Histoire de l'Opéra, vie culturelle parisienne et ailleurs, et évènements astronomiques. Comptes rendus de spectacles de l'Opéra National de Paris, de théâtres parisiens (Châtelet, Champs Élysées, Odéon ...), des opéras en province (Rouen, Strasbourg, Lyon ...) et à l'étranger (Belgique, Hollande, Allemagne, Espagne, Angleterre...).
Tristan und Isolde (Richard Wagner - 1865, Munich)
Représentations du 17 janvier et du 04 février 2023
Opéra Bastille
Isolde Mary Elizabeth Williams
Tristan Michael Weinius
Brangäne Okka von der Damerau
Kurwenal Ryan Speedo Green
König Marke Eric Owens
Melot Neal Cooper
Ein Hirt, ein Seeman Maciej Kwaśnikowski
Der Steuermann Tomasz Kumiega
Direction musicale Gustavo Dudamel
Mise en scène Peter Sellars (2005)
Corps terrestres Jeff Mills et Lisa Rhoden, John Hay et Sarah Steben
Vidéo Bill Viola En collaboration avec la Los Angeles Philharmonic Association et le Lincoln Center for the Performing Arts
Spectacle emblématique de la première saison de Gerard Mortier en 2005, qui réunissait Ben Heppner et Waltraud Meier sous la direction d’Esa-Pekka Salonen, ce ‘Tristan und Isolde’ novateur par l’importance donnée à la technologie vidéographique de Bill Viola n’aurait pas dû se poursuivre au-delà de 2009, car ses droits de diffusion étaient initialement limités.
Finalement, Nicolas Joel, Stéphane Lissner, et dorénavant Alexander Neef, ont eu l’occasion de le reprendre, ce qui lui aura donné une longévité de 18 ans.
Mary Elizabeth Williams (Isolde) et Michael Weinius (Tristan)
Le pouvoir évocateur de ces images alliées à la musique est imparable, que ce soit la scène des cierges dans une lueur d’ambre, les flots où s’engouffrent les corps des amants, la dilution des formes, le voyage vers les fonds marins selon les méandres orchestraux, et, bien sûr, l’embrassement d’un mur de feux devant lequel surgit une femme, suivi par l’ascension de Tristan qui se désincarne dans un océan de bleu.
Pour cette sixième série - la production aura atteint 46 représentations le 04 février 2023 -, la direction musicale est confiée à Gustavo Dudamel qui vient de diriger ce même ‘Tristan Project’ au Walt Disney Concert Hall de Los Angeles du 09 au 17 décembre 2022, là où il fut créé en décembre 2004, la mise en scène de Peter Sellars étant originalement conçue pour l’Opéra national de Paris.
Okka von der Damerau (Brangäne), Michael Weinius (Tristan) et Elizabeth Williams (Isolde)
L’interprétation est très différente de celle de Salonen, tant la vigueur et la clarté théâtrale prédominent. Des cuivres explosifs au son compact et finement ciselés, des cordes où subsiste la sensation de la matière, une ligne dramaturgique vivante, et toujours une très belle rondeur lumineuse des vents bois, éloignent cette conception des visions plus sombres et profondes de ‘Tristan und Isolde’ où les tissures orchestrales s’évadent à l’infini.
Manifestement, ce retour au concret va de concert avec la manière dont Peter Sellars a retravaillé sa mise en scène. Ainsi, l’éclairage s’intensifie fortement sur l’action scénique afin de créer un meilleur équilibre avec les vidéos, et les personnages jouent de manière plus réelle et manifeste, avec une expression de geste plus directe.
L’invitation au rêve symbolique et idéalisant que représente l’œuvre s’estompe subtilement afin de raconter ce drame de façon plus humaine. Une des forces de ce travail réside dans la manière de faire intervenir Brangäne, le marin et le berger, Kurwenal ainsi que les cors et le chœur depuis les galeries de l’opéra Bastille, le spectateur se sentant encerclé par les voix dont il peut aussi apprécier les timbres bruts.
La distribution réunie se soir se compose en grande partie des mêmes chanteurs invités à Los Angeles. Michael Weinius, Okka von der Damerau, Ryan Speedo Green et Eric Owens n’ont probablement pas eu besoin de trop répéter, puisqu’ils étaient du voyage Outre-Atlantique le mois dernier.
Michael Weinius, qui interprétait Erik dans la reprise du ‘Vaisseau Fantôme’, la saison dernière, débute par une incarnation tendre et solide de Tristan. La clarté et la précision de diction prédominent, et la qualité de son timbre dans le médium lui permet d’offrir un Tristan sobre et bien chantant.
Toutefois, dans le troisième acte, les souffrances qu'endure Tristan s’expriment avec un relief insuffisamment marqué pour qu’elles soient aussi prégnantes que celles d’autres interprètes aux couleurs plus torturées, le pouvoir de l’orchestre et des images prenant ainsi le dessus.
Ryan Speedo Green (Kurwenal), Eric Owens (Le Roi Marke), Michael Weinius (Tristan), Mary Elizabeth Williams (Isolde), Neal Cooper (Melot)
Sa partenaire, Mary Elizabeth Williams, n’a abordé le rôle d’Isolde que tout récemment à l’opéra de Seattle en début de saison. Elle n’est pas inconnue de l’institution parisienne, puisqu’elle a remporté en 2003 le prix lyrique de l’Académie de l’Opéra de Paris dont elle était membre.
D’emblée, c’est la tessiture puissante et aigüe qui est sollicitée, et le rendu en salle sonne d’un métal tranchant avec des couleurs très disparates. Le rendu psychologique est donc celui d’une femme fortement blessée, déstabilisée, fonctionnant à l’instinct, qui ne se recentre que dans les passages plus posés dans le médium où son timbre retrouve une pleine unité. Les nuances apaisées du Liebestod final l’illustrent pleinement, et elle ne lâche rien de l’aplomb avec lequel elle portera Isolde jusqu’au bout.
Cette interprétation écorchée, dénuée de sensualité mais non de sensibilité, a visiblement déplu à un certain public wagnérien dont la pénétrance des lâches huées a choqué d’autres spectateurs.
Mais le plus beau réside dans la réaction bien plus importante de ceux qui, notamment jeunes et situés dans les balcons, ont salué chaleureusement cette artiste, malgré toutes les réserves que l’on peut avoir, car ils représentent la part du public qui écoute autant avec son cœur qu’avec ses oreilles.
Cela prouve qu’entre un public cultivé, parfois rongé d'aigreurs, et un public de cœur, mieux vaut préférer le second.
Eric Owens (Le Roi Marke), Michael Weinius (Tristan) et Mary Elizabeth Williams (Isolde)
Mais d’autres chanteurs faisaient aussi leurs débuts sur la scène parisienne, à commencer par Okka von der Damerau, bien connue de la scène munichoise, où elle incarnait Brangäne lors de la prise de rôle de Jonas Kaufmann dans la mise en scène de'Tristan und Isolde'par Krzysztof Warlikowski, et de Bayreuth où elle fut une splendide Erda l’été dernier. Largeur vocale aux reflets cuivrés, rayonnement crépusculaire intense, elle accentue la personnalité charnelle de la servante d’Isolde, et représente une forme de sagesse maternelle supérieure.
Un autre artiste attaché au New-York Metropolitan Opera depuis 15 ans, Eric Owens, apparaît pour la première fois à Bastille, dans le rôle du Roi Marke. On assiste aux pleurs monolithiques d’un père lorsqu’il se trouve auprès de Tristan, très émouvants par leur noirceur bienveillante, et non aux reproches d’un roi autoritaire, froid et dominant. Il se situe ainsi sur le même plan que Tristan, avec presque trop d’humilité.
Très expressif au jeu théâtral consistant, le Kurwenal de Ryan Speedo Green est très impliqué, avec un chant percutant, comme si il était l’ami qui secoue fortement ce Tristan qui ne semble pas réagir aux dangers de situation.
Maciej Kwaśnikowski, Ryan Speedo Green, Eric Owens, Mary Elizabeth Williams, Gustavo Dudamel, Michael Weinius, Okka von der Damerau, Neal Cooper, Tomasz Kumiega
Et les rôles secondaires sont très bien tenus par Neal Cooper, déjà Melot lors de la dernière reprise, Tomasz Kumiega en pilote, et Maciej Kwaśnikowski qui donne beaucoup de personnalité, avec une belle assurance, au berger et au jeune marin, d’autant plus qu’il est magnifiquement mis en valeur par ses deux apparitions situées en galeries.
Il s'agit ainsi d'une version attachante par la diversité des réactions qu’elle suscite dans la salle, et qui tend même à démystifier Wagner.
Gustavo Dudamel et Peter Sellars
A lire également, les chroniques des précédentes représentations de 'Tristan und Isolde' dans la production de Peter Sellars et Bill Viola.
Gustav Mahler (Symphonie n°9 – Vienne 1909)
Concert du 16 septembre 2022
Philharmonie de Paris
Direction musicale Gustavo Dudamel Orchestre de l’Opéra national de Paris
Concert diffusé sur France Musique le 26 septembre 2022 Concert de Barcelone diffusé en direct sur Medici TV le 20 septembre 2022
10 ans après son premier enregistrement live de la 9e symphonie de Gustav Mahler (Deutsche Grammophon) au Walt Disney Concert Hall et avec le Los Angeles Philharmonic, Gustavo Dudamel entame à la Philharmonie de Paris une tournée dédiée à cette œuvre crépusculaire avec l’Orchestre de l’Opéra national de Paris, tournée qui va se poursuivre à Barcelone et Genève, respectivement les 20 et 22 septembre prochains.
Et en mai 2023, c’est à la tête du New-York Philharmonic qu’il aura l’occasion de la diriger à nouveau dans la salle rénovée du David Geffen Hall.
Gustavo Dudamel - 9e symphonie de Mahler (Philharmonie de Paris)
Indice inhabituel de la portée de cet évènement, on pouvait croiser sur le parvis de la Cité de la Musique, illuminé par les lumières argentées de fin de journée, aussi bien des amateurs cherchant des places que des revendeurs, si bien que la salle Pierre Boulez offrit bien peu de places vacantes en début du concert.
Et, situés au premier rang du premier balcon, la direction générale de l’Opéra de Paris, représentée en personne par Alexander Neef et Martin Ajdari, et le président de l’AROP, Jean-Laurent Bonnafé, assuraient leur présence auprès d’Olivier Mantei, nouveau directeur général de la Cité de la Musique-Philharmonie de Paris.
L'Orchestre de l'Opéra national de Paris
Tout dans les prémices de cette soirée suggère la chaleur, la lumière tamisée de la salle, l’accueil de l’orchestre et de Gustavo Dudamel, l’énergie des auditeurs tout autour de soi, et cette chaleur va se ressentir dès le premier mouvement.
Depuis les premiers balancements lancinants de l’ouverture, la montée en intensité de l’orchestre se veut conquérante, parée de mille éclats et d’une complexité de plans sonores très denses où se mélangent profondeur de sombres courants orchestraux, évanescence subliminale des tissures de cordes qui s’évanouissent dans les réflexions acoustiques de la salle, cuivres saillants et percussions impressionnantes, tous emportés dans un souffle fluide et fervent qui ne vire pas pour autant à la fureur noire. La mise en valeur de la pureté des timbres et de leur plénitude crée un état de quiétude captivant.
