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Publié le 25 Mai 2022

Académie de l'Opéra d'État de Bavière
Concert du 23 mai 2022
Bayerische Staatsoper

Krzysztof Penderecki (1933 - 2020)
Concerto pour violoncelle et orchestre Nr. 2 (11 janvier 1983 - Philharmonie de Berlin)
Igor Stravinsky (1882 - 1971)
Petrouchka (13 juin 1911 - Théâtre du Châtelet)

Direction musicale Vladimir Jurowski
Violoncelle Jakob Spahn
Bayerisches Staatsorchester  

Pour le sixième et dernier concert de la saison de l'Académie du Bayerisches Staatsorchester, Vladimir Jurowski présente en première partie de soirée une œuvre de Krzysztof Penderecki, afin de préparer les esprits à l'ouverture du Festival d'opéras 2022 de Munich attendue le 27 juin prochain. En effet, ce jour là, le premier opéra du compositeur polonais, 'Die Teufel von Lundun', composé originellement pour la scène de Hambourg en 1969, sera révélé au public munichois dans une nouvelle production de Simon Stone.

Jakob Spahn

Jakob Spahn

La pièce choisie ce soir, 'Le concerto pour violoncelle et orchestre n°2', permet ainsi de se familiariser avec une écriture abstraite mais d'un grand polymorphisme de couleurs.

Après une longue introduction à l'œuvre de Penderecki qui montre combien Vladimir Jurowski est un orateur charismatique, c'est d'abord à un néoclassicisme surprenant qu'il nous convie pour entendre trois pièces basées sur la musique du film 'The Saragossa Manuscript'. S'apprécient ici aussi bien la dextérité filée de l'orchestre que le style pastiche de Penderecki - ce dernier se permet même une réminiscence du célèbre thème de la 9e symphonie de Beethoven -, et après ce moment d'identification du musicien à l'univers du cinéma, le concerto est interprété avec une clarté qui frappe d'emblée. 

Akademiekonzert - Vladimir Jurowski (Penderecki - Stravinsky) Bayerische Staatsoper

Car loin de privilégier un tranchant angoissant et des textures écorchées dignes des ambiances de thrillers les plus épouvantables, Vladimir Jurowski met en valeur le lustre et la chaleur naturelle de l'orchestre pour magnifier les dégradés lancinants et progressivement dissonants des violons, réaliser avec les ensembles de percussions et les bois des transitions d'une fascinante tonicité de geste et d'une souplesse allante, et fait ressortir la densité sombre et précieuse des cordes graves en nous entraînant fortement vers l'univers d'un autre compositeur, Dimitri Chostakovitch.

Jakob Spahn et Vladimir Jurowski

Jakob Spahn et Vladimir Jurowski

Et le violoncelle de Jakob Spahn, soliste du Bayerische Staatsorchester depuis une décennie, se fond dans l'ensemble orchestral en teintant ses incises d'une patine soyeuse non dénuée d'agressivité qui décrit un caractère à l'affût sans verser vers les déchirures de l'âme les plus violentes pour autant. Il en ressort une interprétation d'une très grande agilité et d'une respiration vivement pulsée où même les emportements des vents arrivent, à un moment donné, à évoquer un envol d'oiseaux sauvages d'un splendide vrombrissement naturaliste.

Akademiekonzert - Vladimir Jurowski (Penderecki - Stravinsky) Bayerische Staatsoper

C'est à se demander s'il n'y a pas à travers ce rendu sonore d'une impeccable plastique un intense désir de séduire l'auditoire afin qu'il appréhende prochainement au mieux un opéra dont le titre ténébreux pourrait d'avance l'impressionner.
Sur le même modèle de présentation, la seconde partie du programme est dédiée à Igor Stravinsky. Les Variations 'Aldous Huxley in memoriam', pièce de 5 minutes composée pour rendre hommage à l'écrivain britannique Aldous Huxley mort en novembre 1963, permettent de découvrir l'inventivité du compositeur dans l'emploi de techniques sérielles pour décrire des structures sonores étranges et futuristes.

Vladimir Jurowski

Vladimir Jurowski

Puis, le temps que l'orchestre retrouve son effectif maximal, c'est avec un sens du rythme chaloupé parfaitement bien réglé que Vladimir Jurowski entraîne les musiciens dans une course haletante, garant de l'excellente définition du son afin de faire de cette interprétation de 'Petrouchka' une démonstration de cohésion malgré les accélérations revigorantes et les cadences multiples des différentes sections d'instruments. Ce sentiment d'assurance dans la conduite d'une agitation joyeuse et foisonnante a véritablement une force qui induit aussi un fort sentiment de sérénité.

Akademiekonzert - Vladimir Jurowski (Penderecki - Stravinsky) Bayerische Staatsoper

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Publié le 29 Mars 2022

Concert pour la Paix 
Représentation du 27 mars 2022
Palais Garnier

Giuseppe Verdi
La forza del destino « Ouverture », « Pace, pace mio Dio » - Liudmyla Monastyrska
Macbeth « Patria oppressa » - Chœur et Orchestre de l’Opéra de Paris
Kyrylo Stetsenko
« Pisni moji » - Russell Braun, Piano Olga Dubynska
Serguei Rachmaninov
«Ne poy, Krasavitsa pri mne» - Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Piano Olga Dubynska
Claude Debussy 
"Clair de lune"Chorégraphie Alastair Marriott - Mathieu Ganio, Piano Elena Bonnay
Serguei Rachmaninov
« Polyubila ya na pechal' svoyu » - Emanuela Pascu, Piano Olga Dubynska
Taras Chevtchenko
« Reve ta Stohne Dnipr shirokyy » - John Daszak, Piano Olga Dubynska
Mykola Lyssenko
« Na pivnochi, na kruchi » - John Daszak, Russell Braun, Piano Olga Dubynska
Body and SoulChorégraphie Crystal PiteMusique Frédéric Chopin - Marion Barbeau, Simon Le Borgne
Modeste Moussorgski
« Prière des Streltsy » - Chœur et Orchestre de l’Opéra de Paris

