exécutée le 18 novembre 1880 lors du concert organisé par Le Figaro pour l’inauguration du buste du musicien.

Stéphane d'Oustrac (La Muse) - ms Carsen 2016 - version Oeser / Choudens

Stéphane d'Oustrac (La Muse) - ms Carsen 2016 - version Oeser / Choudens

Les dernières répétitions jusqu'à la création

Le 05 janvier 1881 débutèrent les répétitions, une fois remis le livret manuscrit aux autorités de la censure.
Dans ce livret, découvert seulement en 1987 par l'écrivain Joseph Heinzelmann dans le fonds du Théâtre de l'Odéon, l’acte de Giulietta comprenait 3 tableaux et les meurtres de Schlémil et Pitichinaccio. A la fin, Hoffmann repoussait Stella qui partait avec Lindorf, alors que le poète entonnait un dernier couplet de Kleinzach.

Ce livret montra un état très différent de celui de la création. Rien ne dit qu’il correspondit d'ailleurs à l’état du livret lu par Jules Barbier en juillet 1880. Il fournit cependant au musicologue Michael Kaye les dialogues nécessaires pour la version de l’acte de Giulietta répété avant la création à l’Opéra Comique le 10 février 1881. Mais le musicologue réintégra aussi les récitatifs de Guiraud et les morceaux abandonnés ou inachevés par OffenbachL’épilogue est néanmoins un assemblage de différentes esquisses dont un chœur supplémentaire des étudiants à capella et un fragment de duo avec Stella.

Au cours de ces répétitions, de nombreux changements eurent lieu. Les couplets de la Muse du prologue furent remplacés par un  mélodrame, et son apparition se limita à un rôle parlé. Le trio des yeux fut totalement coupé.

Le 01 février, l’acte de Venise fut exécuté, et pourtant, Léon Carvalho le supprima peu après en réutilisant les passages les plus emblématiques dans les autres actes. Le duo du reflet fut repris pour Stella à l’épilogue, la romance d’Hoffmann « Oh Dieu de quelle ivresse » également, et la Barcarolle fut chantée au début de l’acte d’Antonia.

Le rôle de la Muse et de Nicklausse furent enfin séparés, et les coupures furent consignées dans la première édition d’Antoine Choudens.

Anne Sofie von Otter (Nicklausse) - ms Marthaler 2014 - version Oeser

Anne Sofie von Otter (Nicklausse) - ms Marthaler 2014 - version Oeser

Les représentations de l’œuvre après la création

Le 07 décembre 1881, Les Contes d’Hoffmann fut représenté au Ringtheater de Vienne sans la grande scène de jeu, avec une seule rencontre entre Giulietta et Hoffmann, et finit sur le meurtre de Schlémil avec inversion de l’acte de Giulietta et Antonia.

Guiraud et Barbier, qui avaient assisté à la répétition de l'acte de Venise peu avant la première à Paris, avaient en effet constaté que l'acte joué dans son intégralité ne fonctionnait pas théâtralement. Le lendemain, le Ringtheater fut détruit par un incendie.

L’acte de Giulietta sans récitatifs fut représenté à Hambourg le 20 septembre 1882, puis avec récitatifs au Wilhelm Städtisches Theater de Berlin en 1884.

Le 25 mai 1887, ce fut au tour de la salle Favart II de disparaître dans les flammes.

En 1904, Raoul Gunsbourg, directeur de l’Opéra de Monte-Carlo, produisit une nouvelle version qu’il vendit aux éditions Choudens (5e édition – Choudens 1907) à partir des manuscrits d’Offenbach transmis par les héritiers. Par réaction à la version de Bruxelles 1887, radicale dans ses coupures, il introduisit trois numéros, « Scintille Diamant », sur un texte original et sur une musique d’Offenbach (Le Voyage dans la Lune), transforma la première mélodie de Dapertutto en air pour Coppélius « J’ai des yeux », pour remplacer le trio des yeux, puis un septuor (sans lien avec Offenbach) sur des paroles de Pierre Barbier, le fil du librettiste, et une musique de Gunsbourg orchestrée par André Bloch. Gunsbourg possédait pourtant le final original de Giulietta que même Guiraud ne voulut pas réintégrer.
Cette version connut une première production spectaculaire à Berlin en 1905.

En 1911, l’acte de Venise réapparut enfin à la salle Favart III de l’Opéra Comique.
Puis, en 1976 fut jouée au Volksoper de Vienne la version de Fritz Oeser, musicologue auquel le  chef d’orchestre Antonio de Ameida avait confié 1250 pages manuscrites de Barbier et Offenbach sur leur travail de 1877 à 1880.

Cette édition marqua le retour du double personnage de la Muse et Nicklausse de 1879. Furent réédités « Vois sous l’archet frémissant », l’apothéose finale avec chœur, le trio des yeux, les couplets de la Muse au prologue, la chanson originale de Dapertutto, l’arrivée de Stella et la reprise de la chanson de Kleinzach. Il ajouta des variantes pour d’autres airs, comme les couplets de Nicklausse au Ier acte. Si le prologue et les deux premiers actes furent achevés, celui de Venise et de l’épilogue restèrent à l’état fragmentaire. Il modifia la dramaturgie et intégra de nombreux passages empruntés à Die Rheinnixen.

C’est en 1984 que furent enfin découverts 46 manuscrits en provenance d’un château ayant appartenu à Raoul Gunsbourg. A partir de ces pages qui couvrent la quasi-totalité des coupures réalisées lors des répétitions de 1881, Michael Kaye établit une nouvelle édition critique qui réintroduisit le Trio des yeux, la scène de jeu et la chanson de Giulietta dans leur version définitive de 1880. Cette version fut jouée pour la première fois à Los Angeles en 1988, et fut enregistrée par Jeffrey Tate et Kent Nagano.

Puis en 1993, on retrouva le final de l'acte de Giulietta (144 mesures) du livret de la censure. L’ensemble chœur et soli donnait une vrai conclusion mais il ne s’intégra pas aux récitatifs (Guiraud, Barbier et Gunsbourg l’avaient écarté pour reconstruire l’acte de Venise). L’acquisition de ce manuscrit en 2002 sera la base d’une nouvelle édition de Jean-Christophe Keck.

Enfin, en février 2016,  Jean-Christophe Keck découvrit les partitions d’orchestre du prologue et de l’acte d’Olympia qui vinrent compléter l’ensemble des matériaux réunis au fil des décennies.

Jodie Devos (Olympia) - ms Carsen 2020 - version Oeser / Choudens

Jodie Devos (Olympia) - ms Carsen 2020 - version Oeser / Choudens

La constitution de 9 versions possibles des Contes d'Hoffmann

Afin de rendre lisible les différentes évolutions identifiées des Contes d’Hoffmann, les graphiques qui suivent cherche à  détailler quelques versions éditeurs, versions récentes enregistrées ou bien  jouées sur scène, et même une version imaginée de 1880, afin que chacun puisse avoir une image assez précise, mais sans doute simplifiée, de l’évolution de cet opéra fantastique. 9 versions sont ainsi comparées.

A la suite de ce tableau comprenant un nombre relativement important de codes couleurs, afin de faciliter les comparaisons version par version, l'esprit de chacune de ces versions est rendu avec les principaux éléments qui les caractérisent.

