Articles avec #mahler tag

Publié le 17 Décembre 2023

Symphonie n°6 (Gustav Mahler - 27 mai 1906, Essen)
Concert du 09 décembre 2023
Paroisse Notre Dame du Travail – Paris

 

Symphonie n°6 en la mineur ‘Symphonie tragique’
Allegro energico, ma non troppo. Heftig, aber markig
Scherzo. Wuchtig
Andante moderato
Finale. Allegro moderato — Allegro energico

Direction musicale Maxime Pascal
Orchestre Impromptu

 

A l’entrée de l’hiver, du 08 au 17 décembre 2023, l’Orchestre Impromptu offre, en entrée libre, au sein de trois édifices religieux différents de la capitale, la Paroisse Notre Dame du Travail (14e), l’Église Saint-Pierre-de-Chaillot (16e) et Notre-Dame du Perpétuel Secours (10e), une impressionnante représentation de la '6e symphonie' de Gustav Mahler, celle que son épouse, Alma Mahler, indiquait être ‘la plus foncièrement personnelle qu'il ait jamais écrite, celle qui lui a jailli le plus directement du cœur’.

Maxime Pascal et l'Orchestre Impromptu

Maxime Pascal et l'Orchestre Impromptu

Selon les soirs, deux chefs d’orchestre se répartissent la direction, Maxime Pascal pour la première série, et Othman Louati pour la seconde, tous deux issus du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris.

L’Orchestre Impromptu est un grand orchestre amateur de plus de cent musiciens fondé en 1994, qui célébrera ainsi ses 30 ans en 2024, et qui produit chaque année en public une dizaine de concerts dans des églises ou des salles musicales de Paris et d’Île de France.

Ce soir, à la Paroisse Notre Dame du Travail, édifice doté d’une architecture moderne et aérée dont le fer provient du Palais de l'industrie de l'Exposition universelle de 1855, c’est Maxime Pascal qui assure la direction de la '6e symphonie' de Gustav Mahler.

Nef de la Paroisse Notre Dame du Travail

Nef de la Paroisse Notre Dame du Travail

Ce jeune chef d’orchestre dirige l’Orchestre Impromptu depuis 2007, et est également connu pour être le fondateur en 2009 de l’ensemble Le Balcon.

Et pour bien cerner le talent de ce jeune artiste atypique et très curieux, il est possible de l’entendre régulièrement aux Festivals d’été d’Aix-en-Provence et de Salzbourg, et il fait même partie de la liste des 7 chefs d’orchestre que ‘Le Figaro’ a mis en avant dans son édition du 24 octobre 2023 pour succéder à Gustavo Dudamel à la direction de l’Opéra national de Paris.

C’est ainsi avec un enthousiasme débordant et une rigueur rythmique infaillible qu’il mène les musiciens à travers ce voyage dans les ombres et le fracas de la ‘Symphonie Tragique’ de Gustav Mahler – les deux batailles, ‘Allegro energico’ et ‘Scherzo’ sont jouées toutes deux à la suite, avant l’’Andante’ - , dont il tire une excellente unité et une souplesse de forme harmonieuse qui montre d’emblée que cet ensemble n’a pas à rougir au côté des orchestres professionnels français.

Orchestre Impromptu - Maxime Pascal - 6e symphonie de Mahler

De plus, l’acoustique très favorable de la Paroisse Notre Dame du Travail, moins réverbérée que dans d’autres édifices semblables, permet de bien cerner les détails et les accords des différents instruments. Un inévitable, mais mesuré, tassement du son dans les graves reste toutefois perceptible.

Maxime Pascal est absolument fascinant par son engagement physique, insufflant de la tension avec un vrai sens des contrastes, mais aussi de la légèreté dansante, avec une saisissante capacité à redresser l’architecture de l’orchestre pour ensuite le mener à une cadence strictement militaire dans cette marche qui capte fortement l’auditeur.

On peut même l’entendre romantiser le troisième mouvement avec une onctueuse richesse de son, alors que l’orchestre dispense aussi une très belle lumière dans les évanescences aiguës.

Maxime Pascal et l'Orchestre Impromptu

Maxime Pascal et l'Orchestre Impromptu

Le mélange des vents et des cordes et les couleurs qui en ressortent montrent aussi que l’orchestre s’approprie avantageusement le mysticisme mahlérien, et réentendre ces motifs de cuivres à la fois élégiaques et menaçants qui annoncent une fin terrible, crée ensuite une rémanence d’impressions d’inéluctable qui ne vous lâche plus.

Le coup de tonnerre final explose ainsi avec une netteté imparable, et Maxime Pascal arrive enfin à obtenir un très long silence à la toute fin – peut-être d'une durée d'une vingtaine de secondes, voir plus -, ce qui vaut aux musiciens et au chef d’obtenir une standing ovation soudaine et innée de la part du public.

Le site de l'Orchestre Impromptu : Orchestre Impromptu SITE OFFICIEL

Voir les commentaires

Publié le 16 Septembre 2023

3e Symphonie (Gustav Mahler -  9 juin 1902, Krefeld)
Concert du 14 septembre 2023

 

Philharmonie de Paris – Grande salle Pierre Boulez

Ce que me content les Rochers.
Ce que me content les Fleurs des Prés
Ce que me content les Animaux de la Forêt
Ce que me conte l’Homme
Ce que me content les Anges
Ce que me conte l’Amour

Contralto Christa Mayer
Direction musicale Semyon Bychkov
Orchestre de Paris
Chœur de femmes et chœur d'enfants de l'Orchestre de Paris

Après ses retrouvailles avec l’Orchestre de Paris célébrées dans la Grande salle Pierre Boulez en septembre 2021 pour y diriger la 2d symphonie ‘Résurrection’ de Gustav Mahler, Semyon Bychkov renforce ce lien à nouveau renoué pour interpréter la 3e symphonie du compositeur autrichien au cours d’une ouverture de saison musicale particulièrement éblouissante au sein de la capitale.

