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Publié le 31 Janvier 2023

Peter Grimes (Benjamin Britten – 7 juin 1945 - Sadler’s Well Theater, Londres)
Répétition générale du 23 janvier et représentations du 26 janvier et 07 février 2023
Palais Garnier

Peter Grimes Allan Clayton
Ellen Orford Maria Bengtsson
Captain Balstrode Simon Keenlyside
Auntie Catherine Wyn-Rogers
First Niece Anna-Sophie Neher
Bob Boles John Graham-Hall
Swallow Clive Bayley
Mrs. Sedley Rosie Aldridge
Reverend Horace Adams James Gilchrist
Ned Keene Jacques Imbrailo
Hobson Stephen Richardson

Direction musicale Alexander Soddy
Mise en scène Deborah Warner (2021, Madrid)

Coproduction avec le Teatro Real, Madrid, le Royal Opera House Covent Garden, Londres et le Teatro dell'Opera, Rome
Diffusion le 25 février à 20 h sur France Musique dans le cadre de l’émission « Samedi à l’Opéra », présentée par Judith Chaine.

Compositeur privilégié d’Hugues Gall, le directeur de l’Opéra de Paris de 1995 à 2004 qui représenta trois séries de ‘Billy Budd’ et deux séries de ‘Peter Grimes’ au cours de son mandat, Benjamin Britten n’avait plus été programmé qu’une seule fois par la suite, à l’occasion d’une reprise de ‘Billy Budd’, sous la direction de Nicolas Joel.

Une nouvelle production de ‘Death in Venice’ sera par la suite annulée, et la production de ‘Billy Budd’ par Deborah Warner, un temps programmée par Stéphane Lissner, fut, elle aussi, supprimée.

Allan Clayton (Peter Grimes)

Allan Clayton (Peter Grimes)

Le retour de ‘Peter Grimes’ à l’Opéra de Paris est donc un immense évènement qui traduit le volontarisme de son nouveau directeur, Alexander Neef, afin d’ouvrir plus largement le répertoire aux compositeurs anglo-saxons.

Cette reprise de la production créée à Madrid en avril 2021 permet d’accueillir, pour la première fois sur la grande scène lyrique nationale, une metteuse en scène britannique bien connue en Europe, Deborah Warner.

Elle est cependant loin d’être inconnue à Paris, puisqu’elle y fit ses débuts en 1989 avec ‘Titus Andronicus’ de Shakespeare au Théâtre des Bouffes du Nord, puis avec ‘King Lear’ joué au Théâtre de l’Odéon en 1990.

Plus récemment, l’Opéra Comique programma en 2012 sa version de ‘Didon et Enée’ d’Henry Purcell, et le Théâtre des Champs-Elysées présenta son interprétation de ‘La Traviata’ en 2018.

Clive Bayley (Swallow), Allan Clayton (Peter Grimes) et le choeur de villageois

Clive Bayley (Swallow), Allan Clayton (Peter Grimes) et le choeur de villageois

S’emparer d’un sujet aussi sombre que celui de ‘Peter Grimes’, c’est à la fois revenir au thème de la marginalité qu’elle avait abordé à travers sa première mise en scène d’opéra, ‘Wozzeck’, jouée au Grand Théâtre de Leeds en 1993, qu’évoquer Alban Berg pour lequel Benjamin Britten nourrissait une vive admiration – il entendra en intégralité ‘Wozzeck’, en 1934, lors d’une retransmission radiophonique -.

On retrouve au cours de ces tableaux le sens de l’épure, mais aussi le goût pour le réalisme, de Deborah Warner dans cette production qui souligne l’immense solitude du héros et l’ombre d’une malédiction qui plane sur lui.

L'apprenti et Maria Bengtsson (Ellen)

L'apprenti et Maria Bengtsson (Ellen)

La première image, fort belle, le représente dormant seul au centre d’un large espace vide, surplombé par une barque qui pourrait évoquer un cercueil, mais surtout la fin tragique à laquelle il est prédestiné. La communauté environnante est, elle, constamment animée dans des zones d'ombre, au premier et dernier acte.

Les lumières bleu-vert stylisées, plus intenses à l’horizon, décrivent une vision éthérée du temps et de l’espace, mais la maison de cet être solitaire n’est qu’un éparpillement de restes d’embarcations disparates, jonchant une scène en pente, ouvertement mise à nue.  A contrario, les villageois se retrouvent au second acte dans une taverne enfoncée dans le sol, tous parqués à l’avant-scène devant une façade qui les abrite de l'extérieur, et où une unique porte permet des entrées précipitées.
Peter Grimes (Clayton Bengtsson Keenlyside Soddy Warner) Opéra de Paris

Enfin, en fond de scène, une toile aux légers reflets irisés offre la vision d’une vue sur la mer prise depuis les hauteurs d’une falaise. L'évocation reste symbolique, et ne met pas l'accent sur l'atmosphère marine et mouvementée de ces côtes tumultueuses, probablement pour donner plus d'impact à la violence intérieure nourrie par la population, le véritable danger en ce lieu.