Concert pour la Paix - dimanche 27 mars 2022 - Palais Garnier

Pietro Mascagni « Cavalleria rusticana » - Chœur et Orchestre de l’Opéra de Paris
Georges Bizet
« Carmen suite » - Chorégraphie Alberto Alonso - Alexander Stoyanov, Kateryna Kukhar
Richard Wagner
« Wesendonck Lieder No. 5, Träume » - Marie-Andrée Bouchard-Lesieur
Camille Saint-Saëns
La Mort du cygne - Chorégraphie Mikhael Fokine / Serge Lifar - Dorothée Gilbert, Violoncelliste Aurélien Sabouret, Piano Ryoko Hisayama
Vincenzo Bellini
« Casta Diva », Norma - Liudmyla Monastyrska
Le Parc musique Wolfgang Amadeus Mozart - Chorégraphie Angelin Preljocaj - Alice Renavand, Stéphane Bullion, Piano Jean-Yves Sebillotte
Giuseppe Verdi
Nabucco « Va pensiero » - Chœur et Orchestre de l’Opéra de Paris

Direction musicale Carlo Rizzi
Cheffe des chœurs Ching-Lien Wu

Après le Théâtre du Châtelet et la Salle Favart, le Palais Garnier présentait en ce dimanche soir un concert mêlant symphonies lyriques, airs d’opéras, mélodies russes et ukrainiennes, chœurs monumentaux et extraits de ballets.

Liudmyla Monastyrska - 'Pace, pace mio Dio' (La Force du destin)

Liudmyla Monastyrska - 'Pace, pace mio Dio' (La Force du destin)

En début de ce spectacle introspectif fortement évocateur et très bien conçu afin de restituer tous les sentiments en jeu envers les victimes de la guerre en Ukraine, l’énergie un peu rude de Carlo Rizzi avait quelque chose d’implacable pour l'ouverture de la ‘Force du destin’, et le « Pace, pace mio Dio » de Liudmyla Monastyrska, chanté avec un timbre d’airain ambré et ému, s’achevait même sur un splendide bras protecteur tendu vers le ciel.

Chœur de l'Opéra national de Paris - ‘Patria Oppressa’ (Macbeth)

Chœur de l'Opéra national de Paris - ‘Patria Oppressa’ (Macbeth)

D’une grande force tellurique, le ‘Patria Oppressa’ composé par Verdi pour la version parisienne de ‘Macbeth’ ne pouvait être alors plus juste, chant déploratif d’un peuple contre lequel un Roi cherchait à éliminer ses enfants.

Emanuela Pascu - 'Polyubila ya na pechal' svoyu' (Rachmaninov)

Emanuela Pascu - 'Polyubila ya na pechal' svoyu' (Rachmaninov)

Si le «Ne poy, Krasavitsa pri mne» de Rachmaninov interprété par Marie-Andrée Bouchard-Lesieur avec sobriété et une belle assurance, au son des accords terriblement sombres d’Olga Dubynska, était connu, les autres airs russes et ukrainiens étaient plutôt une découverte, qu’ils soient vécus avec le tranchant d’ivoire d’ Emanuela Pascu, ou la clarté puissante aux éclats très marquants de John Daszak.

 Mathieu Ganio - 'Clair de Lune'

Mathieu Ganio - 'Clair de Lune'

Puis, il y eut la solitude élancée de Mathieu Ganio au ‘Clair de Lune’, et le fameux duo de ‘Body and Soul’ dansé par Marion Barbeau et Simon Le Borgne en s’alliant avec finesse au texte énoncé.

Russell Braun et John Daszak - 'Na pivnochi, na kruchi Mykola' (Lyssenko)

Russell Braun et John Daszak - 'Na pivnochi, na kruchi Mykola' (Lyssenko)

Et la prière finale de ‘La Khovantchina’ que nous entendions encore sur la scène Bastille quelques jours avant l’agression russe s’est achevée dans un murmure tout en retenue. Mais aujourd’hui, c’est un peuple tourné vers l’avenir et vers la liberté qui est opprimé par le retour de l’ancienne Russie.

Marie-Andrée Bouchard-Lesieur - ‘Traüme’ (Richard Wagner)

Marie-Andrée Bouchard-Lesieur - ‘Traüme’ (Richard Wagner)

Ouvrant de façon plus conventionnelle sur l’intermezzo de ‘Cavalleria rusticana’ et un extrait de ‘Carmen suite’ – passage incarné par deux artistes de l’Opéra National d’Ukraine, Alexander Stoyanov et Kateryna Kukhar -, la présence centrale de Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, offrant un ‘Traüme’ chanté avec orchestre sur une scène hantée par la pénombre, permettait l’épanouissement d’une intériorité profonde, avant que l’on ne retrouva les ondoyances immatérielles de Dorothée Gilbert dans le ‘Chant du Cygne’ et la fraîcheur d’Alice Renavand et Stéphane Bullion, tournoyant d’amour sur l’adagio du concerto pour piano n°23 de Mozart. Comme un appel à l’espérance, en fait.

Alice Renavand et Stéphane Bullion - Le Parc (Preljocaj)

Alice Renavand et Stéphane Bullion - Le Parc (Preljocaj)

Liudmyla Monastyrska s’est jointe enfin au Chœur, d’abord pour interpréter un ‘Casta Diva’ dans une tonalité très intériorisée, puis pour se fondre dans la solennité du chœur des esclaves de ‘Nabucco’.

Kateryna Kukhar, Olga Dubynska et Liudmyla Monastyrska

Kateryna Kukhar, Olga Dubynska et Liudmyla Monastyrska

La soirée avait pour finalité de réunir des fonds pour le collectif Alliance urgences en Ukraine, aussi modestes qu’ils soient au vu de la situation, véritablement dans un esprit réflexif et non démonstratif.

