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Publié le 30 Mars 2008

Présentation de la nouvelle production de Wozzeck par Gerard Mortier
Amphithéâtre Bastille le 26 mars 2008
Représentations du 29 mars au 19  avril 2008 à l’Opéra Bastille

Voir également l'article du Compte rendu de représentation de Wozzeck.

Faire Wozzeck est un moment extraordinaire pour une maison d'opéra car c'est une œuvre qu'il faut à chaque fois défendre.

Il suffit de jeter un œil à la billetterie pour constater que si 30000 places sont déjà parties pour le Barbier de Séville,  seules 12000 places sur 7 représentations sont vendues pour ce chef d’œuvre du XXème siècle. Mais il reste 1 mois pour réussir à faire le plein.

Du reste, Alban Berg, savait que cette oeuvre faisait peur, si bien qu’il entreprit des tournées entières en Europe pour parler de sa pièce.

La reconnaissance tardive de Georg Büchner

Wozzeck est donc la rencontre du compositeur autrichien et de Georg Büchner.
Très étrangement, Büchner est né en 1813 la même année que Verdi et Wagner. Il est mort très jeune à l'âge de 24 ans, mais c'est un grand écrivain que le XIXème siècle a complètement nié et oublié.

C'est seulement en 1879 que pour la première fois un écrivain allemand, Karl Emil Franzos, publie l'intégralité du Woyzeck de Büchner, ce qui fut très compliqué puisque l’œuvre est restée inachevée.

Un autre de ses chefs d’œuvre, La Mort de Danton, est joué en 1902 à Berlin, puis à l'occasion du centenaire de la naissance de Büchner en 1913 au Théâtre de la Résidence de Munich, juste avant la Première guerre mondiale et sous l'impulsion de Hugo von Hofmannsthal.

Et c’est à Vienne, en 1914, que Woyzeck est pour la première fois montée. Alban Berg voit la pièce et décide tout de suite d’écrire un opéra sur Woyzeck

Depuis, le prix Georg-Büchner est devenu la plus grande récompense littéraire d’Allemagne, et, en le lisant aujourd'hui l'on comprend pourquoi il ne pouvait pas être compris au XIXème siècle.

L’écrivain est né dans une famille très intellectuelle, fils d’un médecin de l'armée de Napoléon (considéré comme « Le Libérateur » à l’époque).

Büchner étudie également la médecine, et sa famille, très engagée dans la vie politique, discute beaucoup de la révolution française.
Mais son esprit est d'abord un esprit scientifique, c'est à dire d'analyse, et c'est en sortant de cette analyse qu'il va défendre des thèses. Sa vie est très simple : elle se joue entre le gymnase de Darmstadt et Strasbourg, où il étudie.

Après la médecine, ses recherches s’orientent vers la philosophie, et plus particulièrement Descartes et Spinoza.

Car sa grande préoccupation est l'existence de Dieu qu'il nie formellement. L’étude de ces deux philosophes n’a donc pour objectif que de mieux les contredire.

Pour comprendre la pensée politique de Büchner, il faut citer la lettre qu’il écrit à ses parents à l’âge de 20 ans, le 5 avril 1833, où il explique que le seul moyen de changer le monde est la violence, sinon ceux qui ont le pouvoir ne changeront jamais les lois.

Il est devenu un grand humaniste dans sa pensée mais ses propos étonnent encore aujourd'hui.

Il dit aussi qu’aucune révolution ne peut réussir si elle ne part pas d’un besoin social du peuple, et qu’aucune révolution ne peut réussir sur les idées idéologiques.

C'est parce que le peuple a faim que la révolution peut réussir.

Il écrit cela par un grand attachement au peuple, mais il dit aussi qu'une révolution peut réussir sur le fanatisme religieux.

De ce petit éclairage sur les idées politiques de Büchner, passons à sa pensée métaphysique.

Pour lui, le sens même de l'œuvre de l'humanité ne doit pas être tourné vers un Paradis que nous ne connaissons pas et où nous espérons recevoir une récompense plus tard, mais doit être concentré sur le réel et la vie d’aujourd'hui.

Il défend cela car, par la médecine, il est confronté à beaucoup de douleur et de pauvreté.
C’est d’ailleurs par ce constat qu’il ne croit pas en un Dieu qui pourrait accepter cela.
La seule manière avec laquelle l’humain doit s’exprimer est donc la compassion pour l’autre.

Il ne croit pas dans un progrès permanent, et là il rejoint Shakespeare, pour qui le monde est comme une spirale, c'est-à-dire que les deux chemins vers l’évolution ou bien la régression sont possibles, et donc il faut faire attention à chaque acte dans la vie et à ses conséquences.

Büchner ne vit pas complètement dans l’athéisme, ses meilleurs amis sont d’ailleurs des théologiens, mais il y a chez lui un fatalisme incroyable car il ne comprend pas comment l’homme peut être amené à mentir et à tuer.

Enfin, sur le plan esthétique, l’écrivain est totalement opposé à Schiller.

Il aime beaucoup Victor Hugo et exploite la Préface de Cromwell.
Pour lui, le théâtre ne doit pas décrire le monde tel qu’il devrait être, mais tel qu’il est et pourrait ensuite devenir. Il ne souhaite pas que le théâtre soit l’expression de la beauté idéalisée. 

La beauté, c’est oser regarder la réalité du monde puisque si Dieu a créé le monde tel qu’il voulait qu’il soit, il n’y a pas de raison de le décrire différemment.
Le théâtre de Schiller est trop idéalisé et risque de nous placer dans un théâtre de rêve bourgeois, alors que c’est en regardant le monde en face que nous pouvons le changer.

La rencontre d’Alban Berg et de Georg Büchner

Alors pourquoi Alban Berg a-t-il été si ému par la découverte de Woyzeck ?

Alban Berg vient d’une famille de fonctionnaires, et a vécu toute sa vie à côté du château de Schönbrunn à Vienne.

Garçon très beau, il a, à 17 ans, une fille avec la servante de la maison, puis se marie avec Hélène Nahowski, qui est probablement une fille illégitime de l’Empereur Franz Joseph Ier.

Grâce à elle, il obtient l’indépendance financière pour se consacrer à la composition.
Il va alors tomber en admiration du monde de Büchner qui est un monde totalement différent du sien.