Deborah Warner fait ainsi vivre les relations entre individus avec un grand sens du détail et de l’interaction vivante afin de montrer toutes les facettes, peu reluisantes, de ce peuple qui juge et veut la perte de Grimes. Leur rapport à Dieu est dominé par la peur - une petite pancarte le rappelle -, et ces gens apparaissent comme ayant inconsciemment besoin de trouver un bouc émissaire pour se laver de leurs propres travers.

Simon Keenlyside (Balstrode) et Allan Clayton (Peter Grimes)

Simon Keenlyside (Balstrode) et Allan Clayton (Peter Grimes)

La scène la plus marquante se déroule au dernier acte où tous s'excitent, lors d'un rituel païen, à détruire un mannequin fabriqué à l'image de Peter Grimes, afin d'évacuer leur propre violence. C'est d'ailleurs au cours de ce même tableau de lynchage que la sensualité de plusieurs jeunes hommes - torses nus - est exaltée. A contrario, la scène où ce solitaire s'emporte face à Ellen est montrée comme un geste brusque et impulsif qui propulse la maîtresse d'école à terre. Le geste est simplement accidentel.

'Peter Grimes' est donc bien une dénonciation du conformisme et de l'hypocrisie sociale, mais Deborah Warner n'oublie pas de mettre en avant la question du devenir de l'enfant orphelin. Sa mise en scène sollicite les plus profonds sentiments pour le jeune garçon balloté dans cet univers trop préoccupé par ses propres névroses pour s'intéresser aux plus démunis.
Une telle force de caractérisation ne peut s'incarner qu'une fois confiée à de grands artistes, et tous, sans exception, participent à cette immense réussite.

Peter Grimes (Clayton Bengtsson Keenlyside Soddy Warner) Opéra de Paris

Allan Clayton, qui est attaché à cette production depuis sa création à Madrid et sa reprise à Londres, est absolument lumineux, tendre et irradiant de finesse, comme s'il était doué pour révéler la pureté d'âme mêlée à la rudesse de Peter Grimes. Confronté à la voix agréablement ouatée, et d'une parfaite homogénéitée, de Maria Bengtsson, ils tendent tous deux à souligner les qualités mozartiennes de l'écriture de Benjamin Britten, ce que la direction souple et raffinée d'Alexander Soddy ne fait que renforcer. 

Le chef d'orchestre britannique maintient tout au long de la représentation une atmophère intime et chambriste qui attire l'auditeur dans un univers soyeux et superbement ouvragé, où la noirceur mystérieuse des interludes ne se départit jamais d'un art du raffinement merveilleusement enjôleur. L'orchestre ne prend d'ailleurs pas le dessus sur les solistes et les choristes, ces derniers étant à l'unisson de l'esprit envoutant choisi pour cette interprétation.

Maria Bengtsson (Ellen) et l'apprenti

Maria Bengtsson (Ellen) et l'apprenti

Fascinant par sa retenue et la profondeur de sa présence, Simon Keenlyside, qui fut un inoubiable Wozzeck à Bastille, il y a 15 ans, prête au Capitaine Balstrode de la sagesse, un charisme vocal d'une grande maturité, et une aura humaniste fort touchante, même s'il devra suggérer au pêcheur, acculé par les villageois, de préférer prendre la mer et de couler sa barque. On verra ainsi Grimes, résigné, s'enfoncer lentement dans la mer.

Simon Keenlyside (Balstrode)

Simon Keenlyside (Balstrode)

Parmi les autres caractères, on retrouve John Graham-Hall en Bob Boles, lui qui incarna un inoubliable Aschenbach à La Monnaie de Bruxelles, en 2009, dans la production de 'Death in Venice' de Deborah Warner, avec un timbre dorénavant oscillant mais toujours expressif, et Jacques Imbrailo, qui rehausse le naturel grossier de Ned Keene par un chant séduisant et très naturel.

Allan Clayton

Allan Clayton

La cohésion scénique de l'ensemble de la distribution se prolonge avec une vérité démonstrative à travers les interprétations de Catherine Wyn-Rogers (Auntie), Rosie Aldridge, terrible en Mrs Sedley Bayley, les deux nièces qui se ressemblent par Anna-Sophie Neher et Ilanah Lobel-Torrez, le jeu de Clive Bayley qui n'éprouve aucune hésitation à dépeindre le ridicule de Swallow, et enfin James Gilchrist et Stephen Richardson, eux-aussi très convaincants.

Ching-Lien Wu (cheffe des choeurs)

Ching-Lien Wu (cheffe des choeurs)

Avec la disparition indifférente de Peter Grimes à la toute fin, réapparait pour la dernière fois, et poétiquement, son obsession pour la jeunesse des apprentis qui ont tous disparu, à travers un acrobate se muant avec légèreté dans les airs. Deborah Warner sait offrir aux jeunes artistes des occasions pour animer avec talents ses productions, et après un tel accueil du public et des professionnels pour ce poignant 'Peter Grimes', reprendre en ce même lieu celle de 'Billy Budd' par la même metteuse en scène, primée en 2018, semble aller de soi, tant le succès et la reconnaissance de tous sont assurés.