Kateryna Kukhar, Carlo Rizzi, Ching-Lien Wu, Olga Dubynska et Liudmyla Monastyrska

Kateryna Kukhar, Carlo Rizzi, Ching-Lien Wu, Olga Dubynska et Liudmyla Monastyrska

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Publié le 9 Février 2022

London Symphony orchestra (Ludwig van Beethoven - Dmitri Chostakovitch) 
Concert du 07 février 2022
Philharmonie de Paris – Grande salle Pierre Boulez

Ludwig van Beethoven Concerto pour piano n° 5 "Empereur" (1809-1811)
Dmitri Chostakovitch Symphonie n° 15 (1971-1972)

Piano Beatrice Rana
Direction musicale Gianandrea Noseda
London Symphony Orchestra

Au moment même où Madrid cède au siège mené par Napoléon, et peu avant le déclenchement de la campagne d’Autriche qui verra Vienne mise hors de combat en seulement trois mois ainsi que le mariage de Marie-Louise avec l’empereur français, Ludwig van Beethoven compose son dernier Concerto pour piano alors qu’il réside toujours dans la capitale impériale. 

Gianandrea Noseda et les musiciens du London Symphony Orchestra

Gianandrea Noseda et les musiciens du London Symphony Orchestra

Le spectaculaire coup d’éclat de l’ouverture est splendidement rendu par les musiciens du London Symphony Orchestra avec souplesse dans la soudaineté et un épanouissement sonore qui dit tout de la poigne et de la majesté d’un des meilleurs orchestres au monde. Tissu velouté merveilleusement envoûtant, finesse des voiles d’où émerge dans une continuité naturelle le phrasé scintillant de Beatrice Rana qui tire de son piano dans les moments les plus intimes des ambiances de berceuse comme un retour aux rêveries de l’enfance dans un esprit d’orfèvrerie minutieuse, Gianandrea Noseda fait vivre ce grand moment d’évasion par une approche d’abord déterminée qui laisse de plus en plus les respirations de l’orchestre, et les pulsations sombres, prendre le large pour revenir au cœur pianistique palpitant et délié.

Beatrice Rana

Beatrice Rana

En seconde partie, un saut dans le temps de 160 ans et une remontée vers les plaines de Russie d’Europe nous emmènent aux heures de la composition de la dernière symphonie de Dmitri Chostakovitch lors d’un de ses séjours près de Saint-Pétersbourg. C’est d’abord un ouvrage qui dit beaucoup sur l’admiration du compositeur pour les musiciens européens dont il emprunte des motifs célèbres, l’ouverture du Grand opéra de Gioachino Rossini, 'Guillaume Tell', ou bien les présages funèbres ou extatiques de 'La Walkyrie' et 'Tristan und Isolde' de Richard Wagner.

Gianandrea Noseda

Gianandrea Noseda

La magnificence, la rondeur puissante des couleurs des cuivres et la lumière irrésistible des cordes forment un mélange qui mêle lyrisme romantique fluide et textures modernes plus complexes aux superbes teintes pittoresques, et où les percussions jouent un rôle mystérieux de papillotement sonore. L’interprétation qu’en donne Gianandrea Noseda est fortement incarnée tant il donne l’impression de contraindre l’expression pour la ramener à quelque chose de très tumultueux, concentré et personnel qui cherche le repli dans une intériorité maternelle aux origines des lumières d’un amour pur. Comme une stratégie de lutte de la vie face à la mort.

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Publié le 26 Janvier 2022

10e Biennale des Quatuors à Cordes – Quatuor Van Kuijk
Concert du 20 janvier 2022

Amphithéâtre de la Cité de la Musique

Antonín Dvořák Quatuor à cordes n°9 en ré mineur op.34 (1877)
Benjamin Attahir Al Dhikrâ (2022) - Création mondiale
Bis Gabriel Fauré Les Berceaux (1879)

Quatuor Van Kuijk
Violon, Nicolas Van Kuijk     Alto, Emmanuel François
Violon, Sylvain Favre-Bulle  Violoncelle, Anthony Kondo

Avec le succès de son premier ensemble de 'Danses slaves', orchestration de huit duos pour piano commandés et publiés en 1878 par Fritz Simrock - l’éditeur de Johannes Brahms qui lui avait recommandé le jeune compositeur tchèque quelques mois plus tôt -, Antonín Dvořák devient célèbre du jour au lendemain.

Benjamin Attahir, Nicolas Van Kuijk, Anthony Kondo, Emmanuel François et Sylvain Favre-Bulle

Benjamin Attahir, Nicolas Van Kuijk, Anthony Kondo, Emmanuel François et Sylvain Favre-Bulle

Au même moment, en plein épanouissement artistique, il dédit à son ami et musicien allemand son 'Quatuor à cordes n°9' qui est retranscrit ce soir par le Quatuor Van Kuijk avec la fougue juvénile qu’on leur connaît. 

Et il faut entendre comment leur ardeur généreuse et leur rythmique allante engagées dans les deux premiers mouvements se concentrent dans l’Adagio en un cœur d’une chaleur incroyablement intense et envoûtante, quasiment magmatique, et qui restera prégnante jusqu’à la fin du concert.

Sylvain Favre-Bulle (violon)

Sylvain Favre-Bulle (violon)

L’immersion dans l’univers beaucoup plus insouciant et empreint d’espérance d’ ‘Al Dhikrâ’, une création de Benjamin Attahir, ressemble soudainement à une chevauchée enthousiasmante qui met à l’épreuve le panache des musiciens, tel l’ébouriffant second violon de Sylvain Favre-Bulle.

C’est une découverte pour le public, et donc une surprise par cette manière d'emporter l'audience sans temps mort, ce qui regénère l’énergie de chacun des auditeurs.