Christa Mayer et Semyon Bychkov

Christa Mayer et Semyon Bychkov

L’art du chef russe – il est naturalisé américain depuis 1983 – est de pouvoir insuffler une profonde majesté de mouvement à l’orchestre tout en magnifiant la somptuosité des couleurs, et d’obtenir un merveilleux scintillement des cordes tout en faisant vivre de grands courants comme s’il portait un fleuve qui tourne sur lui même dans un ondoiement intensément romantique.

L'Orchestre de Paris

L'Orchestre de Paris

Les sections de cuivres situées en arrière scène, trombones côté cour et cors côté jardin, se fondent avec une chaleur noble et une précision dans les attaques qui sonnent très élancées, et les moments paroxysmiques sont d’une puissance magmatique phénoménale.

Semyon Bychkov et l'Orchestre de Paris

Semyon Bychkov et l'Orchestre de Paris

Effet de spatialisation sereinement immersif pour les solistes installés dans les hauteurs de la philharmonie, légèreté diffuse du souffle du chœur féminin, charme du chœur d’enfants, tout contribue à emmener l’auditeur dans un autre monde, même s’il peut être surpris par l’ampleur épique d’une telle fresque au regard de l’attitude attentive et humble de Semyon Bychkov.

Christa Mayer

Christa Mayer

Dans le 5e mouvement, Christa Mayer fait vivre des impressions d’une noirceur un peu froide mais avec une unité de timbre bien préservée, et tout le dernier mouvement est d’une suavité extrêmement raffinée où l’on sent progressivement des tremblements souterrains monter alors que Semyon Bychkov paraît lui même ébranlé par le tellurisme qu’il entretient avec un calme olympien.

La tension et la clarté des nombreux solistes impliqués sont naturellement splendides, comme on peut l’entendre avec la jeune hautboïste sollicitée dans le solo du dernier mouvement qui décrit un réveil et une élévation, ou bien le timbalier chargé d’impulser des vibrations grandiloquentes et d’une très grande netteté.

Chœur d'enfants de l'Orchestre de Paris

Chœur d'enfants de l'Orchestre de Paris

Ce très beau voyage onirique sera rejoué avec le Philharmonique Tchèque à Baden-Baden puis à Prague au mois de janvier prochain, et pour retrouver Semyon Bychkov dans une œuvre lyrique il faudra attendre la nouvelle production de ‘Tristan und Isolde’ prévue au Festival de Bayreuth 2024.

L'Orchestre de Paris

L'Orchestre de Paris

Voir les commentaires

Publié le 6 Octobre 2022

Eden (de Marini et Valentini à Copland et Portman)
Récital du 05 octobre 2022
Théâtre des Champs-Elysées

Charles Ives The Unanswered Question (1908 – version révisée 1930-1935)
Rachel Portman The First Morning of the World (2021 - Première Française)
Gustav Mahler ‘Ich atmet’ einen linden Duft’ (Rückert-Lieder - 1901)
Biagio Marini ‘Con le stelle in ciel che mai’ (Scherzi e canzonette - 1623)
Josef Myslivecek ‘Toglierò le sponde al mare’ (Adamo ed Eva - 1771)
Aaron Copland ‘Nature, the Gentlest Mother’ (Eight Poems of Emily Dickinson - 1970)
Giovanni Valentini Sonata enharmonica (1619)
Francesco Cavalli ‘Piante ombrose’ ( La Calisto - 1651)
Christoph Willibald Gluck 'Danza degli spettri e delle furie: Allegro non troppo’ (Orfeo ed Euridice - 1764)
Christoph Willibald Gluck ‘Misera, dove son… Ah! non son io che parlo’ (Ezio - 1750)
Georg Friedrich Haendel ‘As with rosy steps the morn’ (Theodora - 1750)
Gustav Mahler 'Ich bin der Welt abhanden gekommen’ (Rückert-Lieder - 1901)

Mise en espace Marie Lambert-Le Bihan
Lumières John Torres

Mezzo-Soprano Joyce DiDonato
Direction et violon Zefira Valova
Ensemble Il Pomo d’Oro
Chœur d’enfants Sotto Voce

C’est au lendemain du concert donné à l’Hôtel de Ville de Paris, le 06 janvier 2003, que Joyce DiDonato fit ses débuts au Théâtre des Champs-Elysées en reprenant le même programme dédié à Henri Dutilleux, Hector Berlioz et Georges Bizet, sous la direction de John Nelson.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

Deux décennies plus tard, et après nombre de récitals et d’opéras en version de concert (Ariodante, Alcina, Agrippina, Theodora, Maria Stuada, Werther) joués sur cette scène, Joyce DiDonato est de retour avenue Montaigne pour interpréter devant le public parisien un spectacle créé sur la base de son dernier album ‘Eden’ (Erato) sorti le 25 février 2022 au lendemain du déclenchement de l’agression russe en Ukraine.

La conception musicale de ce programme mêle des airs italiens, baroques et classiques, au panthéisme mahlérien et à la composition américaine du XXe siècle, et intègre même une création contemporaine.

