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Publié le 5 Juin 2021

Tosca (Giacomo Puccini – 1900)
Représentation du 04 juin 2021
Opéra Bastille

Floria Tosca Maria Agresta
Mario Cavaradossi Michael Fabiano
Il Barone Scarpia Ludovic Tézier
Cesare Angelotti Guilhem Worms
Spoletta Carlo Bosi
Sciarrone Philippe Rouillon
Un Carceriere Florent Mbia

Direction musicale Carlo Montanaro
Mise en scène Pierre Audi (2014)

                                Maria Agresta (Tosca)

 

Vendredi 04 juin 2021, à 16h15, avait lieu la réouverture de la grande scène Bastille au public après 450 jours de fermeture, et Alexander Neef est apparu face à l’enthousiasme chaleureux des spectateurs pour présenter formellement ce jour si signifiant pour la vie de l’institution. Moins d’un tiers des places étaient occupées du fait des contraintes sanitaires, mais cela n’a pas empêché qu’une partie du public soit relativement jeune.

Entré au répertoire de l’Opéra de Paris le 10 juin 1960, Tosca fait dorénavant partie des cinq ouvrages lyriques les plus joués de la maison, et, ce soir, en est à sa 340e représentation et à sa troisième reprise dans la mise en scène de Pierre Audi.

Michael Fabiano (Mario) et Maria Agresta (Tosca)

Michael Fabiano (Mario) et Maria Agresta (Tosca)

Dans la première partie, la direction orchestrale de Carlo Montanaro maintient une grande clarté et accompagne les respirations et sentiments des artistes par des déploiements forts poétiques et nuancés des instruments en solo, ce qui est toujours remarquable pour un auditeur qui a si souvent entendu cette musique.

Néanmoins, la théâtralité semble volontairement bridée, les percussions étant utilisées de façon assez discrète, et le son ne recèle aucune noirceur.

Michael Fabiano campe un Mario d’une grande authenticité avec un jeu qui est toujours tourné vers ses partenaires, et son timbre de voix, solide et puissant, est traversé d’une petite vibration qui imprègne son personnage d’une fragilité humaine.

Quand Tosca le rejoint dans l’église, c’est une femme légère, plus joueuse qu’inquiète, qui se présente à lui sous les traits de Maria Agresta, et la soprano napolitaine l’incarne avec des couleurs en phase avec l’orchestre, c’est à dire claires avec des inflexions typiques de la chanteuse qui semble traduire les accents de sa région d’origine.

Ludovic Tézier (Scarpia)

Ludovic Tézier (Scarpia)

L’arrivée que l’on pourrait qualifier de « majestueuse » de Ludovic Tézier fait alors entrer en scène un Scarpia d’une très grande résonance, stylisé, se gardant de toute expression vériste pour se centrer sur un portrait sévère mais pas sordide, comme pour tenter de faire passer un charme malgré la nature du chef de la police. La voix est d’une belle ampleur, d’une totale homogénéité qui se déploie au second acte alors que la direction musicale modère toujours la violence de son discours.

Jusqu’à ce que ne survienne le grand air tant attendu « Vissi d’arte ! ». A ce moment là, se passe quelque chose d’inouï. L’orchestre se diffuse dans l’espace, se pare d’un tissu d’une finesse immatérielle, et Maria Agresta maîtrise cet élan du cœur avec une douceur, une intériorité et une unité dans la voix merveilleuses, et lie parfaitement les passages forte et leurs retours aux nuances toute en retenue de façon saisissante.

Maria Agresta (Tosca) et Ludovic Tézier (Scarpia)

Maria Agresta (Tosca) et Ludovic Tézier (Scarpia)

Le sens musical que révèle également Carlo Montanaro suggère que la suite dans le dernier acte sera une magnifique peinture orchestrale, ce qui se confirme lors de l’ouverture pastorale qui décrit la fin de la nuit sur la campagne romaine. Le son est à nouveau coloré d’immatérialité, avec toujours une retenue dans les effets de volumes qui privilégie les teintes boisées aux effets métalliques, le jeune berger est à la fois poétique et assuré, et Michael Fabiano joue son personnage avec un réalisme dans le moindre détail qui le rend profondément touchant.

Après un « E Lucevan le stelle » où il joue d’une extrême nuance pour ensuite dégager une puissance animale à partir d’une couleur de voix plutôt sombre et franche, le duo qui le réunit à Maria Agresta se dépouille de tout l’artifice de la première partie à l’église qui était un jeu entre protagonistes, et il ne s’agit plus que de tendresse, d’attention, de communion de chant comme de timbre, et cette attention réciproque est si crédible qu’elle en rend tout cette dernière partie confondante.

Michael Fabiano (Mario) et Maria Agresta (Tosca)

Michael Fabiano (Mario) et Maria Agresta (Tosca)

L’effet de ce rideau noir qui tombe après l'élan crânement vaillant de Maria Agresta, pour révéler les ténèbres éclairées par un soleil d’argent au moment où Tosca se donne la mort, conserve toute sa force expressive.

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