Alexander Soddy, Deborah Warner, Allan Clayton et l'apprenti

Alexander Soddy, Deborah Warner, Allan Clayton et l'apprenti

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Publié le 23 Janvier 2022

Les Noces de Figaro (Wolfgang Amadé Mozart – 1786)
Représentations du 21 et 23 janvier 2022
Palais Garnier

Il conte di Almaviva Peter Mattei
La contessa di Almaviva Maria Bengtsson
Susanna Anna El-Khashem
Figaro Luca Pisaroni
Cherubino Lea Desandre*
Marcellina Dorothea Röschmann
Bartolo James Creswell
Don Basilio Michael Colvin
Don Curzio Christophe Mortagne
Barbarina Kseniia Proshina
Antonio Marc Labonnette

Direction musicale Gustavo Dudamel
Mise en scène Netia Jones (2022)

Nouvelle production
* Lea Desandre, souffrante le 23 janvier 2022, était doublée par Chloé Briot
                                                                       Netia Jones
Diffusion en direct sur France.tv/Culturebox le 03 février 2022 à 19h30

Après 9 ans d’absence, Les Noces de Figaro fait un retour très attendu au répertoire dans une nouvelle mise en scène qui vient se substituer aux deux seules productions du chef-d’œuvre de Mozart qu’ait connu l’Opéra de Paris depuis le début de l’ère Rolf Liebermann en 1973, celle de Giorgio Strehler (1973 – 2012) et celle de Christoph Marthaler (2006-2008).

C’est un évènement structurant pour l’institution qui se dote d’une pièce majeure facilement reprenable tous les 2 ou 3 ans, et en plus cela maintient Les Noces de Figaro en tête des ouvrages les plus joués de la maison avec, à l’issue de cette nouvelle série, 216 représentations au compteur depuis les 50 dernières années, tout juste talonné par La Bohème de Giacomo Puccini.

Maria Bengtsson (La Comtesse) et Peter Mattei (Le Comte)

Maria Bengtsson (La Comtesse) et Peter Mattei (Le Comte)

Principalement connue dans les pays anglophones, Netia Jones fait ses débuts à l’Opéra de Paris et offre au public une production qui se passe au sein même du Palais Garnier. L’intrigue sociale est ainsi ramenée à une époque plus proche de nous que la Révolution française, si bien qu'elle pourrait se dérouler aujourd’hui même dans les loges de l’Opéra.

Dans cette vision, le Comte et la Comtesse deviennent de grands acteurs de théâtre invités à jouer dans un spectacle où participent choristes et corps du ballet de la Maison. Suzanne est une assistante à l’habillage, Figaro probablement un chef de service, Bartolo et Marcelline des administrateurs de l’établissement, Don Basilio le maître de chant, Don Curzio le concierge, Chérubin un adolescent branché qui porte sa casquette à l’envers, et Barberine une danseuse. Les rôles sociaux sont donc tout à fait respectés.

Anna El-Khashem (Susanna)

Anna El-Khashem (Susanna)

Les deux premiers actes se déroulent à travers 4 loges contiguës - mais seules trois sont présentées au même moment -, et par un très beau trucage les façades des immeubles haussmanniens se perçoivent derrière les vitres. Le jeu de cache-cache entre le Comte, la Comtesse, Suzanne et Chérubin se déroule dans cet espace restreint, et dès l’ouverture on voit les danseuses se méfier du Comte, sauf une, bêtement fascinée, qui le suit dans sa loge. Plus loin, on l’apercevra rôder également dans celle du chef de chant où passent les choristes.

Le jeu d’acteur sobre et lisible de tous les artistes rend très naturelle la dimension vaudevillesque de cette première partie, sans caricature forcée, qui est très agréable à suivre.  La vidéographie est utilisée pour montrer sous forme de jeux d’ombres le ressentiment entre Suzanne et Marcelline, ou bien pour suggérer le raz-le-bol de Bartolo à gérer un tel ensemble.

Luca Pisaroni (Figaro)

Luca Pisaroni (Figaro)

Adorable est le clin d’œil plus ou moins volontaire à Marthaler – il y en aura un autre en seconde partie – quand Netia Jones reprend la scène du Comte équipé de la perceuse pour forcer le cabinet de Suzanne, et Chérubin ne part plus à la guerre mais est embauché par Figaro au sein de la troupe où il jouera le rôle d’un garde. Chérubin n’est finalement qu’un enfant qui a besoin d’être guidé et un peu mieux structuré dans sa vie.

Le mouvement de protestation de certains choristes – dans la pièce - pendant un passage chanté dans la loge de Don Basilio pour signaler des faits de harcèlement sexuel situe bien la problématique centrale de la lecture de Netia Jones. Et le geste du Comte déchirant les tracts montre bien ce qu’il en pense également.

Maria Bengtsson (La Comtesse)

Maria Bengtsson (La Comtesse)

Le dispositif scénique ne comporte qu’un défaut à travers les deux cloisons centrales qui ont tendance à parfois atténuer la portée des voix pour le public situer dans les loges de côté, et peuvent aussi masquer certaines saynètes.