Mais loin d’être liés chronologiquement, ces différents morceaux sont agencés de manière à dépeindre une évolution spirituelle qui suit une dramaturgie, si l’on peut parler ainsi, bien précise.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

‘The Unanswered Question’ de Charles Ives est un hymne à la contemplation et au mystère de la vie que prolonge, dans le même esprit, ‘The First Morning of the World’ composé en 2021 pour Joyce DiDonato par Rachel Portman, sur un texte de Gene Scheer.

Avant que ne commence cette première séquence, on pouvait entrevoir la cantatrice américaine monter les marches intérieures du Théâtre pour débuter un long appel depuis les hauteurs des balcons, puis revenir à l’orchestre reprendre cet ode au temps, et enfin, rejoindre la scène.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

L’évocation des parfums dans ‘Ich atmet’ einen linden Duft’, extrait des Rückert-Lieder, vient apporter une évocation de l’être aimé qui s’immisce doucereusement dans le charme hypnotique de cet état de grâce.

Puis, afin d'imprégner le spectateur de cet état évanescent, une fine brume baigne la salle en la tamisant de multiples jeux de lumières aux teintes or ou fuchsia dirigés dans tout l’espace, procédé qui fera merveille à plusieurs reprises au cours de la soirée, comme si Joyce DiDonato utilisait le magnifique cadre des fresques de Maurice Denis pour se créer un espace intérieur profondément inspirant.

Et si ‘Con le stelle in Ciel che mai’ de Biagio Marini commence à laisser entrevoir que le Soleil peut soigner les horreurs et les souffrance sur la Terre, alors que la scénographie s'enflamme d'un feu rougissant, ‘Nature, the gentlest mother’ d’Aaron Copland verse à nouveau dans l’ode à la nature.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

Cependant, ‘Toglierò le sponde al mare’ de Josef Myslivecek évoque dorénavant un Dieu destructeur. Les pensées et les expressions du visage de Joyce DiDonato deviennent plus sombres, et nous sommes entraînés dans les ravages de la guerre et de la mort.

‘Piante ombrose’ de Cavalli fait ainsi apparaitre des paysages de destruction, la célèbre danse des spectres et des furies d’’Orphée et Eurydice’ de Gluck nous accompagne dans la folie à l’approche des enfers – l’allant et la vivacité d’ 'Il Pomo d’Oro’ sont absolument splendides -, et les lamentations après un tel désastre s’élèvent avec le ‘Misera, dove son! Ah! Non son io che parlo’ extrait d’’Ezio’.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

Puis vient le moment du retour à l’espoir avec ‘As with rosy stepts the morn’ issu de ‘Theodora’ de Haendel, et un avenir possible se profile à travers 'Ich bin der Welt abhanden gekommen’, à nouveau repris des Rückert Lieder, qui invite à un détachement vis-à-vis du monde afin de trouver refuge en un nouveau Paradis.

Cette narration n’est pas sans rappeler l’esprit new-âge de notre époque récente, mais elle est cette fois développée sur la base d’un matériau musical qui couvre quatre siècles de création lyrique.

Joyce DiDonato et Zefira Valova

Joyce DiDonato et Zefira Valova

La voix de Joyce DiDonato, caractérisée par une vibration bien connue qui s’assouplit pour former de magnifiques effets diaphanes – quelle merveille que se ‘Ombra mai fu’ qu’elle chantera en bis -, et qui se charge en couleurs boisées somptueuses au corps puissant, est idéale pour restituer ce mélange de craintes, de flammes, d’amour profond et d’aspiration à la paix.

La scénographie, qui joue avec les symboles circulaires de l’harmonie et de la Terre, a également juste ce qu’il faut d’épure pour illustrer tous ces airs.

Nous restons tout autant admiratif pour l’ensemble orchestral dont Zefira Valova, au violon, arrive à coordonner tous les musiciens disposés de manière circulaire autour de la si attachante mezzo-soprano.

De par ses timbres chaleureux, ‘Il Pomo d’Oro’ arrive ainsi à lier en une même unité des compositeurs très différents, et à mixer mystère et ambiance intime avec talent.

Joyce DiDonato et les artistes du chœur Sotto Voce

Joyce DiDonato et les artistes du chœur Sotto Voce

Et pour finir, comme elle le fait à chaque étape de sa tournée internationale, Joyce DiDonato invite un chœur d’enfant résidant dans la ville où elle se produit à la rejoindre – Paris est la dix-neuvième étape du récital ‘Eden’ -.

Il s’agit ce soir du chœur 'Sotto Voce', en résidence au Théâtre du Châtelet, qui, de tout son enthousiasme, vient chanter ‘Seeds of Hope’, puis un air surprise, dans le même esprit d’optimisme qui fait la force d’une des grandes artistes lyriques de notre temps.

Voir les commentaires

Publié le 17 Septembre 2022

Gustav Mahler (Symphonie n°9 – Vienne 1909)
Concert du 16 septembre 2022
Philharmonie de Paris

Direction musicale Gustavo Dudamel
Orchestre de l’Opéra national de Paris


Concert diffusé sur France Musique le 26 septembre 2022
Concert de Barcelone diffusé en direct sur Medici TV le 20 septembre 2022

 

10 ans après son premier enregistrement live de la 9e symphonie de Gustav Mahler (Deutsche Grammophon) au Walt Disney Concert Hall et avec le Los Angeles Philharmonic, Gustavo Dudamel entame à la Philharmonie de Paris une tournée dédiée à cette œuvre crépusculaire avec l’Orchestre de l’Opéra national de Paris, tournée qui va se poursuivre à Barcelone et Genève, respectivement les 20 et 22 septembre prochains.