Nicolas Van Kuijk (violon)

Nicolas Van Kuijk (violon)

Et en bis, le quatuor offre une adaptation 'des berceaux', une mélodie de Gabriel Fauré contemporaine du quatuor à cordes d’Antonín Dvořák qui est jouée ici dans un esprit appaisé et très lumineux – splendide incursion du premier violon de Nicolas Van Kuijk dans les aigus qui répondent aux ‘horizons qui leurrent’ du poème de Sully Prudhomme -. 

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Publié le 10 Janvier 2022

Hannigan & friends, Amalric / Degout / Chamayou / Cemin
Concert du 08 janvier 2022
Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique

Albert Roussel 
Le Festin de l'araignée : fragments symphoniques (1913 – Théâtre des Arts)

Maurice Ravel 
Histoires naturelles : extraits - arrangement Anthony Girard (1907 – Salle Erard)

Camille Saint-Saëns 
Le Carnaval des animaux : Ouverture et Marche royale du lion - Poules et Coqs - Aquarium - Le Cygne - Tortues – Finale (1886 – Audition privée à Paris)

Ottorino Respighi 
Les Oiseaux : la Poule (1928 – Théâtre municipal de Sao Paulo)

Francis Poulenc 
Le Bestiaire  : Ecrevisse – Dauphin – Carpe (1919 – Audition privée à Paris)

John Williams Jaws 
The Shark theme (1975 – Los Angeles)

Erik Satie 
Sports & divertissements : La Pieuvre - Embryons desséchés : Edriophthalma - Préludes flasques - Véritables préludes flasques ( 1922 – Salle de La Ville l’Evèque)

George Gershwin
Walking the Dog (arrangement Bill Elliott) (1937)

Gioachino Rossini
Le Duo des chats (1825)

Baryton Stéphane Degout
Piano Bertrand Chamayou
Piano Alphonse Cemin
Récitant Mathieu Amalric

Direction musicale Barbara Hannigan
Orchestre Philharmonique de Radio France

Deux mois après sa reprise du rôle de Lulu à la Monnaie de Bruxelles, et une semaine après le passage à l’année 2022, Barbara Hannigan est de retour à la Maison de la Radio et de la Musique pour faire vivre un programme musical entièrement dédié à la vie animale à partir de pièces principalement créées à Paris au début du XXe siècle, mais pas seulement.

L’auditorium est par ailleurs idéalement taillé aux dimensions de ces œuvres qui allient esprit symphonique, limpidité et poésie méditative.

Barbara Hannigan

Barbara Hannigan

Les fragments symphoniques du Festin de l'araignée d’Albert Roussel permettent d’emblée de profiter des virevoltements et de la plénitude des sons des bois et des cuivres qui s’épanouissent en privilégiant la présence chaleureuse à l’épure éthérée. 

Puis, des extraits des Histoires naturelles de Maurice Ravel sont confiés à la voix veloutée de Stéphane Degout, splendide conteur, impeccable de diction, qui ponctue de mimiques subtiles et narratives le lyrisme rêveur de ces poèmes réarrangés dans une version pour orchestre. 

Barbara Hannigan et l'Orchestre Philharmonique de Radio France

Barbara Hannigan et l'Orchestre Philharmonique de Radio France

Ce moment captivant et un peu hors du temps laisse place en seconde partie à Bertrand Chamayou et Alphonse Cemin qui se sont substitués au dernier moment à Katia et Marielle Labèque souffrantes.

Installé un peu en retrait, Mathieu Amalric introduit les différents passages extraits du Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns, des Oiseaux d’Ottorino Respighi, du Bestiaire de Francis Poulenc et de Sports & divertissements d’Erik Satie, d’anecdotes contemporaines racontées dans une ambiance bon enfant. 

Stéphane Degout

Stéphane Degout

Magie et légèreté d’Alphonse Cemin dans les aller-retours de l’Aquarium, profondeur romantique de Bertrand Chamayou pour faire ressentir l’inspiration de la marche funèbre de Chopin sous l’Embryon desséché d’edriophthalma, ces interprétations virtuoses et enjôleuses sont pour un moment interrompues par les élans du grand requin blanc de Jaws dont Barbara Hannigan soulève de l’orchestre des vagues étincelantes splendides, comme un grand bol d’air marin qui submerge toute la scène.

Bertrand Chamayou

Bertrand Chamayou

Et de cette vie sauvage qui nous a emmené des plus grands spécimens aux animaux microscopiques, on s’éloigne finalement pour retrouver chiens et chats et la familiarité de leurs caprices à travers la promenade dansante de Walking the Dog de Gershwin et du duo des chats interprété par Stéphane Degout et Barbara Hannigan, seul passage qu'elle chante tout en dirigeant comme elle aime si souvent le faire.

L'ensemble des artistes et l'Orchestre Philharmonique de Radio France

L'ensemble des artistes et l'Orchestre Philharmonique de Radio France

Un programme qui met en joie et qui aurait probablement enchanté encore plus de très jeunes spectateurs si cela avait été possible.

Stéphane Degout et Barbara Hannigan

Stéphane Degout et Barbara Hannigan

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Publié le 19 Décembre 2021

Symphonies n°3 & 4 (Johannes Brahms – 1883 à 1885)
Concert du 16 décembre 2021
Philharmonie de Paris – Grande salle Pierre Boulez

Symphonie n°3 en fa majeur, op 90
Allegro con brio
Andante
Poco allegretto
Allegro

Symphonie n°4 en mi mineur, op 98
Allegro non troppo
Allegro moderato
Allegro giocoso
Allegro energico e passionato


Direction musicale Herbert Blomstedt
Orchestre de Paris

Concert diffusé sur Radio Classique le 09 janvier 2022 à 21h00

Achevée à l’été 1883 peu avant qu’Anton Bruchner, le dernier Romantique, n’achève sa 7e symphonie, la 3e symphonie de Brahms est l’une de ces œuvres concises et denses à la fois qui développe avec force et sérénité les humeurs introspectives de l’automne qui nous invite à ressourcer nos énergies pour se préparer à l’avenir.
Et se retrouver face à un chef d’orchestre tel Herbert Blomstedt qui file droit vers ses 95 ans ajoute à l’émerveillement du moment puisqu’il interroge le rapport mystérieux que chacun peut avoir à la musique.

