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Publié le 10 Août 2013

Madame Butterfly (Giacomo Puccini)
Représentation du 08 août 2013
Festival de Sanxay

Cio-Cio San Lianna Haroutounian
Suzuki Elena Cassian
F.B Pinkerton Thiago Arancam
Sharpless Kosma Ranuer
Goro Xin Wang
L’oncle Bonze Balint Szabo
Le prince Yamadori Florian Sempey
Kate Pinkerton Sarah Vaysset
Le commissaire impérial Fabien Leriche
Le fils de Cio-cio San Robin Mèneteau

Direction musicale Didier Lucchesi
Mise en scène Mario Pontiggia
Costumes Shizuko Omachi
Lumières Eduardo Bravo
                                                 Lianna Haroutounian (Cio-Cio San) et Thiago Arancam (Pinkerton)


Sur les ruines du théâtre romain d‘Herbord, les intempéries tumultueuses de ce début de mois d’août se sont retirées quelques heures seulement avant que le drame lyrique de Madame Butterfly ne débute au milieu du paysage bucolique embrasé par le Festival de Sanxay chaque été, après les dernières lueurs du soleil couchant.

Elena Cassian (Suzuki) et Robin Mèneteau (L'enfant)

Elena Cassian (Suzuki) et Robin Mèneteau (L'enfant)

Cette nouvelle production est sans doute une des plus abouties de cette manifestation lyrique car, non seulement la distribution vocale est d’une belle musicalité homogène et délicate, mais la mise en scène de Mario Pontiggia forme un tout poétique, sensible et subtilement harmonisé à la musique de Puccini, un raffinement auquel on n’est pas accoutumé dans un tel lieu.

Le décor élégant, composé de seulement trois panneaux japonais finement décorés, et d’un cerisier oriental au second acte, définit les limites entre un espace intime et le monde extérieur symbolique pour lequel les lumières tamisées d’Eduardo Bravo, progressivement changeantes, modifient les couleurs et l’intensité du climat visuel, tout en mettant bien en valeur les différents protagonistes.

Lianna Haroutounian (Cio-Cio San), Robin Mèneteau (L'enfant) et Kosma Ranuer (Sharpless)

Lianna Haroutounian (Cio-Cio San), Robin Mèneteau (L'enfant) et Kosma Ranuer (Sharpless)

Ces derniers sont de plus magnifiés par la qualité et la variété des costumes de Shizuko Omachi, d’une blancheur immaculée pour le jeune couple, rose clair, puis noir pour Suzuki, mais, surtout, le metteur en scène prend soin de la disposition expressive de chaque artiste pour en souligner l’existence et la tension qu’il crée avec son entourage.

Il émane également une forme de musicalité de la gestuelle-même, comme si tous faisaient partie d’un tout harmonieux, excepté Pinkerton (mais est-ce volontaire?).

Lianna Haroutounian (Cio-Cio San)

Lianna Haroutounian (Cio-Cio San)

Les chanteurs se fondent donc naturellement dans cet ensemble, à commencer par Lianna Haroutounian, interprète qui fut la brillante remplaçante d’Anja Hartejos dans Don Carlo à Covent Garden en mai dernier, et qui, dans le rôle de Cio-Cio San, se départit de tout effet dramatique et mélodramatique pour dessiner un portrait infiniment fragile et idéaliste, avec une projection puissante et lumineuse, et une apparente sérénité qui dure jusque dans la mort. Elena Cassian est pour elle une Suzuki confidente et attentive d’une même douceur, son duo avec Butterfly se dénouant dans une intimité un peu trop sage, sans exubérance.
 

Pinkerton notamment gauche, Thiago Arancam apparaît donc comme une figure décalée face à ces deux dames.

Il ne bénéficie pas de la même projection, néglige sa musicalité dans le médium, mais, contre toute attente, sa voix s’épanouit aisément dans les aigus, ce qui lui donne une dimension qu’il cède dès qu’il revient dans un registre moins lyrique.


A son retour, pourtant, il se montre inhabituellement expressif, et il réussit même un coup d’éclat scénique en fuyant ses responsabilités pour laisser sa femme, sous les traits de Sarah Vaysset, se charger de régler la situation filiale.

 

 

  Florian Sempey (Le prince Yamadori)

 

Et tous les rôles secondaires sont très bien distingués pour faire entendre leur charme vocal, le Goro ricanant de Xin Wang, très bon acteur, le noble et précieux Sharpless de Kosma Ranuer, et le magnifique jeune prince Yamadori de Florian Sempey, sombre et royal, avec une fierté qu’il aime afficher, le menton légèrement levé en avant.

Dans la fosse, tout n’est pas parfait. Le naturalisme expressif de Puccini pose des problèmes d’harmonie, le paysage sonore du début du troisième acte en souffre perceptiblement, et c’est dans les passages plus fluides et lents, majestueusement développés, que Didier Lucchesi obtient un lyrisme introspectif qui s’aligne sur l’atmosphère raffinée de toute l’œuvre.

Elena Cassian (Suzuki) et Lianna Haroutounian (Cio-Cio San)

Elena Cassian (Suzuki) et Lianna Haroutounian (Cio-Cio San)

Enfin, la nature et la modernité sont venues s’insérer poétiquement dans le spectacle pour conclure le duo d’amour du premier acte. En effet, en levant les yeux, il était possible de suivre, à travers le ciel étoilé, le passage d’un astre artificiel invariablement lumineux, la Station spatiale internationale ISS, qui croisait la Voie lactée pour aller se perdre derrière les arbres vers l’est, juste au moment où les dernières notes s’achevaient.

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