Les versions des Contes d’Hoffmann depuis les premières auditions de 1879 à la version Altinoglu/Warlikowski de 2019
Les versions des Contes d’Hoffmann depuis les premières auditions de 1879 à la version Altinoglu/Warlikowski de 2019
Les versions des Contes d’Hoffmann depuis les premières auditions de 1879 à la version Altinoglu/Warlikowski de 2019
Les versions des Contes d’Hoffmann depuis les premières auditions de 1879 à la version Altinoglu/Warlikowski de 2019
Les versions des Contes d’Hoffmann depuis les premières auditions de 1879 à la version Altinoglu/Warlikowski de 2019
Les versions des Contes d’Hoffmann depuis les premières auditions de 1879 à la version Altinoglu/Warlikowski de 2019

Version de Jacques Offenbach d’avant le 05 octobre 1880
Il s’agit de l’état de la partition et des intentions parfois rejetées par l’auteur avant l’entrée aux premières répétitions pour l’Opéra de Comique.

Elle comprend deux romances de Nicklausse « Oh ! Rêve de joie » et « Vois sous l’archet frémissant » et un air « Voyez-là sous mon éventail »,  le duetto Nicklausse/Hoffmann, le premier air de Dapertutto « Répands tes feux ».
L’épilogue, qui n’est resté qu’à l’état d’esquisse, intègre un chœur d’ étudiants « Folie ! Oublie tes douleurs ! », le double chœur « A nous ton vin ! », un duetto Stella/Hoffmann, et la sublime apothéose finale de la Muse « Des cendres de ton cœur ! ».
Pourtant, tous ces passages auront disparu dans le livret de la censure précédant la création.

Version du livret de la censure de janvier 1881
Il s’agit de l’état de la partition accompagnant le livret accepté par la censure avant les dernières répétitions de janvier et février 1881 à l’Opéra Comique.
Il comprend les dialogues parlés, les préludes orchestrés par Guiraud (Ouverture, Polonaise, Barcarolle), un nouvel air pour Nicklausse 'Une poupée aux yeux d’émail’ et pour Dapertutto ‘Tourne, tourne, miroir’.
Sont également présents le prologue avec les couplets de la Muse, le Trio des yeux, l’acte de Venise avec l’air de Giulietta ‘L’amour lui dit la belle’, les pantomimes et le double meurtre de Schlémil et Pitichinaccio, mais tous ces passages disparaîtront dans les derniers jours précédents la première.

Version de la création du 10 février 1881
A la création, l’acte de Venise est supprimé par Carvalho et l’acte d’Antonia est déplacé à la Sérénissime afin de conserver les décors. La Barcarolle et son entracte sont cependant joués en début d’acte d’Antonia, et la romance d’Hoffmann ‘O Dieu, de quelle ivresse’ ainsi que le duo Giulietta/Hoffmann qui suit sont réutilisés dans l'épilogue.
La Muse et Lindorf se voient attribués des dialogues à la place de leurs premiers airs prévus au prologue, la Romance d’Hoffmann ‘Ah ! Vivre deux’ est avancée en conservant sa version instrumentale en fin d’acte d’Olympia, et l’épilogue débute par un nouveau dialogue.

Version Choudens 1907
Cette version restitue l’acte de Venise écourté en le jouant avant l’acte d’Olympia, et les dialogues de la version de l’Opéra Comique sont remplacés par les récitatifs de Guiraud.
Mais le prologue de la Muse est totalement supprimé, et la grande scène de jeu avec l’air de Giulietta et le meurtre de Pitichinaccio  ne sont pas rétablis dans l’acte vénitien. En revanche, l’acte gagne un nouvel air pour la perte du reflet ainsi qu'un septuor avec chœur, et s’achève sur le meurtre de Schlémil.
Le Trio des yeux n’est pas rétabli mais Coppelius a droit à un nouvel air ‘J’ai des yeux’ composé sur la musique de l’ancien air de Dapertutto qui est remplacé par un nouvel air ‘Scintille diamant’.
Quant à l’épilogue, il conserve la romance d’Hoffmann ‘O Dieu, de quelle ivresse’ qui est donc chantée deux fois, en comptant l’acte vénitien.
Au CD, la version d’André Cluytens 1964 est fidèle à cette édition.

Measha Brueggergosman (Giulietta), Eric Cutler (Hoffmann) - ms Marthaler 2014 - version Oeser

Measha Brueggergosman (Giulietta), Eric Cutler (Hoffmann) - ms Marthaler 2014 - version Oeser

Version Oeser 1976
Cette version vise à revenir à l’original des Contes d’Hoffmann de 1880, mais avec les récitatifs de Guiraud et avec les trois quarts de la partitions réorchestrés.
On retrouve donc trois airs de Nicklausse 'Oh ! Rêve de joie' (écrit en 1877 et replacé à l’épilogue par Oeser), ‘Voyez-là sous mon éventail‘ et ‘Vois sous l’archet frémissant’,  le duetto Nicklausse/Hoffmann, et le second air de Dapertutto 'Tourne, tourne, miroir'.
Le prologue, avec les couplets de la Muse, et le Trio des yeux sont aussi rétablis.
L’acte vénitien retrouve sa place après celui d’Antonia, mais est totalement reconstruit à partir de la musique des Fées du Rhin. Un nouveau quatuor avec chœur enrichit la scène de jeu, et Giulietta obtient deux nouveaux airs 'Vénus dit à fortune' et ‘Qui connaît donc la souffrance dont mon âme est affligée’, qui se substituent donc à 'L'amour lui dit la belle'.
Toutes les nouveautés de la version Choudens 1907 sont écartées hormis le meurtre final de Schlémil qui est conservé et suivi d’une scène où Giulietta part avec Dapertutto, rejoints tous deux par Pitichinaccio.
Enfin, l’épilogue comprend un nouveau monologue de la Muse incluant une adaptation de la romance de Nicklausse 'Oh ! Rêve de joie' et l’apothéose finale ‘Des cendres de ton cœur’ achève l’opéra.
Au CD, la version de Sylvain Cambreling 1988 fait référence. Elle correspond à la version jouée à  Bruxelles en 1985, et à celle du Teatro Real de Madrid de 2014, dorénavant hébergée par l’Opéra de Stuttgart.

Les Contes d'Hoffmann - direction Sylvain Cambreling - Version Oeser

Les Contes d'Hoffmann - direction Sylvain Cambreling - Version Oeser

Version Nagano 1996 (CD)
En s’appuyant sur la dernière édition de Michael Kaye, Kent Nagano enregistre avec José van Dam, Roberto Alagna, Natalie Dessay, Sumi Jo et Leontina Vaduva une version avec récitatifs qui  vise aussi à revenir à l’original des Contes d’Hoffmann de 1880, mais avec un acte vénitien plus proche des intentions du compositeur, et sans l’orchestration opulente d’Oeser.
On retrouve donc deux airs de Nicklausse « Une poupée aux yeux d’émail »  et « Vois sous l’archet frémissant », le duetto Nicklausse/Hoffmann, et le second air de Dapertutto «Tourne, tourne, miroir».
Le prologue, avec les couplets de la Muse, et le Trio des yeux sont là aussi rétablis.
L’acte vénitien, introduit par l’entracte orchestral, est placé après celui d’Antonia, intègre la scène de jeu avec l’air de Giulietta « L’amour lui dit la belle », toutefois sans le second couplet, mais le septuor de 1904 est intégré juste avant le meurtre de Schlémil, comme dans la version Choudens.  L’acte se finit ainsi sur le meurtre de Pitichinaccio.
Enfin, L’épilogue intègre le chœur d’ étudiants 'Folie ! Oublie tes douleurs !', le double chœur ‘A nous ton vin !’ et  l’apothéose finale de la Muse 'Des cendres de ton cœur !', avec la reprise du couplet chanté par Stella 'Adieu je t'abandonne'.