Herbert Blomstedt

Herbert Blomstedt

Il fait ainsi vivre un univers sonore comme s’il cherchait à préserver un cœur chaud en faisant ondoyer un rayonnement caressant qu’il ramène subtilement vers lui pour canaliser l’entropie de l’orchestre et la laisser filer ensuite. La confiance des musiciens de l’Orchestre de Paris se lit dans la souplesse nerveuse de leurs gestes. La clarté des sonorités est splendide mais toujours tournée vers l’intériorité. Le sentiment d’être en connexion constante avec un orchestre et son chef est une expérience forte de tous les instants.

Herbert Blomstedt - Symphonie n°3 & 4 de Brahms - Philharmonie de Paris

Dans la quatrième symphonie de Brahms, ce mouvement ondoyant s’élargit, et l’orchestre est continuellement sur cet équilibre entre fluidité sans adhérence et épaisseur des mouvements de tous les pupitres, l’acoustique de la Philharmonie suffisant à en magnifier la lumière. Et la nature plus formelle de cette symphonie bénéficie encore de cette bienveillance naturelle sans emphase éperdue qu’imprègne Herbert Blomstedt aux musiciens afin de préserver la conscience d'une profondeur.

Cette invitation à une renaissance annoncée ne trouve pas plus belle conclusion que ces pas dansants et ces mimiques exaltées avec lesquels le chef d’orchestre accompagne de toute sa jeunesse d’esprit les rythmes enjoués du public lors des applaudissements qui ont conclu une telle soirée inspiratrice.

 

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Publié le 28 Novembre 2021

Noir & Blanc (Rés(O)nances - 2021)
Histoire d’une nuit de pleine lune où les photos prennent vie ...
Représentation du 18 novembre 2021
Centre culturel tchèque de Paris – 18, rue Bonaparte, Paris 6e

Alban Berg Die Nacht (1907)
Ottorino Respighi O falce di Luna (1909)
Richard Strauss Leise Lieder (1899)
Maurice Ravel Une barque sur l’océan (1905)

Artiste lyrique Marie Verhoeven
Piano, musique électroacoustique Jan Krejčík
Effets visuels, sculptures éphémères en eau Dominique Defontaines

Le nouveau spectacle de l’ensemble Rés(O)nances, joué au Centre culturel tchèque de Paris un vendredi soir d’automne, est une mise en correspondance entre un moment bien particulier du cycle céleste, une sélection de mélodies évocatrices, et une installation visuelle.

Blanc & Noir

Blanc & Noir

Les spectateurs se retrouvent ainsi assis face au mur le plus large de la salle à admirer une composition photographique en apparence simple qui comprend une façade de maison en style Art Nouveau ornée d’arches et de courbes douces et élégantes, un verre d’eau derrière lequel un soleil se couche, la pénombre sur le visage de Marie Verhoeven, les mers et cratères de la pleine lune, un coucher de lune sur la mer.

En surimpression, nous observons les trois artistes de Rés(O)nances, Marie, Jan et Dominique qui se promènent devant cette galerie d'où ressort une forme récurrente, la rondeur.

Jan Krejčík (piano) et Marie Verhoeven (chant)

Jan Krejčík (piano) et Marie Verhoeven (chant)

La nonchalance, la lenteur du pas, les visages qui semblent ne pas remarquer la présence du public, créent un univers poétique qui va, pour un moment, se briser sur un arrêt sur image. Puis, un bouchon de champagne éclate dans le noir, et la vidéo reprend son cours. Mais certaines images qui s’animent sont cette fois formées par des effets sur eau que maîtrise Dominique Defontaines, sans que pour autant les spectateurs n’aient le moindre indice pour le deviner. Une confusion entre la réalité de l’instant et l’illusion graphique s’immisce petit-à-petit dans cette œuvre éphémère.

Montage vidéo avec effets réels (Jan Krejčík au premier plan)

Montage vidéo avec effets réels (Jan Krejčík au premier plan)

Et pour accroître l’emprise de ce moment à la fois humoristique et mélancolique, Marie Verhoeven et Jan Krejčík, disposés sur le côté dans l’ombre aux teintes gris cendré, un autre effet lunaire, interprètent sur ces images hypnotiques de mouvements en spirale et d’eau ondoyante des poèmes musicaux chantés d’Alban Berg, Ottorino Respighi, Richard Strauss et Maurice Ravel, qui exaltent la nuit, l’eau et la lune.

Marie Verhoeven (chant)

Marie Verhoeven (chant)

La plénitude des notes du piano et la richesse du timbre de voix distillent le charme d’une atmosphère nocturne inspirée par la période des compositeurs impressionnistes du début du XXe siècle qui s’inscrivaient à ce moment là dans le mouvement de la Sécession de Vienne – les quatre mélodies ont toutes été composées peu avant la Première Guerre mondiale -.

S'opère ainsi un retour nostalgique dans le temps envouté par des musiciens qui idéalisaient leur monde. Une forme d’innovation douce, en quelque sorte, qui correspond si bien à ce que nous vivons ce soir là avec tant de sentiments apaisés.

Montage vidéo avec effets réels (de dos, Jan Krejčík, Dominique Defontaines et Marie Verhoeven)

Montage vidéo avec effets réels (de dos, Jan Krejčík, Dominique Defontaines et Marie Verhoeven)

Et ce voyage réflexif est si immersif que lorsque qu’il arrive à son terme après Une barque sur l’océan,  il plane un moment de doute dans l’attente hypothétique que la nuit ne se prolonge. 