Cécile Tête (Premier chef d'attaque)
Le second mouvement, avec ses danses pastorales pittoresques, couplé au troisième mouvement qui renforce l’impression d’un divertissement de haute précision, est mené avec une rythmique entrainante où se conjuguent pesanteur et souplesse magnifiquement enveloppés par la frénésie heureuse de Gustavo Dudamel qui s’en donne à cœur joie, à donner le tournis, dans sa manière d’attiser les différents groupes de musiciens. C’est une sensation de folie qui se dégage de cette vivacité de traits aux couleurs et contrastes parfaitement maitrisés.
Enfin, l’adagio final permet un déploiement en toute beauté de la clarté orchestrale de ce grand ensemble de musiciens où le grandiose et la poésie se côtoient dans une aura teintée d’optimisme sans que le moindre sentiment funeste n’émerge. Gustavo Dudamel voit en ce chef-d’œuvre une source d’espérance et des motifs de désespoirs, mais pourtant, c’est clairement l’espérance qui l’emporte ce soir, et non les tourments, comme s’il s’agissait de dépasser la mort.
Et si l'on sort de la Philharmonie le sourire aux lèvres, c’est peut-être que la qualité de l’interprétation a su répondre à une attente à un moment où l’on peint des horizons ombreux, alors que nous avons tous besoin d’une énergie qui nous permette d'aller au-delà de ce qui brouille notre vision.
Un long silence de recueillement tenu au final, un chef d’orchestre qui va se fondre parmi ses musiciens pour les féliciter, ces moments inspirants ne s’oublient pas.
Présentation de la saison Lyrique 2022 / 2023 de l’Opéra national de Paris Le mercredi 30 mars 2022 à l’Hôtel Intercontinental Paris Le Grand et le samedi 02 avril 2022 au Palais Garnier
Le salon Berlioz de l’Hôtel Intercontinental Paris Le Grand
Le 30 mars 2022 à 11h30, la seconde saison d’Alexander Neef à la direction de l’Opéra national de Paris a été officiellement dévoilée au grand public sur le site internet de l’institution.
Elle comprend 3 nouvelles productions et 3 coproductions, dont 1 nouveauté pour le répertoire, et 11 reprises.
Aux 17 œuvres scéniques jouées dans les grandes salles, s’ajoute une production de l’Académie de l’Opéra de Paris qui sera jouée au théâtre de l’Athénée pour un total de 188 représentations lyriques.
La présentation de cette saison à l’Association pour le Rayonnement de L’Opéra de Paris a eu lieu le soir même à l’Hôtel Intercontinental Paris Le Grand, après deux ans d’annulation pour cause de pandémie, et Alexander Neef et Aurélie Dupont ont réitéré à deux reprises cette présentation aux abonnés quelques jours après, le samedi 02 avril 2022.
De nombreuses interviews de metteurs en scène tels Lydia Steier, Robert Carsen, Krzysztof Warlikowski, Deborah Warner, Thomas Jolly ou Valentina Carrasco ont été projetées en séance afin de permettre aux spectateurs d’avoir une première approche des questions que posent ces œuvres.
Jean-Yves Kaced (Directeur de l'AROP) et Alexander Neef (Directeur général de l'Opéra de Paris)
Après ‘A Quiet Place’ de Leonard Bernstein que le public a découvert en février et mars 2022, un second ouvrage américain, ‘Nixon in China’ de John Adam, fait ses débuts à l’Opéra de Paris – une interview de Gustavo Dudamel met en valeur les qualités de sa musique -, et ‘Peter Grimes’ de Benjamin Britten revient enfin à l’affiche, ce qui confirme qu’un chemin s’ouvre durablement à l’Opéra de Paris pour le répertoire anglo-saxon du XXe siècle.
Bleuenn Battistoni, Guillaume Diop, Kseniia Proshina, Fernando Escalona, Alexander Neef et Aurélie Dupont
Ce qui frappera sans doute les auditeurs au cours des différentes présentations est le soin avec lequel Alexander Neef aura décrit comment se construisent des équipes réunissant chanteurs, metteurs en scène et chefs d’orchestre autour de ces ouvrages.
Et en fin de soirée, les lauréats des prix de l'AROP 2020/2021 seront récompensés en personnes, Bleuenn Battistoni et Guillaume Diop pour les Prix de la Danse, Kseniia Proshina et Fernando Escalona pour les Prix Lyriques.
Lydia Steier - metteur en scène de 'Salomé' en octobre/novembre 2022
Les nouvelles productions
Salomé (Richard Strauss – 1905) – Nouvelle production
Du 15 octobre au 05 novembre 2022 (8 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Simone Young, mise en scène Lydia Steier
Elza van den Heever, Zoran Todorovich, Karita Mattila, Iain Paterson, Tansel Akzeybek, Katharina Magiera, Matthäus Schmidlechner, Éric Huchet, Maciej Kwaśnikowski, Mathias Vidal, Sava Vemić, Luke Stoker, Yiorgo Ioannou, Dominic Barbieri, Bastian Thomas Kohl, Alejandro Baliñas Vieites, Thomas Ricart
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 30 septembre 2011
La dernière production maison d’un opéra de Richard Strauss qui se soit durablement installée au répertoire et celle de ‘Capriccio’ créée en juin 2004 au Palais Garnier. C’est dire que cette nouvelle production de ‘Salomé’ est très attendue. Le désir de remettre en question cette œuvre fidèle à la pièce d’Oscar Wilde s’exprime par le choix d’une équipe féminine qui réunit la metteur en scène américaine Lydia Steier et la directrice musicale australienne Simone Young, ainsi qu’une artiste très importante pour Alexander Neef, la soprano sud-africaine Elza van den Heever.
Ce sera aussi l’occasion de retrouver dans le rôle d’Hérodias la soprano finlandaise Karita Mattila, inoubliable Salomé sur cette même scène à l’automne 2003.
Peter Grimes (Benjamin Britten – 1945) – Coproduction Teatro Real, Madrid, Royal Opera House Covent Garden, Londres et Teatro dell’Opera, Rome
Du 26 janvier au 19 février 2023 (9 représentations au Palais Garnier) Direction musicale Joana Mallwitz, mise en scène Deborah Warner
Allan Clayton, Maria Bengtsson, Simon Keenlyside, Catherine Wyn-Rogers, Anna-Sophie Neher, Ilanah Lobel-Torres, John Graham-Hall, Clive Bayley, Rosie Aldridge, James Gilchrist, Jacques Imbrailo, Stephen Richardson
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 07 février 2004
Opéra sur la marginalité et sur l’opposition d’un individu à la foule, ‘Peter Grimes’ vise, à l’instar du ‘Wozzeck’ d’Alban Berg qui illustre un thème semblable, à attirer la compassion sur un homme mis au ban par la société dont il s’écarte de plus en plus. Deborah Warner, qui a été récompensée à plusieurs reprises pour sa production de ‘Billy Budd’ créée en 2017 au Teatro Real de Madrid, fait enfin ses débuts à l’Opéra de Paris et retrouve Allan Clayton dans le rôle titre.
Krzysztof Warlikowski - metteur en scène de 'Hamlet' en mars/avril 2023
Hamlet (Ambroise Thomas – 1868) – Nouvelle production
Du 11 mars au 09 avril 2023 (10 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Thomas Hengelbrock, mise en scène Krzysztof Warlikowski
Ludovic Tézier, Jean Teitgen, Julien Behr, Clive Bayley, Frédéric Caton, Julien Henric, Eve-Maud Hubeaux, Lisette Oropesa / Brenda Rae
Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 28 septembre 1938
Placé parmi les 12 ouvrages les plus joués au Palais Garnier jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, ’Hamlet’ est le dernier Grand opéra français créé à la salle Le Peletier avant qu’elle ne soit détruite par un incendie. Cet opéra en cinq actes totalisa près de de 300 représentations au total.
Sur une musique gracieuse et mélodique, Ambroise Thomas a adapté pour le public français un des chefs-d’œuvre de Shakespeare en le centrant sur l’amour entre Ophélie et le héros. Alexander Neef a confié le rôle titre au plus grand baryton français actuel, Ludovic Tézier.
Et lorsqu’il lui a demandé avec quel metteur en scène il souhaitait travailler, le chanteur a proposé Krzysztof Warlikowski dont il avait énormément apprécié l’intelligence musicale et le travail scénique pour ‘Don Carlos’ en 2017, autre Grand opéra français de Giuseppe Verdi créé un an avant ‘Hamlet’.
Cela tombe bien, car c’est avec la pièce de Shakespeare, ‘Hamlet’, que Krzysztof Warlikowski s’est fait connaître en France au Festival d’Avignon en 2001.
Nixon in China (John Adams – 1987) – Nouvelle production
Du 25 mars au 16 avril 2023 (8 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Gustavo Dudamel, mise en scène Valentina Carrasco Xiaomeng Zhang, Thomas Hampson, Joshua Bloom, Yajie Zhang, John Matthew Myers, Renée Fleming, Kathleen Kim
Entrée au répertoire
Écrit plus de 10 ans après la rencontre historique entre Richard Nixon et Mao Zedong à Pekin en 1972, ‘Nixon in China’ est considéré comme un des grands chefs-d’œuvre du XXe siècle créé le 22 octobre 1987 au Houston Grand Opera. Gustavo Dudamel et Alexander Neef l’ont choisi pour la richesse de sa musique, où l’on ressent l’influence de Philip Glass, et pour son approche du contact entre les cultures qui, dans le contexte actuel, peut avoir une très forte résonance.
La musique de John Adams fait ainsi son entrée au répertoire de l’institution parisienne et Thomas Hampson et Renée Fleming seront de retour sur la scène Bastille pour défendre un spectacle qui verra les débuts de Valentina Carrasco à la mise en scène.
Ariodante (Georg Friedrich Haendel – 1735) – Coproduction Metropolitan Opera, New-York
Du 20 avril au 20 mai 2023 (11 représentations au Palais Garnier) Direction musicale Harry Bicket, mise en scène Robert Carsen
The English Concert
Luca Pisaroni, Olga Kulchynska, Emily D'angelo, Eric Ferring, Christophe Dumaux, Tamara Banjesevic, Enrico Casari
Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 15 mai 2001
Présenté par Alexander Neef comme ce qu’il considère être le chef-d’œuvre de Georg Friedrich Haendel, ‘Ariodante’ fut créé au Covent Garden Theatre de Londres 3 mois avant ‘Alcina’ qui a été repris à Garnier en décembre 2021, également dans une production de Robert Carsen.
A cette occasion, le directeur musical du Santa Fe Opera, Harry Bicket, fera ses débuts à l’Opéra de Paris avec son ensemble The English Concert, ainsi que la soprano ukrainienne Olga Kulchynska.
Ce sera aussi le retour du contre-ténor français Christophe Dumaux sur la scène du Palais Garnier.