Et en mai 2023, c’est à la tête du New-York Philharmonic qu’il aura l’occasion de la diriger à nouveau dans la salle rénovée du David Geffen Hall.

Gustavo Dudamel - 9e symphonie de Mahler (Philharmonie de Paris)

Gustavo Dudamel - 9e symphonie de Mahler (Philharmonie de Paris)

Indice inhabituel de la portée de cet évènement, on pouvait croiser sur le parvis de la Cité de la Musique, illuminé par les lumières argentées de fin de journée, aussi bien des amateurs cherchant des places que des revendeurs, si bien que la salle Pierre Boulez offrit bien peu de places vacantes en début du concert.

Et, situés au premier rang du premier balcon, la direction générale de l’Opéra de Paris, représentée en personne par Alexander Neef et Martin Ajdari, et le président de l’AROP, Jean-Laurent Bonnafé, assuraient leur présence auprès d’Olivier Mantei, nouveau directeur général de la Cité de la Musique-Philharmonie de Paris.

L'Orchestre de l'Opéra national de Paris

L'Orchestre de l'Opéra national de Paris

Tout dans les prémices de cette soirée suggère la chaleur, la lumière tamisée de la salle, l’accueil de l’orchestre et de Gustavo Dudamel, l’énergie des auditeurs tout autour de soi, et cette chaleur va se ressentir dès le premier mouvement.

Depuis les premiers balancements lancinants de l’ouverture, la montée en intensité de l’orchestre se veut conquérante, parée de mille éclats et d’une complexité de plans sonores très denses où se mélangent profondeur de sombres courants orchestraux, évanescence subliminale des tissures de cordes qui s’évanouissent dans les réflexions acoustiques de la salle, cuivres saillants et percussions impressionnantes, tous emportés dans un souffle fluide et fervent qui ne vire pas pour autant à la fureur noire. La mise en valeur de la pureté des timbres et de leur plénitude crée un état de quiétude captivant.

Cécile Tête (Premier chef d'attaque)

Cécile Tête (Premier chef d'attaque)

Le second mouvement, avec ses danses pastorales pittoresques, couplé au troisième mouvement qui renforce l’impression d’un divertissement de haute précision, est mené avec une rythmique entrainante où se conjuguent pesanteur et souplesse magnifiquement enveloppés par la frénésie heureuse de Gustavo Dudamel qui s’en donne à cœur joie, à donner le tournis, dans sa manière d’attiser les différents groupes de musiciens. C’est une sensation de folie qui se dégage de cette vivacité de traits aux couleurs et contrastes parfaitement maitrisés.

Mahler Symphonie n°9 (Opéra de Paris - Gustavo Dudamel) Philharmonie

Enfin, l’adagio final permet un déploiement en toute beauté de la clarté orchestrale de ce grand ensemble de musiciens où le grandiose et la poésie se côtoient dans une aura teintée d’optimisme sans que le moindre sentiment funeste n’émerge. Gustavo Dudamel voit en ce chef-d’œuvre une source d’espérance et des motifs de désespoirs, mais pourtant, c’est clairement l’espérance qui l’emporte ce soir, et non les tourments, comme s’il s’agissait de dépasser la mort.

Mahler Symphonie n°9 (Opéra de Paris - Gustavo Dudamel) Philharmonie

Et si l'on sort de la Philharmonie le sourire aux lèvres, c’est peut-être que la qualité de l’interprétation a su répondre à une attente à un moment où l’on peint des horizons ombreux, alors que nous avons tous besoin d’une énergie qui nous permette d'aller au-delà de ce qui brouille notre vision.

Un long silence de recueillement tenu au final, un chef d’orchestre qui va se fondre parmi ses musiciens pour les féliciter, ces moments inspirants ne s’oublient pas.

Voir les commentaires

Publié le 28 Juillet 2022

Strauss, Brahms, Liszt, Wolf... Fauré, Duparc, Hahn, Mahler - Lieder allemands et français
Récital du 26 juillet 2022
Bayerische Staatsoper - Prinzregententheater

Karl Weigl Seele 

Nacht und Träume
Richard Strauss Die Nacht 
Johannes Brahms Nachtwandler
Hugo Wolf Die Nacht
Hans Sommer Seliges Vergessen

Bewegung im Innern
Max Reger Schmied Schmerz
Richard Strauss Ruhe, meine Seele
Johannes Brahms Der Tod, Nachtigall, Verzagen 
Franz Liszt Laßt mich ruhen

Mouvement intérieur
Gabriel Fauré Après un rêve
Reynaldo Hahn À Chloris, L'Énamourée
Henri Duparc Chanson triste
Gabriel Fauré Notre amour

Erlösung und Heimkehr
Max Reger Abend
Hugo Wolf Gebet
Richard Rössler Läuterung
Gustav Mahler Urlicht

Soprano Marlis Petersen
Piano Stephan Matthias Lademann

Issu du troisième CD de la série 'Dimensionen' intitulé 'Innen Welt' et édité en septembre 2019 chez Solo Musica, le florilège de lieder allemands et français présenté ce soir par Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann au Prinzregententheater de Munich a d'abord été diffusé sur le site internet de l'Opéra de Franfort le 28 mai 2021, avant que les deux artistes n'entâment une tournée allemande déjà passée par Nuremberg et Cologne.