La pleine Lune dans la nuit du 18 au 19 novembre 2021

La pleine Lune dans la nuit du 18 au 19 novembre 2021

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Publié le 6 Novembre 2021

Tim Dup
Concert du 04 novembre 2021
La Cigale - Paris

À ciel ouvert
Rhum coca
Une autre histoire d'amour
La course folle
Une envie méchante
Montecalvario
(avec Aurélie Saada)
D'alcool et de paysages
Mourir vieux (avec toi)
Juste pour te plaire
Les cinquantièmes hurlants
Soleil noir
Je te laisse
Pertusato
Vers les ourses polaires

Bis :
Place espoir
L'univers est une aventure
Demain, peut-être
Le visage de la nuit

Chant Tim Dup
Basse Thomas Clairice
Guitare François Lasserre

S’il a comme beaucoup d’artistes souffert des confinements qui anesthésièrent la vie culturelle du printemps 2020 à l’été 2021, cette même période lui aura au moins profité lorsque le 14 janvier 2021 la chaîne Arte Concert diffusa son récital enregistré à la Boule Noire le 11 décembre 2020.  Ce concert est d'ailleurs toujours en accès libre jusqu’au 14 janvier 2022.

Tim Dup - L'univers est une aventure

Tim Dup - L'univers est une aventure

Ce fut l’occasion d’une découverte tout à fait inattendue. A 25 ans, Tim Dup, jeune auteur compositeur, interprétait ses propres chansons tout en les accompagnant au piano sur sa propre musique, un choc face au naturel d’un tel talent mêlant mélancolie et regard tendre, mais sans concession, sur la vie.

Tim Dup

Tim Dup

Et quelle surprise de découvrir après-coup qu’il avait chanté au même moment, lors d’un concert organisé par l’accordéoniste Félicien Brut, « Vieux Vienne » de Claude Nougaro en compagnie de la mezzo-soprano Karine Deshayes, et qu’il avait aussi enregistré « Toute une vie sans te voir » avec Véronique Samson deux ans plus tôt. 

Sa voix androgyne, sa justesse de ton, son optimisme et son cœur grand ouvert se sont déjà ralliés les plus grandes voix du chant français de la pop au grand opéra en passant par le rap. Un prodige !

Tim Dup et Aurélie Saada - Montecalvario

Tim Dup et Aurélie Saada - Montecalvario

Depuis son premier album « Mélancolie heureuse », Tim Dup ne s’était produit qu’une fois à La Cigale, le 31 mai 2018.

Deux albums plus tard, avec « Qu’en restera t-il ? » (janvier 2020) puis « La course folle » (juin 2021), le jeune chanteur revient dans cette salle qui était à l’origine un café-concert construit en 1887.

Le programme qu’il propose fait la part belle à ces deux derniers albums, mais il reprend tout de même Une vie méchante, Soleil noir – une magnifique rêverie -, et les écorchures obsessionnelles de Vers les ourses polaires qui clôtureront le concert avant les traditionnels bis.

Tim Dup - Les cinquantièmes hurlants

Tim Dup - Les cinquantièmes hurlants

Mais à cette occasion, les chansons sont réorchestrées pour un bassiste, Thomas Clairice, et un guitariste, François Lasserre, qui tous deux accompagnent Tim Dup et donnent une toute autre dimension à certaines chansons qui en deviennent hypnotiques par leur puissance de son – étourdissant Vers les ourses polaires -. 

Lumières simples, bleutées ou rose fuchsia, ou bien faisceaux qui partent de l’arrière scène pour enserrer l’image du chanteur de manière plus irréelle, la fascination pour le jeune chanteur n’en est que plus grande, et il faut sentir le regard passionné de tous, charmés par son aisance, la sensualité du timbre de voix - dont il n’hésite pas parfois à éprouver les aigus les plus déchirés -, et son allure de doux révolté coiffé d’un bandana.

Tim Dup - Je te laisse

Tim Dup - Je te laisse

Parmi tant de moment forts, la balade insouciante Montecalvario chantée avec Aurélie Saada, suivie d’Alcool et de paysages entouré d’une dizaine d’amis, le rythme dingue de Juste pour te plaire, puis la mélodie des Cinquantièmes hurlants qu’il a enregistré avec le pianiste Alexandre Tharaud - encore un classique! - et qu’il interprète ce soir seul au milieu des spectateurs, sous une lumière bleue océan, en longeant d’abord l’un des balcons, avant d’aller brasser la foule de spectateurs restés debout au centre de la salle, afin d’éprouver un véritable contact physique avec eux.

Tim Dup - Vers les ourses polaires

Tim Dup - Vers les ourses polaires

Il y a aussi ces moments où on le retrouve seul à jouer au clavier les plus beaux passages qui créent de véritables respirations méditatives auxquelles se joignent en contrepoint les scènes de vies projetées en arrière scène, et c’est avec Le visage de la nuit qu’il achève, en dernier bis sur un splendide rythme indolent, un concert enchanteur et mémorable pour toutes les générations réunies ce soir.

Ce garçon est un véritable don pour la vie artistique d'aujourd'hui et il mérite tous les coups de cœurs qui lui sont adressés de toutes parts.