Roméo et Juliette (Charles Gounod – 1867) – Coproduction Teatro Real, Madrid
Du 17 juin au 15 juillet 2023 (15 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Carlo Rizzi, mise en scène Thomas Jolly
Elsa Dreisig / Pretty Yende, Léa Desandre / Marina Viotti, Benjamin Bernheim / Francesco Demuro, Maciej Kwaśnikowski, Thomas Ricart, Huw Montague Rendall / Florian Sempey, Sergio Villegas Galvain, Yiorgo Ioannou, Laurent Naouri, Jean Teitgen, Jérôme Boutillier
Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 22 décembre 1985
Créée en 1867 au Théâtre Lyrique situé sur la place du Châtelet, la version de ‘Roméo et Juliette’ parCharles Gounodfut remaniée avec l’ajout d’un ballet pour entrer au répertoire de l’Opéra de Paris le 28 novembre 1888. Le Palais Garnier lui consacrera plus de 600 représentations, si bien que l’œuvre restera parmi les 12 titres les plus joués jusqu’aux années 1970.
Comme pour ‘Hamlet’, c’est à un metteur en scène shakespearien qu’est confiée cette nouvelle mise en scène.
Nul doute que Thomas Jolly, qui avait interprété ‘Roméo au balcon’ en début de confinement en mars 2020, proposera une vision forte dont la référence à une épidémie de peste accentuera la prégnance de la Mort tout au long de l'histoire.
Et la double distribution Elsa Dreisig / Benjamin Bernheim et Pretty Yende / Francesco Demuro, sous la direction de Carlo Rizzi, chef d'orchestre qui a fortement impressionné par sa lecture de ‘Cendrillon’ de Jules Massenet, promet d'avance de très grands soirs lyriques.
Détail d'une statue du salon Berlioz de l’Hôtel Intercontinental Paris Le Grand
Les reprises
Tosca (Giacomo Puccini – 1900)
Du 03 septembre au 26 novembre 2022 (17 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Gustavo Dudamel / Paolo Bortolameolli, mise en scène Pierre Audi (2014)
Saioa Hernandez / Elena Stikhina, Joseph Calleja / Brian Jagde, Bryn Terfel / Gerald Finley / Roman Burdenko, Sava Vemic, Michael Covin, Philippe Rouillon, Renato Girolami, Christian Moungoungou Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 25 juin 2021
La Cenerentola (Gioacchino Rossini – 1817)
Du 10 septembre au 09 octobre 2022 (10 représentations au Palais Garnier) Direction musicale Diego Matheuz, mise en scène Guillaume Gallienne (2017)
Dmitry Korchak, Vito Priante, Carlo Lepore, Martina Russomanno, Marine Chagnon, Gaëlle Arquez, Luca Pisaroni Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 26 décembre 2018
La Flûte enchantée (Wolfgang Amadé Mozart – 1791)
Du 17 septembre au 19 novembre 2022 (15 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Antonello Manacorda / Simone Di Felice, mise en scène Robert Carsen (2014)
René Pape / Brindley Sherratt, Michael Colvin, Pretty Yende / Christiane Karg, Caroline Wettergreen, Martin Gantner / Michael Kraus, Niall Anderson, Tobias Westman, Margarita Polonskaya, Mauro Peter / Pavel Petrov, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Katharina Magiera, Huw Montague Rendall / Iurii Samoilov Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 22 janvier 2021 (Captation à huis clos)
Les Capulet et les Montaigu (Vincenzo Bellini – 1830)
Du 21 septembre au 14 octobre 2022 (9 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Speranza Scappucci, mise en scène Robert Carsen (1995)
Jean Teitgen, Julie Fuchs, Anna Goryachova, Francesco Demuro, Krzysztof Bączyk
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 23 mai 2014
Détail du Plafond de Marc Chagall du Palais Garnier
Carmen (Georges Bizet – 1875)
Du 15 novembre 2022 au 25 février 2023 (15 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Fabien Gabel, mise en scène Calixto Bieito (2017)
Michael Spyres / Joseph Calleja, Lucas Meachem / Étienne Dupuis, Marc Labonnette, Loïc Félix, Guilhem Worms / Tomasz Kumiega, Gaëlle Arquez / Clémentine Margaine, Golda Schultz /Adriana Gonzalez / Nicole Car, Andrea Cueva Molnar, Adèle Charvet Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 23 mai 2019
Les Noces de Figaro (Wolfgang Amadé Mozart – 1786)
Du 23 novembre au 28 décembre 2022 (12 représentations au Palais Garnier) Direction musicale Louis Langrée, mise en scène Netia Jones (2002)
Gerald Finley, Miah Persson, Luca Pisaroni, Jeanine de Bique, Rachel Frenkel, Sophie Koch, James Creswell, Éric Huchet, Christophe Mortagne, Ilanah Lobel-Torres Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 18 février 2022
La Force du destin (Giuseppe Verdi - 1862)
Du 12 au 30 décembre 2022 (7 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Jader Bignamini, mise en scène Jean-Claude Auvray (2011)
James Creswell, Anna Netrebko / Anna Pirozzi, Ludovic Tézier, Russell Thomas, Elena Maximova, Ferruccio Furlanetto, Nicola Alaimo, Isabelle Druet, Florent Mbia, Carlo Bosi, Hyunsik Zee Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 09 juillet 2019
Tristan et Isolde (Richard Wagner – 1865)
Du 17 janvier au 4 février 2023 (7 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Gustavo Dudamel, mise en scène Peter Sellars (2005)
Mary Elizabeth Williams, Michael Weinius, Okka von der Damerau, Ryan Speedo Green, Eric Owens, Neal Cooper, Maciej Kwaśnikowski Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 09 octobre 2018
Le Palais Garnier le samedi 02 avril 2022 pour la présentation de la prochaine saison
Le Trouvère (Giuseppe Verdi – 1853) – Coproduction Nederlandse Opera, Amsterdam et Teatro dell’Opera, Roma
Du 21 janvier au 17 février 2023 (9 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Carlo Rizzi, mise en scène Alex Ollé et Valentina Carrasco (2016)
Anna Pirozzi, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Judit Kutasi, Etienne Dupuis, Roberto Tagliavini, Yusif Eyvazov, Samy Camps, Shin Jae Kim,Chae Hoon Baek Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 14 juillet 2018
Lucia di Lammermoor (Gaetano Donizetti – 1835)
Du 18 février au 10 mars 2023 (8 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Aziz Shokhakimov, mise en scène Andrei Serban (1995)
Mattia Olivieri, Brenda Rae, Javier Camarena, Thomas Bettinger, Adam Palka, Julie Pasturaud, Éric Huchet Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 16 novembre 2016
La Bohème (Giacomo Puccini – 1896)
Du 02 mai au 04 juin 2023 (12 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Michele Mariotti, mise en scène Claus Guth (2017)
Ailyn Pérez, Slávka Zámečníková, Joshua Guerrero, Andrzej Filończyk, Simone Del Savio, Gianluca Buratto, Franck Leguérinel, Luca Sannai, Bernard Arrieta, Pierpaolo Palloni, Paolo Bondi Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 31 décembre 2017
L’Académie de l’Opéra national de Paris
La Scala di seta (Gioacchino Rossini – 1812)
Du 29 avril au 06 mai 2023 (6 représentations à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet) Direction musicale Jean-François Verdier, mise en scène Pascal Neyron
Artistes de l’Académie de l’Opéra national de Paris Œuvre inédite à l’Opéra national de Paris
Premières impressions sur la saison 2022/2023
Dans sa structure, cette saison comporte une dissymétrie inédite, car sa première partie de septembre à décembre 2022 est quasi exclusivement constituée de reprises d’opéras joués au cours des 6 dernières années, alors que la seconde partie de janvier à juillet 2023 est principalement constituée de nouvelles productions.
Sont ainsi programmés les cinq titres les plus joués de l’institution depuis 50 ans, ‘Les Noces de Figaro’, ‘La Bohème’, ‘La Flûte enchantée’, ‘Carmen’ et ‘Tosca’, ce qui laisse entrevoir que cette saison a été pensée de façon à consolider ses recettes pour l’exercice 2022, afin de n’engager le renouvellement du répertoire qu’en 2023.
Dans cette logique de sortie de crise ‘post-covid’, le nombre un peu plus réduit de nouvelles productions (6 au lieu de 8 en moyenne) se comprend, et on peut trouver des similarités entre cette saison et les premières saisons Hugues Gall dont l’objectif était de développer toute la puissance de l’Opéra Bastille. Ainsi, plus des 3/4 des soirées lyriques auront lieu la saison prochaine sur la scène Bastille, et 2/3 de ces soirées seront dédiées aux œuvres du XIXe siècle.
Les nouvelles productions
3 femmes metteurs en scène font leurs débuts à l’Opéra de Paris, Lydia Steier, Deborah Warner et Valentina Carrasco, toutes trois associées à des ouvrages du XXe siècle.
Et en confiant ‘Hamlet’ et ‘Roméo et Juliette’ respectivement à Krzysztof Warlikowski et Thomas Jolly, Alexander Neef renforce sa ligne de développement du répertoire français historique de l’institution tout en la faisant reposer sur des metteurs en scène d’une très grande pertinence de par leur affinité avec l’écrivain commun à ces deux ouvrages, William Shakespeare.
Les reprises
Les reprises sont donc surtout l’occasion de découvrir de nouveaux artistes ou de grands artistes dans de nouveaux rôles, tels Gaëlle Arquez dans ‘La Cenerentola’ et ‘Carmen’, Saioa Hernandez et Elena Stikhina dans ‘Tosca’, Julie Fuchs, Marianne Crebassa sous la direction de Speranza Scappucci dans ‘Les Capulet et les Montaigu’, Brenda Rae et Javier Camarena dans ‘Lucia di Lammermoor’, ou bien la direction de Louis Langrée pour ‘Les Noces de Figaro’ et celle de Gustavo Dudamel pour ‘Tristan und Isolde’.
Le répertoire anglo-saxon
Avec trois titres, ‘A Quiet Place’ , ‘Nixon in China’ et ‘Peter Grimes’,en deux saisons, Alexander Neef a déjà programmé autant d’œuvres en langue anglaise que n’importe quel autre directeur de toute l’histoire de l’Opéra de Paris. Ce point remarquable démontre sa détermination sur cette autre ligne de force qui devrait caractériser son mandat.
Paul Marque et Sae Eun Park dans un extrait du 'Lac des Cygnes' interprété lors de la présentation au Palais Garnier
Les tarifs 2022/2023
Les tarifs de cette seconde saison sont stables et même en légère baisse avec une moyenne pour le lyrique de 119 euros la place à Bastille contre 120 euros pour la saison 2021/2022. La moitié des places sont ainsi à moins de 120 euros,
Les deux spectacles aux tarifs les plus élevés à Bastille sont les représentations de ‘Roméo et Juliette’, en juin et début juillet 2023, et les représentations de ‘Tosca’ sous la direction de Gustavo Dudamel pour un prix moyen de 143 euros.
Mais les représentations de ‘Tosca’ sous la direction de Paolo Bortolameolli sont 20 % moins chères à 113 euros en moyenne, et les quatre dernières de ‘Roméo et Juliette’ au mois de juillet sont 10 % moins chères à 127 euros en moyenne.
