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Publié le 27 Juillet 2010

Simon Boccanegra (Giuseppe Verdi)
Représentation du 25 juillet 2010
Teatro Real de Madrid

Simon Boccanegra Placido Domingo
Amelia Grimaldi Inva Mula
Jacopo Fiesco Ferruccio Furlanetto
Paolo Albani Angel Odena
Gabriele Adorno Marcello Giordani

Direction musicale Jesus Lopez Cobos
Mise en scène Giancarlo del Monaco

 

 

                         Ferruccio Furlanetto (Fiesco)

 

Il ne pouvait y avoir meilleur signe qu’une Espagne en fête, depuis son succès triomphal au Mundial,  avant que ne débute la première saison de Gerard Mortier au Teatro Real de Madrid.

Et si l’on en juge à l’accueil qu’ont reçu dimanche soir les artistes de Simon Boccanegra, dans la reprise de la production de 2002, le public Madrilène pourrait bien être le plus généreux et le plus enthousiaste d’Europe.

Une pluie de ‘Brava!’ adressée à Inva Mula suivit l’air contemplatif ‘Come in quest’ora bruna’, une longue ovation suivit la grâce du grand trio de la réconciliation à la fin du deuxième acte, et, comme au Châtelet dans Cyrano de Bergerac, Placido Domingo eut la joie d’amasser une standing ovation d’une bonne demi heure lorsque le rideau rouge se referma.

Le Teatro Real de Madrid, la veille de la projection en extérieur de Simon Boccanegra.

Le Teatro Real de Madrid, la veille de la projection en extérieur de Simon Boccanegra.

L’excitation se prolongea même à l’extérieur, puisque la représentation fut retransmise sur grand écran, avec une acoustique multi-dimensionnelle créée par les façades du Palais Royal qui s’opposent, vers l’ouest, à l’entrée du théâtre.

Et preuve de la motivation du cœur, des spectateurs s’étaient déjà installés sur les chaises, supportant la lourdeur d’un soleil écrasant, plus de deux heures avant le début du spectacle.

Le public Madrilène, le soir de la diffusion sur grand écran de Simon Boccanegra.

Le public Madrilène, le soir de la diffusion sur grand écran de Simon Boccanegra.

On connait bien le style des mises en scènes de Giancarlo del Monaco, prisé par les directeurs en quête de visions à l’apparence historique et un peu dépoussiérées.

Goût pour les symboles statuaires, ici celle du doge qui s'impose au milieu d’une salle du palais tout en marbre s'il fallait souligner l'enjeu de puissance, goût pour les costumes connectés aux rôles politiques de chacun, la longue toge rouge de Simon, les armures des combattants, clarté et simplicité des états d’âmes du chœur considéré comme personnage unique, bras vengeurs quand il s’agit de s’en prendre aux kidnappeurs d’Amélia, mais jeu stéréotypé là où il faudrait trouver les détails qui montrent la vérité subtile des sentiments entre personnages.

 Inva Mula (Amelia Grimaldi)

Inva Mula (Amelia Grimaldi)

C’est ce genre de production "péplum" qui révèle la force qu’il y avait dans la production de Johan Simons à l’Opéra Bastille, décriée pour son esthétique, où tout le travail reposait sur les relations intimes, l‘affection de Simon pour sa fille, l’affection de Fiesco prenant par l’épaule son successeur quand il constate qu’il va mourir, et également un sens de la continuité qui disparait totalement dans la production de Madrid lorsqu’il faut attendre plus de cinq minutes pour passer de la scène du jardin à celle du sénat.

La réalisation musicale repose avant tout sur un engagement émotionnel total de tous les chanteurs.

Le parcours ambitieux de Paolo, tragiquement conduit vers la déchéance, est très bien rendu par Angel Odena, avec une très grande force dans l’expression faciale et une caractérisation vocale terrible.

Placido Domingo (Simon Boccanegra)

Placido Domingo (Simon Boccanegra)

La noblesse du chant de Ferruccio Furlanetto est un émerveillement renouvelé, car celui qui est un des plus prodigieux chanteurs de notre époque est dans un constant approfondissement du sens musical, laissant petit à petit, année après année, tomber les facilités des expressions véristes.

A la veille de ses 70 ans, on ne peut reprocher les aspérités évidentes des lignes vocales de Placido Domingo.

Il n’est plus question de savoir si la voix est plus proche du ténor ou du baryton, le fait est que les yeux fermés il nous touche de manière unique car il porte la mémoire d’un chant et d’un timbre qui a forgé notre univers lyrique mental pour la vie.

Il y a cette présence, une projection décoiffante qui brave irrésistiblement le temps lorsque le texte exige une tenue infaillible dans l’instant.

A certains moments, les névroses d’Otello ressurgissent même sans la moindre altération.

Inva Mula (Amelia Grimaldi)

Inva Mula (Amelia Grimaldi)

Après son apparition idéalisée fascinante, sur fond d’une mer Méditerranée animée par la technique vidéo fréquente dans les théâtres lyriques d‘aujourd’hui, Inva Mula apporte son sens mélodramatique sincère au rôle d’Amélia, une puissance qui contraste avec son allure si douce et fragile.

 

Marcello Giordani, dont la poésie de la voix se durcit au fil des ans, trouve en revanche des ressources pour imposer un Adorno guerrier, presque mauvais, à la hauteur de tous ces politiciens endurcis, et au niveau desquels il souhaite se hisser.

Sa rage l’emporte beaucoup trop sur ses sentiments sensibles et amoureux.

Angel Odena (Paolo Albiani)

Angel Odena (Paolo Albiani)

Mais un des points forts de la représentation repose sur le lyrisme mystique des chœurs du Teatro Real, un souffle vif et léger qui unifie sensiblement les voix des chanteurs principaux.

Jesus Lopez Cobos dirige un orchestre énergique, d’où se détachent des cuivres très sûrs d’eux-mêmes, auquel manquent toutefois un peu ampleur et surtout de la grâce.

A la toute fin, Placido Domingo réussit son petit effet en se laissant tomber de façon tellement naturelle, comme si le dernier souffle s’envolait, que notre propre cœur pouvait se laisser prendre par l’émoi.

Synopsis de Simon Boccanegra

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