Les Contes d'Hoffmann - direction Kent Nagano - Version Kaye

Les Contes d'Hoffmann - direction Kent Nagano - Version Kaye

Version Opéra National de Paris 2000
Le 20 mars 2000, la scène Bastille accueille une nouvelle production des Contes d’Hoffmann mise en scène par Robert Carsen sous la direction de James Conlon avec Janec Lotric, Samuel Ramey, Angelica Kirchschlager et Natalie Dessay. Cette version est une reprise de la version conçue par Jean-Pierre Ponnelle et James Levine pour le Festival de Salzbourg 1981, qui retient le meilleur des versions Choudens et Oeser.
Ainsi, on retrouve donc deux airs de Nicklausse  ‘Voyez-là sous mon éventail‘ et ‘Vois sous l’archet frémissant’, le duetto Nicklausse/Hoffmann,  le prologue, avec les couplets de la Muse, le Trio des yeux et l’apothéose finale ‘Des cendres de ton cœur’, tous acquis de l'édition Oeser. L’acte vénitien est ainsi situé après celui d’Antonia.
Comme dans la version Choudens, la grande scène de jeu avec l’air de Giulietta et le meurtre de Pitichinaccio sont supprimés, mais l’acte vénitien comprend le nouvel air de la perte du reflet et le septuor avec chœur,  pour s’achever sur le meurtre de Schlémil.  Par ailleurs, Coppelius chante ‘J’ai des yeux’ et  Dapertutto ‘Scintille diamant’.
L’épilogue ne comprend donc pas les apports de l’édition Michael Kaye gravée par Nagano.

Angela Brower (La Muse) et Benjamin Bernheim (Hoffmann) - ms Carsen 2023 - version Oeser / Choudens

Angela Brower (La Muse) et Benjamin Bernheim (Hoffmann) - ms Carsen 2023 - version Oeser / Choudens

Version Minkowski Salle Pleyel 2012
Le 22 novembre 2012, Marc Minkowski dirige à la salle Pleyel une nouvelle édition des Contes d'Hoffmann basée sur les derniers travaux de reconstruction de Jean-Christophe Keck. Il revoit certaines transitions, reprend des récitatifs afin d'améliorer la cohérence de l'action tout en restant au plus proche des intentions initiales de l'auteur. Cette version s'approche de celle de Michael Kaye qui avait servi en 1996 à Kent Nagano, mais intègre quand c'est possible les toutes premières versions des airs abandonnés bien avant la création à l'Opéra Comique. Tout au long de l’œuvre, l'orchestration semble retravaillée, et surtout le final d'origine de l'acte vénitien est rétabli.

Le prologue comprend les couplets de la Muse, et le Trio des yeux, et l'on retrouve à l'acte d'Olympia le premier air de Nicklausse « Oh! rêve de joie!», suivi de « Voyez-là sous mon éventail », à la place de « Une poupée aux yeux d’émail », ainsi que le duetto Nicklausse/Hoffmann.

L'acte d'Antonia est inchangé (et inclut « Vois sous l’archet frémissant » ), cependant, le remaniement de celui de Giulietta est particulièrement spectaculaire. L'entracte orchestral sur le thème de la Barcarolle n'est pas maintenu, mais Dapertutto chante  «Répands tes feux» au lieu de «Tourne, tourne, miroir», et le récitatif où Schlémil annonce avoir ruiné Hoffmann bénéficie d'une orchestration beaucoup plus sombre et lyrique.  «Scintille diamant» et le septuor sont bel et bien absents.

La scène de jeu comprend l’air intégral de Giulietta « L’amour lui dit la belle », chantée un ton plus bas et sans les coloratures de la version Nagano, puis est suivie par la rare pantomime écrite sur les réminiscences de cet air virtuose, avant d’enchaîner sur un nouveau récitatif entre Nicklausse et Hoffmann puis un final identique à la version Kaye, mais musicalement totalement révisé et beaucoup plus dramatique, qui s'achève sur la mort de Pitichinaccio.

Quant à l’épilogue, il comprend le chœur d’ étudiants 'Folie ! Oublie tes douleurs !', le double chœur ‘A nous ton vin !’ et l’apothéose finale de la Muse 'Des cendres de ton cœur !', précédée par une version purement instrumentale du monologue.

Pour cette version, Sonya Yoncheva incarne les quatre rôles féminins, et est entourée par John Osborn, Laurent Naouri et Michèle Losier.

Patricia Petibon (Antonia) - ms Warlikowski 2019 - version Kaye

Patricia Petibon (Antonia) - ms Warlikowski 2019 - version Kaye

Version La Monnaie de Bruxelles 2019
En décembre 2019, le Théâtre de la Monnaie confie une nouvelle production des Contes d’Hoffmann à Alain Altinoglu et Krzysztof Warlikowski. L’Opéra est transposé dans le monde du cinéma hollywoodien, et la version s’appuie comme Kent Nagano sur l’édition Michael Kaye, mais avec quelques coupures.
On retrouve donc deux airs de Nicklausse « Voyez-là sous mon éventail »  et « Vois sous l’archet frémissant », mais pas le duetto Nicklausse/Hoffmann, ni l’air de Dapertutto «Tourne, tourne, miroir».
Le prologue, avec les couplets de la Muse, et le Trio des yeux sont bien présents, mais la première scène entre Hoffmann et Spalanzani de l’acte d’Olympia est coupée.
L’acte vénitien, introduit par l’entracte orchestral, est placé après celui d’Antonia, intègre la scène de jeu avec l’air de Giulietta « L’amour lui dit la belle », mais l’acte se finit à la prise de conscience de la perte du reflet, sans le meurtre de Pitichinaccio.
Enfin, L’épilogue intègre le chœur d’ étudiants « Folie ! Oublies tes douleurs ! », le double choeur « A nous ton vin !» et  l’apothéose finale de la Muse « Des cendres de ton cœur ! », mais le monologue de la Muse est remplacé par une scène parlée de remise des Oscars.
Dans cette version, Patricia Petitbon incarne les quatre rôles féminins selon l’idée d’origine d’Offenbach, Michèle Losier joue la Muse et Nicklausse, et Eric Cutler chante Hoffmann.

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Publié le 8 Décembre 2019

Si Alexandre Borodine débuta la composition de Prince Igor en 1869 au moment où Modest Moussorgski achevait sa première version de Boris Godounov, il y travailla pendant 18 ans jusqu’à sa mort, si bien que ce furent deux de ses amis musiciens, Nikolaï Rimski-Korsakov et  Alexandre Glazounov qui en achevèrent la composition et l’orchestration dès 1885, le sentiment artistique de complétude étant fort prégnant à Saint-Petersbourg. 

En 1888, le mécène Saint-Pétersbourgois, Mitrofan Belaïev, édita la partition, et l’œuvre fut créée le 23 octobre 1890 avec un immense succès, sa musique se référant à la culture russe tout en exaltant les sentiments patriotiques si sensibles en cette fin de XIXe siècle.

Puis, dans les années 1940, le musicologue Pavel Lamm rassembla de nombreux manuscrits qui révélèrent que de nombreux passages avaient été supprimés par Nikolaï Rimski-Korsakov et  Alexandre Glazounov. Mais il ne furent révélés qu'en 1983, ce qui permit à Valery Gergiev d’enregistrer une version plus complète sous le label Philips, début 1995, en confiant l’orchestration des nouveaux passages à Yuri Falik

Ildar Abdrazakov (Prince Igor) et Oksana Dyka (Iaroslavna) - ms Tcherniakov (Amsterdam, 2017)

Ildar Abdrazakov (Prince Igor) et Oksana Dyka (Iaroslavna) - ms Tcherniakov (Amsterdam, 2017)

Plus tard, au printemps 2014, le metteur en scène russe Dmitri Tcherniakov et le chef d’orchestre Gianandrea Noseda réarrangèrent la partition et les différents actes afin de créer une nouvelle production au New-York Metropolitan Opera qui fut reprise en 2017 à Amsterdam. La dramaturgie repensée donnait une force exceptionnelle à cette production qui, à sa manière, comblait les lacunes d’une action qui avait toujours peiné à convaincre.

