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Publié le 3 Juillet 2025

Il barbiere di Siviglia (Gioachino Rossini –
Teatro Argentino de Rome, le 16 février 1816)
Représentation du 02 juillet 2025
Opéra Bastille

Rosina Isabel Leonard
Figaro Mattia Olivieri
Il Conte d'Almaviva Levy Sekgapane
Bartolo Carlo Lepore
Basilio Luca Pisaroni
Fiorello Andres Cascante
Berta Margarita Polonskaya
Un ufficiale Jianhong Zhao

Direction musicale Diego Matheuz
Mise en scène Damiano Michieletto (2014)

 

Pour sa cinquième reprise et déjà 55 représentations au compteur depuis le 19 septembre 2014, la production du ‘Barbier de Séville’ imaginée par Damiano Michieletto est devenue l’un des grands classiques de l’Opéra Bastille, ce qui conforte l’ouvrage le plus populaire de Rossini au 7e rang des opéras les plus joués à l’Opéra de Paris.

Levy Sekgapane (Almaviva) et Mattia Olivieri (Figaro)

Levy Sekgapane (Almaviva) et Mattia Olivieri (Figaro)

Il faut dire que cette scénographie a de quoi séduire par sa reconstitution des façades d’une rue de Séville contemporaine dont le bâtiment central pivote pour révéler un dédale de pièces et d’escaliers sur trois niveaux absolument charmant, chargé d’une riche décoration plutôt prosaïque illuminée par des éclairages aussi bien intimes et chaleureux qu’ils peuvent être francs.

Le public a ainsi l’impression de se trouver face à une immense maison de poupée parmi laquelle les chanteurs évolueraient, une brillante adresse aux souvenirs d’enfance des auditeurs qui touche au cœur, Rosina étant elle même une adolescente vivant dans son monde fait d’admiration pour de beaux acteurs et chanteurs.

Le Barbier de Séville (Leonard Olivieri Sekgapane Matheuz Michieletto) Opéra de Paris

Et non seulement la direction d’acteurs du metteur en scène italien est vive et inventive, jusqu’à la scène de folie qui clôt la première partie dans un tournoiement méticuleusement réglé, mais l’on a aussi de cesse d’admirer la complexité du décor et ses moindres détails, qui ne peuvent se révéler qu’aux jumelles ou bien en allant visiter les coulisses. Les équipes techniques, des lumières et des décorations doivent être très fières d’une telle réalisation amenée à rester au répertoire certainement pour bien des années encore.

Isabel Leonard (Rosina)

Isabel Leonard (Rosina)

Depuis son passage à l’Opéra de Paris en 2011 où elle incarnait Sesto et Cherubino respectivement dans ‘Giulio Cesare’ et ‘Le Nozze di Figaro’ – elle était même initialement annoncée dans le rôle de Rosine en 2010 -, Isabel Leonard n’était pas revenue à Paris depuis, sa carrière s’étant principalement développée dans sa cité natale, New-York.

Elle se glisse avec grande aisance dans ce rôle enfantin, rondeur et noirceur du timbre allant de pair avec une vivacité, et parfois même une certaine célérité, des vocalises qui se veulent expressives avec beaucoup de corps, les aigus ne manquant nullement de panache.

Mattia Olivieri (Figaro) et Isabel Leonard (Rosina)

Mattia Olivieri (Figaro) et Isabel Leonard (Rosina)

Découvert par le public parisien en février 2023 dans ‘Lucia di Lammermoor’, Mattia Olivieri est un excitant Figaro au profil de jeune ambitieux ayant une voix d’un excellent tranchant et un métal qui résonne avec un bel éclat. Mais il a aussi une agilité qui exprime une grande liberté d’esprit et une certaine légèreté par rapport à la vie. Il en résulte une image moderne et fascinante d’un homme initialement serviteur qui souhaite renverser les grands, sans la moindre hargne et avec un humour et une ruse affûtés.

Levy Sekgapane (Almaviva)

Levy Sekgapane (Almaviva)

Mais le plaisir devient absolu avec Levy Sekgapane.

Le ténor sud-africain s’était autorisé un passage au Théâtre des Champs-Élysées le 18 juin dernier entre deux représentations du ‘Barbier de Séville’ pour aller chanter Lindoro dans ‘L’Italienne à Alger’, et finalement remporter un succès bien réjouissant.

