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Publié le 6 Novembre 2022

Mayerling (Kenneth MacMillan – 1978)
Représentations du 26 octobre et 04 novembre 2022
Palais Garnier

Prince Rudolf Mathieu Ganio
Baronne Mary Vetsera Ludmila Pagliero
Comtesse Marie Larisch Laura Hecquet
Princesse Stéphanie Eleonore Guérineau
Empereur Franz Joseph Yann Chailloux
Impératrice Elizabeth Héloïse Bourdon
Mitzi Caspar Bleuenn Battistoni
Princesse Louise Charline Giezendanner
Bratfisch Andréa Sarri
Colonel Bay Middleton Jérémy Loup-Quer (26), Pablo Legasa (04)
Les officiers  Pablo Legasa (26), Nikolaus Tudorin (04), Mathieu Contat, Guillaume Diop et Grégory Dominiak
Katharina Schratt Juliette Mey

Chorégraphie Kenneth MacMillan (1978)
Direction musicale Martin Yates
Compositeur Franz Liszt
Orchestration John Lanchberry
Extraits de Faust Symphonie S108; Héroïde funèbre S102; Waltzes Soirées de Vienne S427; Cinq petites pièce pour piano S192 (2); Valse mélancolique S210; Festklänge, S101; Morceaux en style de danses anciennes hongrois (S737); Sept portraits hongrois, S205 (1-2, 5, 7); Valse oubliée S215/2; Berceuse, S174; Tasso S96; Études d’exécution transcendante S139 (3-4, 11-12); Weihnachtsbaum, S186/7; ‘Csárdas obstiné’ S225/2; Mephisto Waltz No.1 S110/2; Fleurs mélodiques des Alpes S156/2; Consolation S172/1; Ich Scheide S319; Mephisto Polka S217; Vallée d'Obermann S156/4; Die Ideale S106; Danse hongroise S245/4; Funérailles S173/7

Le drame de Mayerling, petit hameau situé au sud-ouest de Vienne, qui s’est déroulé dans la nuit du 29 au 30 janvier 1889, est un sujet passionnant pour sa dimension historique teintée de mystère irrésolu. Il implique l’archiduc héritier de la couronne des Habsbourg, Rodolphe, dont la disparition aura pour conséquence la désignation, 7 ans plus tard, de François-Ferdinand comme héritier du trône impérial, avant qu’il ne soit assassiné à Sarajevo le 29 juin 1914. 

Cette affaire privée est donc un évènement parmi tous ceux qui jalonnent la marche vers le déclin de l’Empire d’Autriche et l’entrée dans la première Guerre Mondiale.

Mathieu Ganio (Prince Rudolf) et Ludmila Pagliero (Mary Vetsera)

Mathieu Ganio (Prince Rudolf) et Ludmila Pagliero (Mary Vetsera)

Le cinéma s’est d’ailleurs emparé assez tôt de cette histoire, d’abord avec la version lumineuse et poétique d’Anatole Litvak, en 1936, qui réunit Danielle Darrieux et Charles Boyer, puis il y eut celle de Jean Delannoy en 1949, ‘Le Secret de Mayerling’, où figurent Jean Marais et Dominique Blanchar, et enfin vint s'imposer la version plus célèbre de Terence Young qui afficha Omar Sharif et Catherine Deneuve en 1968.

Puis, le 14 février 1978, jour de la Saint Valentin, le ballet du Royal Opera House de Londres interpréta une version chorégraphique de ‘Mayerling’ créée par Kenneth MacMillan qui aura connu 146 représentations au 30 novembre 2022 (ce ballet est repris à Londres au même moment qu'il est créé à Paris à l'automne 2022).

Mathieu Ganio (Prince Rudolf) et Laura Hecquet (Marie Larisch)

Mathieu Ganio (Prince Rudolf) et Laura Hecquet (Marie Larisch)

L’entrée au répertoire de l’Opéra de Paris de cette version, dans les décors et costumes issus des ateliers de l’institution parisienne, est donc un grand évènement, salué par le public tous les soirs, parce qu’il permet d’aller à la rencontre d’un profil psychologique noir et très intéressant.

Car la vision que présente Kenneth MacMillan de Rodolphe est celle d’un jeune homme en révolte contre une cour qui l’oppresse, et qui en souffre au point d’être engagé dans une quête suicidaire de la femme avec laquelle il pourra inscrire définitivement leur amour dans la mort.

L’histoire est complexe à suivre et nécessite d’être étudiée en amont, d’autant plus que pas moins de 6 femmes interviennent dans la vie du Prince

Mathieu Ganio (Prince Rudolf) et Héloïse Bourdon (Impératrice Elizabeth)

Mathieu Ganio (Prince Rudolf) et Héloïse Bourdon (Impératrice Elizabeth)

Il y a d’abord Stéphanie, qu’il a épousé mais qu’il n’aime pas, puis Louise, la sœur de sa femme, qu’il courtise par jeu, puis sa mère, l’Impératrice Elisabeth, plus connue sous le nom de Sissi, qui lui témoigne peu d’amour, voir aucun, la Comtesse Marie Larisch, son ancienne amante qui le comprend le mieux, Mizzi Caspar, la courtisane qui refusera de mourir avec lui, et enfin Mary Vetsera qui, elle, va s’éprendre pour lui d’un amour romantique et dangereux qui aboutira au double suicide final.