Cette version comprenait également le second monologue d’Igor, absent de l’édition Belaïev, qui avait été réorchestré par Yuri Falik, dans une nouvelle orchestration du chef d’orchestre Pavel Smelkov, réalisée au cours la saison 2013/2014 du théâtre Mariinsky.

Ildar Abdrazakov (Prince Igor) et Elena Stikhina (Iaroslavna) - ms Kosky (Paris, 2019)

Ildar Abdrazakov (Prince Igor) et Elena Stikhina (Iaroslavna) - ms Kosky (Paris, 2019)

Enfin, à l’occasion de l’entrée du Prince Igor au répertoire de l’Opéra de Paris, le 28 novembre 2019, l’article qui suit propose de comparer, sans prétendre à une quelconque exhaustivité, la version de Dmitri Tcherniakov et la version jouée à Paris sous la direction de Philippe Jordan en se référant à l’édition Belaïev (mise à jour en 1923) et aux travaux de Pavel Lamm.

Le graphique qui suit représente de manière synthétique le découpage en tableaux de ces deux versions modernes par rapport à l’édition de référence.

Le fond en diverses nuances d’orange (orange clair à orange foncé, afin de faciliter l’identification des différents tableaux) désigne les passages dont la partition est de Borodine (en version piano ou orchestrée), tandis que les passages en vert ou bleu désignent tous les autres passages composés par Glazounov, ou bien qui ne proviennent pas de Prince Igor.

Comparaison de l'architecture des versions de Prince Igor (Alexandre Borodine) de l’Opéra de Paris (Jordan/Kosky) et du MET (Noseda/Tcherniakov)
Comparaison de l'architecture des versions de Prince Igor (Alexandre Borodine) de l’Opéra de Paris (Jordan/Kosky) et du MET (Noseda/Tcherniakov)
Comparaison de l'architecture des versions de Prince Igor (Alexandre Borodine) de l’Opéra de Paris (Jordan/Kosky) et du MET (Noseda/Tcherniakov)
Comparaison de l'architecture des versions de Prince Igor (Alexandre Borodine) de l’Opéra de Paris (Jordan/Kosky) et du MET (Noseda/Tcherniakov)
Comparaison de l'architecture des versions de Prince Igor (Alexandre Borodine) de l’Opéra de Paris (Jordan/Kosky) et du MET (Noseda/Tcherniakov)
Comparaison de l'architecture des versions de Prince Igor (Alexandre Borodine) de l’Opéra de Paris (Jordan/Kosky) et du MET (Noseda/Tcherniakov)

Ainsi, la version de l’Opéra de Paris (2019), largement fidèle à la version Belaïev, est architecturée selon les tableaux suivants :

- Le prologue sur la grande place de Poutilv, orchestré par Borodine et Rimski-Korsakov

- L’acte I à la cour du Prince Galitski et dans la chambre de Iaroslavna, orchestré par Borodine et Rimski-Korsakov, en incluant un court monologue composé par Glazounov, mais sans ajouter les passages retrouvés par Pavel Lamm (extension du chant des Boyards et intervention de Galitski pour se faire élire Prince).

- L’acte II au camp Polovtsien, orchestré par Borodine et Rimski-Korsakov, avec le duo d’amour entre Kontchakovna et Vladimir, le premier monologue d’Igor et les danses polovtsiennes.

- L’ouverture, qui est jouée à la place du troisième acte au camp Polovtsien, la musique de celui-ci étant majoritairement de Glazounov. Cette ouverture est aussi une composition de Glazounov, mais sur transcription plus ou moins fidèle de ce que voulait Borodine qui l’avait joué au piano à plusieurs reprises.

- L’acte IV (devenu acte III) sous les remparts de Poutivl, orchestré par Borodine et Rimski-Korsakov, où est inséré, juste après les lamentations de Iaroslavna et le chant des paysans, le second monologue d’Igor provenant de l’acte III, composé par Borodine, mais dans l’orchestration récente de Pavel Smelkov.

Durée totale de la version de l’Opéra de Paris (2019) : 3h10

Lire le compte-rendu de la représentation du 28 novembre 2019 : Prince Igor (Abdrazakov-Stikhina-Rachvelishvili-Černoch-Ulyanov-Kosky-Jordan) Bastille

 

En revanche, la version de Dmitri Tcherniakov (2014) est profondément remaniée par rapport à l’original, modifiant sensiblement la dramaturgie. Elle ne comprend pas l’ouverture, et s’organise ainsi :

- Le prologue sur la grande place de Poutilv, orchestré par Borodine et Rimski-Korsakov

- L’acte II au camp Polovtsien, joué avant l’acte I, ce qui permet de faire intervenir Galitski bien plus tard.

- L’acte I, qui commence par le second tableau dans la chambre de Iaroslavna, puis se poursuit par le premier tableau chez Galitski, et s’achève par la fin du second tableau avec l’arrivée des Boyards et la chute de la ville où périt Galitski. L’intervention de  Galitski pour se faire élire Prince est ici restituée.

Comme à Paris, l’acte III est supprimé.

- L’acte IV, qui commence par les lamentations de Iaroslavna et le chant des paysans, se poursuit directement par la dernière scène de l’acte III, ce qui permet de faire revenir Kontchakovna et Vladimir. Nouvelle inversion, ensuite, avec les chansons des joueurs, qui précédent les retrouvailles d’Igor et sa femme, avec quelques coupures, puis le second monologue d’Igor de l’acte III, ajouté cette fois après les retrouvailles, également dans l’orchestration de Pavel Smelkov.

La reprise du chœur final est alors conclue par l’ajout d’un magnifique mouvement orchestral " La crue du Don", composé par Borodine pour le ballet inachevé Mlada, en 1872.

Durée totale de la version du MET (2014) : 3h00

Lire le compte-rendu de la représentation du 17 février 2017 à Amsterdam : Prince Igor (Abdrazakov-Dyka-Ulyanov-Kochanovsky-Tcherniakov) Amsterdam

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Publié le 5 Juin 2018

Modeste Moussorgski travailla sur Boris Godounov entre octobre 1868 et décembre 1869, mais le Comité de lecture des théâtres impériaux rejeta son opéra en février 1871, principalement à cause de l'absence de rôle féminin central et d'histoire d'amour.

Il reprit donc son travail et acheva fin juin 1872 sa seconde version, dite également 'originale', auquel il ajouta l'acte polonais et la scène de révolte dans la forêt, au prix de la suppression du tableau de Saint-Basile dont il sauvegarda toutefois les complaintes de l'innocent.

Cette seconde version fut cependant elle aussi rejetée dans un premier temps par le Comité en octobre 1872, et c'est finalement le 27 janvier 1874 qu'elle fut exécutée pour la première fois au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, mais avec des coupures. La scène de Kromy sera par ailleurs censurée en 1876.

Boris Godounov - version 1869 - Mise en scène Ivo van Hove, Opéra de Paris 2018

Boris Godounov - version 1869 - Mise en scène Ivo van Hove, Opéra de Paris 2018

La musique de Moussorgski étant estimée comme inaboutie par ses successeurs, aux deux versions originales de 1869 et 1872 vont ensuite s'ajouter, après la mort du compositeur en 1881, de multiples versions réorchestrées.