Ces mélodies sont regroupées par thèmes, 'Nacht und Träume', 'Bewegung im Innern', 'Mouvement intérieur' et 'Erlösung und Heimkehr', et Marlis Petersen révèle un magnifiquement talent de conteuse lorsqu'elle présente au public chacun d'entre eux par un art du phrasé qui vous enveloppe le cœur avec une attention presque maternelle.

Marlis Petersen

Marlis Petersen

La première série dédiée à la nuit et aux rêves relie Richard Strauss, Johanne Brahms, Hugo Wolf et Hans Sommer par une même clarté et une présence humaine de timbre qui racontent des pensées, ou bien une vision inquiète du monde, avec une lucidité poétique d'une très grande expressivité qui ne verse cependant pas dans l'affect mélancolique.

Suivre le texte tout en écoutant cette grande artiste sculpter et développer les syllabes sous nos yeux et au creux de l'oreille fait naitre une fascination qui est le véritable moteur du plaisir ressenti.

Puis, à partir de 'Ruhe, meine seele' de Richard Strauss, Marlis Petersen fait ressortir des graves plus sombres et des exultations plus tendues qui élargissent l'univers de ses sentiments non exempts de colère. Elle dépeint ainsi une personnalité plus complexe ce qui accroit la prégnance de son incarnation toute éphémère qu'elle soit.

Marlis Petersen

Marlis Petersen

Mais la surprise de la soirée survient au cours du troisième thème 'Mouvement intérieur' où les mélodies 'Après un rêve' de Fauré et 'A Cloris' de Reynaldo Hahn, en particulier, sont d'une telle beauté interprétative que la délicatesse des teintes et des nuances qui s'épanouissent engendre une émotion profonde irrésistible.

A l'entendre défendre avec un tel soin un répertoire aussi difficile et dans une langue qui n'est pas la sienne, on se prend à rêver de la découvrir dans le répertoire baroque français le plus raffiné tant son phrasé est magnifiquement orné.

Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann

Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann

Le rythme reste ensuite plus lent qu'au début, tout en réunissant Reger, Wolf et Rössler autour de leurs expressions les plus méditatives, et Marlis Petersen achève ce voyage plus bucolique que noir par le seul lied qui n'apparait pas sur son enregistrement, 'Urlicht' de Gustav Mahler, portée par le désir de revenir à une lumière qui lui est bien naturelle avec toujours cet art ample du déploiement des mots aux couleurs ambrées.

Et en bis, 'Träume' de Richard Wagner et 'Nacht und Träume' de Franz Schubert comblent une soirée où le toucher crépusculaire de Stephan Matthias Lademann aura entretenu un esprit nimbé de classicisme perlé et méticuleux.

Voir les commentaires

Publié le 25 Juillet 2022

Beethoven, Schubert ... Zemlinsly, Mahler & Liszt  - Lieder allemands
Récital du 23 juillet 2022
Bayerische Staatsoper

Ludwig van Beethoven Adelaide
Franz Schubert Der Musenshon
Felix Mendelssohn-Bartholdy Auf Flügeln des Gesanges
Edward Grieg Ich liebe dich
Robert Schumann Wirdmung
Johannes Brahms In Waldeseinsamkeit
Antonín Dvořák Als die alte Mutter
Piotr Ilitch Tchaïkovski Nur wer die Sehnsucht kennt
Richard Strauss Allerseelen
Hugo Wolf Verborgenheit
Alexander von Zemlinsky Selige Stunde
Gustav Mahler Ich bin der Welt abhanden gekommen

Franz Liszt
Vergiftet sind meine Lieder
Im rhein, im Schönen Strome
Freudvoll und leidvoll (2 Fassungen)
O lieb, solang du lieben kannst
Es war ein König in Thule
Die drei Zigeuner
Ihr Glocken von Marling
Die Loreley

Ténor Jonas Kaufmann
Piano Helmut Deutsch

Ayant du annuler, pour cause de symptômes covid prononcés, sa participation aux représentations de 'Cavalleria Rusticana' et 'Pagliacci' prévues au Royal Opera House de Londres au cours du mois de juillet, Jonas Kaufmann a toutefois maintenu sa présence au récital du 23 juillet proposé par le Bayerische Staatsoper. 

Jonas Kaufmann

Jonas Kaufmann

La soirée est intégralement dédiée à l'art du lied allemand avec, en première partie, 12 mélodies de 12 compositeurs différents que l'on peut retrouver sur le disque édité en 2020 chez Sony, 'Selige Stunde', hormis 'In Waldeseinsamkeit' de Johannes Brahms qu'il interprétait en concert cette saison auprès de Diana Damrau, et, en seconde partie, 9 lieder de Franz Liszt que l'on peut réécouter sur l'enregistrement 'Freudvoll und leidvoll' édité également chez Sony en 2021, aboutissement du regard sur un répertoire que l'artiste ravive régulièrement en public depuis une décennie.

Des microfailles se sont bien manifestées dans les passages les plus sensibles des premières mélodies, mais elles se sont totalement estompées à l'approche des compositions fin XIXe et début XXe siècles les plus profondes et les plus délicates d'écriture. 

Helmut Deutsch et Jonas Kaufmann

Helmut Deutsch et Jonas Kaufmann

Le coulant mélodique de 'Auf Flügeln des Gesanges', 'Ich liebe dich' et 'Wirdmung' est assurément celui que l'on associe le plus facilement au charisme du chanteur car il draine un charme nostalgique qui lui colle à la peau avec une évidence confondante.

