Wagner (Jennifer Holloway - Stuart Skelton - Mika Kares - Jaap van Zweden) Philharmonie de Paris

Publié le 9 Octobre 2021

Richard Wagner (Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg, Tristan und Isolde, Die Walküre)
Concert du 07 octobre 2021
Grande salle Pierre Boulez, Philharmonie de Paris

Richard Wagner
Maîtres Chanteurs de Nuremberg, Ouverture  (Bayerische Staatsoper - 1868)
Tristan et Isolde, Prélude et Mort d'Isolde (Bayerische Staatsoper - 1865)
La Walkyrie, acte 1 (Bayerische Staatsoper - 1870)

Sieglinde Jennifer Holloway
Siegmund Stuart Skelton
Hunding Mika Kares

Direction musicale Jaap van Zweden
Orchestre de Paris

                                                                Jaap van Zweden

 

Les wagnériens sont visiblement gâtés en cette rentrée lyrique parisienne, car après l’orchestre du Festival de Bayreuth venu pour la première fois à la Philharmonie de Paris début septembre, voilà que l’Orchestre de Paris dédie deux soirées au compositeur allemand quand le Vaisseau Fantôme débute au même moment une série de représentations sur la scène Bastille.

Jennifer Holloway (Sieglinde) et Stuart Skelton (Siegmund)

Jennifer Holloway (Sieglinde) et Stuart Skelton (Siegmund)

L’évènement de ces deux concerts réside aussi en la venue de Jaap van Zweden qui, mi septembre, a annoncé dans le New-York Times qu’il quitterait la direction du New-York Philharmonic à la fin de la saison 2023-2024 par désir de liberté. L’épidémie de covid, qui l’a obligé à rester aux Pays-Bas pendant 18 mois loin de son orchestre, l’a en effet incité à réviser ses directions de vie et notamment à se réinvestir dans sa fondation qui s’emploie à utiliser la musique pour aider les familles d’enfants autistes.

Il se concentre cependant sur la réouverture du Geffen Hall de New-York, pour lequel 550 millions de $ de travaux de rénovation ont été engagés, attendue à l’automne 2022 avec deux ans d’avance.

Wagner (Jennifer Holloway - Stuart Skelton - Mika Kares - Jaap van Zweden) Philharmonie de Paris

La manière avec laquelle il s’empare de l’Orchestre de Paris dit beaucoup du tempérament de ce chef d’orchestre et de sa recherche de somptuosité. La pâte sonore est d’une onctuosité très dense, les courants des cordes s’entrelacent avec une énergie haletante, et sa lecture suit un rythme cinématographique efficace sans que le son jaillissant des percussions ne sature pour autant les couleurs de l’orchestre. Cela bénéficie à l’ouverture des Meistersinger qui, petit à petit, fait monter les frissons chez l’auditeur, et l’on retrouve exactement ce même sens de la progression émotionnelle dans le Prélude de Tristan und Isolde d’une très belle luminosité. Ce sera un peu moins le cas pour la Mort d’Isolde même si la finesse orchestrale est tout aussi soyeuse.

Mais sans doute le plus beau était d’admirer tous ces jeunes présents partout, surtout dans les balcons, et qui peut-être ont pu faire des rapprochements entre la musique de Wagner et des films tels Melancholia de Lars Von Triers ou Roméo et Juliette de Baz Luhrmann qui intègrent respectivement le Prélude et la Mort d’Isolde. On aimerait qu’ils aient apprécié à cette même mesure une telle musique et y reviennent tout autant.

Mika Kares (Hunding)

Mika Kares (Hunding)

En seconde partie, le premier acte de la Walkyrie ouvre avec ce même influx tendu lors de la tempête avec un beau déploiement et un beau fondu des différentes strates de cordes, et le duo entre Jennifer Holloway et Stuart Skelton va se révéler d’une tendresse véritablement touchante.

La soprano américaine, que l’on retrouvera auprès de Véronique Gens dans Hulda de César Franck au Théâtre des Champs-Élysées, en juin prochain, offre un portrait sensible, doué d’une luminosité ombrée bien focalisée, mais avec une largeur de rayonnement appréciable. La fragilité de son personnage et la puissance de son désir d’exister se ressentent, et le ténor australien lui voue une tendresse magnifique, un aplomb vocal spectaculaire qui offre à son timbre au grain chaleureux une gangue de souffle d’une profondeur inouïe – beaucoup ont remarqué son volontarisme d’airain qui semblait concurrencer Lauritz Melchior à travers les Wälse ! -.

Il s’agit ici d’une incarnation très réfléchie dans les moindres détails de ses inflexions, d’une humanité entière beaucoup plus proche de chacun que celle d’un héros romantique inaccessible.

Mika Kares (Hunding), Stuart Skelton (Siegmund) et Jennifer Holloway (Sieglinde)

Mika Kares (Hunding), Stuart Skelton (Siegmund) et Jennifer Holloway (Sieglinde)

Et Mika Kares confirme qu’il est une des valeurs montantes dans les rôles de basses qui s’impose sur toutes les scènes du monde. Il met en avant une stature inflexible mais couverte par un timbre dont le velouté laisse transparaître des failles humaines retenues qui évitent de renvoyer une image trop monolithique. Son Hunding gagne ainsi en caractère et noblesse.

La joie de l'Orchestre de Paris

La joie de l'Orchestre de Paris

Quand s’acheva ce premier acte au final survoltant, quel regret qu’il ne fut possible d’enchaîner immédiatement sur l’ouverture du second acte et son ascension vertigineuse, car le temps ne comptait plus.

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