Ludmila Pagliero (Mary Vetsera)

Ludmila Pagliero (Mary Vetsera)

Dans la première partie, toute la pompe et la lourdeur de la cour impériale sont restituées dans les décors sombres où se devinent les colonnes de portraits de la Hofburg de Vienne. Mathieu Ganio incarne un Prince qui se livre à contre cœur aux règles formelles, et dans sa danse transparaissent des petites faiblesses à respecter le classicisme de la chorégraphie initiale. La relation affective à sa mère qui le dédaigne est poignante, au point de clairement faire apparaître qu’elle est un élément d’explication du comportement destructeur qui va suivre.

Ludmila Pagliero (Mary Vetsera) et Mathieu Ganio (Prince Rudolf)

Ludmila Pagliero (Mary Vetsera) et Mathieu Ganio (Prince Rudolf)

Car à partir du développement de sa relation avec Mary, au second acte, on peut voir le grand tragédien prendre le dessus, se plier à la gestuelle piquée et torturée, et décrire un magnifique portrait d’un homme qui plonge dans le désespoir avec de la détermination et une véritable profondeur.

Il faut dire que Ludmila Pagliero est pour lui une immense partenaire. Tonicité aussi bien dans l’impulsivité que la délicatesse, sens du tragique, perfection du jeu, expressivité de ses torsions, tout est juste dans sa manière de faire vivre Mary et d’en faire une femme forte maîtresse de ses désirs. Une simple robe légère noire suffit à suggérer l’âme de cette femme qui progressivement se révèle.

Eleonore Guérineau (Princesse Stéphanie)

Eleonore Guérineau (Princesse Stéphanie)

Et les autres partenaires de Mathieu Ganio sont tout aussi signifiantes dans leurs rôles respectifs, Eleonore Guérineau dans le très beau solo aux formes galbées qui se mue en duo faussement joyeux pour en révéler sa tristesse quand Stéphanie finit par ployer sous la violence ironique du Prince, Laura Hecquet, qui incarne une femme blessée mais prévenante, conventionnelle et fluide, et guidée par le souvenir d’un bonheur disparu, ou bien la sophistication de Bleuenn Battistoni, nommée première danseuse quelques jours plus tard le 05 novembre, très assurée et déjà excellente comédienne dans la rôle de Mitzi.

Ce qui frappe également, dans cette production, est à quel point l’Impératrice, jouée avec allure par Héloïse Bourdon, est un personnage froid, manipulateur et bien peu sympathique.

Pablo Legasa (Officier hongrois) - représentation du 26 octobre 2022

Pablo Legasa (Officier hongrois) - représentation du 26 octobre 2022

Mais il y a aussi les quatre officiers hongrois qui représentent l’inspiration libérale et libertaire nécessaire à l’équilibre de Rodolphe. Le premier d’entre-eux est incarné pour un soir par Pablo Legasa, splendide de tenue et excellent dans son jeu trouble, et un autre soir par Nikolaus Tudorin, d’une vivacité qui en fait tout son panache.

Enfin, impeccable de droiture, le Bratfisch très inspiré d’Andréa Sarri fait tout autant grande impression.

La chorégraphie de Kenneth MacMillan atteint sa plus haute vérité expressive dans les grands pas de deux qui donnent beaucoup de force aux fins des 3 actes, d'autant plus qu’ils sont associés au meilleur de la musique de Franz Liszt extraite des ‘Études d’exécution transcendante’. La réorchestration symphonique de John Lanchberry accroit l'ampleur tragique de ces passages, qui résonne avec des sonorités bien connues de la musique de Tchaikovski ou bien de Rachmaninov.

Mathieu Ganio (Prince Rudolf) et Bleuenn Battistoni (Mitzi Caspar)

Mathieu Ganio (Prince Rudolf) et Bleuenn Battistoni (Mitzi Caspar)

On retrouve aussi cette noirceur romantique dans la ‘Faust Symphonie‘, l’ ‘Héroïde funèbre’ et les ‘Funérailles’ qui ouvrent et ferment le ballet sur l’image du corps de Mary amenée vers un cercueil afin d’effacer les traces du drame. 

Mais à d’autres moments, la musique est plus triviale, dans la scène de cabaret par exemple, ce qui engendre une traduction chorégraphique un peu trop illustrative, et à d’autres moments, à l’instar de la scène des cartes, elle devient plus inspirée, alors qu’il ne se passe pas grand-chose sur scène. L’épisode de la partie de chasse qui débute le 3e acte reste par ailleurs très convenu sans qu’il ne soit utilisé de manière déterminante dans le discours dramaturgique.

Et au cœur du second acte, quelques minutes de recueillement sont dévouées à l'écoute d'un des lieder de Franz Liszt 'Ich Scheide', composé en 1860, qui est interprété par une jeune artiste lyrique, Juliette Mey, qui incarne Katharina Schratt, actrice autrichienne qui fut une amie de l'Empereur Franz Joseph.

Juliette Mey (Katharina Schratt) interprétant 'Ich Scheide'

Juliette Mey (Katharina Schratt) interprétant 'Ich Scheide'

Il n’y a donc pas une unité stylistique tout au long du ballet, et Martin Yates tire de la musique de Liszt des sonorités un peu trop rêches sans donner un élan suffisamment enlevé, même si lors de la soirée du 04 novembre l’orchestre a paru plus dense et chaleureux.