Puis, 'Als die alte Mutter' et 'Nur wer die Sehnsucht kennt' s'imprègnent d'une tristesse slave si bien dépeinte par la gravité d'un timbre de voix sombre et doux. Cet art de la nuance, des teintes ombrées et des tissures fines et aérées si 'hors du temps' de par leur immatérialité, s'épanouit ainsi dans un cisellement hautement escarpé comme pour décrire avec la précision la plus acérée les cimes des sentiments enfermés sur eux-mêmes qui parcourent avec une lenteur dépressive les trois lieder composés respectivement par Hugo Wolf, Alexander von Zemlinsky et Gustav Mahler.

Jonas Kaufmann

Jonas Kaufmann

Les lieder de Franz Liszt poursuivent ce mouvement introspectif sans se départir d'une écriture qui permette au chanteur d'exprimer une volonté rayonnante. 'O lieb, solang du lieben kannst' est dans cet esprit l'un des sommets de cette seconde partie à propos d'un amour qui doit savoir surmonter les blessures des mots les plus durs, une exhortation à la sagesse que l'on retrouve dans 'Die drei Zigeuner' Jonas Kaufmann semble discourir plus que jamais au creux de l'oreille de l'auditeur.

La beauté contemplative d''Ihr Glocken von Marling' et ses subtils murmures en forme de berceuse qui glissent sur les perles rêveuses du piano d'Helmut Deutsch ne font que précipiter une émotion intérieure subjugée par le sentiment d'une perfection humaine miraculeuse.

Helmut Deutsch et Jonas Kaufmann

Helmut Deutsch et Jonas Kaufmann

Tout au long de ce récital qui se conclura pas 5 bis choisis dans la même tonalité et par un "Heureux d'être de retour à la maison!" de la part du chanteur, son compagnon au piano aura émerveillé tant par la clarté lumineuse et son touché soyeux que par une attitude qui veille à ne laisser aucun épanchement dévier d'une ligne lucide et rigoureuse magnifiquement mêlée au phrasé de Jonas Kaufmann

L'acoustique de la grande salle du Bayerische Staatsoper offre en supplément une enveloppe sublime à une expression intimiste totalement vouée au recueillement.

Voir les commentaires

Publié le 16 Septembre 2021

Chin – Strauss et Mahler (Lise Davidsen - Klaus Mäkelä)
Concert du 15 septembre 2021
Grande salle Pierre Boulez, Philharmonie de Paris

Unsuk Chin Spira  (Création le 5 avril 2019 au Walt Disney Concert hall de Los Angeles) - création française
Commande du Los Angeles Philharmonic, de l’Orchestre philharmonique royal de Stockholm, de l’Orchestre de Paris, du City of Birmingham Symphony Orchestra et de l’Orchestre de la NDR-Elbphilharmonie
Richard Strauss Quatre Lieder, op. 27
Gustav Mahler Symphonie n°1,« Titan »

Soprano Lise Davidsen
Direction musicale Klaus Mäkelä
Violon solo Elise Båtnes
Orchestre de Paris

 

Deux semaines après le passage de l’Orchestre du Festival de Bayreuth et l’un de ses grands solistes des Maîtres chanteurs de Nuremberg, le ténor allemand Klaus Florian Vogt, la Philharmonie accueille une autre star du Festival qui interprétait cet été l’Elisabeth de Tannhäuser, Lise Davidsen.

Associée cette fois à l’Orchestre de Paris sous la direction de son jeune chef Klaus Mäkelä, la soirée s’annonçait électrisante, et ce ne fut pas démenti

L'Orchestre de Paris

L'Orchestre de Paris

En ouvrant ce concert de rentrée pour la première formation symphonie française par Spira, la dernière création de Unsuk Chin, compositrice sud-coréenne qui a une relation affective très forte avec la Finlande, la luxuriance et la vigueur de l’orchestre s’épanouissent dans l’immensité de la salle, l’architecture de la composition se prêtant bien à des jeux de nuances sonores comme si un vent soufflait par rafales au dessus des musiciens pour créer des envolées de sonorités où vents, percussions, archets et vibraphones se mélangent et ruissellent en palettes de couleurs bien teintées et changeantes.

Les images restent abstraites, mais l’on peut s'imaginer à contempler de grands paysages spectaculaires aux reliefs variés et irréels.

Lise Davidsen

Lise Davidsen

Puis, changement d’univers, les quatre Lieder, op.27 de Richard Strauss pénètrent vers des états d’âmes plus sombres, une forme de grande sérénité classique où le rayonnement puissant de Lise Davidsen semble comme personnifier "Pallas Athena". La voix se pare d’un galbe somptueux, d’un souffle ample irisé par des vibrations métalliques et surnaturelles qui soumettent l‘auditeur à un chant magnétique intense et ensorcelant.

L’envahissement sonore est total, l’Orchestre de Paris se joignant à ce torrent sensuel dans une majesté pleinement souveraine.

Klaus Mäkelä

Klaus Mäkelä

Et quelle seconde partie quand Klaus Mäkelä s’empare de l’orchestre de manière à faire corps harmonieusement et vigoureusement avec lui pour incarner une Symphonie « Titan » jouée dans une transe incroyable!

On ne sait si c’est le directeur musical qui couche sa gestique sur les lignes orchestrales où si ce sont les musiciens qui ont l’habileté pour dessiner exactement la même dynamique des expressions du chef, mais assister à cette manière de saisir certains musiciens comme pour les cajoler tendrement, pour ensuite dynamiser un autre groupe dans une frénésie indescriptible, et vivre cette vélocité dans l'attention qui révèle une vision cohérente et extrêmement détaillée des moindres mouvements de la symphonie, conduit à un inéluctable effet galvanisant.

