Waltraud Meier - Master Class Tannhäuser à l'abbaye de Royaumont

Publié le 7 Novembre 2015

Waltraud Meier - Wagner, Mahler : de la partition à l’incarnation

Master class du 05 novembre 2015
Abbaye de Royaumont

Waltraud Meier soprano
Vincent Huguet metteur en scène
Alphonse Cemin chef de chant

et les stagiaires :

Marc Haffner, Daniel Philipp Witte ténors
Julie Robard-Gendre, Marion Gomar mezzos-sopranos
Soumaya Hallak, Axelle Fanyo sopranos
Benjamin Mayenobe baryton
Douglas Henderson basse                                               Waltraud Meier
Tanguy de Williencourt, Sarah Ristorcelli piano

Pendant toute une semaine, l’Abbaye de Royaumont, un ancien monastère cistercien construit sous Saint-Louis, accueille la plus grande chanteuse wagnérienne des vingt dernières années, Waltraud Meier.

Accompagnée par Vincent Huguet - qui assista Patrice Chéreau sur Elektra de Strauss en 2013 -, elle offre la chance à dix chanteurs de travailler les cinq rôles principaux de Tannhaüser, Tannhäuser, Elizabeth, Venus, Wolfram, le Landgrave Herman.
Parmi ces chanteurs, on retrouve Marc Haffner, qui avait interprété Siegmund dans le Ring Saga qui avait été donné à la Cité de la Musique en 2011.

Waltraud Meier

Waltraud Meier

Avant d’entrer dans le cloitre, la traversée des jardins mène sur la vision gothique et chargée d’imaginaire médiéval des ruines de l’église abbatiale, puis, après avoir gravi les étages de l’hôtellerie, nous arrivons dans une grande pièce sous les toits, où les élèves, assis en demi-cercle comme les chevaliers autour de la table ronde, rendent un premier hommage à Waltraud Meier par cette simple disposition.

Face à eux, une centaine de spectateurs venus de toute la région parisienne n’attendent que le début de la leçon.

Edouard Fouré Caul-Futy, jeune présentateur, commence par rappeler, dans un hommage dit avec une très belle empathie et un ton très agréable à écouter, le parcours de la soprano allemande, et notamment son lien avec le metteur en scène Patrice Chéreau.

Waltraud Meier, telle une institutrice devant ses enfants, engage alors un échange avec le public afin de lui donner quelques rudiments de sa vision de l’incarnation. Le chant ne suffit pas, et ne peut rien exprimer s’il n’est pas vécu de l’intérieur.

Ruines de l’église abbatiale de Royaumont

Ruines de l’église abbatiale de Royaumont

Elle insiste donc sur la responsabilité que prend le chanteur en engageant pour un rôle - sur lequel il a préalablement réfléchi aux motivations et à la direction dans la vie – ses propres souvenirs émotionnels et  personnels qu’il va instrumentaliser pour vivre son personnage.

Elle démontre inconsciemment que l’opéra n’est pas la vie, puisque les émotions en jeu appartiennent à un passé qui est en fait déjà mort. Et pour l'auditeur, l'opéra est l'occasion de vivre ainsi des émotions qu'il ne vivra pas forcément dans sa vie réelle.

Elle pose ensuite la question du corps, de la capacité de chacun à l’utiliser et à savoir quoi en faire.
A travers un petit jeu avec le public, elle tente de lui faire prendre conscience de la difficulté à coordonner à la fois le chant et le geste.

Waltraud Meier

Waltraud Meier

Puis, elle se met à l’écart, sur une chaise simplement posée à gauche du public, pour assister à un extrait du deuxième acte de Tannhaüser, la scène du concours de chant qui dure jusqu’au chant de louange à Vénus qui va scandaliser l’assistance de la Wartburg.

Le travail des chanteurs est évident, pas uniquement vocalement, mais par la crédibilité des émotions qu’ils mettent en jeu. Daniel Philipp Witte, chanteur blond et bonhomme, a quelque chose dans la clarté franche du timbre qui rappelle Christopher Ventris, Marc Haffner, en Walther, joue le scandale avec une teinte de sympathie, Benjamin Mayenobe livre un Wolfram au souffle très bien canalisé, et Soumaya Hallak, en Elisabeth, fait ressentir ce conflit intérieur qu’engendrent les propos d’un homme qu’elle estime profondément.

Daniel Philipp Witte et Marc Haffner

Daniel Philipp Witte et Marc Haffner

Quant au timbre du jeune Douglas Henderson, qui chantait dans les jardins extérieurs, seul avant la classe, la gravité souple qu’il impose avec panache exprime un certain plaisir d’être.

Et pendant tout ce spectacle accompagné au piano et par Alphonse Cemin, le directeur de chant, Waltraud Meier est restée assise dans son coin à vivre aussi intensément cette scène avec les jeunes chanteurs comme le faisait Patrice Chéreau avec elle même.

Le metteur en scène avec lequel elle a longtemps travaillé lui manque énormément, et c’est ce que l’on aura ressenti le plus ce soir.
A la fin du spectacle, elle se lève simplement pour dire que c’est fini, et en remercie tout le monde y compris, bien entendu, le public.

Il n’est pas possible de rendre totalement la lumière incroyable dans son regard brillant d’émeraude au cours d'un bref échange de quelques mots personnels tenu avec elle sur sa carrière.

Rédigé par David

Publié dans #saison 2015-2016, #Concert, #Wagner, #Royaumont, #France, #Meier

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