Et parmi les nouvelles productions, celles de ‘Salomé’ et ‘Nixon in China’ disposent des prix les plus abordables avec une moyenne de 113 euros.
Enfin, les deux reprises les moins chères à Bastille sont ‘Les Capulet et Montaigu’ et ‘Lucia di Lammermoor’ à 90 euros en moyenne, deux productions de 1995 qui tiennent toujours la route.
L'évolution des prix de places à l'Opéra Bastille pour le lyrique de 1998/1999 à 2022/2023
Les Noces de Figaro (Wolfgang Amadé Mozart – 1786)
Représentations du 21 et 23 janvier 2022
Palais Garnier
Il conte di Almaviva Peter Mattei
La contessa di Almaviva Maria Bengtsson
Susanna Anna El-Khashem
Figaro Luca Pisaroni
Cherubino Lea Desandre*
Marcellina Dorothea Röschmann
Bartolo James Creswell
Don Basilio Michael Colvin
Don Curzio Christophe Mortagne
Barbarina Kseniia Proshina
Antonio Marc Labonnette
Direction musicale Gustavo Dudamel
Mise en scène Netia Jones (2022) Nouvelle production * Lea Desandre, souffrante le 23 janvier 2022, était doublée par Chloé Briot Netia Jones Diffusion en direct sur France.tv/Culturebox le 03 février 2022 à 19h30
Après 9 ans d’absence, Les Noces de Figaro fait un retour très attendu au répertoire dans une nouvelle mise en scène qui vient se substituer aux deux seules productions du chef-d’œuvre de Mozart qu’ait connu l’Opéra de Paris depuis le début de l’ère Rolf Liebermann en 1973, celle de Giorgio Strehler (1973 – 2012) et celle de Christoph Marthaler (2006-2008).
C’est un évènement structurant pour l’institution qui se dote d’une pièce majeure facilement reprenable tous les 2 ou 3 ans, et en plus cela maintient Les Noces de Figaroen tête des ouvrages les plus joués de la maison avec, à l’issue de cette nouvelle série, 216 représentations au compteur depuis les 50 dernières années, tout juste talonné par La Bohème de Giacomo Puccini.
Maria Bengtsson (La Comtesse) et Peter Mattei (Le Comte)
Principalement connue dans les pays anglophones, Netia Jones fait ses débuts à l’Opéra de Paris et offre au public une production qui se passe au sein même du Palais Garnier. L’intrigue sociale est ainsi ramenée à une époque plus proche de nous que la Révolution française, si bien qu'elle pourrait se dérouler aujourd’hui même dans les loges de l’Opéra.
Dans cette vision, le Comte et la Comtesse deviennent de grands acteurs de théâtre invités à jouer dans un spectacle où participent choristes et corps du ballet de la Maison. Suzanne est une assistante à l’habillage, Figaro probablement un chef de service, Bartolo et Marcelline des administrateurs de l’établissement, Don Basilio le maître de chant, Don Curzio le concierge, Chérubin un adolescent branché qui porte sa casquette à l’envers, et Barberine une danseuse. Les rôles sociaux sont donc tout à fait respectés.
Anna El-Khashem (Susanna)
Les deux premiers actes se déroulent à travers 4 loges contiguës - mais seules trois sont présentées au même moment -, et par un très beau trucage les façades des immeubles haussmanniens se perçoivent derrière les vitres. Le jeu de cache-cache entre le Comte, la Comtesse, Suzanne et Chérubin se déroule dans cet espace restreint, et dès l’ouverture on voit les danseuses se méfier du Comte, sauf une, bêtement fascinée, qui le suit dans sa loge. Plus loin, on l’apercevra rôder également dans celle du chef de chant où passent les choristes.
Le jeu d’acteur sobre et lisible de tous les artistes rend très naturelle la dimension vaudevillesque de cette première partie, sans caricature forcée, qui est très agréable à suivre. La vidéographie est utilisée pour montrer sous forme de jeux d’ombres le ressentiment entre Suzanne et Marcelline, ou bien pour suggérer le raz-le-bol de Bartolo à gérer un tel ensemble.
Luca Pisaroni (Figaro)
Adorable est le clin d’œil plus ou moins volontaire à Marthaler – il y en aura un autre en seconde partie – quand Netia Jones reprend la scène du Comte équipé de la perceuse pour forcer le cabinet de Suzanne, et Chérubin ne part plus à la guerre mais est embauché par Figaro au sein de la troupe où il jouera le rôle d’un garde. Chérubin n’est finalement qu’un enfant qui a besoin d’être guidé et un peu mieux structuré dans sa vie.
Le mouvement de protestation de certains choristes – dans la pièce - pendant un passage chanté dans la loge de Don Basilio pour signaler des faits de harcèlement sexuel situe bien la problématique centrale de la lecture de Netia Jones. Et le geste du Comte déchirant les tracts montre bien ce qu’il en pense également.
Maria Bengtsson (La Comtesse)
Le dispositif scénique ne comporte qu’un défaut à travers les deux cloisons centrales qui ont tendance à parfois atténuer la portée des voix pour le public situer dans les loges de côté, et peuvent aussi masquer certaines saynètes.
En seconde partie, l’action se déroule au sein des ateliers de costumes, où le Comte comprendra que Suzanne le dupe, puis dans la loge des choristes avec son alignement de pupitres et de lampes chaleureuses, et enfin sur la scène, au moment de la dernière répétition avec les danseuses – Barberine y laissera sa vertu -. Puis, quand tout est éteint, le jeu de confusion entre les identités de la Comtesse et de Suzanne peut se déployer.
Anna El-Khashem (Susanna) et Lea Desandre (Cherubino)
L’espace se vide au fur et à mesure, et Netia Jones a recours à une très grande économie de moyens pour montrer comment Figaro est reconnu par ses parents, les administrateurs, à travers une portraitisation de toute la famille. On voit aussi Suzanne se prendre pour une artiste en chantant sous le halo d’une simple lampe « Giunse alfin il momento » – autre clin d’œil plus ou moins volontaire à La Traviata par Marthaler -, et quand le Comte est enfin démasqué, l’arrière scène s’ouvre pour dévoiler le Foyer de la danse d’où les danseuses accourent en joie vers l’orchestre, avant qu’un autre acteur ne se présente en costume pour signifier à Almaviva qu’il est viré et remplacé.
Peter Mattei (Le Comte) et Anna El-Khashem (Susanna)
Le mérite de cette production est donc d’attacher Les Noces de Figaro à un des deux théâtres de l’Opéra de Paris, comme l’avait fait Robert Carsen avec Capriccio, de mettre en valeur le lieu de vie de ses équipes, de développer un message social en lequel ils se reconnaissent et qui est contenu dans l’ouvrage présenté, et donc d’ancrer durablement ce spectacle sur la scène Garnier. Il est un peu trop tôt pour le dire, mais le pari semble réussi.
Maria Bengtsson (La Comtesse)
La distribution réunie pour ce grand retour fait en partie ressurgir les souvenirs des soirées mozartiennes pendant le mandat de Gerard Mortier, puisque l’on retrouve Maria Bengtsson qui avait fait vivre avec une inoubliable sensibilité Pamina dans la production de La Flûte enchantée par la Fura dels Baus donnée à Bastille en 2008, et de retrouver également le duo Peter Mattei / Luca Pisaroni qui avait formé un splendide couple jumeaux Don Giovanni / Leporello, il y a exactement seize ans, dans la production de Don Giovanni par Michael Haneke jouée à Garnier.
Tous trois ont conservé de très belles qualités vocales et une très belle manière d’être sur scène. Maria Bengtsson est une comtesse qui chante comme sur du velours, une douceur ouatée qui laisse éclore des éclats de lumière magnifiques, et elle a de la classe, du charme et de la retenue dans ses expressions. Elle est touchante sans jamais versé dans le tragique.
Michael Colvin (Don Basilio) et le chœur
Luca Pisaroni est sans surprise un Figaro accompli, un peu rustaud dans les parties déclamatoires, d’une grande netteté de chant qui lui donne une présence évidente, et Peter Mattei fait encore entendre des intonations enjôleuses, un timbre seigneurial qui pourrait faire croire qu’il interprète un être hors de tout soupçon. Il est tellement bellissime qu’il ne peut rendre antipathique le Comte, un comble !
Dorothea Röschmann (Marcellina)
Remplaçant pour les deux premiers soirs Ying Fang, Anna El-Khashem fait ses débuts à l’Opéra de Paris en faisant vivre une Suzanna d’une très grande justesse. Voix vibrante, plus confidentielle que celle de ses partenaires et d’une fine musicalité sans noirceur, elle maintient la ligne d’un personnage qui ne surjoue pas et qui offre une fusion très poétique de son timbre délicat avec celui de la Comtesse dans le duettino « Sull’aria … che soave zeffiretto ».
Le Chérubin de Lea Desandre, qui fait elle aussi ses débuts à l’Opéra de Paris, est d’une souplesse enjôleuse, un chant clair-ambré de crème qui se coule avec aisance dans la manière d’être nonchalante de ce jeune adolescent pas dangereux pour un sou, une suavité chaleureuse qui participe à la juvénilité d'ensemble de ce Mozart.
Maria Bengtsson (La Comtesse)
Et quel aplomb généreux chez Dorothea Röschmann qui campe une Marcelline avec beaucoup d’opulence vocale et d’incisivité auprès d’un James Creswell qui induit en Bartolo une autorité mature et bien affirmée ! Excellents comédiens, Michael Colvin et Christophe Mortagne s’adonnent à cœurs-joie aux rôles piquants et sarcastiques de Don Basilio et Don Curzio.
Dans ce tumulte, la Barberine de Kseniia Proshina est d’une tendre sensibilité qui suspend le temps pour un air qui prend dans un tel contexte une importance clé.
Si la direction d’acteur imprimée par Netia Jones est efficace, elle ne cherche pas non plus à combler le vide ou à ajouter des petites scènes de vie périphériques, et reste donc très mesurée.
Luca Pisaroni, Anna El-Khashem, Gustavo Dudamel et Peter Mattei
On retrouve cela dans la direction musicale de Gustavo Dudamel qui se concentre sur une ligne très fluide qui fait la part belle à la finesse du tissu des cordes et ses ornementations ainsi qu’à la clarté poétique des motifs musicaux des bois. Les effets de percussions sont discrets, et sa lecture porte en elle même une lumière crépusculaire subliminale très homogène, drainée par des courants vifs et des effets mouchetés, des variations de dynamiques chaloupés inédits dans les ensembles de cordes.
Surtout rien de débridé ou d’excessif, mais un travail de broderie fine parfois à la limite du perceptible qui en devient saisissant pour l’oreille.
Le chœur, masqué, présent surtout de côté, se fond très bien dans cette approche raffinée vouée à un spectacle d’une facture parfaitement classique-moderne.