Mais un tel sujet est si inspirant que, paradoxalement, l’entrée tardive de ‘Mayerling’ au répertoire de la maison suggère déjà qu’il serait un parfait sujet pour une version moderne de cette histoire, aussi bien sur le plan musical que chorégraphique.

Pablo Legasa, Ludmila Pagliero, Mathieu Ganio et Laura Hecquet

Pablo Legasa, Ludmila Pagliero, Mathieu Ganio et Laura Hecquet

Matinée du 01 novembre 2022

Fortement sollicitant pour les danseuses et danseurs, ‘Mayerling’ est joué tous les soirs , si bien que plusieurs distributions sont prévues.

L’une d’elles fait intervenir dans les deux rôles principaux un couple différent de celui formé par Ludmila Pagliero et Mathieu Ganio, car bien plus jeune, qui réunit Hohyun Kang et Paul Marque.

Hohyun Kang (Mary Vetsera) et Paul Marque (Prince Rudolf)

Hohyun Kang (Mary Vetsera) et Paul Marque (Prince Rudolf)

Le danseur étoile joue un personnage plus fin et élégant dans la gestuelle classique, mais aussi plus dur de tempérament. L’alliage avec la danseuse coréenne, qui a été promue ‘sujet’ à l’issue du concours annuel du corps de ballet qui s’est tenu au Palais Garnier les 4 et 5 novembre, fonctionne à merveille, et Hohyun Kang renvoie une image de pureté dramatique qui éblouit par sa virtuosité.

L’histoire de ce couple gagne ainsi en fraîcheur et spontanéité, ce qui contraste avec la noirceur perverse plus mortifère de leurs aînés.

Paul Marque et Hohyun Kang

Paul Marque et Hohyun Kang

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Publié le 8 Mai 2022

Mats Ek (Carmen – Another Place - Boléro)
Répétition générale du 04 mai 2022
Palais Garnier

Carmen (Georges Bizet - Rodion Chtchedrine)
Ballet créé le 15 mai 1992 par le ballet Cullberg à la Maison de la Danse de Stockholm
Carmen Letizia Galloni
Don José Simon Le Borgne
M Ida Viikinkoski
Escamillo Florent Melac
Gipsy Takeru Coste
Capitaine Daniel Stokes

Another Place (Franz Liszt - Sonate pour piano en si mineur)
Ballet créé le 22 juin 2019 pour le Ballet de l’Opéra de Paris
Pièce dédiée à Agnes de Mille
Soliste Femme Alice Renavand
Soliste Homme Mathieu Ganio

Boléro (Maurice Ravel)
Pièce dédiée à Sven
Artistes du corps de Ballet de l’Opéra de Paris
Avec la participation exceptionnelle d’Yvan Auzely    
Ida Viikinkoski et Simon Le Borgne

Chorégraphie Mats Ek
Piano Staffan Scheja
Direction musicale Jonathan Darlington

La reprise des trois ballets de Mats Ek entrés au répertoire de l’Opéra de Paris le 22 juin 2019 est l’occasion de retrouver trois œuvres musicales classiques révisées par le regard audacieux, et parfois cruel, du chorégraphe, et de retrouver également le chef d’orchestre Jonathan Darlington qui les dirigeait à leur création. Il célèbre ainsi ses 31 ans de relation avec la maison puisque c’est comme assistant de Myung Yun Chung qu’il y fit ses débuts pour la première saison de l’Opéra Bastille où il dirigea, en janvier 1991, 'Les Noces de Figaro' dans la production de Giorgio Strehler.

Florent Melac (Escamillo), Letizia Galloni (Carmen) et le corps de Ballet

Florent Melac (Escamillo), Letizia Galloni (Carmen) et le corps de Ballet

Mais d'abord, petit retour en arrière : le 20 avril 1967, entra au répertoire du Théâtre du Bolshoi une version de 'Carmen' chorégraphiée par Alberto Alonso sur une musique de Rodio Chtchedrine, et arrangée pour cordes et 47 percussions d’après le célèbre opéra de Georges Bizet. 'Carmen Suite', dénommée ainsi, offrit un superbe rôle à Maya Plitsetskaya, la femme du compositeur russe, qu’elle dansera 350 fois jusqu’à l'âge de 65 ans.

Cette version traditionnelle bourrée de clichés hispanisants est toujours à l’affiche de l’institution moscovite, mais, révisée par Mats Ek, elle porte un regard impitoyable et bien moins souriant malgré ses grandes scènes de vie où les danseurs crient, s’exclament et vivent comme dans la rue. 

Carmen Suite

Carmen Suite

Les ensembles colorés ont parfois des allures de danse indienne populaire, mais les solistes sont considérés avec un sens de l’expressivité tout à fait unique. Simon Le Borgne est un Don José où tout dans les postures, le poids sur les épaules et le regard noir font ressentir comment un homme est en train de devenir fou et de s’effondrer intérieurement, après que Carmen lui ait déchiré le cœur en retirant de son torse un dérisoire foulard rouge. Il représente le contraire du danseur doucereusement romantique, et il apparaît tel un garçon auquel le spectateur d’aujourd’hui pourrait facilement s’identifier car il dessine des portraits pulsés et très fortement expressionnistes comme s’il faisait vivre sur scène des personnages peints par Egon Schiele

La manière dont on le voit s’enfermer dans ses obsessions alors que la musique devient circulaire et répétitive à la manière de Philip Glass laissera une empreinte totalement indélébile.