En seconde partie, l’action se déroule au sein des ateliers de costumes, où le Comte comprendra que Suzanne le dupe, puis dans la loge des choristes avec son alignement de pupitres et de lampes chaleureuses, et enfin sur la scène, au moment de la dernière répétition avec les danseuses – Barberine y laissera sa vertu -.  Puis, quand tout est éteint, le jeu de confusion entre les identités de la Comtesse et de Suzanne peut se déployer. 

Anna El-Khashem (Susanna) et Lea Desandre (Cherubino)

Anna El-Khashem (Susanna) et Lea Desandre (Cherubino)

L’espace se vide au fur et à mesure, et Netia Jones a recours à une très grande économie de moyens pour montrer comment Figaro est reconnu par ses parents, les administrateurs, à travers une portraitisation de toute la famille. On voit aussi Suzanne se prendre pour une artiste en chantant sous le halo d’une simple lampe « Giunse alfin il momento » – autre clin d’œil plus ou moins volontaire à La Traviata par Marthaler -, et quand le Comte est enfin démasqué, l’arrière scène s’ouvre pour dévoiler le Foyer de la danse d’où les danseuses accourent en joie vers l’orchestre, avant qu’un autre acteur ne se présente en costume pour signifier à Almaviva qu’il est viré et remplacé.

Peter Mattei (Le Comte) et Anna El-Khashem (Susanna)

Peter Mattei (Le Comte) et Anna El-Khashem (Susanna)

Le mérite de cette production est donc d’attacher Les Noces de Figaro à un des deux théâtres de l’Opéra de Paris, comme l’avait fait Robert Carsen avec Capriccio, de mettre en valeur le lieu de vie de ses équipes, de développer un message social en lequel ils se reconnaissent et qui est contenu dans l’ouvrage présenté, et donc d’ancrer durablement ce spectacle sur la scène Garnier. Il est un peu trop tôt pour le dire, mais le pari semble réussi.

Maria Bengtsson (La Comtesse)

Maria Bengtsson (La Comtesse)

La distribution réunie pour ce grand retour fait en partie ressurgir les souvenirs des soirées mozartiennes pendant le mandat de Gerard Mortier, puisque l’on retrouve Maria Bengtsson qui avait fait vivre avec une inoubliable sensibilité Pamina dans la production de La Flûte enchantée par la Fura dels Baus donnée à Bastille en 2008, et de retrouver également le duo Peter Mattei / Luca Pisaroni qui avait formé un splendide couple jumeaux Don Giovanni / Leporello,  il y a exactement seize ans, dans la production de Don Giovanni par Michael Haneke jouée à Garnier.

Tous trois ont conservé de très belles qualités vocales et une très belle manière d’être sur scène. Maria Bengtsson est une comtesse qui chante comme sur du velours, une douceur ouatée qui laisse éclore des éclats de lumière magnifiques, et elle a de la classe, du charme et de la retenue dans ses expressions. Elle est touchante sans jamais versé dans le tragique.

Michael Colvin (Don Basilio) et le chœur

Michael Colvin (Don Basilio) et le chœur

Luca Pisaroni est sans surprise un Figaro accompli, un peu rustaud dans les parties déclamatoires, d’une grande netteté de chant qui lui donne une présence évidente, et Peter Mattei fait encore entendre des intonations enjôleuses, un timbre seigneurial qui pourrait faire croire qu’il interprète un être hors de tout soupçon. Il est tellement bellissime qu’il ne peut rendre antipathique le Comte, un comble !

Dorothea Röschmann (Marcellina)

Dorothea Röschmann (Marcellina)

Remplaçant pour les deux premiers soirs Ying Fang, Anna El-Khashem fait ses débuts à l’Opéra de Paris en faisant vivre une Suzanna d’une très grande justesse. Voix vibrante, plus confidentielle que celle de ses partenaires et d’une fine musicalité sans noirceur, elle maintient la ligne d’un personnage qui ne surjoue pas et qui offre une fusion très poétique de son timbre délicat avec celui de la Comtesse dans le duettino « Sull’aria … che soave zeffiretto ».

Le Chérubin de Lea Desandre, qui fait elle aussi ses débuts à l’Opéra de Paris, est d’une souplesse enjôleuse, un chant clair-ambré de crème qui se coule avec aisance dans la manière d’être nonchalante de ce jeune adolescent pas dangereux pour un sou, une suavité chaleureuse qui participe à la juvénilité d'ensemble de ce Mozart

Maria Bengtsson (La Comtesse)

Maria Bengtsson (La Comtesse)

Et quel aplomb généreux chez Dorothea Röschmann qui campe une Marcelline avec beaucoup d’opulence vocale et d’incisivité auprès d’un James Creswell qui induit en Bartolo une autorité mature et bien affirmée ! Excellents comédiens, Michael Colvin et Christophe Mortagne s’adonnent à cœurs-joie aux rôles piquants et sarcastiques de Don Basilio et Don Curzio.