Berg a plusieurs idoles : Schoenberg, dont il a été l’élève et pour lequel il fit des réductions piano.

Toujours disponible, il va le suivre dans son nouveau système de composition dodécaphonique.

Il y a également l’écrivain Karl Kraus, très connu à Vienne. Il est le créateur du journal satirique Die Fackel (Le Flambeau) très critique dans un contexte de fin d’Empire Austro-Hongrois. Il y attaque Hofmannsthal et le Festival de Salzbourg créé en 1920 par réflexe nationaliste.

Il y a enfin l’architecte Loos,  le premier architecte qui a créé un style totalement nouveau et dépouillé pour Vienne et donc décrié dans son temps.

Alors cet homme qui aime vivre dans une grande maison bourgeoise et y inviter beaucoup de gens a aussi une vie secrète.

Il a une liaison avec une artiste, Hanna Fuchs, pour laquelle il écrit La Suite Lyrique pour quatuor à Cordes (1925-1926), qui est  comme un Tristan et Isolde en miniature.

C’est pour cela qu’Hélène Berg s’est opposée pendant longtemps à ce que le troisième acte de Lulu soit orchestré par Friedrich Paul Cerha.

Paris le découvrira en création mondiale au Palais Garnier en 1979.

Quelques éléments sur Wozzeck

Alors pourquoi Wozzeck est un chef d’œuvre absolu ?
Sa forme est simplement la plus parfaite depuis Mozart et va même plus loin que Wagner.
Berg part de la première version de Karl Emil Franzos et effectue une sélection.

Il crée 3 actes en 5 scènes.

Le premier acte présente cinq personnages : Le Capitaine, Andres, Marie, le Docteur, le Tambour-major.
Il y a une pensée très forte d’Alban Berg car ce sont 5 personnages de la Commedia dell' arte : Le Capitan, Pantalon, Colombine, le Docteur, l’Amant.
Wozzeck est Arlequin.

Et chaque personnage est associé à une forme musicale : Suite, Rhapsodie, Berceuse, Passacaille, Andante.

Le second acte expose l’évolution du drame.
C’est une symphonie en cinq mouvements :
Sonate, Fugue, Largo, Scherzo, Rondo martial.

Le troisième acte mène à la catastrophe.
Ce sont des inventions sur un thème, une note (si), un rythme, un accord de six sons, un rythme en croches.

C’est donc une construction classique et très forte construite comme une grande cathédrale.
Et c’est cela que Berg souhaite faire comprendre inconsciemment à l’auditeur.

Il suffit d’écouter 3 fois Wozzeck dans une semaine pour reconnaître les mélodies.
Cette magnifique musique dodécaphonique, mais qui n’est pas atonale, est faite pour que le public s’y retrouve.

Il n’y a pas de leitmotiv comme chez Wagner, mais il veut faire appel à la conscience musicale du public.
Vous ne reconnaissez pas toute suite ces inspirations, car Berg les transforme.

Ainsi l’ouverture ressemble à la sixième symphonie de Beethoven, et la fameuse scène 4 de l’acte II reprend bien sûr le Chevalier à la Rose

Ecouter Wozzeck devient alors quelque chose d’extraordinaire car nous avons déjà les motifs en tête.

La mise en scène de Christoph Marthaler.

Christoph Marthaler n’est pas un metteur en scène qui part d’une conception qu’il a en tête.

Il s’appuie plutôt sur une connaissance forte de la pièce et du regard qu’il a sur la réalité d’aujourd’hui. Puis, il introduit son regard d’aujourd’hui dans la réalité de la pièce.

Wozzeck lui permet en plus de poursuivre son travail sur les pièces de Büchner après La Mort de Danton présentée au Théâtre de l’Odéon.

Alors, il faut savoir  qu’il ne dit pas aux chanteurs ce qu’ils doivent faire. Il leur explique la pièce puis il travaille avec eux.

Ce Wozzeck a été développé en fonction de la personnalité de Simon Keenlyside.

Quant au décor, il est, comme toujours, un élément très fort de la conception.

Christoph Marthaler et Anna Viebrock se sont inspirés d’un lieu qu’ils ont découvert à Gand.

Il ont trouvé une grande usine accueillant un lieu de jeu pour enfants, et sont entrés dans ce lieu plein de jeux en plastique et de cerceaux.

Puis, en voyant la tente avec une table, là ils se sont dit « Ce sera Wozzeck ».

Dans ce lieu très prolétaire à proximité du port,  des gens d’âge moyen assis à ces tables sont ensemble, mais plutôt silencieux, et tristes,  alors que les enfants jouent dehors, entrant et sortant en permanence.

En racontant ce que vit une classe sociale existante, ils ont donc senti que cette pièce de Büchner est toujours actuelle car ils ont découvert une classe sociale au bord de l’exclusion sociale.

Alors, à qui peut ressembler le personnage du soldat aujourd’hui ?

A l’époque de Büchner, un soldat gagnait 20 fois moins qu’un médecin. Il devient ici un personnage chargé de la sécurité mais qui, dans ce lieu, doit travailler tout le temps justement pour survivre.

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Publié le 20 Mars 2008

Présentation de la saison lyrique 2008 / 2009

Lundi 17 mars 2008 à l’Amphithéâtre Bastille.
 
C’est avec un peu d’émotion que Gerard Mortier présente pour la dernière fois la nouvelle saison de l’ONP devant plus de 500 membres de l’AROP (Association pour le Rayonnement de l’Opéra de Paris).
 
Cette cinquième saison n’est pas comme un grand feu d’artifice de départ mais simplement la continuation d’un travail fait avec beaucoup de plaisir.
Saison Lyrique 2008 / 2009 de l'Opéra National de Paris

Si le directeur reconnaît volontiers avoir un peu divisé le public, il souhaite cependant faire comprendre que le plus important pour lui est le débat.

 

Mais un débat constructif, le théâtre étant un endroit très vivant où les gens discutent et défendent leurs opinions.

 
Sa conviction est visiblement profonde.
Ce qu’il fait vient toujours de son cœur et de son âme et est le fruit d’un grand travail.
Il croit que le théâtre a un devoir qui dépasse le divertissement, que le spectateur doit pouvoir se souvenir d’un spectacle pendant très longtemps et se remettre en question.
 