On distingue comme révisions :

- Les versions de 1896 (partiellement) puis 1908 (complètement) de Rimski-Korsakov qui reprennent l'écriture musicale de la version de 1872, mais en inversant les deux derniers tableaux de la révolte et de la mort de Boris au Kremlin.  Ces versions sont par la suite complétées en 1924 par la réorchestration de la scène de Saint-Basile selon Ippolitov-Ivanov. A la sobriété de Moussorgski se substitue un adoucissement des lignes musicales et un renforcement des percussions et des cuivres de l'orchestre.

- La version de Chostakovitch de 1940 qui réorchestre la réunion des deux versions de 1869 et 1872 réalisée par Lamm en 1928. La réécriture musicale est jugée bien moins subtile que l'original.

D'autres versions,  Melngailis (1924) - version 1872 - , Rathaus (1953) - réunion des deux versions de 1869 et 1872 - n'ont duré que le temps de leur création.

Ces révisions ne reprennent que la dramaturgie musicale et n'ajoutent en revanche aucun élément dramaturgique littéraire.

Le graphique qui suit représente de manière synthétique le découpage en tableaux des 2 versions originales de Boris Godounov.

Le fond orange désigne les passages de la version 1869 conservés en 1872, et éventuellement modifiés.
Le fond hachuré désigne les passages de la version 1872 remaniés par rapport à 1869
Le fond orange foncé désigne les passages de 1869 dont la musique est totalement différente en 1872
Le fond rose clair désigne les passages de la version 1869 supprimés en 1872
Le fond vert désigne les nouveaux passages de la version 1872
Le fond rouge-marron désigne les passages qui furent déplacés lors du passage de la version de 1869 à 1872 (complaintes de l'innocent)

Les deux versions originales de Boris Godounov composées par Moussorgski en 1869 et 1872 et ses révisions
Les deux versions originales de Boris Godounov composées par Moussorgski en 1869 et 1872 et ses révisions
Les deux versions originales de Boris Godounov composées par Moussorgski en 1869 et 1872 et ses révisions
Les deux versions originales de Boris Godounov composées par Moussorgski en 1869 et 1872 et ses révisions
Les deux versions originales de Boris Godounov composées par Moussorgski en 1869 et 1872 et ses révisions
Les deux versions originales de Boris Godounov composées par Moussorgski en 1869 et 1872 et ses révisions

La version la plus courte est celle de 1869. Elle est toujours régulièrement jouée. Ainsi peut-on l'entendre à Munich dans la mise en scène de Calixto Bieito, et c'est cette version que l'Opéra de Paris va interpréter en 2018 à Bastille dans une nouvelle production d'Ivo van Hove.

Elle comprend plusieurs passages qui seront supprimés pour la version de 1872. Ces passages sont principalement :

- La fin du premier tableau du prologue où le peuple se donne rendez-vous au Kremlin
- Le 3e récit de Pimène qui décrit le meurtre de Dmitri et la nomination de Boris
- Le tableau de la cathédrale de Saint-Basile
- Le discours de Chtchelkalov à la Douma des Boyards
- L'entrée de Chouïski qui suit la mobilisation des Boyards
- L'introduction du récit de Pimène qui suit
- Des passages de la mort de Boris

Durée approximative : 2h15

La version originale de 1872 comprend, en compensation des passages supprimés depuis 1869, les passages suivants :

- Ajout de la chanson des canards dans la scène de l'auberge
- Ajout de la chanson des enfants dans les appartements du Tsar
- Ajout de la scène du perroquet dans les appartements du Tsar
- Ajout des deux tableaux de l'acte polonais
- Ajout du tableau de la révolte dans la clairière de Kromy

L'acte II est par ailleurs considérablement révisé et la musique de ses deux dernières scènes est totalement différente de la version de 1869. Quant à l'acte I, des retouches font apparaître le chœur des moines pendant le récit du cauchemar de Grigori et une élongation de l'ouverture du second tableau.

Durée approximative : 3h00mn

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Publié le 9 Mai 2018

Hector Berlioz travailla sur Benvenuto Cellini dès 1834, mais après le rejet de son projet par l'Opéra-Comique, le livret fut réécrit et accepté en 1835 par l'Opéra. La création eut lieu le 10 septembre 1838 à la salle Le Peletier, et fut un échec retentissant pour la compositeur. Musique audacieuse, livret en partie écrit pour l'Opéra-Comique, déboires lors des répétitions, dramaturgie confuse, les raisons de ce rejet lèvent encore aujourd'hui des interrogations irrésolues.

L’œuvre eut pourtant une seconde chance lorsque Franz Liszt initia le projet de la reprendre et de la diriger à Weimar en 1852. Berlioz accepta de travailler à de nombreuses modifications et aboutit à une version resserrée qui, cette fois, fut un succès.

Les versions de Benvenuto Cellini de Paris 1838 et Weimar 1852 à Paris Bastille 2018

Il existe au moins trois versions bien identifiées de Benvenuto Cellini :

On distingue  principalement :

- La version parisienne Paris I en quatre tableaux selon le livret présenté en entrée des répétitions de février 1838
- La version parisienne Paris II en quatre tableaux de la première représentation du 10 septembre 1838
- La version de Weimar en trois actes de novembre 1852

Une version fut aussi créée le 25 juin 1853 au Covent Garden de Londres qui incluait des retouches. Ce fut un échec aussi dur qu'à Paris alors que dans le reste de l'Europe la nouvelle version s'imposa.

Enfin, le 16 février 1856, une version fut jouée à Weimar avec des dialogues parlés à la place des récitatifs.

Le graphique qui suit représente de manière synthétique le découpage en tableaux des 3 principales versions de Benvenuto Cellini (Paris I, Paris II et Weimar), auxquelles est ajoutée celle qu'enregistra  Colin Davis avec l'orchestre de la BBC au Royal Opera House , Covent Garden de Londres en 1972, ainsi que la version que dirigea Philippe Jordan à l'Opéra Bastille en avril 2018.

Cette dernière version est principalement basée sur la version parisienne II de septembre 1838, moyennant plusieurs coupures dont certaines importantes réalisées pour Weimar, mais incorpore également des éléments écrits pour la version Paris I (l'air de Balducci de la scène I) et la version de Weimar (l'introduction orchestrale qui précède le carnaval).

Le fond orange désigne les passages de la version Paris I et non modifiés à la création de version Paris II de septembre 1838
Le fond rose clair désigne les passages de la version Paris I qui disparurent dès la création
Le fond vert désigne les nouveaux passages Paris II créés au cours des répétitions de 1838
Le fond rouge-marron désigne les passages qui furent coupés, ou déplacés, pour la version de Weimar (1852)
Le fond violet désigne les passages totalement nouveaux dans la version de Weimar (1852)
Le fond bleu ciel est utilisé pour les coupures de la version de Bastille 2018

Les versions de Benvenuto Cellini de Paris 1838 et Weimar 1852 à Paris Bastille 2018
Les versions de Benvenuto Cellini de Paris 1838 et Weimar 1852 à Paris Bastille 2018
Les versions de Benvenuto Cellini de Paris 1838 et Weimar 1852 à Paris Bastille 2018
Les versions de Benvenuto Cellini de Paris 1838 et Weimar 1852 à Paris Bastille 2018
Les versions de Benvenuto Cellini de Paris 1838 et Weimar 1852 à Paris Bastille 2018

La version la plus longue est celle d'entrée en répétition dite Paris I (février 1838)
Elle comprend trois passages qui seront supprimés au cours des répétitions entre février et septembre 1838. Ces passages sont :

- L'air de Balducci 'Ne regardez jamais la Lune' (1er tableau)
- La romance de Teresa 'Ah! que l'amour ...' (1er tableau)
- Un court épisode du ballet des ombres (2d tableau)

Par ailleurs, l'ouverture originale de cette version est plus longue que celle révisée pour  la première représentation.