Dans ce tumulte, la Barberine de Kseniia Proshina est d’une tendre sensibilité qui suspend le temps pour un air qui prend dans un tel contexte une importance clé.

Si la direction d’acteur imprimée par Netia Jones est efficace, elle ne cherche pas non plus à combler le vide ou à ajouter des petites scènes de vie périphériques, et reste donc très mesurée.

Luca Pisaroni, Anna El-Khashem, Gustavo Dudamel et Peter Mattei

Luca Pisaroni, Anna El-Khashem, Gustavo Dudamel et Peter Mattei

On retrouve cela dans la direction musicale de Gustavo Dudamel qui se concentre sur une ligne très fluide qui fait la part belle à la finesse du tissu des cordes et ses ornementations ainsi qu’à la clarté poétique des motifs musicaux des bois. Les effets de percussions sont discrets, et sa lecture porte en elle même une lumière crépusculaire subliminale très homogène, drainée par des courants vifs et des effets mouchetés, des variations de dynamiques chaloupés inédits dans les ensembles de cordes.

Surtout rien de débridé ou d’excessif, mais un travail de broderie fine parfois à la limite du perceptible qui en devient saisissant pour l’oreille.

Le chœur, masqué, présent surtout de côté, se fond très bien dans cette approche raffinée vouée à un spectacle d’une facture parfaitement classique-moderne.

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Publié le 11 Septembre 2015

Don Giovanni (Wolfgang Amadé Mozart)
Répétition générale du 10 septembre 2015
             Opéra Bastille

Don Giovanni Artur Ruciñski
Il Commandatore Alexander Tsymbalyuk
Donna Anna Maria Bengtsson
Don Ottavio Matthew Polenzani
Donna Elvira Karine Deshayes
Leporello Alessio Arduini
Masetto Fernando Radó
Zerlina Nadine Sierra

Mise en scène Michael Haneke (2006)
Direction musicale Patrick Lange

                                                                                  Alexander Tsymbalyuk (Le Commandeur)

Pour la dernière reprise de la production de Michael Haneke à l’opéra Bastille – une nouvelle trilogie Da Ponte est en effet prévue à l’Opéra Garnier au cours des prochaines saisons -, la distribution artistique réunie ce soir démontre à quel point la vérité des relations humaines de pouvoir décrite par cette mise en scène ne peut avoir un impact fort qu’à la condition d’un engagement entier de ses interprètes.
Le décor bleuté et glacial de Christophe Kanter, dont la seule poésie se trouve dans la mosaïque de fenêtres éclairées sur les façades de building happés par la nuit, crée évidemment une ambiance de guet-apens. Porte dérobée, salle où l’action n’est point visible, couloir s’évanouissant dans l’obscurité, ascenseur par où chacun peut disparaitre, et le tout se trouvant rétroéclairé de façon surréaliste dans les scènes les plus dramatiques, la vie n’a plus qu’à entrer en scène pour montrer son vrai visage.

Maria Bengtsson (Donna Anna)

Maria Bengtsson (Donna Anna)

Le premier personnage à apparaître est Leporello. Alessio Arduini lui donne d’emblée un caractère unique et très autonome vis-à-vis de son maître, Don Giovanni. Il joue non seulement avec une grande souplesse, mais aussi avec l’intention de faire de son personnage un acteur majeur de la comédie. Il a la finesse de la jeunesse, le grave sombre du comploteur, et une aisance maligne qui réenchante ses airs.
L’arrivée de Maria Bengtsson nous fait alors découvrir une des plus émouvantes Donna Anna entendues sur cette scène. Elle chante comme si elle était traversée par un flux d’air sidéral perdu pour l’humanité, et ce chant aérien frémit de fragilité et de sensibilité, tout en restant incarné et mozartien par l’au-delà de l’humain qu’il exprime.

 

Artur Rucinski (Don Giovanni)

Artur Rucinski (Don Giovanni)

En revanche, Matthew Polenzani affirme très franchement l’autorité de Don Ottavio, et loin d’être un soupirant un peu éthéré, il prend la stature paternelle d’un Idoménée ou d’un Titus à tendance fortement dépressive.
Cette dépression, toutefois, nous la trouvons d’abord dans le personnage d’Elvira. Mireille Delunsch aura marqué comme aucune autre artiste ce rôle réinterprété scéniquement par Michael Haneke, qui en fait une femme dont l’âme est en perdition, détruite par l’alcool et par son ancien mari, au point d’en devenir sa meurtrière.

 

Fernando Rado (Masetto)

Fernando Rado (Masetto)

Karine Deshayes y engage toute sa violente flamme avec un tempérament qui rappelle beaucoup les héroïnes tragiques slaves. Ses déferlements passionnels impressionnent naturellement, certaines couleurs et intonations sombres résonnent d’une sincère fibre humaine, mais sa ligne de chant est bien plus trouble que l’épure de Maria Bengtsson.
Elle est surtout une femme qui souffre, mais pas une âme aussi noire et névrosée qu’elle devrait pourtant être.