Et c’est cette fonction politique qui l’intéresse. Pas la politique politicienne bien entendu, mais la politique sur la condition humaine, où l’individu sort du théâtre en se voyant et en se demandant comment cette condition humaine peut devenir meilleure.
Car c’est cela le théâtre dans notre civilisation occidentale. Depuis la tragédie grecque les citoyens ont toujours débattu leur façon de vivre à travers le théâtre.
 
Cela conduit alors au choix pour cette cinquième saison de cette devise de Fernando Pessoa « L’espoir est un devoir du sentiment ».
L’espoir est un devoir, il ne vient pas de soi seul. Il faut donc monter des spectacles qui donnent des raisons à cet espoir. Et cela se justifie d’autant plus que le regard sur la situation mondiale peut amener à un certain désespoir. 
 
  
L’œuvre centrale de la saison 2008/2009  
 
Du 25 novembre au 21 décembre 2008 (9 représentations à Garnier)
Angela Denoke, Jonas Kaufmann, Paul Gay, Alan Held, Franz-Joseph Selig
Mise en scène Johan Simons / Direction Sylvain Cambreling
 
C’est une œuvre parfaite dans chaque numéro musical mais qui représente un problème autant pour chaque musicien que pour le public.
On sent que tout le monde n’aime pas Fidelio, c’est une œuvre qui représente des valeurs qui ne sont plus soutenues aujourd’hui. Beethoven a énormément idéalisé l'amour conjugal mais ne s’est jamais marié (ce qui lui aurait permis de voir cela avec d'autres yeux soit dit en passant).
Une distribution de fidèles a été rassemblée avec Angela Denoke et Jonas Kaufmann qui forment un jeune couple.
La pièce est jouée dans une version qui prend des éléments de la première version.
Beethoven l'avait composée la première fois sous le nom de Léonore en 1803.
Mais écrite au moment où les troupes françaises étaient à Vienne, chacun peut se figurer qu’après des journées assez dures, les troupes de Napoléon avaient autre chose à faire que d'aller voir Leonore. La première fût un désastre, il faut bien le dire.
 
Il a donc retravaillé cette pièce pendant 10 ans pour aboutir à la version de 1814 avec quelques éléments de la première version.
Cependant, c’est l’ouverture de Léonore I, très inspirée par Mozart, qui sera reprise.
Le public n’entendra donc pas le fameux signal des trompettes de l’ouverture Léonore III.
Car c’est avec Fidelio que pour la première fois dans l'histoire de la musique le son de la trompette devient l’annonce de la libération. Avant, la trompette était l'avertissement du pouvoir. Tous les empereurs entraient en scène avec timbales et trompettes.
Beethoven donne ainsi une traduction musicale à quelque chose d'inouï. Ce signal est suivi par le duo d'amour extatique qui est une vraie jubilation.
 
 
Autres œuvres sous le signe de l’Espoir et de l’Utopie
 
 
Du 17 novembre au 23 décembre 2008 (14 représentations à Bastille)
Maria Bengtsson, Shawn Mathey, Russel Braun, Maria Virginia Savastabo, Kristinn Sigmundsson, Erika Miklosa
Mise en scène Fura dels Baus / Direction Thomas Hengelbrock
 
La reprise de la Flûte Enchantée est faite au mois de décembre bien entendu car c’est le moment où l’on peut amener les enfants à l’Opéra. D’ailleurs 9 ans est l’âge idéal pour commencer à leur faire découvrir le théâtre car ensuite ils considèreront qu’ils ont mieux à faire.
 
Du 13 octobre au 12 novembre 2008 (10 représentations à Bastille)
Christine Schäfer, Hannah Esther Minutillo, Paul Gay, Jukka Rasilainen, Michèle Lagrange
Mise en scène André Engel / Direction Dennis Russel Davies
 
Autre œuvre pour les enfants, la Petite Renarde Rusée raconte le cycle de la vie, c'est-à-dire quelque chose où il y a le printemps, l'automne puis le retour du printemps.
Tout cela résumé dans la petite phrase du forestier à la grenouille a la fin : "Ah mais je vous reconnaîs on s'est déjà vu" et la petite grenouille de répondre " non, ce n'était pas moi, c'était mon grand-père ! ».
Janacek l’a composée à la fin de sa vie en même temps que « De La Maison des Morts » proposée lors de la première saison.
 
Du 04 avril au 08 mai 2009 (11 représentations à Bastille)
Violetta Urmana, Carlos Alvarez, Ferruccio Furlanetto, Stefano Secco
Mise en scène Dmitri Tcherniakov / Direction Alessandro Di Stefano
 
Et puis il y a une autre pièce qui parle de l'utopie et de la liberté : Macbeth de Verdi.
Le nouveau metteur en scène, Dmitri Tcherniakov, fait un triomphe (dixit Gerard Mortier) à Berlin dans "The Gambler" de Prokoviev. Il fait son entrée à l’Opéra de Paris.
C’est Valery Gergiev qui fit appel à lui il y a 3 ans pour mettre en scène Tristan et Isolde au Théâtre Mariinski.
Macbeth sera une coproduction avec l’Opéra de Novossibirsk.
 
 
L’Europe Centrale
 
Dans les autres parties de la saison il y aura des pièces orientées vers l’Europe Centrale, région où se construit l’Europe et qui n’est pas suffisamment connue.
 
Du 11 octobre au 02 novembre 2008 (9 représentations à Garnier)
Christiane Oelze, Martina Dike, Oleg Bryjak, Stefan Kocá, Franz Hawlata, Helene Schneiderman
Mise en scène Gilbert Deflo / Direction Jiří Bělohlávek
 
La fiancée vendue de Smetana qui connaît un grand succès en Allemagne n’a plus été jouée à Paris depuis 80 ans.
 