Turandot (Giacomo Puccini - 1926)
Pré-générale du 29 novembre et représentations du 04 et 19 décembre 2021
Opéra Bastille
Turandot Elena Pankratova
Liu Guanqun Yu
Calaf Gwyn Hughes Jones
Timur Vitalij Kowaljow
L’Empereur Altoum Carlo Bossi
Ping Alessio Arduini
Pang Jinxu Xiahou
Pong Matthew Newlin
Un Mandarin Bogdan Talos
Direction musicale Gustavo Dudamel
Mise en scène Robert Wilson (2018) Coproduction Canadian Opera Company de Toronto, Théâtre National de Lituanie, Houston Grand Opera, Teatro Real de Madrid
Dernier opéra de Giacomo Puccini, Turandot connut 36 représentations à l’opéra Bastille entre le 22 septembre 1997 et le 30 décembre 2002, puis disparut durablement pendant près de 20 ans.
L’œuvre est un pilier du répertoire des plusieurs grandes institutions internationales, le MET de New-York, le Royal Opera House Covent-Garden de Londres, La Scala de Milan, où elle fait partie des 10 titres les plus joués au point d’être considérée comme un symbole de l’opéra traditionnel pour grandes stars, tout en constituant une transition vers la musique du XXe siècle.
Avec la reprise de la production que Robert Wilson présenta au Teatro Real de Madrid en décembre 2018, puis à Vilnius et à la Canadian Opera Company de Toronto en 2019, Turandot revient au répertoire de l’Opéra de Paris parmi les 50 ouvrages les plus représentés depuis l’ère Liebermann, et trouve sur la scène Bastille un vaste espace et une qualité de profondeur des effets lumineux, un élément si important du travail du metteur en scène américain, qui renforcent la beauté de l’alliage de la scénographie aux lumières de l’orchestre.
Bogdan Talos (Un Mandarin)
Très peu d’éléments de décors interviennent, sinon quelques panneaux coulissants sombres en ouverture pour imager les remparts de la cité et le tumulte intérieur et extérieur de la foule, quelques arbres stylisés un peu plus loin, et un promontoire où apparaît Turandot sous un éclairage intensifiant les teintes rougeoyantes de son costume au moment du sacrifice d’un de ses prétendants. Tout est dans la valeur impressive de l’univers visuel bleu, de ses changements de contrastes, du sentiment de lire dans une forme lumineuse centrale qui s’élargit ou s’atténue les contractions du cœur des protagonistes. La vidéo est utilisée au second acte pour faire disparaître l’horizon et resserrer l’ambiance sur la toile venimeuse qui risque de s’abattre sur Calaf s’il ne résout pas les énigmes.
Guanqun Yu (Liu) et Vitalij Kowaljow (Timur)
Il y a une beauté glacée magnifique dans ce spectacle qui s’appuie sur des postures statiques et qui expriment en même temps une grande force. Robert Wilson montre ainsi comment on peut transmettre de l’énergie par des poses expressives très bien calculées. A cela s’ajoutent des costumes noir et blanc aux coupes saillantes – les gardes accompagnant le prince condamné profilés par leurs arcs sont absolument splendides -, des maquillages élaborés, et le refus de tout orientalisme surchargé de mauvais goût comme dans les productions inutilement lourdes du MET ou des Arènes de Vérone.
Hyun-Jong Roh (Le Prince de Perse)
Par ailleurs, tout mélo-dramatisme larmoyant facile est évité, et la dignité de l’ensemble des personnages, principaux ou secondaires, est ainsi magnifiée.
Une véritable mise en valeur de la musique de Puccini s’opère d’emblée, et la rencontre avec la direction de Gustavo Dudamel est fascinante à entendre. Le nouveau directeur musical de l’Opéra de Paris crée une tension inflexible striée d’un tranchant incisif qui ne cherche pas à amortir doucereusement le caractère minéral de la partition, et en même temps dépeint des étendues irrésistiblement célestes avec un déploiement d’illuminations intenses qui évoquent un infini inaccessible (à l'image de ce trait de flûte sidéral qu'il fait entendre si mystérieusement).
Il nous fait ainsi voyager dans un univers sonore qui tisse par moment des liens avec les grandes orchestrations de Richard Strauss (impossible de ne pas songer à la La femme sans ombre) ou de Richard Wagner et son Ring.
Elena Pankratova (Turandot)
Ce travail sur l’exacerbation du métal des cordes, la dynamique serrée des percussions et la fusion des timbres d’où émane une grande clarté avec une précision d’orfèvre, pousse très loin un travail esthétisant doué d’une implacable subtilité dans le geste théâtral. Et la modernité de cette lecture réserve aussi des images tellement fortes par la célérité des défilements de couleurs que l’on pourrait se croire porté dans un film d’anticipation.
La variété des ensembles de chœurs est un autre élément important de l’ouvrage, et cette production fait vivre des résonances très différentes, chœur d’enfants invisible qui s’exprime de manière feutrée en marge de la scène, chœur adulte impactant en ligne frontale, chœur relégué en coulisse pour créer un effet spatialisant éthéré et diffus, tout en respectant l’équilibre avec le tissu orchestral.
Alessio Arduini (Ping), Jinxu Xiahou (Pang), Matthew Newlin (Pong) et Gwyn Hughes Jones (Calaf)
Pour interpréter ce drame, les solistes réunis forment des portraits incarnés qui servent une histoire très bien racontée car elle montre intérieurement ce qui se produit entre eux.
Gwyn Hughes Jones n’est pas un inconnu à l’opéra Bastille, car il y interprétait en mai 1997 le rôle d’Ismaël dans Nabucco, un autre grand standard italien absent de cette scène depuis 20 ans.
Il n’a pas du tout la massivité d’un Eyvazov, Berti ou Alvarez, mais il a une excellente tenue de souffle, une projection très focalisée, un timbre coloré dans le médium mais qui s’affine sensiblement dans les aigus, qui dépeignent un Calaf anti-héros, humble, humain et serein à la fois, qui vient résoudre avec son intelligence les énigmes de Turandot. Et une fois ces épreuves résolues et un « Nessun dorma » chanté très naturellement, il peut alors se retirer en ayant fendu l’armure de la princesse que symbolise cette incision de lumière dans un ciel rouge sang, de cœur et de violence, à la toute fin.
L’histoire racontée ainsi s’achève sur l’image d’une Turandot vaincue de l’intérieur et pétrifiée.
Guanqun Yu (Liu)
Elena Pankratova, une habituée des scènes berlinoise, munichoise et de Bayreuth, fait enfin ses débuts à l’Opéra de Paris. Parfaitement de glace, les traits de sa Turandot sévère ont des qualités de souplesse et des couleurs de crème plutôt claires, et si certains aigus peuvent tressaillir, d’autres se libèrent avec éclat. Le portrait reste tout de même assez anguleux mais bien vaillant.
Comme très souvent, c’est le personnage attachant de Liu qui emporte les cœurs, et Guanqun Yu lui offre un chant d’un très beau rayonnement, soutenu avec une finesse extrême, parfaitement à l’aise avec la gestuelle de Robert Wilson.
Une joie évidente émane de son visage ce qui change des Liu trop affligées, ce qui sera parfaitement reconnu au rideau final, de la même manière que l’humaine stature et l’harmonie solide et autoritaire de Vitalij Kowaljow valent à Timur et son allure mortifère une dimension d’une impressionnante profondeur.
Gustavo Dudamel, Gwyn Hughes Jones, Guanqun Yu et Vitalij Kowaljow
Le Mandarin de Bogdan Talos ne manque pas, lui aussi, de noblesse et de droiture, et Carlo Bossi a toujours le don de donner beaucoup d’impact impartial à ses incarnations, et à l’empereur en particulier ce soir.
Enfin, le trio Ping, Pang et Pong a été révisé par rapport aux représentations de Madrid, car leurs costumes exotiques ont été troqués avec des complets sombres qui les transforment en croque-morts fervents adeptes de l’humour noir. Alessio Arduini,Jinxu Xiahou, Matthew Newlin se sortent remarquablement bien du jeu loufoque et bondissant que leur imposent nombre de dodelinements comiques, le premier ayant un volume vocal un peu plus confidentiel mais un timbre fumé très agréable, le second se révélant le plus percutant, et le troisième doué de la meilleure agilité physique.
Elena Pankratova, Robert Wilson et Ching-Lien Wu
A peine les lumières finales éteintes, une clameur suivie d’une standing ovation au parterre s’élève, ce qui traduit la force de la prégnance musicale et visuelle de ce spectacle, d'un niveau très supérieur aux productions kitsch toujours en vigueur à travers le monde, qui repose sur un socle orchestral et scénique fort, auxquelles les voix lyriques apportent une crédibilité dramaturgique attachante.
Concert inaugural de Gustavo Dudamel
Concert du 22 septembre 2021
Palais Garnier
Carmen (George Bizet - 1875) Prélude, « L’amour est un oiseau rebelle » , « La fleur que tu m’avais jetée », « Les voici, voici la quadrille… »Clémentine Margaine, Matthew Polenzani, Chœur
La vida breve (Manuel de Falla - 1913) Danse du deuxième tableau (Chœurs)
Peter Grimes (Benjamin Britten - 1945) Four Sea Interludes, n. 4 « Storm »
Doctor Atomic (John Adams - 2005) “Batter my heart” Gerald Finley
Lohengrin (Richard Wagner - 1850) Prélude de l’acte I
Der Rosenkavalier (Richard Strauss - 1911) Jacquelyn Wagner Trio et duo finalJacquelyn Wagner, Gerald Finley, Ekaterina Gubanova, Sabine Devieilhe
Falstaff (Giuseppe Verdi - 1893) Scène finale « Alto là ! Chi va là » Gerald Finley, Jacquelyn Wagner, Sabine Devieilhe, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Clémentine Margaine, Matthew Polenzani, Tobias Westman, Kiup Lee, Timothée Varon, Aaron Pendleton
Direction musicale Gustavo Dudamel
Chef de Chœur Ching-Lien Wu Chœurs et Orchestre du Théâtre National de l'Opéra de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine
Une fois passé l’impressionnant dispositif de sécurité lié à la présence du couple présidentiel venu assister au concert inaugural de Gustavo Dudamel, le nouveau directeur musical de l’Opéra de Paris pour les six ans à venir, le Grand Escalier du Palais Garnier se découvre sous ses décorations florales multicolores où les couples aiment à se photographier.
Gustavo Dudamel
L’effervescence est assez particulière, et il devient possible d’admirer les différents espaces de ce joyaux architectural sous des éclairages inhabituels qui rehaussent les couleurs des pierres et des mosaïques, mais qui jettent aussi une ombre sur le plafond du monumental escalier.
Le programme présenté ce soir réserve ses originalités à sa première partie où, après des extraits de Carmen joués sur un rythme vif et un parfait équilibre des timbres, et chantés par Clémentine Margaine dans une tessiture très sombre et un peu introvertie, et Matthew Polenzani, à l’inverse, avec une approche très claire et légère qui atténue la nature complexe de Don José, la musique d'essence hispanique se diffuse sur une scène lyrique où elle est habituellement peu présente.
Ekaterina Gubanova (Margarita) - Ainadamar
L’extrait d’Ainadamar, opéra qu’avait monté Gerard Mortier en 2012 à Madrid dans une mise en scène de Peter Sellars, fait entendre les chants de jeunes filles au cours d’une représentation de la pièce de Lorca, Mariana Pineda, jouée au Teatro Solis de Montevideo.
