Publié le 23 Juin 2025
L’Italiana in Algeri (Gioachino Rossini – Teatro San Benedetto de Venise, le 22 mai 1813)
Version de concert du 18 juin 2025
Théâtre des Champs-Élysées
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Isabella Marie-Nicole Lemieux
Lindoro Levy Sekgapane
Mustafa Nahuel Di Pierro
Taddeo Mikhail Timoshenko
Haly Alejandro Baliñas Vieites
Zulma Eléonore Pancrazi
Elvira Manon Lamaison
Direction musicale Julien Chauvin
Le Concert de La Loge
Chœur Fiat Cantus
Dramma giocoso qui précède ’Il Turco in Italia’, ’Elisabetta, Regina d’Inghilterra’ et ’Il Barbiere di Siviglia’, tous trois composés entre 1814 et 1816, ‘L’Italiana in Algeri’ est l’un des ouvrages de Rossini que Michel Franck aura régulièrement défendu au cours de son mandat de directeur, puisqu’il y eut une première version de concert le 10 juin 2014, avec déjà Marie-Nicole Lemieux sous la direction de Sir Roger Norrington, puis une version mise en scène par Christian Schiaretti en juin 2016, sous la direction de Jean-Claude Magloire, et à nouveau une version de concert le 11 janvier 2020 sous la direction de Jean-Christophe Spinosi.
Sans cette série de représentations, la dernière apparition de ‘L’Italiana in Algeri’ au Théâtre des Champs-Élysées remonterait à 1929!
Dès l’ouverture, ce soir, Julien Chauvin et Le Concert de La Loge font pulser l’écriture musicale de Rossini avec un excellent sens rythmique, alerte et qui laisse entendre une texture un peu à l'ancienne à travers les cordes mais aussi avec un velouté parfaitement à l’unisson avec les textures des voix.
Il se dégage d’emblée une impression de chaleur qui s’accorde aussi avec les lumières lambrissées de la scène, et l’arrivée amusante d’ Elvira et Zulma, sous les traits de deux jeunes artistes françaises, agit comme un premier charme.
Chant lumineux et sensible de la part de Manon Lamaison, adresse et unité du timbre baroquisant d’Eléonore Pancrazi, leur jeu délicieusement expressif laisse transparaître un sens impétueux de la mise en scène qui va caractériser l’ensemble de la distribution.
En Mustafa, Nahuel Di Pierro débute sur une noirceur de timbre peu marquée, mais progressivement s’investit dans un personnage burlesque dont il maîtrise la bonhommie enjouée et la vivacité euphorisante du chant. Les duos sont toujours formidablement interactifs avec ses partenaires, et Mikhail Timoshenko donne un caractère particulier au Taddeo manipulable, à mi chemin entre l’homme simple et populaire et le jeune bourgeois sûr de sa valeur.
D’ailleurs, à travers l’échange de titres de ‘Grand Kaïmakan’ pour l’un, puis de ‘Pappataci’ pour l’autre, ces deux personnages donnent une image drolatique du narcissique désir de reconnaissance sociale.
C’est également un très bel Haly qu’Alejandro Baliñas Vieites dessine de sa jeunesse humoristique, une noirceur doucereuse et du brillant dans le regard qu’il mélange à une subtile impression d’autorité.
Quant au Lindoro incarné pour un soir par Levy Sekgapane entre deux représentations du ‘Barbier de Séville’ données à l’Opéra Bastille où il remporte le même succès dans le rôle du Comte d’Almaviva, il concentre tout ce qui définit le ténor rossinien en soi, l’élégance virevoltante, la légèreté souriante du timbre aux couleurs agréablement ambrées, et une virtuosité précise dans un esprit d’exaltation étourdissant. Un phénomène fascinant à suivre de bout en bout !
Et pour ses 25 ans de carrière, Marie-Nicole Lemieux retrouve un rôle qu’elle n’avait plus chanté depuis 2014 – la reprise prévue en avril 2020 à Vienne ayant été par la force des choses annulée -, en s’investissant sans modération à travers un langage débridé des expressions du visage, une palette de couleurs toujours très impressives même dans les graves, et alors que la second partie de cet opéra à tendance à verser en des airs d'écriture plus conventionnelle, la chanteuse québécoise offre un luxueux chant apaisé dans ‘Per lui che adoro’, les qualités des solistes réussissant à maintenir l’intérêt scénique et belcantiste jusqu’au bout.
Débutant timidement, le Chœur Fiat Cantus accompagne d’un bel alliage de timbres l’ensemble de l’interprétation, la douceur de cet équilibre prenant le dessus sur la constitution d’un grand personnage saillant inséré à l’action.
Pour l’immense plaisir suscité par cette version de concert scéniquement aboutie, le retour chaleureux du public envers tous les artistes sera à la hauteur, ce qui était bien la moindre des choses !