Du 04 mai au 18mai 2008 (6 représentations à Bastille)
Angela Denoke, Charles Workman, Vincent Le Texier, Wayne Tigges, David Kuebler, Karine Deshayes
Mise en scène Krzysztof Warlikowski / Direction Tomas Hanus
 
 
Du 17 janvier au 30 janvier 2009 (6 représentations à Bastille)
Eva-Maria Westbroek, Vladimir vaneev, Ludovit Ludha, Michael König
Mise en scène Martin Kušej / Direction Harmut Haenchen
 
Cette production du Nederlandse Opera d’Amsterdam vient à Paris en échange de la Production de La Juive.
 
Du 6 septembre au 11 septembre 2008 (6 représentations à Garnier)
Solistes du Théâtre du Bolchoï
Mise en scène Dmitri Tcherniakov / Direction Alexander Vedernikov
 
La discussion fût rude à propos de la mise en scène de Tcherniakov entre Gerard Mortier et la chanteuse Galina Vishnevskaya qui n’apprécie pas cette production si l’on en croit le New York Times.
Production du Théâtre du Bolchoï, Moscou.
 
Du 24 janvier au 8 février 2009 (7 représentations à Garnier)
Caroline Peters, Mireille Delunsch, Paul Gay, Yann Beuron, Victor von Halem, Hannah Esther Minutillo
Mise en scène Luc Bondy / Direction Sylvain Cambreling
 
C’est le 5ième opéra de Philippe Boesmans, d’après la pièce de Witold Gombrowicz
L’héroïne ne chante pas.
 
Du 18 juin au 02 juillet 2009 (7 représentations à Bastille)
Olga Pasichnyk, Mariusz Kwiecien, Eric Cutler, Stefan Margita
Mise en scène Krzysztof Warlikowski / Direction Kazushi Ono
 
C’est l’œuvre d’un Polonais qui aimait la France.
Très influencé par Claude Debussy, le thème de la confrontation Orient–Occident est évidemment actuel.
 
 
Le petit cadeau pour les amateurs d’Opéras Français
 
Du 28 février au 26 mars 2009 (10 représentations à Bastille)
Susan Graham, Rolando Villazon, Ludovic Tézier, Alain Vernhes
Mise en scène Jürgen Rose / Direction Kent Nagano

Production du Bayerische Staatsoper, Munich.
 
 
L’Opéra Napolitain
 
Du 13 juin au 21 juin 2009 (5 représentations à Garnier)
Orchestra Giovanile Luigi Cherubini
Mise en scène Cesare Lievi / Direction Riccardo Muti
 
Riccardo Muti est en train de redécouvrir des opéras napolitains qui existèrent juste avant Mozart.
C’est une coproduction avec les Festivals de Salzburg et de Ravenne.
 
 
Les autres reprises
 
Du 24 septembre au 02 novembre 2008 (15 représentations à Bastille)
Ekaterina Syurina, Stefano Secco, Juan Pons, Kristinn Sigmundsson
Mise en scène Jérôme Savary / Direction Daniel Oren
 
Du 30 octobre au 03 décembre 2008 (9 représentations à Bastille)
Waltraud Meier, Clifton Forbis, Franz-Josef Selig, Ekaterina Gubanova, Alexander Marco-Buhrmester
Mise en scène Peter Sellars / Direction Semyon Bychkov
 
C’est la production la plus chère de l’histoire de l' Opéra de Paris.
En moyenne une production coûte 400.000 euros. Partant sur 600.000 euros, Gerard Mortier eut un choc le jour où Bill Viola lui annonça une facture de 3 millions de dollars !
Ainsi la solution trouvée réside dans la vente de cette production à des musées (New York, Londres) qui permettra de la faire connaître à l’étranger.
Du 29 janvier au 04 mars 2009 (15 représentations à Bastille)
Liping Zhang, Helene Schneiderman, Carl Tanner, Frank Ferrari
Mise en scène Robert Wilson / Direction Vello Pähn
 
Du 27 février au 22 mars 2009 (9 représentations à Garnier)
Joyce DiDonato, Camilla Tilling, Paul Groves, Mireille Delunsch, David Kuebler
Mise en scène Luc Bondy / Direction Thomas Hengelbrock.
 
Du 19 avril au 23 mai 2009 (12 représentations à Bastille)
Deborah Voigt, Ramon Vargas, Franck Ferrari, Elena Manistina, Anna Christy
Mise en scène Gilbert Deflo / Direction Renato Palumbo
 
Du 20 mai au 5 juin 2009 (10 représentations à Bastille)
Adina Nitescu, Aleksandrs Antonenko, James Morris
Mise en scène Werner Schroeter/ Direction NN
 
Voir également le site internet de l’Opéra National de Paris

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Rédigé par David

Publié dans #Conférences

Publié le 29 Février 2008

Présentation de la nouvelle production de Parsifal par Gerard Mortier.
Amphithéâtre Bastille le Lundi 25 février 2008.
Représentations à l'Opéra Bastille du 04 mars au 23 mars 2008.

 

Voir également Nouvelle Production de Parsifal à l'Opéra Bastille pour le compte rendu de la première représentation.
 
19 ans après la production du théâtre de La Monnaie de mars 1989, Gerard Mortier réalise pour la deuxième fois une production de Parsifal.
 
Les moyens de l’Opéra Bastille vont d’ailleurs lui permettre de créer une configuration identique à Bayreuth ( où il vit une première mise en scène en 1964) avec un très grand orchestre composé de 16 1er violons, 14 alti, 12 violoncelles et 10 contrebasses.
 

Les problèmes que pose l’œuvre

Le spectateur qui s’installe pour écouter Parsifal peut ressentir un certain malaise pour au moins trois raisons.

Premièrement qu’est ce que cet ouvrage ? Un théâtre ? Une sorte de religion ? Une messe ?
Au Festspielhaus de Bayreuth il était même interdit pendant longtemps d’applaudir après le premier acte et il fallait sortir en toute tranquillité comme dans une église.
Pas étonnant qu’Igor Stravinsky en partit furieux de voir un tel comportement.

Car si dans « St François d’Assise »  Olivier Messiaen parle de dieu sans rien montrer sur scène, dans l’œuvre de Wagner tout est là : le pigeon blanc de Pentecôte, le Calice, les chœurs du ciel et ensuite tout le texte pour finir sur la phrase « Rédemption au rédempteur », le Christ étant ainsi sauvé par Parsifal.

Il est d’ailleurs étrange que Parsifal, qui est un guerrier, ait pu recevoir une mission de dieu.
Alors comment aborder cela ?