Durée approximative : 2h50

 

La version parisienne officielle est celle de la première du 10 septembre 1838 (Paris II), en incluant les modifications apportées au cours des représentations jusqu'en 1839.
Les airs supprimés depuis les répétitions sont compensés par l’ajout des passages suivants :

- Ajout de l'air de Teresa 'Entre l'amour et le devoir' (1er tableau)
- Ajout de la romance de Cellini 'Une heure encore' au début du second tableau
- Ajout de l'air d'Ascanio 'Tra, la, la, la ,la la .. mais qu'ai-je donc', au début du quatrième tableau, précédé par un entracte

L'ouverture est par ailleurs révisée, et le Pape est remplacé par un Cardinal.

Durée approximative : 2h40mn

 

La nouvelle version réécrite avec Franz Liszt pour Weimar comprend bon nombre de simplifications notamment dans le quatrième tableau, si bien que la version parisienne en deux actes et quatre tableaux devient à Weimar une version trois actes, le dernier acte regroupant des éléments des deux derniers tableaux.

Par rapport à la version Paris II, les passages suivants furent supprimés :

- L'ensemble de la scène 2 du premier tableau
- Des récitatifs dans la scène 5 du premier tableau
- Un chœur dans la scène 11 du second tableau
- Quelques échanges dans la scène 12 du second tableau
- Des scènes de comédie du dernier tableau

Par ailleurs, certaines scènes, dont l'air d'Ascanio et le chœur des matelots passent au début du tableau 3. De fait, l'entracte précédent l'air d'Ascanio est supprimé.

Les passages suivants furent cependant ajoutés :

- L'introduction orchestrale de la scène 12
- L'ouverture du Carnaval Romain au début du dernier tableau

Enfin, la reprise du trio du premier tableau est identique au trio initial par soucis de simplification.

Durée approximative : 2h25mn

 

Au disque, la version de référence reste celle de Colin Davis (1972). Elle correspond à la version Paris II - tout en rétablissant le Pape à la place du Cardinal - à laquelle est ajoutée l'introduction orchestrale du carnaval composée pour Weimar, et remplace par des dialogues parlés les récitatifs et passages arioso, comme cela fut envisagé en 1856 pour retrouver une forme adaptée à l'Opéra Comique.

Les versions de Benvenuto Cellini de Paris 1838 et Weimar 1852 à Paris Bastille 2018

Par ailleurs, John Nelson et l'Orchestre National de France enregistrèrent en 2003 à la Maison de la Radio pour Virgin Classics (racheté en 2013 par Erato) la version des répétitions Paris I, qui permet donc d'entendre la romance de Teresa, tout en y ajoutant l'air d'Ascanio et l'introduction orchestrale de la scène de carnaval.

Les versions de Benvenuto Cellini de Paris 1838 et Weimar 1852 à Paris Bastille 2018

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Publié le 8 Avril 2017

En préparation de la nouvelle production de Don Carlos qui sera donnée l'automne prochain sur la scène de l'Opéra Bastille, dans sa version originale des répétitions parisiennes de 1866, afin de célébrer les 150 ans de sa création, cet article est une réécriture plus précise et complète de l'article Du Don Carlos de Paris (1866) au Don Carlo de Modène (1886) rédigé en 2007 sur le même sujet.

Don Carlos est l'une des oeuvres qui a connu le plus de remaniements dans l'histoire de l'opéra.

Giuseppe Verdi travailla sur ce projet commandé par l'Opéra de Paris pour l'exposition universelle de 1867, sur la base d'un scénario qu'il reçut en juillet 1865.

Il composa la musique entre 1865 et 1867, à partir d'un livret français de Joseph Méry et Camille du Locle. Toutefois, en 1872, il procéda aux premières retouches de la partition.

C'est, par la suite, à partir de 1882 qu'il révisa considérablement son chef d'oeuvre avec la collaboration de Charles Nuitter, chargé de retravailler le livret en langue originale française.

Les Versions de Don Carlos des répétitions parisiennes de 1866 à la version d'Antonio Pappano de 1996

Il existe au moins cinq versions bien identifiées de Don Carlos (Don Carlo pour les traductions en italien), et le présent article a pour objectif de rendre compte le plus clairement possible de l’ampleur des changements qui l'ont traversé. On distingue principalement :

- La version parisienne en cinq actes des répétitions parisiennes de 1866

- La version parisienne en cinq actes de la première représentation du 11 mars 1867

- La version napolitaine en cinq actes du 02 décembre 1872, traduite en italien

- La version milanaise en quatre actes du 10 janvier 1884, traduite en italien

- La version de Modène en cinq actes du 29 décembre 1886, traduite en italien

A cette époque, la version parisienne des répétitions ne fut jamais jouée publiquement dans sa totalité, mais elle fut traduite intégralement en italien par Achille de Lauzières, dès 1866.

Une version fut ainsi créée le 4 juin 1867 au Covent Garden de Londres à partir de la traduction italienne d' Achille de Lauzières, avec la suppression de l'Acte I et du ballet, et l'ajout de multiples remaniements qui anticipèrent de fait les décisions que Giuseppe Verdi prendra dès 1882. Mais elle était loin d'être satisfaisante.

La version parisienne du 11 mars 1867, traduite en italien, eut finalement un accueil triomphal à Bologne le 27 octobre 1867.

Quant à la version de Naples, elle comportait principalement un ajout au duo Philippe / Rodrigue sur la base de nouveaux vers directement écrits en italien par Antonio Ghislanzoni.

Le graphique qui suit représente de manière synthétique le découpage en actes des 5 principales versions de Don Carlos (1866, 1867, 1872, 1884 et 1886), auxquelles est ajoutée celle que créa Antonio Pappano au Théâtre du Châtelet le 01 mars 1996, sous la direction de Stéphane Lissner. Cette dernière version composite est principalement basée sur les versions parisiennes de 1866 et 1867, mais incorpore également des éléments écrits pour les versions de 1872 et 1884.

Le fond orange désigne les passages écrits en 1866 et non modifiés à la création de 1867

Le fond rose clair désigne les passages écrits en 1866 qui disparurent dès le 11 mars 1867

Le fond vert désigne le ballet qui n'apparut qu'à partir de la répétition du 24 février 1867

Le fond gris désigne les passages qui furent réécrits pour la version de Naples (1872)

Le fond rouge désigne les passages qui furent coupés pour la version de Naples (1872)

Le fond rouge foncé désigne les passages qui furent réécrits pour la version de Milan (1884)

Le fond bleu désigne les passages totalement nouveaux dans la version de Milan (1884).

