Histoire de l'Opéra, vie culturelle parisienne et ailleurs, et évènements astronomiques. Comptes rendus de spectacles de l'Opéra National de Paris, de théâtres parisiens (Châtelet, Champs Élysées, Odéon ...), des opéras en province (Rouen, Strasbourg, Lyon ...) et à l'étranger (Belgique, Hollande, Allemagne, Espagne, Angleterre...).
From black to blue (Mats Ek) Théâtre des Champs Elysées
Publié le 7 Janvier 2016
From black to blue (Mats Ek)
Représentation du 06 janvier 2016
Théâtre des Champs Elysées
She was black (1994) Henryk M. Gorecki, musique traditionnelle de Mongolie musique
Semperoper Ballett Dresden danseurs
Solo for 2 (1996) Arvo Pärt musique
Dorothée Delabie, Oscar Salomonsson danseurs
Hache (2015) Albinoni musique (interprété par le Flesh Quartet)
Ana Laguna, Yvan Auzely danseurs Mats Ek
Pour cinq soirs d’affilée, le chorégraphe suédois Mats Ek a choisi de faire ses adieux à son public sur trois ballets où la vie s’affronte par le jeu et la provocation de l’autre, avec la conscience qu’un mystère indéfinissable la dépasse.
She was black évoque l’ambiance des affrontements nocturnes de West Side Story, et débute sur l’opposition d’un couple dont les correspondances oscillent entre attractions sexuelles, mouvements enveloppants des bras qui s’enroulent et se déroulent selon des formes démonstratives, valorisant ainsi les modelés des corps sur les vêtements des danseurs.
She was black - Semperoper Ballett Dresden
D’autres se joignent à eux, allures hispanisantes pour les femmes, scènes de groupes dansées en rythme, duo qui tournoie autour d’une table devenue l’élément pivotant central des interactions, dans une ambiance musicale d’abord tendue, puis plus épaisse et austère sans le moindre pathos. La musique de Gorecki ne laisse place à aucun sentimentalisme.
She was black - Semperoper Ballett Dresden
Puis, un immense moment poétique survient. Alors que le dandysme d’un des danseurs, assis en équilibre et le nombril tourné vers les hauteurs de la nuit, se repose en fond de scène, l’apparition d’une vie informe s’avance vers l’avant-scène. En émerge une danseuse vêtue d’un collant noir des pieds à la tête, personnification d’une présence de l’au-delà qui engage une danse vive et spectaculaire, impressionnante par la musculature arquée qu’elle exhibe.
La musique traditionnelle de Mongolie achève de donner un caractère primitif à cette ultime scène fascinante.
Solo for 2 - Dorothée Delabie, Oscar Salomonsson
Dans la seconde partie, Solo for 2 s’attache à représenter la relation idéalisée et emplie d’attente infinie entre un jeune homme et une jeune femme, qui iront jusqu’à s’échanger l’intégralité de leurs habits, dans un subtil clair-obscur, rêve d’une fusion amoureuse impossible.
On y retrouve des gestes vulgaires de la vie poétisés avec humour, des signes d’attachement et de perte, une volonté de se heurter aux obstacles du réel, et donc une relation où chacun peut y projeter ses propres illusions humaines, pour finalement les perdre.
Hache - Yvan Auzely
Dans la dernière partie, la création de Hache semble être le prolongement de la relation précédente.
L’ensemble du décor est démonté comme si nous assistions au travail des techniciens une fois le rideau définitivement baissé, et dès que tous les artifices disparaissent pour ne laisser voir que la scène du théâtre dans sa plus triste nudité, un vieil homme se met à couper des bûches de bois à la hache, tel Sisyphe condamné au désert du Tartare.
La musique de l’adagio d’Albinoni, dans une version aux couleurs grinçantes, est à la fois pathétique et ironique, surtout quand survient la femme du bucheron. Sa danse autour de lui a de beau en soi, malgré son caractère décalé, qu’elle semble donner une image imparfaite mais bien réelle de quelque chose qui aura résisté au temps.
Hache - Ana Laguna, Yvan Auzely
La jeunesse a disparu, mais il y n’a de vérité que dans ce qui est durable. Ce n’est peut-être pas l’intention première de Mats Ek, mais sa dernière création interroge le sens de la fidélité à un art comme à un être cher.