Letizia Galloni (Carmen) et Simon Le Borgne (Don José)

Letizia Galloni (Carmen) et Simon Le Borgne (Don José)

Et dans ce ballet, Carmen, livrée aux élans fluides, aux postures sexuellement provocantes et à la grâce de Letizia Galloni, est parfaitement montrée pour que notre regard voit que tout ce qu’elle incarne est faux et que Don José se leurre, même quand elle semble tendrement compatissante. Il ne s'agit plus du tout d'une œuvre sur la liberté mais sur les erreurs de regard. 

Ida Viikinkoski, formidablement ductile et courbée de douleur pour essayer de faire revenir Don José à la raison, est éblouissante de présence féline ondoyante, et Jonathan Darlington fait vivre la musique avec un très beau relief, ample et chaleureux, tout en restant dans un choix de rythmes précis et mesurés qui créent un liant à la fois dense et fin.

Mathieu Ganio

Mathieu Ganio

Après un tel ouvrage qui occupe la moitié de la soirée, succède une pièce spécialement conçue pour Aurélie Dupont avec laquelle elle fit sa dernière apparition sur scène en juin 2019, 'Another place'.

Sur la ‘Sonate pour piano en si mineur’ de Franz Liszt dont Staffan Scheja adoucit la brutalité et approfondit une lumineuse noirceur, Alice Renavand et Mathieu Ganio, elle, sévère et impressionnante par sa manière de diriger et laisser aller son corps avec un semblant de total détachement, lui, étonnant d’assurance à incarner l’homme ordinaire, se cherchent autour d’une petite table en faisant vivre le pathétique d’un couple qui ne se trouve pas, même dans les reflets des glaces du foyer de la danse qui s’ouvre spectaculairement sur tout le lointain de la scène Garnier.

Regard d'enfant sur Alice Renavand dans 'Another place'

Regard d'enfant sur Alice Renavand dans 'Another place'

L’atmosphère de cette œuvre, belle de désespoir, est ponctuée d’intrépides et dérisoires petits gestes corporels, comme s'il y avait dans ce couple un refus de céder au bonheur romantique, une rigidité intellectuelle qui se garde des illusions.

Et dans la continuité d’un simple fondu enchaîné qui se déroule sur cette même scène totalement ouverte sur ses coulisses sans fard et artifices, un homme en complet beige au regard caché par son chapeau se met à faire des va-et-vient avec un sceau afin de remplir patiemment une baignoire alors que des danseurs et danseuses mollets à vif et vêtus de noir entament une chorégraphie ludique, comme des jeunes de rue qui se retrouvent pour préparer quelque chose d’inattendu, alors que des ombres sinueuses se projettent progressivement au sol.

Alice Renavand et Mathieu Ganio

Alice Renavand et Mathieu Ganio

Les mouvements répétitifs de la musique auxquels répondent ceux de l’homme et des jeunes font énormément penser à l’art vidéographique de Bill Viola qui pousse l’observateur à suivre méticuleusement une scène de vie, dans la nature ou en ville, semblant dérouler son cours à l’infini avant que, subitement, les évènements ne se précipitent et bousculent tout. 

Cette montée de la cristallisation d’un évènement est ici imagée par la musique qui va crescendo avec des sonorités qui deviennent de plus en plus massives et semblent solidifier la structure de l’orchestration dès lors que la relation entre les jeunes et l’homme vire à la confrontation et la dérision, et s'achève par un splendide et comique pied-de-nez quand ce dernier accélère sa gestuelle brutalement et se jette tout habillé dans le bain qu’il se préparait depuis un quart d’heure.

Boléro de Ravel

Boléro de Ravel

Une façon de finir la soirée sur une note de légèreté et d’absurde qui invite à sourire de la vie de manière désabusée.

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Publié le 29 Mars 2022

Concert pour la Paix 
Représentation du 27 mars 2022
Palais Garnier

Giuseppe Verdi
La forza del destino « Ouverture », « Pace, pace mio Dio » - Liudmyla Monastyrska
Macbeth « Patria oppressa » - Chœur et Orchestre de l’Opéra de Paris
Kyrylo Stetsenko
« Pisni moji » - Russell Braun, Piano Olga Dubynska
Serguei Rachmaninov
«Ne poy, Krasavitsa pri mne» - Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Piano Olga Dubynska
Claude Debussy 
"Clair de lune"Chorégraphie Alastair Marriott - Mathieu Ganio, Piano Elena Bonnay
Serguei Rachmaninov
« Polyubila ya na pechal' svoyu » - Emanuela Pascu, Piano Olga Dubynska
Taras Chevtchenko
« Reve ta Stohne Dnipr shirokyy » - John Daszak, Piano Olga Dubynska
Mykola Lyssenko
« Na pivnochi, na kruchi » - John Daszak, Russell Braun, Piano Olga Dubynska
Body and SoulChorégraphie Crystal PiteMusique Frédéric Chopin - Marion Barbeau, Simon Le Borgne
Modeste Moussorgski
« Prière des Streltsy » - Chœur et Orchestre de l’Opéra de Paris

