Publié le 23 Septembre 2021
Concert inaugural de Gustavo Dudamel
Concert du 22 septembre 2021
Palais Garnier
Carmen (George Bizet - 1875)
Prélude, « L’amour est un oiseau rebelle » , « La fleur que tu m’avais jetée », « Les voici, voici la quadrille… » Clémentine Margaine, Matthew Polenzani, Chœur
Ainadamar (Osvaldo Golijov - 2003)
« Mariana, tus ojos » Ekaterina Gubanova, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur
La vida breve (Manuel de Falla - 1913)
Danse du deuxième tableau (Chœurs)
Peter Grimes (Benjamin Britten - 1945)
Four Sea Interludes, n. 4 « Storm »
Doctor Atomic (John Adams - 2005)
“Batter my heart” Gerald Finley
Lohengrin (Richard Wagner - 1850)
Prélude de l’acte I
Der Rosenkavalier (Richard Strauss - 1911) Jacquelyn Wagner
Trio et duo final Jacquelyn Wagner, Gerald Finley, Ekaterina Gubanova, Sabine Devieilhe
Falstaff (Giuseppe Verdi - 1893)
Scène finale « Alto là ! Chi va là » Gerald Finley, Jacquelyn Wagner, Sabine Devieilhe, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Clémentine Margaine, Matthew Polenzani, Tobias Westman, Kiup Lee, Timothée Varon, Aaron Pendleton
Direction musicale Gustavo Dudamel
Chef de Chœur Ching-Lien Wu
Chœurs et Orchestre du Théâtre National de l'Opéra de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine
Une fois passé l’impressionnant dispositif de sécurité lié à la présence du couple présidentiel venu assister au concert inaugural de Gustavo Dudamel, le nouveau directeur musical de l’Opéra de Paris pour les six ans à venir, le Grand Escalier du Palais Garnier se découvre sous ses décorations florales multicolores où les couples aiment à se photographier.
L’effervescence est assez particulière, et il devient possible d’admirer les différents espaces de ce joyaux architectural sous des éclairages inhabituels qui rehaussent les couleurs des pierres et des mosaïques, mais qui jettent aussi une ombre sur le plafond du monumental escalier.
Le programme présenté ce soir réserve ses originalités à sa première partie où, après des extraits de Carmen joués sur un rythme vif et un parfait équilibre des timbres, et chantés par Clémentine Margaine dans une tessiture très sombre et un peu introvertie, et Matthew Polenzani, à l’inverse, avec une approche très claire et légère qui atténue la nature complexe de Don José, la musique d'essence hispanique se diffuse sur une scène lyrique où elle est habituellement peu présente.
L’extrait d’Ainadamar, opéra qu’avait monté Gerard Mortier en 2012 à Madrid dans une mise en scène de Peter Sellars, fait entendre les chants de jeunes filles au cours d’une représentation de la pièce de Lorca, Mariana Pineda, jouée au Teatro Solis de Montevideo.
Le chœur, bien que masqué, se fond aux rythmes de congas et aux traits ambrés des cuivres dans une atmosphère voluptueuse et envoûtante où Ekaterina Gubanova et Marie-Andrée Bouchard-Lesieur joignent une présence discrète à ce moment voué à la mémoire du jour où la pièce fut créée.
Ici, se révèle aussi le goût de Gustavo Dudamel pour la magnificence poétique des vents.
Puis, c’est jour de mariage à Grenade quand enchaîne l'une des danses de La Vida Breve de Manuel de Falla, de l’enjouement folklorique tenu avec style, cuivres fortement sollicités, qui laisse poindre une envie de fête et qui prépare à l’élan endiablé et claquant avec lequel l’interlude « Storm » de Peter Grimes va être mené pour nous conduire vers le répertoire Anglo-saxon.
Grand moment de chant clamé vers les hauteurs de la salle avec un superbe timbre fumé, Gerard Finley fait honneur à l’écriture de John Adams dont il s’est approprié l’esprit depuis la création de Doctor Atomic à l’Opéra de San Francisco en 2005 dans une mise en scène de Peter Sellars.
Les ondoyances mystérieuses et pathétiques de la musique se dissipent magnifiquement, et ce grand passage dramatique annonce aussi les prochains débuts du compositeur américain sur la scène de l’Opéra de Paris, peut-être avec cette œuvre.
La seconde partie de la soirée est totalement dédiée à trois compositeurs majeurs du répertoire, Richard Wagner, Richard Strauss et Giuseppe Verdi.
L’ouverture de Lohengrin est une splendeur de raffinement où les tissures des cordes se détachent avec une finesse d’orfèvre à laquelle la rougeur des cuivres se mêle pour donner une chaleur à une interprétation de nature chambriste. Elle est suivie par un déploiement majestueux, beaucoup plus ample, dans le final du Chevalier à la rose.
Gustavo Dudamel devient le maître des miroitements straussiens et de l’imprégnation du temps, et les quatre solistes, Jacquelyn Wagner, Gerald Finley, Ekaterina Gubanova et Sabine Devieilhe, forment une union subtilement recherchée qui magnifie cette ode au temps passé.
Et dans la fugue finale de Falstaff, le chef d’orchestre fait résonner la verve acérée de Verdi avec des traits de serpes cuivrées insolemment fougueux et se met au service d’une équipe d’une unité inspirante car sans artifice.
C’est une image extrêmement humble qu’aura donné ce soir Gustavo Dudamel, rejoint au salut final par la chef de chœur Ching-Lien Wu après l’interprétation d’une Marseillaise galvanisante, et l’accueil bouillonnant et émouvant du public présent en témoigne.
Concert à revoir en intégralité et gratuitement sur la plateforme l'Opéra chez soi de l'Opéra national de Paris.