Le fond bleu ciel est utilisé pour les coupures de la version Pappano de 1996

Les Versions de Don Carlos des répétitions parisiennes de 1866 à la version d'Antonio Pappano de 1996
Les Versions de Don Carlos des répétitions parisiennes de 1866 à la version d'Antonio Pappano de 1996
Les Versions de Don Carlos des répétitions parisiennes de 1866 à la version d'Antonio Pappano de 1996
Les Versions de Don Carlos des répétitions parisiennes de 1866 à la version d'Antonio Pappano de 1996
Les Versions de Don Carlos des répétitions parisiennes de 1866 à la version d'Antonio Pappano de 1996

La version la plus complète sur le plan dramaturgique est celle de 1866. Elle comprend huit passages qui seront supprimés au cours des dernières semaines précédant la première représentation du 11 mars 1867. Ces passages sont :

- La rencontre d’Elisabeth et des bûcherons dans la forêt de Fontainebleau (Acte I)

- L'air 'J'étais en Flandres' de Rodrigue (Acte II) lors de ses retrouvailles avec Don Carlo

- Un passage du duo de Philippe et Rodrigue (Acte II)

- Une brève reprise du chœur du début de l'Acte III où sera inséré le ballet 'La Pérégrina'

- Une courte introduction orchestrale à l'arrivée de la Reine à l'acte IV

- Le duo Elisabeth et Eboli 'J’ai tout compris' (Acte IV) où Eboli avoue à Elisabeth sa liaison avec le roi.

- Le duo Philippe II et Don Carlo 'Qui me rendra ce mort'  (Acte IV)

- Un échange entre Elisabeth et Eboli au cours de l'émeute (fin Acte IV)

Durée approximative : 3H45

 

La version parisienne officielle est celle de la première du 11 mars 1867.

Selon les conventions de l'époque, la création devait inclure un ballet.

Verdi compensa les airs supprimés depuis les répétitions par l’ajout de deux passages :

- Une brève introduction du chœur des chasseurs (Acte I)

- Le Ballet de la Reine (Acte III)

L’émeute finale de l’acte IV fut par ailleurs abrégée, et totalement supprimée dès la seconde représentation.

Durée approximative : 3H40. C’était encore trop long, et quelques coupures supplémentaires (l'émeute de la fin de l'Acte IV) eurent lieu dès la seconde représentation pour permettre aux parisiens de rentrer sûrement chez eux le soir.

 

La nouvelle version réécrite par Giuseppe Verdi et Charles Nuitter, traduite en italien par Angelo Zanardini, est celle de 1884

A plus de 70 ans, Verdi dédia en effet à Milan une version en 4 actes.

Par rapport à la version parisienne de 1867, les passages suivants furent supprimés :

- L’Acte I de Fontainebleau

- L’introduction et les chœurs de l’Acte III devenu Acte II

- Le ballet de la Reine (Acte III devenu Acte II)

Les passages suivants furent alors réécrits avec une meilleure expressivité musicale :

- Le duo Rodrigue et Don Carlo (Acte II devenu Acte I)

- Le duo Philippe II et Rodrigue (Acte II devenu Acte I)

- La scène et quatuor dans le bureau du roi (Acte IV devenu Acte III)

- Le duo Elisabeth/Eboli (Acte IV devenu Acte III) supprimé en 1867 et partiellement rétabli et réécrit.

- La scène d’émeute (Fin Acte IV devenu Acte III) supprimée après la première de 1867

- Le duo Don Carlo et Elisabeth (Acte V devenu Acte IV)

- L’intervention de Philippe II et de l’Inquisiteur (Acte V devenu Acte IV)

Les passages suivants, totalement nouveaux, furent enfin créés pour cette version :

- La romance de Don Carlo (Acte I, ancien Acte II),  inspirée de l'air 'Je l'ai vue' du premier acte de la version parisienne, qui rappelle les événements survenus au cours de l’acte de Fontainebleau dorénavant supprimé.

- Le prélude de l’Acte II (ancien Acte III)

Durée approximative : 3H00

 

La version 5 actes en italien, basée sur la version de Milan, est celle de Modène (1886)

Verdi n’y a pas participé.

Cette version restaure, à la version de Milan 1884, l’acte I de Fontainebleau tel qu’il fut écrit en 1867 et traduit en italien. La Romance de Don Carlo (Acte II) est de fait supprimée et le récitatif 'Au couvent de St-Just' rétabli.

Durée approximative : 3H20

Discographie/Filmographie

La version studio de référence du Don Carlo de Modène (1886)  est celle dirigée par Solti (1966 chez Decca) avec Carlo Bergonzi, Renata Tebaldi, Nicolai Ghiaurov, Dietrich Fischer-Dieskau, Grace Bumbry, Martti Talvela.

 

 

Insurpassé depuis plus de 40 ans!

 

 

La version live de référence du Don Carlos Parisien est celle dirigée par John Matheson (1976 chez Ponto, puis Opera Rara) avec Joseph Roleau, Andrée Turp, Robert Savoie, Richard Van Allen, Edith Tremblay, Michèle Vilma.

Des chanteurs inconnus mais très engagés.

Les actes I, II, IV et V sont ceux de 1866 mais l’acte III (avec le ballet) est celui de 1867.

C’est donc la version parisienne la plus complète qui soit!

En 1993, James Levine enregistre en studio (Sony) une version de Modène inédite.

Avec la traduction du Ier acte de 1866 (et non plus 1867) nous avons ici une version révisée en italien.

Michael Sylvester, Dolora Zajick et Samuel Ramey y sont par ailleurs excellents, mais Ferruccio Furlanetto est encore un peu trop jeune pour Philippe II.

15 ans plus tard à Paris, le constat est clair : c'est l'un des plus grands interprètes actuels de Philippe II.

En 1996, le Châtelet monte la version parisienne avec un casting prestigieux (Karita Mattila, Roberto Alagna, Thomas Hampson, Jose van Dam, Waltraud Meier) sous la direction d'Antonio Pappano.

A y regarder de plus près, cette version est un peu trafiquée. C'est une version basée sur celle de 1866, mais avec le premier acte de 1867 et de nombreuses coupures et retouches à partir du texte français des versions de Naples et Milan.

 

Le DVD est un achat obligatoire rien que pour la beauté de l’ensemble.

 

Le 25 octobre 1970, le Staatsoper de Vienne lâche sur scène Franco Corelli, Gundula Janowitz, Shirley Verrett, Eberhard Waechter et le duo Inquisiteur/Philippe II du siècle : Martti Talvela/Nicolai Ghiaurov.

Sous la direction de Horst Stein, la version IV actes de 1884 trouve une interprétation intense dans un son live très correct (stéréo) qu'au moins 5 labels proposent à l'écoute (Rodolphe, Myto, Opera d'Oro, Gala, Orfeo d'Or).

 

Pour aller plus loin, revenir à la rubrique Histoire de l'Opéra

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Publié le 7 Juillet 2008

Du Don Carlos de Paris (1866) au Don Carlo de Modène (1886)

Don Carlos est l'une des oeuvres qui a connu le plus de remaniements dans l'histoire de l'opéra.

Giuseppe Verdi y travailla de 1865 à 1867 pour l'Opéra de Paris, mais dès 1872, il procéda aux premières retouches, puis, en 1882, remania considérablement son chef d'oeuvre avec la collaboration de Charles Nuitter.

Il existe ainsi pas moins de quatre versions bien identifiées de Don Carlos, et le présent article a pour objectif de rendre compte le plus clairement possible de l’ampleur des changements qui l'ont traversé. Ces versions sont :

- La version française en cinq actes des répétitions générales parisiennes de 1866

- La version française en cinq actes de la première représentation parisienne en mars 1867

- La version italienne en quatre actes de Milan de 1884

- La version italienne en cinq actes de Modène de 1886

Une version italienne fût également créée le 4 juin 1867 à Covent Garden par Achille de Lauzières, qui supprima l'Acte I et le ballet et effectua de multiples remaniements anticipant ainsi les décisions que Giuseppe Verdi prendra en 1882.

Une autre version italienne de la version parisienne, sans coupures cette fois, reçut sa première à Bologne le 27 octobre 1867.