Concert pour la Paix - dimanche 27 mars 2022 - Palais Garnier

Pietro Mascagni « Cavalleria rusticana » - Chœur et Orchestre de l’Opéra de Paris
Georges Bizet
« Carmen suite » - Chorégraphie Alberto Alonso - Alexander Stoyanov, Kateryna Kukhar
Richard Wagner
« Wesendonck Lieder No. 5, Träume » - Marie-Andrée Bouchard-Lesieur
Camille Saint-Saëns
La Mort du cygne - Chorégraphie Mikhael Fokine / Serge Lifar - Dorothée Gilbert, Violoncelliste Aurélien Sabouret, Piano Ryoko Hisayama
Vincenzo Bellini
« Casta Diva », Norma - Liudmyla Monastyrska
Le Parc musique Wolfgang Amadeus Mozart - Chorégraphie Angelin Preljocaj - Alice Renavand, Stéphane Bullion, Piano Jean-Yves Sebillotte
Giuseppe Verdi
Nabucco « Va pensiero » - Chœur et Orchestre de l’Opéra de Paris

Direction musicale Carlo Rizzi
Cheffe des chœurs Ching-Lien Wu

Après le Théâtre du Châtelet et la Salle Favart, le Palais Garnier présentait en ce dimanche soir un concert mêlant symphonies lyriques, airs d’opéras, mélodies russes et ukrainiennes, chœurs monumentaux et extraits de ballets.

Liudmyla Monastyrska - 'Pace, pace mio Dio' (La Force du destin)

Liudmyla Monastyrska - 'Pace, pace mio Dio' (La Force du destin)

En début de ce spectacle introspectif fortement évocateur et très bien conçu afin de restituer tous les sentiments en jeu envers les victimes de la guerre en Ukraine, l’énergie un peu rude de Carlo Rizzi avait quelque chose d’implacable pour l'ouverture de la ‘Force du destin’, et le « Pace, pace mio Dio » de Liudmyla Monastyrska, chanté avec un timbre d’airain ambré et ému, s’achevait même sur un splendide bras protecteur tendu vers le ciel.

Chœur de l'Opéra national de Paris - ‘Patria Oppressa’ (Macbeth)

Chœur de l'Opéra national de Paris - ‘Patria Oppressa’ (Macbeth)

D’une grande force tellurique, le ‘Patria Oppressa’ composé par Verdi pour la version parisienne de ‘Macbeth’ ne pouvait être alors plus juste, chant déploratif d’un peuple contre lequel un Roi cherchait à éliminer ses enfants.

Emanuela Pascu - 'Polyubila ya na pechal' svoyu' (Rachmaninov)

Emanuela Pascu - 'Polyubila ya na pechal' svoyu' (Rachmaninov)

Si le «Ne poy, Krasavitsa pri mne» de Rachmaninov interprété par Marie-Andrée Bouchard-Lesieur avec sobriété et une belle assurance, au son des accords terriblement sombres d’Olga Dubynska, était connu, les autres airs russes et ukrainiens étaient plutôt une découverte, qu’ils soient vécus avec le tranchant d’ivoire d’ Emanuela Pascu, ou la clarté puissante aux éclats très marquants de John Daszak.

 Mathieu Ganio - 'Clair de Lune'

Mathieu Ganio - 'Clair de Lune'

Puis, il y eut la solitude élancée de Mathieu Ganio au ‘Clair de Lune’, et le fameux duo de ‘Body and Soul’ dansé par Marion Barbeau et Simon Le Borgne en s’alliant avec finesse au texte énoncé.

Russell Braun et John Daszak - 'Na pivnochi, na kruchi Mykola' (Lyssenko)

Russell Braun et John Daszak - 'Na pivnochi, na kruchi Mykola' (Lyssenko)

Et la prière finale de ‘La Khovantchina’ que nous entendions encore sur la scène Bastille quelques jours avant l’agression russe s’est achevée dans un murmure tout en retenue. Mais aujourd’hui, c’est un peuple tourné vers l’avenir et vers la liberté qui est opprimé par le retour de l’ancienne Russie.

Marie-Andrée Bouchard-Lesieur - ‘Traüme’ (Richard Wagner)

Marie-Andrée Bouchard-Lesieur - ‘Traüme’ (Richard Wagner)

Ouvrant de façon plus conventionnelle sur l’intermezzo de ‘Cavalleria rusticana’ et un extrait de ‘Carmen suite’ – passage incarné par deux artistes de l’Opéra National d’Ukraine, Alexander Stoyanov et Kateryna Kukhar -, la présence centrale de Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, offrant un ‘Traüme’ chanté avec orchestre sur une scène hantée par la pénombre, permettait l’épanouissement d’une intériorité profonde, avant que l’on ne retrouva les ondoyances immatérielles de Dorothée Gilbert dans le ‘Chant du Cygne’ et la fraîcheur d’Alice Renavand et Stéphane Bullion, tournoyant d’amour sur l’adagio du concerto pour piano n°23 de Mozart. Comme un appel à l’espérance, en fait.

Alice Renavand et Stéphane Bullion - Le Parc (Preljocaj)

Alice Renavand et Stéphane Bullion - Le Parc (Preljocaj)

Liudmyla Monastyrska s’est jointe enfin au Chœur, d’abord pour interpréter un ‘Casta Diva’ dans une tonalité très intériorisée, puis pour se fondre dans la solennité du chœur des esclaves de ‘Nabucco’.