On aurait presque envie de dire que se joue un sublime échange d’énergie sexuelle pour arriver à une telle tension sans relâche qui désoriente, car ce sont bien des sentiments familiers qui émergent d’une telle interprétation. Un chef fantastique dont il ne faudrait pas sous-estimer le bouillonnement des veines!

Voir les commentaires

Publié le 29 Mars 2019

Totenfeier (Gustav Mahler) - Babi Yar (Dmitri Chostakovitch) 
Concert du 23 mars 2019
Théâtre des Champs-Elysées

Gustav Mahler Totenfeier, poème symphonique
Dmitri Chostakovitch Symphonie n°13 « Babi Yar »

Basse Mikhail Petrenko
Direction musicale Yannick Nézet-Séguin
Rotterdams Philharmonisch Orkest

Chœur du Bayerischer Rundfunk

                                               Yannick Nézet-Séguin 

Depuis l’ouverture de La Philharmonie en janvier 2015, le Théâtre des Champs-Elysées a vu progressivement plusieurs orchestres habitués de sa grande salle à l’italienne réserver dorénavant leurs concerts au nouvel auditorium parisien de l’extrême est de la capitale.

Le Rotterdams Philharmonisch Orkest fait néanmoins partie des ensembles qui restent partenaires privilégiés de ce théâtre plus que centenaire, que ce soit pour interpréter des concerts symphoniques, ou bien pour y jouer des œuvres lyriques. Et Die Frau ohne Schatten de Richard Strauss sera l’un des grands moments attendus de la saison prochaine sur l’avenue Montaigne.

Yannick Nézet-Séguin

Yannick Nézet-Séguin

Et bien que Yannick Nézet-Séguin soit depuis 2018 le nouveau directeur musical du New-York Metropolitan Opera, en charge de redonner une nouvelle aura à cette institution de référence, il est également devenu le chef honoraire de l’orchestre qu’il dirigea pendant 10 ans, ce qui permet ainsi au public parisien de continuer à profiter de la force d’âme qui émane de ce jeune chef, vif et talentueux, lorsque son itinérance le mène en France.

D’énergie sombre il est pourtant question, ce soir, à travers la Marche funèbre de Gustav Mahler, qui devint par la suite le premier mouvement de sa seconde symphonie, et à travers la treizième symphonie de Chostakovitch dont le premier mouvement, Babi Yar, évoque avec une force implacable l’un des plus grands massacres de masse antisémite de la Seconde guerre mondiale. 

Le chœur du Bayerischer Rundfunk

Le chœur du Bayerischer Rundfunk

Ainsi, dès le trémolo des cordes qui ouvre le Totenfeier, évocation immédiate de la tempête de la Walkyrie de Richard Wagner, le ton se fait d’abord brutal et écorché avant que l’ensemble du Philharmonique de Rotterdam ne se cristallise en une structure d’une belle élasticité, tonique, qui entretient très clairement plusieurs strates musicales aux timbres entrelacés, avec un relief nettement dessiné. Le volontarisme de Yannick Nézet-Séguin, fascinant d’inspiration, est le garant de la vivacité du tissu orchestral et du délié des ornements de chaque instrument à vent.

Yannick Nézet-Séguin et Mikhail Petrenko

Yannick Nézet-Séguin et Mikhail Petrenko

En seconde partie, la symphonie Babi Yar prend d’emblée l’allure d’une marche inéluctable dirigée frontalement à la salle. Immense et dressé avec défiance face aux spectateurs, le crâne chauve et le regard pénétrant, Mikhail Petrenko donne aux poèmes d’Evgueni Evtouchenko, écrits à l’âge de 30 ans, un mordant hypnotique tant la détermination du chant semble infaible. Il exprime ici la mémoire des atrocités passées, et rappelle que ce ne sont pas seulement des russes mais bien des juifs qui furent exterminés pendant la guerre; l’antisémitisme est un mal obscur qui s’immisce dans l’âme de nombre de peuples européens depuis bien des siècles. 

Le Rotterdams Philharmonisch Orkest

Le Rotterdams Philharmonisch Orkest

Le texte prend également une tournure plus légère lorsqu’il évoque des scènes de la vie quotidienne, mais la puissance de la musique, soutenue par un chœur monochrome et verveux, ne faiblit pas d’intensité. Le Philharmonique de Rotterdam se montre épique et percutant sans jamais perdre de sa souplesse et de son impulsivité, et Yannick Nézet-Séguin s’impose comme un chef d’orchestre que la monumentalité historique et humaine d’une telle œuvre n’impressionne pas, une oeuvre avec laquelle il bataille pour susciter un élan revitalisant et immuablement saisissant.

Voir les commentaires

Publié le 26 Septembre 2015

Philharmonique de Radio France (dm Mikko Franck)
Concert du 25 septembre 2015
Philharmonie – Grande salle

Erich Wolfgang Korngold
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur (1945)
Violon Vilde Frang

Gustav Mahler
Das Lied von der Erde (Le Chant de la terre) (1908)
Mezzo-soprano Alisa Kolosova
Ténor Christian Elsner

Direction musicale Mikko Franck
Orchestre Philharmonique de Radio France

 

                                           Alisa Kolosova

Une semaine après son concert de rentrée à l’Auditorium de la Maison de la Radio, l’Orchestre Philharmonique de Radio France se retrouve dans la grande salle de la Philharmonie pour jouer deux œuvres en mémoire de Gustav Mahler et d’un jeune compositeur qui lui fut présenté alors qu’il n’avait que 9 ans, Erich Wolfgang Korngold.