 

Karine Deshayes (Elvira)

Karine Deshayes (Elvira)

Et bien qu’il n’ait pas la sensualité si ambiguë de Peter Mattei, le premier titulaire de ce rôle en 2006, Artur Rucinski dégage une animalité tout aussi violente qui rend le personnage de Don Giovanni antipathique comme jamais. Il a du charme quand il chante, de la virilité – mais aussi de la pudeur-, et donne le sentiment de suivre instinctivement une trajectoire pré-écrite pour son malheur.
Son combat avec l’impressionnant commandeur d’Alexander Tsymbalyuk est par ailleurs très poignant - et l'on ressent lourdement l'impact de ce choc sur lui -, d’autant plus que les silences s'étirent pour laisser le temps à l’angoisse du spectateur d’imaginer l’action qui va suivre.

 

Artur Rucinski (Don Giovanni) et Alessio Arduini (Leporello)

Artur Rucinski (Don Giovanni) et Alessio Arduini (Leporello)

Enfin, le charmant couple que forment Fernando Rado et Nadine Sierra a toute l’impulsivité irréfléchie de la jeunesse, la mezzo-soprano ayant de plus une présence vocale séduisante d’intelligence.
Mais quel raffinement dans la fosse d’orchestre ! Patrick Lange joue avec les musiciens pour leur faire maintenir une très belle ligne ondoyante, lumineuse et iréelle où s’enlacent toutes sortes de motifs de flûtes, de violons et de vents, onde vitale qui reste inaltérée par les coups du destin contenus pourtant dans la musique dès l’ouverture.
Ce courant de vie capteur de nos propres sens prend même une dimension profondément liturgique au tableau final, preuve que Mozart ne perd pas forcément son âme quand il est joué ainsi sur une scène aussi grande que Bastille.

Lire également le compte-rendu des représentations d'avril 2012.

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Publié le 16 Novembre 2008

La Flûte Enchantée (Mozart)
Répétition générale du 15 novembre 2008 (Bastille)

Mise en scène La Fura dels Baus
Direction musicale Thomas Hengelbrock

Tamino Shawn Mathey
Pamina     Maria Bengtsson
Papageno Russell Braun
Sarastro Kristinn Sigmundsson
Monostatos Markus Brutscher
Königin der Nacht Erika Miklosa
Der Sprecher José Van Dam
Erste Dame Iwona Sobotka
Zweite Dame Katija Dragojevic
Dritte Dame Cornelia Oncioiu

La coïncidence est assez extraordinaire pour être relevée : au moment même où Gerard Mortier annonce dans le journal El Païs son intérêt pour prendre la direction du Teatro Real de Madrid (l'aventure avec le New York City Opera ayant viré à la débacle comme le rapporte le NewYorkTimes), la coproduction avec ce théâtre de Die Zauberflöte fait son retour à l’Opéra Bastille.

D’abord montée dans l’ancien bassin minier de Bochum en 2003 pour le festival de la Ruhr Triennale, et diffusée sur Arte la même année, cette version déjantée du chef d’œuvre de Mozart revu par La Fura dels Baus fût fraîchement accueillie en 2005 à Paris.

Le plus polémique résidait dans la substitution des récitatifs de Schikaneder par un poème catalan de Rafael Argullol récité en français (se reporter à la fin de l'article).
Le texte jouait sur l' identification du serpent qui poursuit Tamino, au monstre présent en chaque spectateur.
Le scandale était donc assuré car tout le monde n‘accepte pas ce genre d‘effet miroir.

De plus, ce poème était construit à partir des éléments présents dans le livret mais restituait un sens nouveau. C'était une manière d'éliminer toute interprétation maçonnique.

Russell Braun (Papageno)

Russell Braun (Papageno)

Pour cette reprise, le texte original a donc été rétabli en bonne partie. Cela recentre l’histoire sur l’homme instinctif métamorphosé afin de passer avec sagesse les épreuves lui permettant de conquérir celle qu’il aime.

Loin d’être une version classique, celle de La Fura dels Baus est bariolée de loufoqueries et d’effets vidéos, bien que l’omniprésence des matelas et du bruit de fond scénique puisse lasser.

Visuellement les images sont souvent très fortes et d’une pertinence illustrative passionnante : le jeu d’échec pour les épreuves de Sarastro, le supplice des épées auquel succombe le prêtre dans le pardon, ou bien encore Tamino en Chrysalide.

L’environnement étoilé et en perpétuel mouvement de la Reine de la Nuit est également d’une force impressive enchanteresse.

Erika Miklosa (La Reine de la Nuit)

Erika Miklosa (La Reine de la Nuit)

Alors, dans cet univers fantaisiste et libéré des conventions, Russell Braun devient un Papageno-Drag Queen admirable dans la manière de s’approprier un savoir être de starlette.
Son chant n’est pas d’une ampleur phénoménale mais ne verse pas dans la lourdeur.

Très comique, Markus Brutscher ne fait pas trop dans la séduction pour Monostatos et l’on regrettera peut être que le Sarastro de Kristinn Sigmundsson soit aussi sévère et dénué de cette tendresse mélancolique qui en fait sa grandeur.