Kateryna Kukhar, Olga Dubynska et Liudmyla Monastyrska

Kateryna Kukhar, Olga Dubynska et Liudmyla Monastyrska

La soirée avait pour finalité de réunir des fonds pour le collectif Alliance urgences en Ukraine, aussi modestes qu’ils soient au vu de la situation, véritablement dans un esprit réflexif et non démonstratif.

Kateryna Kukhar, Carlo Rizzi, Ching-Lien Wu, Olga Dubynska et Liudmyla Monastyrska

Kateryna Kukhar, Carlo Rizzi, Ching-Lien Wu, Olga Dubynska et Liudmyla Monastyrska

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Publié le 2 Janvier 2022

Don Quichotte (Marius Petipa / Ludwig Minkus – 1869)
Représentation du 31 décembre 2021
Opéra Bastille

Kitri (et Dulcinée) Sae Eun Park
Basilio Hugo Marchand
Espada Thomas Docquir
La danseuse de rue Célia Drouy
Don Quichotte Yann Chailloux
Sancho Pança Aurélien Gay
Gamache Cyril Chokroum
Lorenzo Mathieu Contat
Le gitan Antonio Conforti
La Reine des Dryades Camille Bon
Cupidon Marine Ganio

Corps de ballet de l’Opéra national de Paris

Chorégraphie Rudolf Noureev (1966) d’après Marius Petipa et Alexander Gorski
Décors Alexander Beliaev
Costumes Elene Rivkina

Musique Ludwig Minkus dans l’orchestration de John Lanchbery
Direction musicale Valery Ovsyanikov
Orchestre de l’Opéra national de Paris (Musique enregistrée)

Après Le Lac des Cygnes et La Belle au bois dormant montés respectivement pour l’Opéra de Vienne le 15 octobre 1964 et le 22 septembre 1966 pour la Scala de Milan, Don Quichotte est le troisième ballet de Marius Petipa que Rudolf Noureev adapta en s’inspirant principalement de la version d’Alexander Gorski (maître de ballet au Bolchoï en 1900) sur laquelle il avait dansé au Théâtre Mariinsky en 1959 et 1960, et qui avait pour point fort de développer la théâtralité de tous les danseurs plutôt que de miser principalement sur les effets visuels. 

Hugo Marchand (Basilio), Sae Eun Park (Kitri) et Yann Chailloux (Don Quichotte)

Hugo Marchand (Basilio), Sae Eun Park (Kitri) et Yann Chailloux (Don Quichotte)

Il ramena les cinq actes à trois actes et un prologue, et demanda au chef et compositeur anglo-australien John Lanchbery de réorchestrer la partition en même temps que l’argumentation était révisée. C’est cette version qui remporta un immense succès public à l’Opéra de Vienne le 01 décembre 1966, puis à l’Australian Ballet en 1970 avec lequel Rudolf Noureev réalisa une version filmée de son Don Quichotte. Ses talents de cinéaste se révélèrent, et ce goût pour le récit par le théâtre et le cinéma imprègnera plus tard ses futurs ballets tels Roméo et Juliette ou Cendrillon de Prokofiev.

Sae Eun Park (Kitri)

Sae Eun Park (Kitri)

C’est à l’invitation de Rosella Hightower, directrice de la danse à l’Opéra et fondatrice d’un centre de danse international à Cannes, que la production de Don Quichotte par Rudolf Noureev fait son entrée au Palais Garnier le 06 mars 1981 avec Elisabeth Platel dans le rôle de la Reine des Dryades, et Rudolf Noureev en Basilio lors de la seconde représentation.

Et à l’issue de la soirée du 31 décembre 1998, Aurélie Dupont est nommée danseuse étoile à l’âge de 25 ans dans le rôle de Kitri avec pour partenaire un autre danseur étoile nommé dix ans plus tôt par Rudolf Noureev, Manuel Legris.

Hugo Marchand (Basilio)

Hugo Marchand (Basilio)

Enfin, lors du transfert de la production sur la scène Bastille le 15 avril 2002, les décors inspirés de Cervantès et Goya conçus par Nicholas Georgiadis sont remplacés par les nouveaux décors d’Alexander Beliaev et les costumes d’Elene Rivkina qui mêlent réalisme et raffinement des architectures du passé sous des lumières souvent plus sombres et intériorisées. Il s’agit toujours de la représentation d’une Espagne exotique, mais un peu moins artificielle que la version russe du Mariinski.

Hugo Marchand (Basilio), Sae Eun Park (Kitri) et le Corps de Ballet de l'Opéra de Paris

Hugo Marchand (Basilio), Sae Eun Park (Kitri) et le Corps de Ballet de l'Opéra de Paris

La représentation de ce 31 décembre 2021 relève du miracle, car en pleine dégradation de la situation sanitaire, quatre représentations (les 14, 24, 25 et 28 décembre) ont du être annulées ainsi que celle du 02 janvier 2022.

Et l’orchestre ayant connu trop de cas contacts, il est remplacé par un enregistrement sonore réalisé quelques jours auparavant.