Mikko Franck

Mikko Franck

Le concert de ce soir ne suit pas l’ordre chronologique, puisqu’il débute par le concerto pour violon en ré majeur, dédié à Alma Mahler-Werfel, la veuve du compositeur autrichien.

Au cours de sa période américaine, Korngold était devenu un fantastique compositeur de musiques de films d’aventures historiques, avec pour héros Errol Flynn, dont l’Aigle des Mers reste le chef-d’œuvre épique.

Ce concerto pour violon marque cependant la fin de cette vie américaine, et la préparation au retour vers le Vieux Continent, sorti enfin de la guerre.

La salle à la fin du concert

La salle à la fin du concert

En avant des emphases d’un orchestre opulent, la violoniste norvégienne Vilde Frang laisse transparaître une personnalité ardente et irradiante, et un sens de l’accompagnement lyrique stupéfiant au fil des ondes de l’ensemble. Les irisations sont travaillées avec une précision d’orfèvre, et sa virtuosité joyeuse est d’autant plus captivante que le Philharmonique lisse les nappes orchestrales sans exagérer la composante hollywoodienne et nostalgique de la musique.

Dans la seconde partie, la composition crépusculaire de Gustav Mahler atteint des sommets d’immatérialité qui imprègnent et subjuguent notre conscience au point de nous faire perdre tout sens du réel.

Christian Elsner

Christian Elsner

Les voiles des cordes s’évaporent de toutes parts, le corps dense des bois du Philharmonique ramène à une sérénité terrestre poétique, et Mikko Franck mène cet élan orchestral vers des hauteurs majestueuses qu’il contrôle magnifiquement, pour les faire s’éteindre ensuite avec un art de l’achèvement d’une perfection impressionnante.

Et Christian Elsner laisse entendre la clarté sans tension de son chant qui, inévitablement, se dilue dans une acoustique peu favorable aux voix, bien que, et ce sera la plus belle des surprises, celle d’ Alisa Kolosova arrive à toucher même ceux qui l’entendent de dos.

Alisa Kolosova

Alisa Kolosova

La mezzo-soprano russe est en effet toujours fascinante dans les rôles charmeurs et posés – Olga, dans Eugène Onéguine, est un personnage qu’elle incarne avec beaucoup de sensualité -, mais, ce soir, elle porte une profonde langueur, un grand chant d’espoir qui s’évade vers un horizon sans limite, amplifiée par les gestes enrobés de Mikko Franck.

Comment avoir envie de parler après avoir entendu une telle beauté d’interprétation?

 

Disponible en réécoute sur France Musique jusqu'au 25 octobre.

 

Voir les commentaires

Publié le 17 Septembre 2015

Orchestre de l’Opéra National de Paris (Ph.Jordan – G.Kühmeier)
Concert du 16 septembre 2015
Philharmonie – Grande salle

Variations pour orchestre, op.31 (Arnold Schönberg)
Symphonie n°4 (Gustav Mahler)

Soprano Genia Kühmeier
Direction musicale Philippe Jordan
Orchestre de l’Opéra National de Paris

 

 

                                     Philippe Jordan

 

Après le Ring et les neuf symphonies de Beethoven, Philippe Jordan débute un nouveau cycle dédié cette fois au grand compositeur viennois, Arnold Schönberg.
Au cours de la saison, deux autres concerts lui seront voués, l’un au Palais Garnier le 25 octobre, l’autre à la Philharmonie le 19 avril, dans le prolongement de la trainée laissée par le passage de son œuvre majeure à l’Opéra Bastille, Moïse et Aaron.

Croissant de Lune dans le couchant depuis la Philharmonie

Croissant de Lune dans le couchant depuis la Philharmonie

On se souvient avec quelle envie Philippe Jordan s'était évertué à faire partager sa passion pour la musique de Schönberg, lors des journées Tous à l’Opéra, en la dédramatisant.
Et à l’écoute du concert de ce soir, on ne peut qu'admirer sa manière à mettre en avant la finesse et la poésie d’une œuvre construite sur le sérialisme et les dissonances, et son attention à l'unir selon une forme d’onde coulante où se dissimule un désir de séduction. Mais a t-il raison d'éluder aussi franchement la rugosité grinçante des accords et l’ambiance tendue qui, par moment, devrait pincer au cœur ? Ne laisse-t-il pas un peu de côté le regard perçant d’un compositeur qui inspira Bernard Herrmann, le créateur des musiques d’Alfred Hitchock ?

Philippe Jordan

Philippe Jordan

La symphonie n°4 de Gustav Mahler apparaît alors comme une œuvre merveilleuse qui laisse au chef d'orchestre un large champ d’expression pour sa pleine subtilité, pour son attachement profond au charme des couleurs viennoises, et pour un enivrant art de l’éclat qui fait briller tous les petits reflets chantants des instruments. Il est fascinant d’entendre comment cette musique, moins marquée par le pathétisme inhérent au compositeur, peut être aussi subjugante et innervée par des volutes d’un sensualisme exacerbé par l’hédonisme caressant du directeur musical.

Salle de la Philharmonie à la fin du concert

Salle de la Philharmonie à la fin du concert

Ce voyage dans une limpidité qui surpasse sa part d’ombre prend, de plus, une dimension noblement humaine grâce à la belle voix apaisante et chargée de compassion de Genia Kühmeier.

Philippe Jordan, par l’esprit qu’il insuffle à ses musiciens et solistes, est véritablement une incarnation de la Joie qui rayonne en toutes circonstances.

Voir les commentaires