Tim Dup

Tim Dup

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Publié le 11 Octobre 2021

Quatuor Van Kuijk & Adrien et Christian Pierre La Marca
Concert du 10 octobre 2021
Journées Ravel de Montfort l’Amaury – Orangerie du Château de Breteuil

Ravel Quatuor à cordes en fa majeur M. 35 (1904)
Tchaïkovski Sextuor à cordes opus 70 « Souvenir de Florence » (1892)

Quatuor Van Kuijk
Violon Nicolas Van Kuijk
Violon Sylvain Favre-Bulle
Alto Emmanuel François
Violoncelle Anthony Kondo

Alto Adrien La Marca
Violoncelle Christian-Pierre La Marca

Pour la 25e édition des Journées Ravel de Montfort l’Amaury, et les 100 ans de l’acquisition par Maurice Ravel de la maison dite « du Belvédère » où le compositeur habitera jusqu’à sa mort en 1937, le Festival qui lui est dédié propose de retrouver le Quatuor Van Kuijk et les frères La Marca (Adrien et Christian-Pierre) à 35 km de Paris, à l’Orangerie du Château de Breteuil, propriété d’une grande famille aristocrate depuis 1712 située au coeur de la vallée de Chevreuse.

Le Quatuor Van Kuijk, Adrien et Christian-Pierre La Marca

Le Quatuor Van Kuijk, Adrien et Christian-Pierre La Marca

L’arrivée par l’allée couverte du Jardin des Princes magnifiquement illuminée par le Soleil sorti des brumes de ce dimanche matin aboutit à un amusant labyrinthe en buis dont le pavillon central abrite un personnage, la Mère l’Oye, en hommage à Charles Perrault, qui se trouve aussi être une œuvre de Maurice Ravel.

L’Orangerie résonne des accords des musiciens qui répètent leur concert, ce qui ajoute un charme irrésistible à ce lieu si verdoyant sous un ciel bleu clair.

Allée couverte du Jardin des Princes du Château de Breteuil

Allée couverte du Jardin des Princes du Château de Breteuil

Et en choisissant deux œuvres empreintes de joie et de gaîté, on ne peut trouver plus belle adéquation avec les états d’âmes inspirés par une telle ambiance matinale.

D’autant plus que l’acoustique de la grande salle est d’une remarquable qualité pour faire ressentir à l’auditeur l’authenticité du corps vibrant de chaque instrument, sans réverbération ni sécheresse, si ce n’est une légère tendance à amplifier la partie basse de leur tessiture.

Nicolas Van Kuijk et Sylvain Favre-Bulle

Nicolas Van Kuijk et Sylvain Favre-Bulle

Le son du Quatuor est gorgé d’une chaleur généreuse, et entendre vibrionner les premières mesures du quatuor à cordes de Ravel, comme pour accompagner d’une extrême délicatesse un charmant réveil dans cette enceinte éclairée d’une lumière vive qui traverse une large rangée de fenêtres tournées vers l’astre solaire aveuglant, donne l’impression de vivre un rêve éveillé.

L'Orangerie du Château de Breteuil

L'Orangerie du Château de Breteuil

La fraîcheur directe du jeu, les balancements ludiques avec des effets de densité et une coloration clair-obscur parfaitement homogène, même dans l’affinement des nuances, donnent un Ravel juvénile, voir taquin, et on retrouve avec plaisir les abandons malicieux d’Anthony Kondo qui, au violoncelle, se trouve aussi en situation d’avoir à équilibrer un trio pour lequel l’écriture musicale permet d’apprécier la virtuosité de chacun des musiciens.

On comprend que ce quatuor soit l’un des tout premiers que les Van Kuijk ait enregistré chez Alpha il y a 5 ans, tant il parait si immédiat, présente un excellent équilibre, et est empreint de traits romantiques dont les effusions s’épanchent ardemment dans les moments les plus langoureux.

Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre-Bulle, Emmanuel François et Anthony Kondo

Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre-Bulle, Emmanuel François et Anthony Kondo

A l'opposé du quatuor à cordes de Gabriel Fauré que les quatre musiciens venaient d’interpréter 3 semaines auparavant à l’Orangerie de Sceaux, une œuvre véritablement crépusculaire, le quatuor à cordes de Maurice Ravel apparaît avec plus évidence comme l’expression d’une admiration pleine d’espérance pour le compositeur de 30 ans son aîné auquel il est dédié.

Et lorsqu’Adrien et Christian-Pierre se joignent au quatuor, la disposition de l’ensemble avec en partie centrale les deux altistes flanqués respectivement, côté cour et côté jardin, des deux violoncellistes et des deux violonistes se faisant face, donne l’impression que l’on va assister à un véritable débat musical.

Emmanuel François et Adrien La Marca

Emmanuel François et Adrien La Marca

« Souvenir de Florence » est une dédicace à Nadejda von Meck, une femme fortunée qui fut mécène de Piotr Ilitch Tchaikovski, mais aussi de Claude Debussy, avec pour seule condition qu’ils ne se rencontrent pas.

Créé dans un cadre privé en décembre 1890, le sextuor à cordes est remanié et exécuté en public le 06 décembre 1892 à Saint-Pétersbourg, 12 jours seulement avant la création de Iolanta et Casse-Noisette au Théâtre Mariinsky.

La joie de cette composition se lit dans les regards des musiciens, elle qui met à l’épreuve leur engagement vigoureux et leur art de l’harmonisation brillamment manié ce matin au point de créer des instants d’intenses frémissements.

Il y a aussi ce passage au début du premier mouvement où les six musiciens se jettent dans un courant d’une épaisseur rougeoyante envoutante comme si la formation était décuplée pour faire ressentir la passion des grands élans slaves.

Adrien La Marca

Adrien La Marca

C’est également un véritable travail d’équipe qui s’expose de manière très inspirée, et l’attention d’Adrien La Marca au rythme de ses partenaires s’extériorise avec beaucoup d’expressivité. 

Entendre et aussi voir un sextuor en mouvement avec un tel sens de la pulsation permet enfin d’apprécier du regard le jeu des corps et de donner une matérialité à la puissance d’une musique restituée ici dans toute sa fougue qui s’échappe dans une plénitude abrupte et surprenante lors du dénouement final.