Thomas Mann dit que Wagner a développé une sorte de théologie privée, qu’il a voulu libérer la religion de l’orthodoxie religieuse (l’église canonique).
Comment faire alors avec toutes ces références à la chrétienté pour toucher un public contemporain de moins en moins croyant dans un siècle très sectarisé ?

En deuxième lieu, comment aborder le personnage de Kundry ?
A partir de Saint Augustin, se développe l'idée que la Femme est à l’origine du péché et du malheur de l’homme. La Femme incarne le diable.

Qu’est ce qu’elle est au juste?  Elle est très laide dans la journée (elle est décrite comme un animal) et la nuit est d’une beauté incroyable, l’incarnation de la séduction.

Mais ce qui est encore plus difficile à accepter est que Kundry est très caractéristiquement indiquée comme une Juive. Elle a été condamnée pour avoir ri au passage du Christ portant sa Croix.

Certains metteurs en scène refusent pour cette raison de mettre en scène Parsifal. Patrice Chéreau a toujours refusé de le faire (il était prévu pour Bayreuth).

Et puis il y a ce cri étrange au moment du baiser de Kundry à Parsifal. C’est simplement la prise de conscience de lui-même par la sexualité. Mais cette prise de conscience est presque condamnée car il doit aller se repentir.

Enfin comment comprendre ce qu’il se passe lors de la dernière scène ?
La rédemption se fait car Amfortas est guéri par la lance de Parsifal et seule Kundry doit mourir (avec Klingsor au deuxième acte).
Le monde remis en ordre à la fin est donc un monde d’hommes et non pas un monde de femmes.


Quelques éléments sur l’histoire de la représentation du Graal

La question du Graal vit avec nous depuis longtemps.

A Gand (où est né Gerard Mortier) se trouve le Château des comtes construit par le Comte Philippe d’Alsace lorsque qu'il revint de la seconde croisade (1180).

Il y invita le troubadour Chrétien de Troyes afin d’écrire pour son fils un roman d'initiation : "Perceval".
La passage sur le Graal est très court (25 vers sur 9000) et le livre est resté inachevé. Seulement c'est un épisode d'une extrême beauté.

Une fois  Perceval entré dans le château du roi Pescheor, un très beau cortège de jeunes filles et de jeunes hommes défile sous ses yeux (avec de magnifiques descriptions des robes, des visages ...) en portant trois symboles : une pierre, le Graal (sorte de coupe) et une lance dont coule du sang.
La beauté de cette vision émerveille tout le monde et est décrite avec beaucoup de sensualité.

Mais à la même époque, la religion catholique fait du Graal le Calice avec lequel Joseph d'Arimathée récupéra le sang du Christ.

Enfin, Wolfram von Eschenbach (1175-1225 environ) parle du Graal dans le très long poème Parzival qui inspirera Richard Wagner.

La mythologie du Graal est de toute évidence présente dans beaucoup de religions et se retrouve même dans les cultes préislamiques (la Pierre Noire d'Arabie devenue lieu de pèlerinage aujourd'hui).

Gerard Mortier a ainsi proposé à Amin Maalouf de réfléchir à un spectacle œcuménique sur le Graal en partant de matériel arabe. Après un an d'étude le projet a cependant échoué mais peut-être sera t'il monté au New York City Opera.

Le symbole du Graal est donc au Moyen Age une sorte d'incarnation du paradis.


La mise en scène de Parsifal

L’inquiétude qu’a le metteur en scène en s’attaquant à une œuvre pareille est que Parsifal ne pouvait être joué qu’à Bayreuth entre 1882 et 1912.
En 1904, il y a bien une tentative au Metropolitan Opera grâce à une petite partition récupérée, mais c'est un sacrilège.
S’installe alors cette idée de pèlerinage comme à Lourdes.

La mise en scène définie par Richard Wagner fait référence à des lieux très réalistes : le Temple s'inspire de la Cathédrale de Sienne, tandis que les jardins de Klingsor reproduisent ceux de Ravenne.
Jusqu’en 1933 elle ne change pas.

Siegfried, le fils de Wagner, envisage de la renouveler mais finalement décide de ne pas le faire.
Par contre Hitler souhaite la changer car il aime les « Maîtres Chanteurs de Nuremberg » mais pas Parsifal à cause de ses références religieuses (il n’avait pas vu que Kundry était juive). L’intendant Nazi Hans Tietjen crée ainsi une nouvelle production en 1934 dans les décors d'Alfred Roller et Emil Preetorius.
Cependant elle ne dure que 3 ans et en 1937, Wieland Wagner signe de nouveaux décors.

En 1951, Wieland Wagner a cette magnifique idée de concentrer la mise en scène sur les effets de lumières et couleurs. Inspiré par la psychologie de Freud, Kundry devient une araignée qui attend tous ces hommes dans sa toile.

Tous les symboles sont là : le pigeon (le saint esprit), le cygne (la sensualité selon la mythologie de l’Edda) tué par Parsifal, le calice (symbole féminin) et la lance (symbole masculin).

Chez Richard Wagner il y a toujours cette scission entre la sensualité et l'amour absolu (thème qui parcourt également Tannhaüser).

Aucune mise en scène ne peut cependant atteindre la vérité beaucoup trop complexe de l’œuvre.


La mise en scène de Krzysztof Warlikowski

Le point de départ est de ne pas effacer la relation avec le religieux mais de la mettre parfois entre parenthèse ou alors de l’accentuer.

Il y a beaucoup de mises en scènes qui l’effacent et tuent ainsi la pièce en la sécularisant complètement. Dans ce cas, c'est aussi le rapport avec la musique qui est estompé.

D'ailleurs à Paris en 2004, le côté religieux de Saint François d’Assise a été gommé ce qui n’a pas vraiment réussi à l’ouvrage.

Entre la première de Parsifal et aujourd’hui, nous avons vécu un XXième siècle avec deux guerres mondiales, dans lequel beaucoup de choses se sont passées et sont présentes dans l’œuvre de Richard Wagner, c'est-à-dire toute cette réflexion sur la sécularisation, ce côté idéaliste, ce côté pseudo religion.