Hugo Marchand (Basilio) et Sae Eun Park (Kitri)

Hugo Marchand (Basilio) et Sae Eun Park (Kitri)

La première surprise est que du point de vue de l’auditeur la restitution a un effet remarquablement naturel dans la salle, depuis le premier balcon en tout cas, et préserve très bien l’immersivité musicale du spectacle. Le moelleux et la fluidité de la direction orchestrale s’apprécient pleinement, mais les danseurs ne peuvent plus compter sur la présence d’un chef pour contrôler le rythme des musiciens et doivent donc en permanence rester caler sur la bande son.

Don Quichotte (Yann Chailloux), Aurélien Gay (Sancho Pança) et Cyril Chokroum (Gamache)

Don Quichotte (Yann Chailloux), Aurélien Gay (Sancho Pança) et Cyril Chokroum (Gamache)

La vitalité de la musique de Ludwig Minkus, descriptive et facile d’imprégnation, associée à une trame narrative compréhensible même pour les plus jeunes, et qui ne comprend qu’un seul tableau à la rigueur géométrique et formelle, en font un spectacle tout public au sens le plus large possible, et l’engouement de tous les danseurs et danseuses de l’Opéra à faire vivre un esprit festif et spontané contribue grandement à sa réussite. Les coloris des costumes extrêmement variés, verts flashy pour les toréadors, rouges, bleus, dorés, avec un esprit de fantaisie, révèlent aussi un goût pour les feux d’artifice, mais avec quand même des zones d’ombre lorsque le personnage de Don Quichotte, pur rêveur et observateur, survient. 

Sae Eun Park (Kitri)

Sae Eun Park (Kitri)

Nommée danseuse étoile le 10 juin 2021 à l’issue de la première représentation de Roméo et Juliette, Sae Eun Park a également réalisé sa prise de rôle de Kitri deux jours auparavant, le 29 décembre, et pour cette seconde soirée elle s’approprie un personnage avec une maîtrise éblouissante et une intrépidité souriante qui atteignent leur paroxysme lors de la dernière variation du troisième acte dansée avec une verticalité parfaite et des effets d’accélérations saisissants.

Subtilement taquine avec un très fort sens de son axe de vie, elle rivalise d’impétuosité sans donner le moindre sentiment de fragilité, et pourrait bien devenir une figure iconique de ce ballet.

Hugo Marchand (Basilio) et Alexandre Boccara et Milo Avêque (Les pêcheurs)

Hugo Marchand (Basilio) et Alexandre Boccara et Milo Avêque (Les pêcheurs)

Son partenaire, Hugo Marchand, majestueux par son envergure et l’ampleur de ses sauts, renvoie aussi une image de solidité souveraine et enjouée sur la scène. Il y a en lui comme une envie d’emmener l’autre dans sa vision d’un monde où tout est possible et rien n’est une menace, car lui même dégage un sentiment de sécurité et de confiance palpable.

Hugo Marchand (Basilio) et Sae Eun Park (Kitri)

Hugo Marchand (Basilio) et Sae Eun Park (Kitri)

La relation avec les danseurs qui incarnent les pêcheurs, comme Milo Avêque ou Alexandre Boccara – ce jeune danseur était l’enfant de Butterfly sur la scène Bastille en 2009 -, est aussi intéressante à suivre car ils jouent un rôle d’impulseurs et d’admirateurs du personnage de Basilio dans lesquels le spectateur peut se projeter.

Antonio Conforti (Le gitan)

Antonio Conforti (Le gitan)

Par ailleurs, si les personnages de Don Quichotte (Yann Chailloux) et Sancho Pança (Aurélien Gay) ne sont que des rôles secondaires, ils sont incarnés avec une vitalité assez rustique, et l’autre duo caricatural formé par Mathieu Contat et Cyril Chokroum en Lorenzo et Gamache s’inscrit dans ce même esprit, ce qui, évidemment, instaure encore plus le couple formé par Hugo Marchand et Sae Eun Park sur un piédestal.

Camille Bon (La Reine des Dryades)

Camille Bon (La Reine des Dryades)

Et lors de la fête sur la place publique, Célia Drouy est charmante de fluidité et idéale de douceur dans les danses espagnoles face à un partenaire, Thomas Docquir, qui campe un Espada fier et volontaire.

L’impression que reflète Antonio Conforti dans la scène des Gitans est tout autre. Ténébreux, tendu comme un arc en mouvement, il est un combattant flamboyant et solennel qui sculpte sa propre poésie intime.

Sae Eun Park (Dulcinée), Marine Ganio (Cupidon) et Camille Bon (La Reine des Dryades)

Sae Eun Park (Dulcinée), Marine Ganio (Cupidon) et Camille Bon (La Reine des Dryades)

Le Rêve de Don Quichotte et ses teintes bleu-violacées est ensuite un moment plus académique et délicat qui permet d’apprécier non seulement la technique précise de Sae Eun Park, quand elle apparaît en Dulcinée, mais aussi son rapport attentif aux autres danseuses aux personnalités très différentes, que ce soit la présence éthérée de Camille Bon en Reine des Dryades ou bien le piquant offensif de Marine Ganio en Cupidon.

Sae Eun Park (Kitri) et Hugo Marchand (Basilio)

Sae Eun Park (Kitri) et Hugo Marchand (Basilio)

Et le retour au démonstratif athlétique lors de la scène de la taverne, et surtout celle du mariage, ouvre à nouveau sur une ambiance fougueuse dont Hugo Marchand et Sae Eun Park sont le puissant couple moteur, mélange d’aisance et de tension sans relâche qui tient le spectateur captif jusqu'au bouquet final. Ils seront la plus belle des images des dernières minutes de cette année 2021.