Le graphique qui suit représente de manière schématique le découpage en actes des 4 principales versions de Don Carlos (1866, 1867, 1884 et 1886):

Le fond orange désigne les passages écrits en 1866 et maintenus jusqu'en 1886.

Le fond rose clair désigne les passages écrits en 1866 qui disparurent après 1867.

Le fond vert désigne les passages totalement nouveaux dans la version de 1884.

Le fond hachuré désigne les passages qui furent réécrits en 1884.

Du Don Carlos de Paris au Don Carlo de Modène
Du Don Carlos de Paris au Don Carlo de Modène
Du Don Carlos de Paris au Don Carlo de Modène
Du Don Carlos de Paris au Don Carlo de Modène

La version la plus complète sur le plan dramaturgique est celle de 1866.

Cinq passages seront supprimés avant la première représentation :

- La rencontre d’Elisabeth et des bûcherons dans la forêt de Fontainebleau (Acte I)

- L'air 'J'étais en Flandres' de Rodrigue (Acte II) lors de ses retrouvailles avec Don Carlo

- Le duo Elisabeth et Eboli 'J’ai tout compris' (Acte IV) où Eboli avoue à Elisabeth sa liaison avec le roi.

- Le duo Philippe II et Don Carlo 'Qui me rendra ce mort'  (Acte IV)

- Un échange entre Elisabeth et Eboli (fin Acte IV)

Durée approximative : 3H45

 

La véritable version parisienne est celle de la première en 1867.

Selon les conventions de l'époque, la création devait inclure un ballet.

Verdi compensa alors les airs supprimés depuis les répétitions par l’ajout de deux passages :

- Une brève introduction des chœurs des bûcherons (Acte I)

- Le Ballet de la Reine (Acte III)

L’émeute finale de l’acte IV fut par ailleurs abrégée, et totalement supprimée dès la seconde représentation.

Durée approximative : 3H40. C’était encore trop long, et quelques coupures supplémentaires eurent lieu dès la seconde représentation pour permettre aux parisiens de rentrer sûrement chez eux le soir.

 

La version italienne réécrite par Verdi est celle de Milan en 1884

A plus de 70 ans, Verdi dédia à Milan une version italienne en 4 actes.

Par rapport à la version française de 1867, les passages suivants furent supprimés :

- L’Acte I de Fontainebleau

- L’introduction et les chœurs de l’Acte III devenu Acte II

- Le ballet de la Reine (Acte III devenu Acte II)

 

Les passages suivants furent également réécrits avec une meilleure expressivité musicale :

- Le duo Rodrigue et Don Carlo (Acte II devenu Acte I)

- Le duo Philippe II et Rodrigue (Acte II devenu Acte I)

- La scène et quatuor dans le bureau du roi (Acte IV devenu Acte III)

- Le duo Elisabeth/Eboli (Acte IV devenu Acte III) supprimé en 1867 et partiellement rétabli.

- La scène d’émeute (Fin Acte IV devenu Acte III) supprimée après la première de 1867

- Le duo Don Carlo et Elisabeth (Acte V devenu Acte IV)

- L’intervention de Philippe II et de l’Inquisiteur (Acte V devenu Acte IV)

 

Les passages suivants, totalement nouveaux, furent enfin créés pour cette version :

- La romance de Don Carlo (Acte I, ancien Acte II) qui rappelle les évènements survenus au cours de l’acte de Fontainebleau dorénavant supprimé.

- Le prélude de l’Acte II (ancien Acte III)

Durée approximative : 3H00

 

La version italienne 5 actes est celle de Modène en 1886

Verdi n’y a pas participé.

Cette version restaura, à la version de Milan 1884, l’acte I de Fontainebleau tel qu’il fut écrit en 1867 et traduit en italien. La Romance de Don Carlo (Acte II) fut alors supprimée.

Durée approximative : 3H20

Discographie/Filmographie

La version studio de référence du Don Carlo de Modène (1886)  est celle dirigée par Solti (1966 chez Decca) avec Carlo Bergonzi, Renata Tebaldi, Nicolai Ghiaurov, Dietrich Fischer-Dieskau, Grace Bumbry, Martti Talvela.

 

 

Insurpassé depuis plus de 40 ans!

 

 

La version live de référence du Don Carlos Parisien est celle dirigée par John Matheson (1976 chez Ponto) avec Joseph Roleau, Andrée Turp, Robert Savoie, Richard Van Allen, Edith Tremblay, Michèle Vilma.

Des chanteurs inconnus mais très engagés.

Les actes I, II, IV et V sont ceux de 1866 mais l’acte III (avec le ballet) est celui de 1867.

C’est donc la version parisienne la plus complète qui soit!

 

En 1993, James Levine enregistre en studio (Sony) une version de Modène inédite.

Avec la traduction du Ier acte de 1866 (et non plus 1867) nous avons ici la version italienne intégrale.

Michael Sylvester, Dolora Zajick et Samuel Ramey y sont par ailleurs excellents, mais Ferruccio Furlanetto est encore un peu trop jeune pour Philippe II.

15 ans plus tard à Paris, le constat est clair : c'est l'un des plus grands interprètes actuels de Philippe II.

 

En 1996, le Châtelet monte la version parisienne avec un casting prestigieux (Karita Mattila, Roberto Alagna, Thomas Hampson, Jose van Dam, Waltraud Meier).

A y regarder de plus près, cette version est un peu trafiquée. C'est bien la version de 1867, mais sans le ballet, avec une coupure dans le chœur de l’acte III et la suppression quasi intégrale du final à Saint Just.

En revanche l'air de Rodrigue 'J'étais en Flandres', le duo Elisabeth/Eboli (aveu d'adultère avec le roi) et le final de l'acte IV (déploration de Rodrigue et échange Elisabeth/Eboli) de 1866 sont rétablis.

Le DVD est un achat obligatoire rien que pour la beauté de l’ensemble.

 

Le 25 octobre 1970, le Staatsoper de Vienne lâche sur scène Franco Corelli, Gundula Janowitz, Shirley Verrett, Eberhard Waechter et le duo Inquisiteur/Philippe II du siècle : Martti Talvela/Nicolai Ghiaurov.

Sous la direction de Horst Stein, la version IV actes de 1884 trouve une interprétation intense dans un son live très correct (stéréo) qu'au moins 5 labels proposent à l'écoute (Rodolphe, Myto, Opera d'Oro, Gala, Orfeo d'Or).

 

Pour aller plus loin, revenir à la rubrique Histoire de l'Opéra

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Publié le 30 Juillet 2007

Ce chapitre répertorie les liens vers les articles de ce blog qui présentent au lecteur une analyse détaillée et visuelle la plus compréhensible possible des ouvrages ayant connu au cours du temps plusieurs versions. On y retrouve Don Carlo et Don Carlos, mais également Benvenuto Cellini, Faust, Les Contes d'Hoffmann, Prince Igor, Boris Godounov et Maometto II / Le Siège de Corinthe.

Les lecteurs sont également invités à proposer des sujets d'études qui les intéressent.

L'esprit de ces articles est de restituer en quelques instants, par un travail de présentation lisible, la complexité de ces remaniements. Il suffit de cliquer sur les liens ci-dessous pour y accéder :

Hamlet (Ambroise Thomas)

Maometto II et Le siège de Corinthe (Gioachino Rossini)

Faust (Charles Gounod)

Les Contes d'Hoffmann (Jacques Offenbach)

Prince Igor (Alexandre Borodine)

Boris Godounov (Modest Moussorgski)

Benvenuto Cellini (Hector Berlioz)

Don Carlos (Giuseppe Verdi)

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