Gerard Mortier et Krzysztof Warlikowski ont ainsi essayé d’intégrer les grandes réflexions du XXième siècle. Il ne faut donc pas attendre un premier degré mais faire l’effort d’accepter un second degré.
Par exemple la « Montagne Magique » de Thomas Mann est aussi une sorte d’initiation dont le jeune Hans Castorp bénéficie. Pourtant à la fin il part en guerre et y meurt.

Des associations avec des œuvres artistiques du XXième siècle ont été incorporées.
Dans « 2001 l’Odyssée de l’Espace », le grand monolithe représente pour Stanley Kubrick le Graal, cette pièce que l’on ne comprend pas.
Des images de films de Rossellini interviennent également comme Krzysztof Warlikowski fit dans l’Affaire Makropoulos.

A la fin, tous ces personnages forment une famille : Amfortas et Klingsor sont demi-frères et Titurel est le père d’Amfortas. 
Quand à Kundry, qui est une femme qui renaît tout le temps et qui décrit avec une telle émotion la mort de Herzeleide, ne pourrait-elle pas être justement sa réincarnation ?
Il faut se souvenir que la mère de Parsifal l’a en vain empêché de suivre les traces d’un père, Gamuret, attiré par les aventures héroïques.

Kundry est le personnage le plus important.
C’est par elle que la pièce a beaucoup à raconter aujourd'hui. C’est une figure très moderne, bousculée par une grande aspiration à l’humanité et hédoniste comme est notre monde.
Mais avec tous les mouvements féministes rencontrés au XXème siècle, le metteur en scène ne peut se faire à l’idée de Wagner que Kundry doit mourir. C'est philosophiquement impossible.

Alors la famille se retrouve à la fin autour de la table qui pourrait être celle de la Cène.

 

Introduction musicale à Parsifal

L’idée de base de Parsifal est la symétrie des 3 actes. Les Ier et 3ième actes se reflètent et le second vient comme un grand contraste aux deux autres.
Puis dans chacun de ces actes se crée une opposition entre la musique diatonique et la musique chromatique.

Ainsi la musique diatonique, utilisée pour les mélodies les plus simples, se distingue par la clarté de son harmonie alors que la musique chromatique utilise les ½ tons ce qui crée une très grande tension dans l’harmonie classique.

Le chromatisme caractérise par exemple  Klingsor, Kundry, la magie ou bien la douleur d’Amfortas.
La musique de Parsifal, jeune garçon innocent (sauf à la fin lorsqu’il devient roi où la musique est naturellement chromatique), les thèmes liés au Graal,  tout ce qui relève de la foi et qui est beau sont de nature diatonique.
Ce dualisme très simple est donc pris comme point de départ.

Mais ce n’est pas aussi clair car tous ces personnages ont des histoires qui reprennent les motifs des autres, et les thèmes se modifient.
Avec ces leitmotive, l’art de Wagner est d’introduire le thème de la transformation.

L’opéra commence alors sur le motif du Graal (Mendelssohn l’utilise dans la 5ième symphonie avec l’amen de Dresde), puis enchaîne avec le motif de la foi présenté dans l’appel du matin.
Les chevaliers parcourent la forêt et de loin entendent ce thème.

Avec Kundry, la musique devient très agitée, motif de la chevauchée suivi de celui de Kundry qui est un motif descendant.
Le motif le plus chromatique dans le premier acte et celui de Klingsor, qui n’est pas présent mais est présenté par Gurnemanz dans son grand récit.

Et c’est à partir du second acte que Wagner apparaît vraiment comme l’élève de Ludwig van Beethoven car dans son développement tous les thèmes sont repris puis déconstruits et combinés les uns avec les autres. Enfin le  3ième acte est une reprise du Ier (à l’instar de la 5ième symphonie de Beethoven) où tous les motifs reviennent mais un peu modifiés.

C’est Alban Berg qui a vu tout cela chez Wagner et qui a poussé à l’extrême cette technique dans Wozzeck en construisant des scènes comme une symphonie.

Le philosophe allemand Arthur Schopenhauer disait que la musique est incapable d’exprimer le paradoxe, l’ambiguïté, et qu'elle ne peut qu'exprimer l’émotion pure.
Pourtant dans le second acte, les motifs du Graal diatoniques apparaissent dans un contexte chromatique et c’est tout cela qui crée une ambiguïté.

Wagner réussit donc à exprimer l’ambivalence du personnage de Kundry : d’abord les motifs sont présentés dans une pensée très claire et à la fin on ne sait plus ce que ces motifs veulent dire.

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Publié le 2 Février 2008

Présentation de l'opéra "Cardillac"de Paul Hindemith
Débat au Goethe-Institut le 30 janvier 2008


L’article qui suit restitue quelques notes prises lors de la présentation de Cardillac par Gérard Mortier (directeur de l'Opéra National de Paris), André Engel (metteur en scène) et Franz Grundheber, interprète du rôle principal.

L’histoire de Cardillac est étrange : un individu masqué s’attaque la nuit à des habitants de Paris et les tue d’un coup de poignard dans le cœur.
Toutes ces personnes viennent d’acheter des bijoux maléfiques au joaillier adulé de l’époque de Louis XIV, René Cardillac.
Un jour Cardillac se trouve à proximité d’une attaque avortée. La foule parisienne le menace. Provoqué, Cardillac défend l’auteur du crime et avoue finalement en être lui même l’assassin.

 

Contexte de la reprise de Cardillac à Paris en 2008

De trop nombreux directeurs d’Opéra programment des œuvres inconnues du XIXième siècle et sortent trop souvent des pièces issues du baroque qui parfois feraient mieux de rester dans leur tombe.
Gerard Mortier défend donc depuis très longtemps l’importance de présenter des œuvres du XXième siècle qui ont fait l’histoire de l’Opéra.
D’où cette volonté d’avoir au minimum 40 % de sa programmation axée sur le XXième siècle.

Mais la reprise de Cardillac s’inscrit également dans un autre contexte.
La saison 2007/2008 est dédiée à deux œuvres de Richard Wagner : Tannhauser et Parsifal. Il est donc intéressant de programmer Wagner au milieu de toute une esthétique et toute une histoire de la Tradition en présentant deux œuvres qui ont essayé de sortir de ce Wagnérisme.