Cependant, sur la grande scène Bastille, il diffracte un optimisme chantant enivrant, une inspiration du bonheur qui provient autant du charme vibratoire de sa voix que de sa clarté qui évoque tant un printemps insouciant. Très bon acteur et partenaire semblant danser sur la musique, il offre au final un solo ‘Cessa di più resistere’ pleinement aérien, une évocation libre et dénuée de tout orgueil qui le départit d’autres profils de ténors qui donnent parfois l’impression de se prendre trop au sérieux.

Et dans son air idolâtre 'Ecco ridente in Cielo', les nuances et variations enjôleuses virevoltent amusément, la sérénade suivante 'Se il mio nome saper voi bramante' prenant une tonalité hispanisante complètement dépaysante avec des passages en voix de tête d'une sensibilité à fleur de peau qui laissent aussi transparaitre des affinités avec l'univers baroque.

Par magie, avec Levy Sekgapane tout n’est que joie lumineuse sans autre aspiration que le partage qui devient par conséquent extrêmement communicatif. Croisons les doigts pour que cette jeunesse qui cache un travail acharné sur le souffle et le phrasé dure le plus longtemps possible.

Carlo Lepore (Bartolo) et Luca Pisaroni (Basilio)

Carlo Lepore (Bartolo) et Luca Pisaroni (Basilio)

Présent à la création de cette production et à sa précédente reprise, la basse napolitaine Carlo Lepore fait elle aussi montre d’une forte présence, d’abord par son timbre saillant et sa très bonne élocution interprétative, mais aussi de par son jeu rodé à la comédie, certes tout à fait classique d’esprit, mais avec un lustre encore bien sensible.

Isabel Leonard (Rosina)

Isabel Leonard (Rosina)

On ressent néanmoins moins de superbe chez Luca Pisaroni, inoubliable Leporello et Figaro sous le mandat de Gerard Mortier et artiste qui joue toujours avec générosité, mais qui concentre dorénavant trop les graves de sa voix en son intérieur plutôt qu’en les faisant rayonner avec vibrance, mais les jeunes seconds rôles issus du giron de l’Opéra de Paris, Andres Cascante en Fiorello, Margarita Polonskaya en Berta et Jianhong Zhao en ufficiale, ont tous une luminosité à embrasser avec naturel.

Mattia Olivieri, Isabel Leonard, Carlo Lepore, Diego Matheuz (premier plan) et Margarita Polonskaya

Mattia Olivieri, Isabel Leonard, Carlo Lepore, Diego Matheuz (premier plan) et Margarita Polonskaya

Geste très élégant, savant coloriste des volées de cordes et de la fraîcheur des vents, Diego Matheuz est le garant de la clarté et du lustre radieux de l’interprétation musicale, sans excès de trépidations, mais avec le goût pour faire ressentir la valeur d’une partition et sa délicatesse. Il préserve aussi la cohésion de cette soirée somptueuse tout en respectant la personnalité de chaque artiste.

Un moment d’exception à travers une œuvre pourtant si recherchée, on ne pouvait mieux espérer en ce début d’été.

Mattia Olivieri

Mattia Olivieri

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Publié le 23 Juin 2025

L’Italiana in Algeri (Gioachino Rossini – Teatro San Benedetto de Venise, le 22 mai 1813)
Version de concert du 18 juin 2025
Théâtre des Champs-Élysées

Isabella Marie-Nicole Lemieux
Lindoro Levy Sekgapane
Mustafa Nahuel Di Pierro
Taddeo Mikhail Timoshenko
Haly Alejandro Baliñas Vieites
Zulma Eléonore Pancrazi 
Elvira Manon Lamaison

Direction musicale Julien Chauvin
Le Concert de La Loge
Chœur Fiat Cantus

 

Dramma giocoso qui précède ’Il Turco in Italia’, ’Elisabetta, Regina d’Inghilterra’ et ’Il Barbiere di Siviglia’, tous trois composés entre 1814 et 1816, ‘L’Italiana in Algeri’ est l’un des ouvrages de Rossini que Michel Franck aura régulièrement défendu au cours de son mandat de directeur, puisqu’il y eut une première version de concert le 10 juin 2014, avec déjà Marie-Nicole Lemieux sous la direction de Sir Roger Norrington, puis une version mise en scène par Christian Schiaretti en juin 2016, sous la direction de Jean-Claude Magloire, et à nouveau une version de concert le 11 janvier 2020 sous la direction de Jean-Christophe Spinosi.

Sans cette série de représentations, la dernière apparition de ‘L’Italiana in Algeri’ au Théâtre des Champs-Élysées remonterait à 1929!