Nicolas Van Kuijk et Sylvain Favre-Bulle

Nicolas Van Kuijk et Sylvain Favre-Bulle

Et en bis, l’habituel arrangement de la fort nostalgique mélodie pour voix et piano composée par Francis Poulenc, « Les Chemins de l’amour », est cette fois ci joué à six instruments avec une richesse harmonique plus ombreuse.

Anthony Kondo et Sylvain Favre-Bulle

Anthony Kondo et Sylvain Favre-Bulle

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Publié le 9 Octobre 2021

Richard Wagner (Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg, Tristan und Isolde, Die Walküre)
Concert du 07 octobre 2021
Grande salle Pierre Boulez, Philharmonie de Paris

Richard Wagner
Maîtres Chanteurs de Nuremberg, Ouverture  (Bayerische Staatsoper - 1868)
Tristan et Isolde, Prélude et Mort d'Isolde (Bayerische Staatsoper - 1865)
La Walkyrie, acte 1 (Bayerische Staatsoper - 1870)

Sieglinde Jennifer Holloway
Siegmund Stuart Skelton
Hunding Mika Kares

Direction musicale Jaap van Zweden
Orchestre de Paris

                                                                Jaap van Zweden

 

Les wagnériens sont visiblement gâtés en cette rentrée lyrique parisienne, car après l’orchestre du Festival de Bayreuth venu pour la première fois à la Philharmonie de Paris début septembre, voilà que l’Orchestre de Paris dédie deux soirées au compositeur allemand quand le Vaisseau Fantôme débute au même moment une série de représentations sur la scène Bastille.

Jennifer Holloway (Sieglinde) et Stuart Skelton (Siegmund)

Jennifer Holloway (Sieglinde) et Stuart Skelton (Siegmund)

L’évènement de ces deux concerts réside aussi en la venue de Jaap van Zweden qui, mi septembre, a annoncé dans le New-York Times qu’il quitterait la direction du New-York Philharmonic à la fin de la saison 2023-2024 par désir de liberté. L’épidémie de covid, qui l’a obligé à rester aux Pays-Bas pendant 18 mois loin de son orchestre, l’a en effet incité à réviser ses directions de vie et notamment à se réinvestir dans sa fondation qui s’emploie à utiliser la musique pour aider les familles d’enfants autistes.

Il se concentre cependant sur la réouverture du Geffen Hall de New-York, pour lequel 550 millions de $ de travaux de rénovation ont été engagés, attendue à l’automne 2022 avec deux ans d’avance.

Wagner (Jennifer Holloway - Stuart Skelton - Mika Kares - Jaap van Zweden) Philharmonie de Paris

La manière avec laquelle il s’empare de l’Orchestre de Paris dit beaucoup du tempérament de ce chef d’orchestre et de sa recherche de somptuosité. La pâte sonore est d’une onctuosité très dense, les courants des cordes s’entrelacent avec une énergie haletante, et sa lecture suit un rythme cinématographique efficace sans que le son jaillissant des percussions ne sature pour autant les couleurs de l’orchestre. Cela bénéficie à l’ouverture des Meistersinger qui, petit à petit, fait monter les frissons chez l’auditeur, et l’on retrouve exactement ce même sens de la progression émotionnelle dans le Prélude de Tristan und Isolde d’une très belle luminosité. Ce sera un peu moins le cas pour la Mort d’Isolde même si la finesse orchestrale est tout aussi soyeuse.

Mais sans doute le plus beau était d’admirer tous ces jeunes présents partout, surtout dans les balcons, et qui peut-être ont pu faire des rapprochements entre la musique de Wagner et des films tels Melancholia de Lars Von Triers ou Roméo et Juliette de Baz Luhrmann qui intègrent respectivement le Prélude et la Mort d’Isolde. On aimerait qu’ils aient apprécié à cette même mesure une telle musique et y reviennent tout autant.

Mika Kares (Hunding)

Mika Kares (Hunding)

En seconde partie, le premier acte de la Walkyrie ouvre avec ce même influx tendu lors de la tempête avec un beau déploiement et un beau fondu des différentes strates de cordes, et le duo entre Jennifer Holloway et Stuart Skelton va se révéler d’une tendresse véritablement touchante.

La soprano américaine, que l’on retrouvera auprès de Véronique Gens dans Hulda de César Franck au Théâtre des Champs-Élysées, en juin prochain, offre un portrait sensible, doué d’une luminosité ombrée bien focalisée, mais avec une largeur de rayonnement appréciable. La fragilité de son personnage et la puissance de son désir d’exister se ressentent, et le ténor australien lui voue une tendresse magnifique, un aplomb vocal spectaculaire qui offre à son timbre au grain chaleureux une gangue de souffle d’une profondeur inouïe – beaucoup ont remarqué son volontarisme d’airain qui semblait concurrencer Lauritz Melchior à travers les Wälse ! -.

Il s’agit ici d’une incarnation très réfléchie dans les moindres détails de ses inflexions, d’une humanité entière beaucoup plus proche de chacun que celle d’un héros romantique inaccessible.

Mika Kares (Hunding), Stuart Skelton (Siegmund) et Jennifer Holloway (Sieglinde)

Mika Kares (Hunding), Stuart Skelton (Siegmund) et Jennifer Holloway (Sieglinde)

Et Mika Kares confirme qu’il est une des valeurs montantes dans les rôles de basses qui s’impose sur toutes les scènes du monde. Il met en avant une stature inflexible mais couverte par un timbre dont le velouté laisse transparaître des failles humaines retenues qui évitent de renvoyer une image trop monolithique. Son Hunding gagne ainsi en caractère et noblesse.

La joie de l'Orchestre de Paris

La joie de l'Orchestre de Paris

Quand s’acheva ce premier acte au final survoltant, quel regret qu’il ne fut possible d’enchaîner immédiatement sur l’ouverture du second acte et son ascension vertigineuse, car le temps ne comptait plus.

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