Dans La Femme sans Ombre, Richard Strauss cherche à y échapper partiellement à partir de scènes de musiques de chambre comme le second violon pour l’Impératrice ou le violoncelle pour l’Empereur.
Et cela va se poursuivre au cours de la saison avec le Wozzeck d’Alban Berg qui sera la réponse définitive à la question de la possibilité d’une forme nouvelle d’opéra après Wagner.

La période 1919-1927 est par ailleurs une période d’une extrême richesse avec des créations comme Doktor Faust de Busoni,  Die Frau ohne Schatten, Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny, Cardillac et bien sûr Wozzeck.


Le choix de la mise en scène

 
André Engel situe l’opéra au cours des années 1920 dans un hôtel de luxe très loin du Paris du Grand Siècle.
Cette transposition pose ainsi la responsabilité du metteur en scène.
Elle est double car Cardillac n’a jamais été présenté à Paris avant cette production. Engel risque donc de transformer le contexte souhaité par l’auteur d’une part et risque de faire croire au public que l’œuvre a été écrite sous cette forme là d’autre part.

Mais une œuvre est-elle susceptible d’avoir plusieurs interprétations ? Est-elle plutôt objet de recherches archéologiques théâtrales en visant au plus près la volonté de l’auteur, ou bien est-elle vouée à traverser les âges et être réinterprétée ?

En fait nous sommes entrés dans une ère de l’interprétation des œuvres et la position que Engel défend est que toute transposition ne peut être gratuite.
Elle est guidée ici par la musique avec l’expérience de la mise en scène de théâtre et une oreille curieuse et attentive.

Ce qu’il y a sur scène est un des possibles que la musique véhiculerait.
Cardillac est un artiste, orfèvre qui travaille dans le domaine du luxe, le Paris Capitale du XXième siècle.
Le choix des années 20-30 est pertinent car ce qui est travaillé par le librettiste et le compositeur est la figure de l’artiste maudit, le démiurge qui se croit par delà la loi des hommes parce qu’il crée. Il se sent une légitimité de quelque chose qui n’appartient pas au commun des hommes.

Ce thème du génie créateur, qui est aussi criminel, était déjà fréquenté par le cinéma expressionniste (Docteur Mabuse, M le maudit de Fritz Lang).
En France nous avons la figure de Fantômas (Pierre Souvestre) issue de la littérature et c'est elle qui vient s’intercaler dans l’écoute de la musique.
Le héros du film de Louis Feuillade avait par ailleurs beaucoup intrigué les surréalistes.

Ainsi, tout ce monde ne rend pas gratuit ce désir de transposition.

Cependant le traitement de la fin de l’opéra change par rapport au livret.
L’officier dit littéralement « un héros est mort, même à terre c’est lui le vainqueur et je l’envie ». Est-ce l’apothéose d’un assassin, l’insignifiance du crime comparée à l’importance de l’œuvre d’art, voir même la supériorité et l’irresponsabilité humaine et politique de l’artiste ?

A la fin de l’œuvre, l’artiste reçoit l’absolution du peuple ce qui met mal à l’aise. Engel ne peut adhérer à cette ambiguïté qui consiste à rendre un hommage public à un assassin, fusse t’il un génie créateur, car cela renvoie à une réalité politique qui est apparue quelques années après.

Le metteur en scène choisit donc de monter l’œuvre en montrant cet aspect là mais en faisant sortir la foule pour ne faire de ce drame qu’une petite histoire de famille. Au fond cet homme qui s’est cru au delà des lois humaines, se retrouve à crever de sa mégalomanie au pied d’un escalier monumental.

Il est victime d’une pulsion, poussé de l’intérieur, et donc pathétique car il n’y peut rien.

Franz Grundheber (Cardillac)

Franz Grundheber (Cardillac)

Franz Grundheber et le rôle de Cardillac

Franz Grundheber est présent à l’Opéra de Paris depuis 1977.

Pour un chanteur à mots, Hindemith est un réel défi car il rend cet aspect du travail du chanteur extraordinairement difficile musicalement. Il ne leur permet même pas de s'exprimer de manière lisible et compréhensible.

Par exemple,  Hindemith orchestra le grand final de Cardillac sans avoir connaissance du texte. Puis il colla tout simplement le texte sur ces formes musicales.  Elles se trouvèrent ainsi extrêmement complexes si bien que les 20 thèmes de la fin ne correspondent pas forcément avec le rythme de la langue parlée.

Comparée à Wozzeck qui tombe très naturellement, ce n’est pas la musique chantée qui procure à Grundheber le plus de satisfaction, mais le mystère et la fascination du personnage de Cardillac

Voir également quelques impressions du spectacle.          

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Publié le 16 Octobre 2007

Présentation de Roméo et Juliette de Berlioz

Par Gerard Mortier et Brigitte Lefèvre
Le 11 octobre 2007 au Studio Bastille
 
Dés son arrivée à la direction de l’Opéra de Paris, Gerard Mortier eut l’idée avec Brigitte Lefèvre de monter des spectacles mêlant chœurs, orchestre et Ballet de l’Opéra. Il y eut l’Orphée de Gluck puis le plus discuté Allegro de Haendel.
 
Aujourd’hui, il s’adresse au public de l’AROP (Association pour le Rayonnement de l’Opéra de Paris) afin de présenter Roméo et Juliette mis en scène par Sasha Waltz
Passons sur le passage au grill des critiques qui n’ont même pas dit un mot du chef (Valery Gergiev) après la Première, comme si la musique ne valait rien, pour porter notre attention sur l’analyse du génie du compositeur français.
 
L’œuvre fut créée dans les années 1830 sous la Monarchie de Louis Philippe et est une musique très en avance sur son temps.
Bien sûr avec « I Capuleti e i Montecchi » Bellini a voulu écrire de la très belle musique pour de belles voix. Puis avec Gounod, « Roméo et Juliette » devient un drame épique.
Cependant il n’y a pas de réflexion profonde sur l’Amour.
 
Berlioz entreprend ainsi de parler de l’Amour mais aussi de comment il peut être tué par les autres, comment un être peut rencontrer un autre être humain, et également comment l’Amour peut être destructeur en comparant avec « Antoine et Cléopâtre » de William Shakespeare.
 