Marie-Nicole Lemieux (Isabella), Levy Sekgapane (Lindoro) et Mikhail Timoshenko (Taddeo)

Marie-Nicole Lemieux (Isabella), Levy Sekgapane (Lindoro) et Mikhail Timoshenko (Taddeo)

Dès l’ouverture, ce soir, Julien Chauvin et Le Concert de La Loge font pulser l’écriture musicale de Rossini avec un excellent sens rythmique, alerte et qui laisse entendre une texture un peu à l'ancienne à travers les cordes mais aussi avec un velouté parfaitement à l’unisson avec les textures des voix.

Il se dégage d’emblée une impression de chaleur qui s’accorde aussi avec les lumières lambrissées de la scène, et l’arrivée amusante d’ Elvira et Zulma, sous les traits de deux jeunes artistes françaises, agit comme un premier charme.

Chant lumineux et sensible de la part de Manon Lamaison, adresse et unité du timbre baroquisant d’Eléonore Pancrazi, leur jeu délicieusement expressif laisse transparaître un sens impétueux de la mise en scène qui va caractériser l’ensemble de la distribution.

Nahuel Di Pierro (Mustafa)

Nahuel Di Pierro (Mustafa)

En Mustafa, Nahuel Di Pierro débute sur une noirceur de timbre peu marquée, mais progressivement s’investit dans un personnage burlesque dont il maîtrise la bonhommie enjouée et la vivacité euphorisante du chant. Les duos sont toujours formidablement interactifs avec ses partenaires, et Mikhail Timoshenko donne un caractère particulier au Taddeo manipulable, à mi chemin entre l’homme simple et populaire et le jeune bourgeois sûr de sa valeur.

D’ailleurs, à travers l’échange de titres de ‘Grand Kaïmakan’ pour l’un, puis de ‘Pappataci’ pour l’autre, ces deux personnages donnent une image drolatique du narcissique désir de reconnaissance sociale.

Manon Lamaison (Elvira), Alejandro Baliñas Vieites (Haly) et Eléonore Pancrazi (Zulma)

Manon Lamaison (Elvira), Alejandro Baliñas Vieites (Haly) et Eléonore Pancrazi (Zulma)

C’est également un très bel Haly qu’Alejandro Baliñas Vieites dessine de sa jeunesse humoristique, une noirceur doucereuse et du brillant dans le regard qu’il mélange à une subtile impression d’autorité.

Quant au Lindoro incarné pour un soir par Levy Sekgapane entre deux représentations du ‘Barbier de Séville’ données à l’Opéra Bastille où il remporte le même succès dans le rôle du Comte d’Almaviva, il concentre tout ce qui définit le ténor rossinien en soi, l’élégance virevoltante, la légèreté souriante du timbre aux couleurs agréablement ambrées, et une virtuosité précise dans un esprit d’exaltation étourdissant. Un phénomène fascinant à suivre de bout en bout !

Julien Chauvin et Marie-Nicole Lemieux (Isabella)

Julien Chauvin et Marie-Nicole Lemieux (Isabella)

Et pour ses 25 ans de carrière, Marie-Nicole Lemieux retrouve un rôle qu’elle n’avait plus chanté depuis 2014 – la reprise prévue en avril 2020 à Vienne ayant été par la force des choses annulée -, en s’investissant sans modération à travers un langage débridé des expressions du visage, une palette de couleurs toujours très impressives même dans les graves, et alors que la second partie de cet opéra a tendance à verser en des airs d'écriture plus conventionnelle, la chanteuse québécoise offre un luxueux chant apaisé dans ‘Per lui che adoro’, les qualités des solistes réussissant à maintenir l’intérêt scénique et belcantiste jusqu’au bout.

Alejandro Baliñas Vieites, Mikhail Timoshenko et Levy Sekgapane

Alejandro Baliñas Vieites, Mikhail Timoshenko et Levy Sekgapane

Débutant timidement, le Chœur Fiat Cantus accompagne d’un bel alliage de timbres l’ensemble de l’interprétation, la douceur de cet équilibre prenant le dessus sur la constitution d’un grand personnage saillant inséré à l’action.

Pour l’immense plaisir suscité par cette version de concert scéniquement aboutie, le retour chaleureux du public envers tous les artistes sera à la hauteur, ce qui était bien la moindre des choses !