Le chœur, bien que masqué, se fond aux rythmes de congas et aux traits ambrés des cuivres dans une atmosphère voluptueuse et envoûtante où Ekaterina Gubanova etMarie-Andrée Bouchard-Lesieur joignent une présence discrète à ce moment voué à la mémoire du jour où la pièce fut créée.
Ici, se révèle aussi le goût de Gustavo Dudamel pour la magnificence poétique des vents.
Puis, c’est jour de mariage à Grenade quand enchaîne l'une des danses de La Vida Breve de Manuel de Falla, de l’enjouement folklorique tenu avec style, cuivres fortement sollicités, qui laisse poindre une envie de fête et qui prépare à l’élan endiablé et claquant avec lequel l’interlude « Storm » de Peter Grimes va être mené pour nous conduire vers le répertoire Anglo-saxon.
Gerald Finley (J. Robert Oppenheimer) - Doctor Atomic
Grand moment de chant clamé vers les hauteurs de la salle avec un superbe timbre fumé, Gerard Finley fait honneur à l’écriture de John Adams dont il s’est approprié l’esprit depuis la création de Doctor Atomic à l’Opéra de San Francisco en 2005 dans une mise en scène de Peter Sellars.
Les ondoyances mystérieuses et pathétiques de la musique se dissipent magnifiquement, et ce grand passage dramatique annonce aussi les prochains débuts du compositeur américain sur la scène de l’Opéra de Paris, peut-être avec cette œuvre.
Sabine Devieilhe (Sophie) et Ekaterina Gubanova (Octavian) - Der Rosenkavalier
La seconde partie de la soirée est totalement dédiée à trois compositeurs majeurs du répertoire, Richard Wagner, Richard Strauss et Giuseppe Verdi.
L’ouverture de Lohengrin est une splendeur de raffinement où les tissures des cordes se détachent avec une finesse d’orfèvre à laquelle la rougeur des cuivres se mêle pour donner une chaleur à une interprétation de nature chambriste. Elle est suivie par un déploiement majestueux, beaucoup plus ample, dans le final du Chevalier à la rose.
Gustavo Dudamel devient le maître des miroitements straussiens et de l’imprégnation du temps, et les quatre solistes, Jacquelyn Wagner, Gerald Finley, Ekaterina Gubanova et Sabine Devieilhe, forment une union subtilement recherchée qui magnifie cette ode au temps passé.
Chœurs et Orchestre de l'Opéra de Paris salués par l'ensemble des solistes
Et dans la fugue finale de Falstaff, le chef d’orchestre fait résonner la verve acérée de Verdi avec des traits de serpes cuivrées insolemment fougueux et se met au service d’une équipe d’une unité inspirante car sans artifice.
C’est une image extrêmement humble qu’aura donné ce soir Gustavo Dudamel, rejoint au salut final par la chef de chœur Ching-Lien Wu après l’interprétation d’une Marseillaise galvanisante, et l’accueil bouillonnant et émouvant du public présent en témoigne.
Le Grand Lustre, surmonté du Plafond de Marc Chagall qui fut inauguré le 23 septembre 1964.
Concert à revoir en intégralité et gratuitement sur la plateforme l'Opéra chez soi de l'Opéra national de Paris.
Présentation de la saison lyrique 2021 / 2022 de l’Opéra national de Paris
Le 18 mai 2021 à 19h30, la première saison d’Alexander Neef à la direction de l’Opéra national de Paris fut officiellement dévoilée au grand public dans un format numérique. Elle comprend 4 nouvelles productions et 4 coproductions, dont 4 nouveautés pour le répertoire, et 13 reprises.
Avec 21 titres au total pour 196 représentations, auxquels s'ajoute une version de Concert du Château de Barbe-Bleue, elle est accueillie comme une perspective bienheureuse après quasiment 15 mois de fermeture en continu, et le fait de voir que la crise sanitaire n’a pas altéré l’évolution de la trajectoire artistique que le nouveau directeur souhaite suivre est un excellent signe pour la suite.
Le répertoire historique parisien intéresse Alexander Neef, mais avec son nouveau directeur musical, Gustavo Dudamel, il s’inscrit dans une lignée de directeurs de grandes maisons internationales qui entrent en fonction au même moment, Serge Dorny et Vladimir Jurowski à l’Opéra d’État de Bavière, Bogdan Roščić et Philippe Jordan à l’Opéra de Vienne, et qui s’apprêtent à transformer le monde de la représentation lyrique pour lui donner un nouvel élan vital.
Les nouvelles productions
7 Deaths of Maria Callas (Marko Nikodijević – 2019) – Coproduction Bayerische Staatsoper, Deutsche Oper Berlin, Maggio Musicale Fiorentino, Greek National Opera, Teatro San Carlo Naples Du 01 au 04 septembre 2021 (4 représentations au Palais Garnier) Direction musicale Yoel Gamzou, mise en scène Marina Abramović
Willem Dafoe, Adèle Charvet, Lauren Fagan, Leah Hawkins, Adela Zaharia, Selene Zanetti, Gabriella Reyes, Hera Hyesang Park
Entrée au répertoire
Plasticienne que le public du Palais Garnier connaît depuis 2013 lorsqu’elle cosigna une chorégraphie du « Boléro » de Ravel avec Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet, Marina Abramović présente une pièce sur ces héroïnes d’opéra qui meurent par amour et que Maria Callas a pour la plupart incarné intégralement sur scène ou au disque, ou au moins à travers un air tel l’« Ave Maria » de Desdemone dans Otello. Sept chanteuses interpréteront sept idées de femmes, et la voix de Marina racontera l’histoire de chaque opéra.
Œdipe (Georges Enescu – 1936) – Nouvelle production
Du 23 septembre au 14 octobre 2021 (8 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Ingo Metzmacher, mise en scène Wajdi Mouawad
Christopher Maltman, Clive Bayley, Brian Mulligan, Ekaterina Gubanova, Laurent Naouri, Clémentine Margaine, Anne-Sophie von Otter, Vincent Ordonneau, Adian Timpau, Yann Beuron, Anna-Sophie Neher, Daniela Entcheva Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 22 mai 1963 (production de l’Opéra de Bucarest en version roumaine)
Basée sur les textes d’Œdipe-Roi et Œdipe à Colone de Sophocle, l’adaptation lyrique de cette tragédie par Edmond Fleg, homme de théâtre et l'un des premiers sionistes français, est la plus complète des deux autres versions connues d’Antonio Sacchini (1786) et d’Igor Stravinsky (1927). Cette œuvre monumentale raconte toutes les étapes de la vie d’Œdipe, père d’Antigone et d’Ismène.
Œdipe est l’unique opéra de Georges Enescu, et fut créé au Palais Garnier le 13 mars 1936 pour 11 représentations jouées pendant un peu plus d’un an, avant de ne revenir que pour deux soirs, le 21 et 22 mai 1963, lors du passage de la troupe de l’Opéra de Bucarest.
En octobre 2008, Nicolas Joel ressuscita ce chef-d’œuvre en langue originale au Capitole de Toulouse, ce qui permit de redécouvrir une musique qui rappelle celle de Debussy avec des réminiscences wagnériennes.
La nouvelle production de l’opéra Bastille est confiée à Wajdi Mouawad, directeur du Théâtre national de la Colline et créateur en 2015 d’un oratorio, «Les larmes d’Œdipe», qui faisait partie d’un cycle dédié au sept tragédies de Sophocle.
Turandot (Giacomo Puccini – 1926) – Coproduction Canadian Opera Company de Toronto, Théâtre National de Lituanie, Houston Grand Opera, Teatro Real de Madrid
Du 04 au 30 décembre 2021 (9 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Gustavo Dudamel, mise en scène Robert Wilson
Elena Pankratova, Guanqun Yu, Gwyn Hughes Jones, Vitalij Kowaljow, Carlo Bossi, Alessio Arduini, Jinxu Xiahou, Matthew Newlin, Sava Vemic Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 30 décembre 2002 (production de Francesca Zambello)
Dernier opéra de Puccini, Turandot connut 36 représentations à l’opéra Bastille entre 1997 et 2002, sous la direction d’Hugues Gall, puis disparut subitement pendant près de 20 ans.
L’œuvre est un pilier du répertoire de plusieurs grandes institutions internationales, le MET de New-York, le Royal Opera House Covent-Garden de Londres, La Scala de Milan, et constitue une transition vers la musique du XXe siècle.
Turandot - ms Robert Wilson
Les Noces de Figaro (Wolfgang Amadé Mozart – 1786) – Nouvelle production Du 21 janvier au 18 février 2022 (11 représentations au Palais Garnier) Direction musicale Gustavo Dudamel, mise en scène Netia Jones
Peter Mattei, Maria Bengtsson / Miah Persson, Ying Fang, Luca Pisaroni, Lea Desandre, Dorothea Röschmann, James Creswell, Michael Colvin, Christophe Mortagne, kseniia Proshina, Marc Labonnette Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 25 octobre 2012 (production de Giorgio Strehler)
Œuvre la plus jouée à l’Opéra de Paris depuis l’Ère Liebermann, Les Noces de Figaro ne disposait plus de production depuis 10 ans, et était rattrapée par La Bohème de Puccini. En confiant une nouvelle mise en scène à Netia Jones, Alexander Neef achève le cycle Da Ponte initié par Stéphane Lissner, permet au public parisien de renouer avec ce chef-d’œuvre au Palais Garnier et de découvrir l’univers d’une metteur en scène connue principalement dans les pays anglo-saxons.
A Quiet Place (Leonard Bernstein – 1983) – Nouvelle production (Création mondiale de la nouvelle orchestration pour grand orchestre)
Du 09 au 30 mars 2022 (11 représentations au Palais Garnier) Direction musicale Kent Nagano, mise en scène Krzysztof Warlikowski
Patricia Petibon, Frédéric Antoun, Gordon Bintner, Russel Braun Entrée au répertoire
En 2018, Kent Nagano enregistra une version de A Quiet Place qui réintégrait des passages coupés par Leonard Bernstein après sa création en 1983 à l’Opéra de Houston, tout en réalisant une orchestration plus légère. Pour l'Opéra de Paris, il s'agit de la création de la nouvelle orchestration pour grand orchestre.
Il s’agit d’une entrée au répertoire pour le compositeur américain et pour son dernier opéra, et ce sujet qui analyse les relations familiales et des amours bisexuelles est confié naturellement à Krzysztof Warlikowski.
Wozzeck (Alban Berg – 1925) – Coproduction Festival de Salzbourg, New York Metropolitan Opera, Canadian Opera Company, Opera Australia
Du 10 au 30 mars 2022 (7 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Susanna Mälkki, mise en scène William Kentridge
Johan Reuter, John Daszak, Gerhard Siegel, Falk Struckmann, Eva-Maria Westbroek, Tansel Alzeybek, Mikhail Timoshenko, Tobias Westman, Heinz Göhrig Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 15 mai 2017 (production de Christoph Marthaler)
5 ans après la dernière reprise de la production de Wozzeck par Christoph Marthaler, la production de William Kentridge conçue pour le Festival de Salzbourg prendra place sur la scène Bastille. Elle permettra de découvrir ou redécouvrir le travail du metteur en scène sud-africain dont la collaboration avec la Handspring Puppet Company en 1992 avait abouti à un spectacle poignant, Woyzeck On The Highveld, basé sur la pièce de Georg Büchner.