C'est avec joie et un brillant succès qu'Erika Miklosa s'offre une Reine de la Nuit aux vocalises impeccables et toujours aussi vénéneuse. Ce grand manteau étoilé et la luminosité de ses attributs féminins sont une des plus belles idées imaginées par la Fura del Baus pour traduire une nature provocatrice des instincts humains.

Absolument charmante, Maria Bengtsson est en plus une très belle voix, presque dramatique, qui rend touchante sa Pamina, ensuite c’est à chacun d’apprécier si le Tamino scéniquement un peu ballot de Shawn Mathey peut expliquer la fascination des trois Dames pour lui.

D’ailleurs, la seconde dame de Katija Dragojevic, pleine de rondeurs vocales mériterait d’être entendue à part.

Moins pétaradant que Marc Minkowski, Thomas Hengelbrock choisit une lecture plus fine et adaptée aux voix, mais peut être va t-il tenter au fil des représentations de donner un peu plus d’énergie dans les moments où tout s’emballe sur scène.

Maria Bengtsson (Pamina)

Maria Bengtsson (Pamina)

Ci dessous, le poème catalan traduit en français et utilisé par la Fura dels Baus à la place des récitatifs originaux dans la version 2003 et 2005 de La Flûte Enchantée.

Die Zauberflöte

Texte de Rafael Argullol

Regarde, voila qu’ils passent, le prince et le bouffon.
A moins que ce ne soit l’inverse, le bouffon et le prince,
la raison et la pulsion.
Ont-ils inversé leurs vies ?
L’avenir et le passé.
La terre consumée et cette autre terre qui n’existe pas encore.
L’oiseau et le reptile, le plongeon et le vol,
les désirs conquis, les espoirs perdus,
la richesse du sauvage, la nudité du roi.
Regarde, les voila qui passent, ils se connaissent depuis toujours,
mais ils ne s’identifient pas aisément.

Qui pense trop, rêve.
Qui parle trop, ment.
Qui boit d’un trait le nectar de la vie, s’étrangle.
Vite… Voici venu le temps de la lenteur,
maîtresse du bonheur et du plaisir.

Que de bons sentiments éveille une image,
un portrait doux et innocent.
La peau sans la chair n’est qu’harmonie
et promesse n’est que nostalgie de l’âge d’or,
comme les anciennes photos de famille.
Mais donnons de la chair à cette peau,
Donnons de la temporalité à la silhouette, de la mémoire à l’instant,
et les pulsions sautilleront de-ci, de-la,
emplissant tous les pores, traquant le plaisir,
sans jamais se laisser dompter par les promesses,
les nostalgies, ou par les bons sentiments.
Mais le portrait, la belle image, réapparaîtra peut-être dans l’eau croupie du puits.
Les repoussants insectes de l’abîme nous annoncent peut-être les étoiles.

Voilà l’histoire.
Là-bas, sur la place, un vieillard charmait un serpent avec sa flûte.
Mais un jour, distrait par le joli sourire d’une jeune fille
qui passait sur le marché, il laissa la flûte et le serpent se charmer
mutuellement, respectivement par la musique et par la danse.
Ils se fondirent si fort l’un en l’autre que le vieillard commença à confondre
la mélodie de l’envoûtement et le balancement hypnotique,
la langue fourchue et le chant doré, le bâton du sage et le serpentin,
le phallus et la fange, la révolte que nous nions
et le miracle que nous appelons de nos vœux à chaque instant.

Regarde toi dans le plus profond des miroirs :
le diable c’est celui là. Le bouffon, c’est celui-ci.
Le brigand, le violeur a ce visage affreux.
Le clown est cet histrion gesticulant.
Le lubrique, c’est celui là, et celui-ci, malheur à lui, est aussi le sot.
Il est niais, l’imbécile, aussi naïf qu’un enfant.
Brise rapidement ton verre avant qu’il ne te renvoie ton image.

Soit courageux et regarde.
D’autres yeux t’attendent au cœur du labyrinthe.
Et bien que le chemin ne soit pas simple à trouver,
bien que le plus facile soit toujours le renoncement,
celui qui entrera dans le labyrinthe trouvera un autre regard.
Il trouvera le désir, le plaisir ainsi que la porte
qui lui permettra de quitter le labyrinthe.

Il te plaît, spectateur, de n’être que spectateur.
caché derrière ta rétine, tapi derrière ton ouïe,
immunisé contre les bactéries qui, à chaque seconde,
agressent l’organisme, immunisé contre les crimes,
protégé contre la contagion, de la chair, du souvenir,
et du sang d’encre des noirs pressentiments.
Mais toi, contemplateur ébahi de ce monde,
ce soir spectateur, tu ne seras pas que cela.
Tu descendras dans l’arène pour te présenter au monstre,
à ce monstre à mille têtes, qui a grandi dans tes entrailles,
nourri par les années, les doutes, les angoisses, et les désirs.
Ce monstre, tu voudrais le nier, mais sache, spectateur, qu’il est l’essence
de ce que tu portes de meilleur et de plus authentique :
un amant qui jamais plus ne te rendra ta liberté.