Sae Eun Park (Kitri) et Hugo Marchand (Basilio)

Sae Eun Park (Kitri) et Hugo Marchand (Basilio)

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Publié le 7 Mars 2015

Le Chant de la Terre – Das Lied von der Erde (Gustav Mahler)
Représentation du 06 mars 2015

Palais Garnier

PROLOGUE  Dorothée Gilbert, Sae Eun Park, Mathieu Ganio, Vincent Chaillet
2 Hommes 1er mouvement  Mathieu Ganio, Vincent Chaillet
3 Couples solistes  Sae Eun Park, Léonore Baulac, Juliette Hilaire, Fabien Revillion, Marc Moreau, Alexis Renaud
COUPLE 2è mouvement  Dorothée Gilbert, Mathieu Ganio
HOMME 3è mouvement  Mathieu Ganio
COUPLE 3è mouvement  Léonore Baulac, Fabien Revillion
TRIO 4è mouvement  Sae Eun Park, Juliette Hilaire, Vincent Chaillet
5è mouvement  Nolwenn Daniel, Marc Moreau, Karl Paquette
TRIO 6è mouvement  Dorothée Gilbert, Mathieu Ganio, Vincent Chaillet

Ténor Burkhard Fritz
Baryton Paul Armin Edelmann
                                                                                        
Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio
Chorégraphie John Neumeier              
Direction musicale Patrick Lange

Ballet de l'Opéra National de Paris

Das Lied von der Erde est une œuvre qui marque la renaissance créative de Gustav Mahler à quelques années de la fin de sa vie. La découverte de Die chinesische Flöte ("La Flûte chinoise"), le nouveau livre de Hans Bethge – un poète allemand fasciné par la culture orientale -, devient pour lui une source d’inspiration et de ressourcement.

Il en extrait six poèmes, tous réadaptés d’écrivains de la période Tang (VIIIème siècle Après J.C), et compose une musique qui puisse traduire son envie de retrouver un goût pour la vie alors que la mort approche.

Vincent Chaillet

Vincent Chaillet

La traduction scénique qu’en fait John Neumeier pour la grande salle du Palais Garnier est d’une symbolique très lisible. Un fantastique disque surplombe l’arrière scène, évoquant une Terre ombrée ceinte du fin liseré bleu de son atmosphère, et qui change de couleurs métalliques au fur et à mesure que la noirceur dépressive se transforme en états d’âme joyeux.

Un jeune homme, Mathieu Ganio, se remémore sa jeunesse, son ami d’enfance, incarné par Vincent Chaillet, leur tendresse, et leur distance lorsque le premier se laisse séduire par une femme pour plonger dans une vie normée à l’instar des autres couples qu’il côtoie.
Le second, lui, reste en retrait, fidèle à ses sentiments, mais réapparaît à plusieurs reprises comme les réminiscences de cette amitié passée.

Mathieu Ganio et Sae Eun Park

Mathieu Ganio et Sae Eun Park

Une cérémonie orientale se déroule en arrière-plan, sur les tons rouges et orangés d’un soleil couchant, et la simplicité de ce rituel se retrouve dans la chorégraphie de John Neumeier. Un certain formalisme dans les rapports entre les êtres, une fluidité qui bannit la moindre tension, une opposition nette avec la culture occidentale qui est cependant évoquée quand les jeunes danseurs apparaissent en costumes de cowboys.
Le groupe de danseurs masculins est beau à voir, bien que rien ne surprenne, et les pas dans les duos masculin-féminin et masculin-masculin créent des rapports effleurant plein de non-dits.

Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio

Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio

Et le final, magnifique sur la disparition progressive du soleil, se conclut par un long silence que le public respectera autant que ceux qui ponctuent les changements de scène au cours de la représentation.

Cependant, malgré l'orchestration enchanteresse de Gustav Mahler, ce spectacle manque de souffle par la trop grande précaution réservée à l’interprétation musicale et vocale.

Patrick Lange ne semble à aucun moment vouloir libérer l’énergie exaltée de l’orchestre, tout est mesuré, dépressif et intimiste jusqu’au-boutiste, purement poétique, et sans romantisme.

Mathieu Ganio et Vincent Chaillet

Mathieu Ganio et Vincent Chaillet

Burkhard Fritz, le Parsifal de Bayreuth 2012 dans la dernière reprise de la production de Stefan Hereim, est malheureusement sans séduction, bien que vaillant, et seul Paul Armin Edelmann apporte un peu de chaleur humaine et une dimension vocale à la hauteur du désespoir qui lutte en musique.

Les danseurs principaux sont irréprochables, excellent Vincent Chaillet dans son personnage noir et introspectif, Mathieu Ganio et son éternelle innocence, Dorothée Gilbert fine et joliment souriante, Sae Eun Park idéalement mystérieuse.
Se ressent cependant un petit manque de conviction parmi les ensembles de danseurs.

Le Chant de la Terre (Neumeier-Gilbert-Chaillet-Ganio-Park) Garnier

C’est donc un spectacle qu’il faudra revoir à sa reprise avec toute la flamme humaine que sa musique et son chant peuvent induire sur la danse.

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