Wozzeck - ms William Kentridge
Cendrillon (Jules Massenet- 1899) – Nouvelle production
Du 26 mars au 28 avril 2022 (12 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Carlo Rizzi, mise en scène Marianne Clément
Tara Erraught, Daniela Barcellona, Anna Stéphany, Kathleen Kim, Charlotte Bonnet, Marion Lebègue, Lionel Lhote, Philippe Rouillon, Cyrille Lovighi, Olivier Ayault, Vadim Artamonov Entrée au répertoire
Il s’agit de l’entrée au répertoire d’une œuvre peu connue de Jules Massenet, créée à l’Opéra Comique le 24 mai 1899 et jouée 77 fois jusqu’en 1950. Elle rejoint une maison où les versions du Contes de Charles Perrault composées par Rossini (La Cenerentola) et Prokofiev (Cendrillon) font partie des incontournables, et c'est Marianne Clément qui aura la tâche d'imaginer le monde féérique de ce conte musical.
Fin de Partie (György Kurtag – 2015) – Coproduction Festival de Salzbourg, Scala de Milan, Opéra d’Amsterdam.
Du 30 avril au 19 mai 2022 (8 représentations au Palais Garnier) Direction musicale Markus Stenz, mise en scène Pierre Audi
Frode Olsen, Leigh Melrose, Hilary Summers, Leonardo Cortellazzi Entrée au répertoire
Commandé par le Festival de Salzbourg, mais créé à la Scala de Milan en 2018, Samuel Beckett: Fin de Partie, Scènes et monologues est le premier opéra d’un compositeur âgé de 92 ans.
Le livret est fidèle à la pièce, et c’est le texte français qui est mis en musique. Les quatre interprètes et le directeur musical sont ceux qui contribuèrent à la création.
Iphigénie en Tauride - ms Krzysztof Warlikowski
Les reprises
Iphigénie en Tauride(Christoph Willibald Gluck – 1779)
Du 14 septembre au 02 octobre 2021 (7 représentations au Palais Garnier) Direction musicale Thomas Hengelbrock / Inaki Encina Oyon, mise en scène Krzysztof Warlikowski (2006)
Tara Erraught, Jarrett Ott, Julien Behr, Jean-François Lapointe, Marianne Croux, Jeanne Ireland, Christophe Gay Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 25 décembre 2016
L’Élixir d’amour (Gaetano Donizetti – 1832) - Coproduction Royal Opera House - Covent Garden, Londres
Du 28 septembre au 09 novembre 2021 (12 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Giampaolo Bisanti / Leonardo Sini, mise en scène Laurent Pelly (2006)
Sydney Mancasola, Matthew Polenzani / Pene Pati, Simone Del Savio, Carlo Lepore / Ambrogio Maestri, Lucrezia Drei Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 25 novembre 2018
Der Fliegende Holländer(Richard Wagner – 1843)
Du 07 octobre au 06 novembre 2021 (9 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Hannu Lintu, mise en scène Willy Decker (2000)
Günther Groissböck, Ricarda Merbeth, Michael Weinius, Tomasz Konieczny, Agnes Zwierko, Thomas Atkins Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 09 octobre 2010
Le Vaisseau Fantôme - ms Willy Decker
Rigoletto (Giuseppe Verdi – 1851)
Du 23 octobre au 24 novembre 2021 (16 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Dan Ettinger / Giacomo Sagripanti, mise en scène Claus Guth (2016)
Dmitry Korchak / Joseph Calleja, Ludovic Tézier / Zeljiko Lucic, Nadine Sierra / Irina Lungu, Goderdzi Janelidze, Justina gringyte, Cassandre Berthon, Bogdan Talos, Jean-Luc Ballestra, Macej Kwasnikowski, Florent Mbia, Isabelle Wnorowska, Henri Bernard Guizirian Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 27 juin 2017
Alcina (Georg Friedrich Haendel – 1735)
Du 25 novembre au 30 décembre 2021 (13 représentations au Palais Garnier) Direction musicale Thomas Hengelbrock / Inaki Encina Oyon (Balthasar Neumann Ensemble), mise en scène Robert Carsen (1999)
Jeanine De Bique, Gaëlle Arquez, Sabine Devieilhe / Elsa Benoît, Roxana Constantinescu, Rupert Charlesworth, Nicolas Courjal Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 12 février 2014
La Khovantchina(Modeste Moussorgski – 1886) - Coproduction Teatro del Maggio Musicale Fiorentino
Du 26 janvier au 18 février 2022 (8 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Harmut Haenchen, mise en scène Andrei Serban (2002)
Dimitry Ivashchenko, Sergei Skorokhodov, John Daszak, Evgeny Nikitin, Dmitry Belosselskiy, Anita Rachvelishvili, Caroline Wilson, Gerhard Siegel, Olga Busuioc, Wojtek Smilek, Vasily Efimov, Tomasz Kumiega Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 09 février 2013
La Khovantchina - ms Andrei Serban
Don Giovanni (Wolfgang Amadé Mozart - 1787) - Coproduction New-York Metropolitan Opera
Du 01 février au 11 mars 2022 (13 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Bertrand de Billy, mise en scène Ivo van Hove (2019)
Christian Van Horn, Alexander Tsymbalyuk, Adela Zaharia, Pavel Petrov, Nicole Car, Krzysztof Baczyk, Mikhail Timoshenko, Anna El-Khashem Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 13 juillet 2019
Manon (Jules Massenet – 1884)
Du 06 au 26 février 2022 (8 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale James Gaffigan, mise en scène Vincent Huguet (2020)
Ailyn Pérez, Roberto Alagna / Atalla Ayan / Benjamin Bernheim, Andrzej Filonczyk, Jean Teitgen, Rodolphe Briand, Marc Labonnette, Andrea Cueva Molnar, Ilanah Lobel-Torres, Jeanne Ireland, Philippe Rouillon Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 10 mars 2020 (Captation à huis clos)
Elektra (Richard Strauss – 1909) Production originale de la Fondation Teatro del Maggio Musicale Fiorentino
Du 10 mai au 01 juin 2022 (8 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Semyon Bychkov / Case Scaglione, mise en scène Robert Carsen (2013)
Waltraud Meier, Christine Goergke, Elza van den Heever, Gerhard Siegel, Tomas Tomasson Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 01 décembre 2013
Elektra - ms Robert Carsen
Parsifal (Richard Wagner – 1882)
Du 24 mai au 13 juin 2022 (7 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Simone Young, mise en scène Richard Jones (2018)
Brian Mulligan, Reinhard Hagen, Kwangchul Youn, Falk Struckmann, Marina Prudenskaya, Simon O'Neill, Neal Cooper, Willliam Thomas Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 23 mai 2018
Le Barbier de Séville (Gioachino Rossini – 1816)
Du 30 mai au 19 juin 2022 (8 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Roberto Abbado, mise en scène Damiano Michieletto (2014)
René Barbera, Renato Girolami, Marianne Crebassa, Andrzej Filonczyk, Alex Esposito, Katherine Broderick, Christian Rodrigue Mougoungou Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 12 février 2020
Platée (Jean-Philippe Rameau – 1745) - Coproduction Grand Théâtre de Genève, Opéra national de Bordeaux, Opéra national de Montpellier, Théâtre de Caen, Opéra de Flandre
Du 17 juin au 12 juillet 2022 (11 représentations au Palais Garnier) Direction musicale Marc Minkowski (Les Musiciens du Louvre), mise en scène Laurent Pelly (1999)
Mathias Vidal, Nahuel di Pierro, Marc Mauillon, Julie Fuchs / Amina Edris, Tamara Bounazou, Lawrence Brownlee, Jean Teitgen, Reinoud van Mechelen, Adriana Bignani-Lesca Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 08 octobre 2015
Faust (Charles Gounod – 1859)
Du 28 juin au 13 juillet 2022 (6 représentations à l’opéra Bastille) Direction musicale Thomas Hengelbrock, mise en scène Tobias Kratzer (2021)
Benjamin Bernheim, Christian Van Horn, Florian Sempey, Guilhem Worms, Angel Blue, Emily D'Angelo, Sylvie Brunet-Grupposo Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 26 mars 2021 (Captation vidéo)
Faust - ms Tobias Kratzer
Version de Concert
Le Château de Barbe-Bleue (Béla Bartók– 1918) Reporté Le 09 janvier 2022 (1 représentation à l'opéra Bastille) Direction musicale Josep Pons - Orquestra Simfònica del Gran Teatre del Liceu de Barcelone
Ausriné Stundyté, Sir Bryn Terfel Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 11 mai 2018 Opéra en version de concert reporté à la saison 2022/2023 du fait de la dégradation de la situation sanitaire
Premières impressions sur la saison 2021/2022
Cette première saison révèle une véritable volonté de représenter équitablement différentes époques de l’histoire de l’opéra avec 2 œuvres baroques, 3 œuvres classiques, 2 opéras bouffes italiens, 5 œuvres issues des courants romantiques français, russes et italiens du XIXe siècle, 2 opéras de Wagner, 5 œuvres du XXe siècle, 2 créations contemporaines.
Il s’agit donc d’une première rupture avec la direction de Stéphane Lissner qui se focalisait fortement sur le XIXe siècle, bien que la programmation reprenne une partie des éléments de sa dernière saison.
Ainsi, Giuseppe Verdi n’est représenté que par Rigoletto, mais avec 16 représentations à l’affiche.
Les nouvelles productions
Le fait que 4 nouvelles productions soient des nouveautés au répertoire et que 3 productions (Turandot et Les Noces de Figaro, toutes deux dirigées par Gustavo Dudamel, et Oedipe) soient des productions d’œuvres du répertoire qui ne disposaient plus de scénographie va fortement contribuer à élargir le panorama musical de la saison 2021/2022 et donc attiser la curiosité des spectateurs. Par ailleurs, 6 de ces nouvelles productions sont tournées vers les œuvres du XXe et XXIe siècle, ce qui est considérable. Sera particulièrement à suivre la création mondiale de la nouvelle orchestration pour grand orchestre de Kent Nagano pour A Quiet Place.
Les reprises
Parmi les reprises, quatre œuvres n’avaient plus été entendues depuis au moins 8 ans, Alcina, Le Vaisseau Fantôme, La Khovantchina, Elektra, et elles bénéficient d’une esthétique soignée (Decker, Carsen et Serban) qui leur donne une solide durabilité depuis plus de 20 ans pour certaines d’entre elles.
L’opéra en langue française
Il y a pas moins de 7 opéras en langue française, soit deux tragédies lyriques, Iphigénie en Tauride et Œdipe, une comédie lyrique, Platée, un opéra-comique, Manon, une tragédie romantique, Faust, un Conte de Fée, Cendrillon, et un opéra en un acte, Fin de Partie.