Je parle de toi, cher spectateur.
Te souviens-tu du temps où de larges allées s’ouvraient à toi
et où tu te contentais d’impasses ?
Te souviens-tu quand tu allais, de nuit, ramasser des rêves
que tu laissais ensuite tomber dans les fossés ?
Penses à ces sentiments qui jamais n’osèrent devenir pensées,
et à ces pensées qui jamais ne furent mises en paroles…
Pense à ces paroles que désavouent tes actes.
Ce n’est pas la voix des autres qui tisse l’intrigue.
La représentation t’appartient.

Aux cris, réponds par le mutisme,
à l’ivresse, par la lenteur et le silence.
Ecarte lentement et sans bruit le voile de ce monde,
et tire la leçon de chaque instant.
Le cœur soulagé, mets-toi en chemin,
en te disant qu’il n’existe ni carte ni potion magique,
ni guide auquel tu pourrais te fier.
Méprise ce qu’on cherche à t’imposer.
Humblement étudie les livres que le chemin t’accordera de découvrir.
Pense que le vrai pouvoir git dans la gamelle du mendiant.

Un cosmos sans enfer, une planète sans menace, un pays sans frontière,
une ville sans violence, une rue sans vacarme, une maison sans murs,
une pensée sans dogme, un homme qui se tait.

L’éclair nous semble une égratignure dans le ciel,
et le tonnerre nous parait lointain.
La vie est ailleurs, comme notre pays, comme la conscience,
comme le désir.
Le ciel suscite en nous la nostalgie de l’enfer.
La passion nous inspire un besoin de calme, mais à la fin d’une
trop paisible soirée, nous voilà désireux d’une nuit riche en sensations.

Le contemplateur s’effraie devant l’éblouissement du plaisir.
Mais pour l’aveugle c’est une lumière infinie, un feu chaleureux et tendre,
Un regard de lave, une langue brûlante, des lèvres qui embrassent,
sous les décombres du quotidien, la peau pillée à coups de couteau,
le poitrail qui abat les murailles pour mieux recevoir la colère de son
dernier ennemi.
Un autel de sacrifice, jonché de braise, orné de l’incomparable gravité
de la cendre.
Aucun être capable de désir n’échangera un tel feu contre l’océan.

Même face au poignard le plus glacial ne te tourne jamais vers la mort
mais regarde la vie. Plante les plus beaux regards dans ton cerveau,
injecte l’arc-en-ciel dans la texture de tes nerfs, tatoue tes entrailles avec
des ailes de papillon.
Ce sera ton blanc-seing contre les ténèbres.

Voyageur, dans ta poche tu possèdes la carte du trésor mais, paresseux et
angoissé tu ne la déplies pas.
Arrête-toi, voyageur, et pour un jour seulement, délaisse l’âme que tu as
bradée pour quelques broutilles. Délaisse la valeur de l’argent si ardemment
célébré.
Délaisse la télévision poisseuse et ses coulisses et ses sables mouvants.
Délaisse la démagogie des beaux parleurs.
Délaisse les champs de bataille du capitalisme extrême de la frénésie du
rendement et cette poupée de chiffons au visage sans cesse remodelé.

Arrête-toi, sors de la sarabande chancelante. Tais-toi, fuis les cris.
Tant qu’il y aura du vacarme, tout sera sans dessus dessous, le temps,
l’amitié, la beauté.
Nous souhaitons retenir la mer entre nos doigts, puis nous regrettons
notre erreur.
Quand le bruit s’interrompt, nous voyons plus loin,
nous nos approprions les heures et nous nous abandonnons aux sens.

« Je déplie la carte mais elle est vierge ». Regarde bien.  « Je ne vois aucun pays ».
Concentre-toi. « Je ne vois aucune ville ». Sois patient. « Je ne vois aucun chemin ».
Attends d’être dans le labyrinthe.

Au-delà de l’orage, un arc-en-ciel. A la chrysalide difforme succède le joli papillon.
Quand la solitude nous tue, le regard de feu sait nous ramener à la vie.

Vous me tuez, ou vous croyez me tuer, chaque homme, chaque génération,
Dans vos rêves, dans vos cauchemars, ou dans ce que vous appelez en vous
gargarisant votre réalité.
Mais moi, le serpent à chaque génération et pour chaque homme je revis
dans les blessures, dans les moqueries, dans la sarabandes des heures,
ou en secret, parce que je suis votre espace vital, parce que je suis votre temps,
parce que je vis dans vos passions, parce que je m’insinue dans vos pensées
et que je contemple le joyeux chaos de vos cellules et la soi-disant harmonie
de vos constellations.
Vous me tuez, ou vous croyez me tuer.
Mais je suis aux aguets, je m’immisce dans vos recoins les plus secrets,
Je me love autour de vos mystères, je me nourris de beauté et je fais ma mue
au détour d’un sentier pour que vous puissiez continuer de rêver encore.

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