Mikhail Timoshenko, Marie-Nicole Lemieux, Julien Chauvin, Nahuel Di Pierro et Levy Sekgapane

Mikhail Timoshenko, Marie-Nicole Lemieux, Julien Chauvin, Nahuel Di Pierro et Levy Sekgapane

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Publié le 31 Octobre 2024

The Time of our singing (Kris Defoort –
14 septembre 2021, La Monnaie)
Représentation du 27 octobre 2024
La Monnaie de Bruxelles

Delia Daley Claron McFadden
William Daley Mark S. Doss
David Strom Simon Bailey
Jonah Levy Sekgapane
Joey Peter Brathwaite
Ruth Abigail Abraham
Lisette Soer Lilly Jørstad
Robert Rider Hervé Loka Sombo (rôle muet)

Direction musicale Kwamé Ryan
Mise en scène Ted Huffman (2021)

Orchestre de chambre de la Monnaie
Ensemble de jazz (Robin Verheyen, Lander Gyselinck, Nicolas Thys, Hendrik Lasure)
Chœur d’enfants Equinox

Coproduction LOD Muziektheater (Gand), Theater St Gallen

Ouvrage récompensé par l’International Opera Awards comme la ‘Meilleure Création Mondiale’ de la saison 2021 / 2022', ‘The Time of our singing’ est repris trois ans plus tard à la Monnaie de Bruxelles, et c’est à une œuvre très touchante et chaleureuse qu’il est possible d’assister en ce début d’automne, de par la manière dont l’histoire d’amour entre une jeune musicienne noire originaire de Philadelphie et un physicien juif allemand est racontée en nous faisant traverser l’Histoire américaine et ses injustices vis à vis de la communauté noire au XXe siècle.

Simon Bailey (David Strom) et Levy Sekgapane (Jonah)

Simon Bailey (David Strom) et Levy Sekgapane (Jonah)

Décor dépouillé, la scène est simplement entourée de tables de classe sur tout son pourtour, et un tableau étendu en arrière plan remémore les noms de civils noirs ayant été victimes de meurtres depuis la guerre civile à aujourd’hui. Parmi ces noms se discerne celui de Delia Daley qui disparaîtra dans un incendie que sa fille, Ruth, estimera être intentionnel.

Et au dessus de ce tableau mémoriel, des vidéos noir et blanc évoquent le contexte historique en commençant par le récital de Marian Anderson interprété au Lincoln Memorial de Washington le 09 avril 1939 devant plus de 75 000 spectateurs, la contralto afro-américaine s’étant vu refuser l’accès au Constitution Hall par les ‘Filles de la Révolution américaine’.

Elle sera plus tard la première cantatrice noire à apparaitre sur la scène du MET, le 07 janvier 1955, pour chanter le rôle d'Ulrica dans 'Un Ballo in maschera' de Giuseppe Verdi.

Au cours de cette histoire basée sur le roman éponyme de Richard Powers, la question raciale est abordée par le biais de la famille Daley. 

Claron McFadden, soprano New-yorkaise installée dorénavant aux Pays-Bas qui célébrera ses 40 ans de carrière l’année prochaine, joue avec beaucoup de finesse et de profondeur le personnage de Delia Daley en montrant par ses sourires naturels comment elle entend dépasser les préjugés raciaux qui existent même au sein de sa propre famille. 

Car son père, William (incarné par la présence autoritaire de Mark S. Doss), considère que les noirs ne peuvent se défaire de leur groupe d’origine. Il y a donc ici un conflit d’appartenance entre un communautarisme qui souhaite s’imposer à l’individu, d'une part, et l'envie de faire partie d'une société unifiée, d'autre part.

Levy Sekgapane (Jonah) et Claron McFadden (Delia)

Levy Sekgapane (Jonah) et Claron McFadden (Delia)

L’idéal de Delia et de son fils, Jonah, chanté avec un timbre tendre et poétique par Levy Sekgapane, ténor sud-africain qui mûrit actuellement un parcours très assuré dans les interprétations belcantistes, se sublime par la manière dont tous deux voient dans leur parcours lyrique l’aboutissement d’un universalisme humaniste, alors que Ruth, la sœur de Jonah, mue par une volonté revendicative qui se traduit dans la gestuelle scénique vive d' Abigail Abraham, préférera développer un art du chant plus proche de ses racines à travers une école qu’elle va dédier aux jeunes avec l’aide de son autre frère, Joey (Peter Brathwaite).

Cela permettra en dernière partie d’entendre le chœur d’enfants Equinox entraîner le public sur un air entêtant qui sera repris en bis au rideau final face à une salle acquise et debout.