Il faut remonter à la saison 2000/2001 d’Hugues Gall pour retrouver une telle prépondérance de la langue de Molière à l’opéra qui va couvrir un tiers de la programmation avec une diversité musicale inédite.
Jeanine De Bique (Alcina) - ms Robert Carsen (reprise 2021)
Les tarifs 2021/2022
Les tarifs de cette première saison sont équivalents à ceux de la saison 2019/2020 de Stéphane Lissner (la moins chère de son mandat) et se stabilisent en moyenne à 120 euros à l’Opéra Bastille, ce qui est un bon prix alors que les 130 euros avaient été dépassés il y a quelques années.
Sur cette grande scène où seront représentés les 2/3 des opéras, les deux spectacles aux tarifs les plus élevés (210 euros en optima) sont Turandot (Nouvelle Production pour Paris) et la reprise de Don Giovanni (prix moyen 142 euros).
Pour Rigoletto et Le Barbier de Séville, il s'agit d'un changement de catégorie à la hausse car ils étaient classés en catégorie reprise à 180 euros en optima il y a deux ans (prix moyen 111 euros).
Dans la catégorie à 170 euros en optima (prix moyen 113 euros), on retrouve les reprises du Vaisseau Fantôme, La Khovantchina, Manon, Elektra et Faust.
C'est une forte baisse de prix pour Manon (créé en 2020 en catégorie optima à 210 euros), et une baisse plus modérée pour Faust (créé en catégorie optima à 195 euros cette année).
Enfin, on trouve en catégorie à 145 euros en optima (prix moyen 90 euros), la reprise de L'Elixir d'Amour (catégorie inchangée) et la nouvelle production de Wozzeck qui est même 12% moins chère que la dernière reprise de la production de Marthaler en 2016/2017.
Et bonne nouvelle, le prix des places de catégorie 8 (190 places par soir) pour Wozzeck et L'Elixir d'Amour est passé à 25 euros (contre 35 euros dans la logique des années précédentes), ce qui est une baisse tout à fait appréciable.
Sauf exception, il n'y a plus de places à plus de 210 euros.
La Bohème (Giacomo Puccini) Répétition générale du 25 novembre et représentations du 04 et 26 décembre 2017
Mimì, Sonya Yoncheva, Nicole Car (04, 07 et du 16 au 31) Musetta Aida Garifullina Rodolfo Atalla Ayan, Benjamin Bernheim(du 18 au 31) Marcello Artur Ruciński Schaunard Alessio Arduini, Andrei Jilihovschi(du 23 au 31) Colline Roberto Tagliavini Alcindoro Marc Labonnette Parpignol Antonel Boldan Sergente dei doganari Florent Mbia Un doganiere Jian-Hong Zhao Un venditore ambulante Fernando Velasquez Le maître de cérémonie Guérassim Dichliev (mime)
Direction musicale Gustavo Dudamel, Manuel López-GómezNicole Car (Mimi) Mise en scène Claus Guth (2017) Nouvelle production … Quand la terre est changée en un cachot humide, Où l'Espérance, comme une chauve-souris, S'en va battant les murs de son aile timide Et se cognant la tête à des plafonds pourris ; … Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir, Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique, Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. Extrait des Fleurs du mal (1857) de Charles Baudelaire.
Nicole Car (Mimi)
Le sentiment de dérive et de désespoir de vivre n’est pas le privilège de notre temps puisque, dès la seconde partie du XIXe siècle, l’aspiration à se libérer de l’enfermement d’une réalité ennuyeuse et mortifère trouva en Charles Baudelaire le plus saisissant poète des mouvements de l’âme.
Ainsi, quand les journées de révoltes de juin 1848 saignèrent Paris suite à la décision de l’assemblée constituante de supprimer les ateliers nationaux, la répression qui s’en suivit eut pour conséquence la destruction des quartiers rebelles de la capitale par Haussmann.
Benjamin Bernheim (Rodolfo)
De ces évènements naquit le spleen baudelairien, mais, prenant le contrepied de cette tendance, Henry Mürger publia en 1851 Scènes de la vie de bohème, une ode à la jeunesse qui voyait en la bohème une façon d’échapper au vide et à l’ennui avant de passer pleinement à la vie d’adulte.
Le livret de Giacomo Puccini, basé sur ce court roman, reprend la même vision nostalgique si prégnante dans la musique, ce qui a convaincu Claus Guth de mettre en scène l’œuvre dans un contexte futuriste où la bohème deviendrait une échappatoire délirante née des images formées par le cerveau d’un astronaute pris dans un voyage stellaire sans aucune chance de retour possible.
Benjamin Bernheim (Rodolfo)
L’intérieur du vaisseau spatial, magnifiquement conçu et évocateur des lignes que l’on retrouve dans nombre de décors cinématographiques, symbolise la prison mentale du héros dont les défaillances techniques et la prise de conscience d’une mort prochaine vont initier la remémoration de scènes terrestres et la réapparition idéalisée de l’être aimé.
A l’ouverture du rideau, l’effet de surprise est cependant si fort qu’il faut un peu de temps pour comprendre où ce parti-pris va nous mener, tant cet univers croise les images et les problématiques existentielles soulevées par les films cultes de 2001 l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick ou d’Interstellar de Christopher Nolan.
Nicole Car (Mimi) et Benjamin Bernheim (Rodolfo)
La première réaction du spectateur est alors de faire revivre en lui-même les scènes traditionnelles qu’il connait des productions habituelles de La Bohème, car lui aussi est un peu perdu dans cet univers si décalé à l’opéra.
Puis, c’est au tour de Rodolfo de faire apparaître sur scène le souvenir d’une Mimi évanescente que Nicole Car incarne avec un inoubliable regard lunaire hors du temps.
Ce mélange troublant et fantaisiste s’en suit d’un défilé de figures enfantines qui évoquent les souvenirs d’Hergé et de sa fusée qui nous mena de la terre à la lune, de gamins impertinents vêtus de noir, et d’un cercueil prémonitoire qui traverse l’espace immaculé du vaisseau coloré par la touche rouge et légère de la jeune fille dont le double repose à l’intérieur du linceul.
Dans un tel univers, la sensation de la petite main gelée est celle d’un être irréel, et les lueurs du feu deviennent celles d’une nébuleuse que traverse le vaisseau. Mais le traitement morbide de Benoît, lui, ressemble plutôt à un arrangement artificiel avec le livret. Et lorsque le rêve s’évapore, Mimi quitte seule Rodolfo au son d’aigus filés qui se séparent sur fond d’orchestre intensément chatoyant.
Nicole Car (Mimi) et Atalla Ayan (Rodolfo)
Ces deux premiers actes où l’on voit également éclore Musette dans une lumineuse loge dorée raniment dans cet espace froid un esprit de foire, et l’image la plus poétique est naturellement celle de Mimi posant sur les bords d’une large baie vitrée donnant sur le vide sidéral.
Inévitablement, l’apparition au troisième acte d’un sol lunaire dévasté où s’est écrasé le vaisseau ne manque pas de provoquer des réactions négatives de la part d’une faction du public, et fait étonnamment écho à la réaction qu’avait engendré le troisième acte de Parsifal mis en scène par Krzysztof Warlikowski à Bastille en ouvrant sur les images d’un Berlin détruit par les bombardements de la guerre. L’image de désolation est-elle considérée à l’opéra comme une provocation car opposée à un idéal de beauté ?
Quoiqu’il en soit, le sort de ces astronautes perdus poétiquement sous les flocons de neige prend pour un temps le pas sur le drame humain qui se joue en avant-scène, et le mime au chapeau devient le grand magicien qui fait revivre au dernier acte un spectacle de cabaret sous les reflets d’un rideau d’argent dont l’iridescence bleutée illumine de son ondoyance opaline les spectateurs de la salle entière. C’est très beau à voir depuis les galeries situées en hauteur et de côté.
La mort de Mimi, qu’à nouveau un double d’elle-même fait pressentir au moment où Nicole Car interprète les passages les plus pathétiques, n’est plus que la mort d’un imaginaire qui accompagne le dernier souffle de Rodolfo, ultime survivant du voyage vers la Barrière d’Enfer.
Nicole Car (Mimi), Benjamin Bernheim (Rodolfo) et Guérassim Dichliev (Le maître de cérémonie)
C’est tout le charme de cette mise en scène que de donner un second sens aux mots du livret et d’alléger la fin en faisant mourir Mimi de façon purement allégorique.
Une direction d’acteurs fouillée, des références au music-hall et des apparitions de doubles disparus, sont quelques exemples d’éléments que l’on retrouve dans les mises en scène de Claus Guth telle celle de Rigoletto, et ce spectacle a de quoi enchanter et ramener le public à sa jeunesse sans aucune autre prétention, ce qui est le propre de l’esprit de bohème que concevait Mürger et Puccini.
Nicole Car (Mimi) et Artur Ruciński (Marcello)
Et quand la direction d’orchestre est confiée à un chef aussi charismatique et talentueux que Gustavo Dudamel, les musiciens font entendre des fondus de lumières scintillants et majestueux, émerger toute une symphonie d’ornements de cordes tressaillantes ou de papillonnements de flûte chantante qui prennent un relief saisissant sur une ample soierie riche en couleurs tchaïkovskiennes, une transcendance de la musique de Puccini que l’on n’entend que rarement à l’opéra.
Par ailleurs, les grandes respirations orchestrales sont à l’unisson des mouvements lents des acteurs et chanteurs de la seconde partie ce qui donne une dimension sidérale à la composition d’ensemble.
Nicole Car (Mimi) et Guérassim Dichliev (Le maître de cérémonie)
Dans cette conception imaginaire, la poésie naturelle et authentique de Nicole Car est d’un charme fou, ce qui ne veut pas dire qu’elle s’abstient d’inflexions écorchées, et ses accents noirs facilement identifiables font la valeur touchante d’un portrait tendre et délicat.
Remplaçant ainsi Sonya Yoncheva pour la seconde représentation, elle est ce soir associée à Atalla Ayan dont le chant ténébreux, moelleux et expressif s’allie chaleureusement à celui de la soprano australienne. En seconde partie de série, on retrouvera Benjamin Bernheim qui joue plus sur l’optimisme héroïque avec toutefois la même sensibilité. Ce sont en tout cas deux ténors différents dont on n’a pas toujours entendu de semblables qualités au cours des précédentes reprises de La Bohème.
Aida Garifullina (Musetta)
Dans la même veine, Artur Ruciński incarne un Marcello classieux et Roberto Tagliavini se donne une allure de chanteur traditionnel dont la profondeur de timbre se charge d’une tristesse russe qui magnifie le rôle de Colline.
On ne peut cependant pas faire plus opposé au rôle innocent de Snegourotchka, qu’elle interprétait au printemps dernier, que le personnage exubérant et provocant de Musetta chanté avec un érotisme piquant, et parfois exaspérant, par Aida Garifullina. Un tel contraste de personnalité trouble en effet totalement l’image de cette jeune artiste dont on ne serait pas étonné d’un goût certain pour l’insaisissable.
Gustavo Dudamel (Répétition générale)
Lire également la présentation de la nouvelle production de La Bohème par Claus Guth à l'opéra Bastilleici