Alors au début le compositeur explique cette lutte entre les Capulets et les Montaigus grâce à un Fugato : la beauté de ces thèmes qui se poursuivent ( des thèmes identiques sont chantés différemment) traduisent que ce sont tout de même des frères qui s’affrontent.
Puis survient la chanson de la Reine Maab qui est une métaphore de la Folie de l’Amour. C’est un grand moment de virtuosité.
 
Et alors que, jusqu’à présent, les chœurs et solistes exprimaient les forces en jeu, place est laissée à la musique symphonique et à la sensualité des cordes pour le duo d’Amour.
C’est un pas de deux de 18 minutes comparable aux 25 minutes de Tristan et Iseult de Richard Wagner. Physiquement, c’est à la limite du possible.
 
Mais au tableau suivant Juliette est déjà morte. Le décor, comme un livre plié, s’ouvre.
Seul chante pendant 12 minutes Frère Laurent, doublé par un danseur, qui est celui qui a voulu sauver cet Amour. Il est accompagné par les chœurs dans un final très dramatique.
 

Sasha Waltz préfère rester dans une certaine intériorité car l’explication de texte est dans la fosse. Brigitte Lefèvre la perçoit plus comme une artiste baroque d’aujourd’hui privilégiant l’émotion abstraite.

25 danseurs sont engagés (Aurélie Dupont pour Juliette et Hervé Moreau pour Roméo), un très grand orchestre de 80 musiciens (plus grand que celui de Tristan) avec 16 premiers violons, 8 timbales, 2 harpes, 70 choristes et 3 chanteurs (Mikhaïl Petrenko, Ekaterina Gubanova, Yann Beuron) complétant l’ensemble. 30000 spectateurs vont ainsi découvrir l’œuvre à l’Opéra Bastille.

Hector Berlioz s’est ainsi emparé de « Roméo et Juliette » pour raconter une histoire sur la passion de l’Amour, la beauté de l’Amour et la force créative de l’Amour.

Les derniers mots de Roméo dans Shakespeare en résument le drame : « Thus with a kiss I die », ainsi avec un baiser je meurs.
Énergisant dans la littérature, le baiser ne devrait donc pas être quelque chose qui détruit.

Voir également l'article sur la représentation de Roméo et Juliette

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Publié le 6 Octobre 2007

Rencontre avec Cécilia Bartoli

Le 06 octobre 2007
Théâtre des Champs Elysées.

 

Le mois dernier, Eve Ruggieri nous apprenait que c’est à l’occasion du 10ième anniversaire de la disparition de Maria Callas que furent découvertes à l’Opéra Garnier une jeune soprano colorature, Sumi Jo, et une jeune mezzo-soprano di agilita, Cécilia Bartoli.

 

Toutes deux avaient remporté le prix de la fondation Maria Callas.

 

Alors qu' Herbert von Karajan demanda à rencontrer la première, Daniel Barenboïm prit contact avec l’interprète virtuose de la Cenerentola pour l’engager.

 

20 ans plus tard exactement,  Cécilia Bartoli est la première invitée d’une série de rencontres organisée par Dominique Meyer.

Cécilia Bartoli

Cécilia Bartoli

Durant une heure, le rappel de son parcours est le prétexte à une évocation de l’Italie, Rome, ses places, ses ruelles, son soleil, d’une manière radieuse et dans un français impeccable.

 

Il va falloir retrouver le titre de l’air de Mendelssohn que l’on a eu le plaisir d’écouter, modèle d’évolution du style baroque vers le belcanto.

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Publié le 23 Septembre 2007

Soirée littéraire « Les femmes de Barbe-Bleue »

Amphithéâtre de l’Opéra Bastille
Samedi 22 septembre 2007
 
Avec la participation des écrivains Brigitte Paulino-Neto (Jaime Baltasar Barbosa), Linda Lê (In Memoriam), Erwin Mortier (poèmes), Emmanuel Carrère (L’Adversaire), et de l’acteur Jonathan Drillet.
 
Musiciens de l’Orchestre de l’Opéra National de Paris
Emmanuel Ceysson (Harpe), Frédéric Chatoux (Flûte), Laurent Vernet (Alto).
 
Production Behoud de Bergeerte
 
 
 
 
Une harpe sous les lueurs bleutées, ambiance apparemment favorable à la poésie, à priori l'idée d’un traquenard ne peut venir à l’esprit de personne
J’écoute alors sagement Brigitte Paulino-Neto, puis Linda Lê avant que n’intervienne Erwin Mortier dont les poèmes en allemand évoquent tant ceux que la récitante de la Fura dels Baus avait lu pour la Flûte Enchantée du festival de la Ruhr. 
Tout le charme est dans les sonorités, la manière dont les sons se libèrent.
Entre chaque lecture, Syrinx, puis la sonate pour flûte, alto et harpe de Debussy constituent des interludes bienvenus, nous sommes ici dans l’univers musical de Paul Dukas.
 
Jonathan Drillet se pose alors à son tour, une caméra projette son visage en arrière plan si bien que les mouvements de la bouche en sont amplifiés alors que les yeux se cachent dans les ombres.
Abordant une attitude d’homme témoignant sans la moindre émotion devant un tribunal, les extraits de « Gilles et la Nuit » d’Hugo Claus exposent les détails de violences et d’abus faits sur des enfants.
Gilles de Montmorency (Baron de Rais, compagnon de Jeanne d’Arc et surnommé Barbe-Bleue) montre une fascination pour un morbide extrêmement dérangeant.
Pour éviter d’être prisonnier de hauts le cœur, je cherche à ne plus faire attention aux mots et faire surgir un sentiment d’admiration pour ce très difficile rôle d’acteur.
Un des musiciens particulièrement ébranlé s’absente même quelques minutes.
 
Et ce n’est pas fini, les images du film de Nicole Garcia « L’Adversaire » nous maintiennent dans ce paroxysme de la démence avant qu’Emmanuel Carrère ne conclut sur quelques passages du livre.
 
Poésie, désirs brûlants et violence sordide constituent donc l’univers de ce Barbe-Bleue pour un public pas forcément averti.

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Rédigé par David

Publié dans #Conférences