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Publié le 26 Septembre 2011

Roméo et Juliette (Shakespeare)
Représentations du 21 et 24 septembre 2011
Odéon-Théâtre de l’Europe

Roméo Matthieu Dessertine
Juliette Camille Cobbi
Mercutio Frédéric Giroutru
Benvolio Benjamin Lavernhe
Capulet/Paris Olivier Balazuc
Frère Laurent Philippe Girard
La Nourrice Mireille Herbstmeyer
Tybalt Quentin Faure
Le Prince/Clown… Bathélémy Meridjen
Le Musicien/Abraham Jérôme Quéron

Mise en scène Olivier Py

                                

                                                                                                      Frédéric Giroutru (Mercutio)

Avec une grande économie d’accessoires, un miroir de loge de théâtre serti d’ampoules et de masques de mort, quelques plans noirs, verticaux et usés, qui serviront de support aux dessins et tournures tracés à la craie, une grande toile rouge transparente qui sépare la vie de la mort, un mobilier qui figure la chambre élevée où vit Juliette, le regard d’Olivier Py sur l’émouvante tragédie de Shakespeare prend un immense plaisir à animer un ensemble de personnages frénétiques, exaltés ou même fous.

Naturellement, on va voir cette pièce en ayant la tête chargée des élans épiques et des cavatines éthérées de l’opéra de Charles Gounod, des pulsations soupirantes de la musique d’Hector Berlioz, et des voix consolatrices écrites par Vincenzo Bellini.

Matthieu Dessertine (Roméo)

Matthieu Dessertine (Roméo)

On en oublie, et la relecture du texte lors de l’entracte permet de s’en assurer, que le discours sensible et les allusions licencieuses sont intimement liés, comme dans la vie.
La traduction en français introduit donc des éléments de langage moderne, et Olivier Py explicite clairement les jeux de mots et des situations obscènes qui aboutissent à une scène remplie de mimiques homosexuelles, lorsque Roméo retrouve Benvolio et Mercutio après sa rencontre avec Juliette.
C’est tellement excessif, et pourtant le texte de Shakespeare peut se lire ainsi, que l’on en rit autant que l’on en admire le courage des acteurs, Frédéric Giroutru en particulier.
Il y a chez ce comédien un naturel impulsif très fortement en prise avec le spectateur.

La façon dont est représenté Roméo est également captivante. Sa démarche évoque la femme dans un corps d'homme telle que Frère Laurent en fait l'observation, mais sans que l'élément féminin ne prenne pour autant le dessus.
Cela enrichit son humanité, en souligne les faiblesses, et lui apporte une légèreté fantaisiste lorsqu'il devient amoureux.
Même si sa voix n'est pas aussi suave, elle jaillit comme extirpée d'un abdomen qui revendique en force son désir de vivre, et Matthieu Dessertine se révèle un interprète furieusement vivant, physiquement idéal dans la logique de perfection classique si chère à Olivier Py.

Camille Cobbi (Juliette)

Camille Cobbi (Juliette)

Plus réaliste, le portrait de Juliette évoque celui d'une jeune femme lucide qui recherche l'exaltation du corps à corps, une personnalité entière pour laquelle Camille Cobbi prète une interprétation très spontanée, et un peu extérieure.

Il manque cependant quelque chose dans ce couple de jeunes amants, il manque cette force impalpable qui les unit, la subtilité dans la rencontre qui devrait donner un sens profond à leur rapprochement, et faire que l'on croit à leur amour. En tout cas, quelque chose dans le jeu scénique du metteur en scène peine à traduire cette émotion.

Il semble plutôt vouloir traiter leur rapport à la religion face aux obstacles qui les séparent, comme cette croix noire qui reflète le tempérament mélancolique et suicidaire de Roméo.  D'où sa défiante exaltation dans les derniers instants avant la mort, qui rappelle l‘attente impatiente de Kirsten Dunst face à la planète Melancholia, dans le dernier film de Lars von Triers.

Parmi tous ces acteurs et actrices qui forment une troupe engagée et en osmose, au point d’interpréter eux-mêmes les passages choraux, on peut remarquer Olivier Balazuc, Capulet dont la violence détraquée s’emballe crescendo contre sa propre fille sur les accords pianistiques de l’Appel de Hagen (Le Crépuscule des Dieux-Wagner), mais aussi la bienveillante parole de Philippe Girard, et l’énergie déjantée de Mireille Herbstmeyer, au service d’un emploi comique cette fois ci.

Au piano, Jérôme Quéron charge l’atmosphère d’airs nostalgiques (Valse du Chevalier à la Rose), autant qu’il évoque les états d’âme les plus sombres (Introduction du second acte du Crépuscule des Dieux), toujours dans l’esprit d’appuyer et d’amplifier le sens des mots.

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