Abigail Abraham (Ruth), Levy Sekgapane (Jonah) et Peter Brathwaite (Joey)

Abigail Abraham (Ruth), Levy Sekgapane (Jonah) et Peter Brathwaite (Joey)

Quand Jonah les rejoint, il comprend tout l’intérêt de la démarche qui devient un moyen de concilier le besoin d’émancipation par l’art tout en restant connecté à la vie d’aujourd’hui et de ses difficultés. Et ce d’autant plus que les violences policières vis-à-vis des populations noires se poursuivent.

Et brutalement, le chœur d’enfants met sans dessus-dessous la scène au moment des émeutes survenues à Los Angeles en 1992 lors de l’acquittement des agresseurs de l’activiste Rodney King.

Chœur d’enfants Equinox

Chœur d’enfants Equinox

La musique qu’a composé Kris Defoort, qui en est à son quatrième ouvrage à la Monnaie après ‘The Woman who walked into doors’ (2001), ‘House of the sleeping beauties’ (2009) et ‘Daral Shaga’ (2014), inclut des parties jazzy et feutrées jouées à la batterie, un accompagnement délicat au piano qui accroît le sentiment d’intimité des relations humaines, un saxophone qui induit une narration sentimentale et rêveuse, alors que l’écriture des cordes tend à diffracter leurs sonorités en mille discrets chatoiements, ce qui crée du relief et des aspérités qui évitent d’entendre un flot trop coulant et uniforme. 

 Lilly Jørstad (Lisette Soer) et Levy Sekgapane (Jonah)

Lilly Jørstad (Lisette Soer) et Levy Sekgapane (Jonah)

Kwamé Ryan - les parisiens se souviennent peut-être qu'il interprétait en 2004 'L'Espace dernier' de Matthias Pintscher à l'Opéra Bastille - dirige l’Orchestre de chambre de la Monnaie dans un esprit d’osmose avec les musiciens et la scène qui se retrouve dans sa souplesse de lecture et sa maîtrise sonore qui invitent à un climat convivial et généreux.

Et c'est autant plus sensible que la direction d’acteurs de Ted Huffman s’inscrit continuellement dans la sobriété et la justesse.

Claron McFadden, Kwamé Ryan, Levy Sekgapane, Peter Brathwaite et Abigail Abraham

Claron McFadden, Kwamé Ryan, Levy Sekgapane, Peter Brathwaite et Abigail Abraham

Et voir à quel point cet ouvrage contemporain peut réunir des publics très différents laisse penser que Peter Gelb pourrait-être intéresser pour le porter sur la scène du New-York Metropolitan Opera afin de lui donner un impact encore plus grand.

The Time of our singing (McFadden Sekgapane Ryan Huffman) La Monnaie

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Publié le 20 Avril 2022

Voix d’Afrique
Récital du 16 avril 2022
Théâtre des Champs-Élysées

Suppé  Cavalerie légère, Ouverture
Puccini  « O mio babbino caro » - Gianni Schicchi (Kimmy Skota)
Verdi  Air de Banco - Macbeth (Blaise Malaba)
Verdi  « Pace, pace, mio dio » - La Force du destin (Cyrielle Ndjiki)
Offenbach  « Barcarolle » - Contes d’Hoffmann (Leïla Brédent et Cyrielle Ndjiki)
Catalini  « Eben andro lontana » - La Wally (Elisabeth Moussous)
Rossini  Duetto Lindoro Mustafa - L’Italienne à Alger (Levy Sekgapane et Blaise Malaba)
Delibes  Duo des fleurs (Cyrielle Ndjiki et Kimmy Skota)
Verdi Mort de Rodrigue (Edwin Fardini)
Verdi « Dieu nous sépare » - Jérusalem (Cyrielle Ndjiki, Levy Sekgapane et Blaise Malaba)
Auber Air de l’éclat de rire - Manon Lescaut (Leïla Brédent)
Verdi  « La Vergine degli angeli » - La Force du destin (Elisabeth Moussous et Chœur)
Mascagni  Cavalleria rusticana - Intermezzo                 
 Adriana Bignagni-Lesca
Bizet « Près des remparts de Séville» - Carmen ( Adriana Bignagni-Lesca)
Donizetti  « Ah mes amis quel jour de fête » - La Fille du régiment (Levy Sekgapane)
Gershwin « Bess, you my woman » (Elisabeth Moussous et Edwin Fardini), « I got planty of nuttin’ » (Chœur), « Oh, I can’t sit down »  (Chœur), « Oh Lawd, I’m on my way » (solistes et Chœur)
Christopher Tin  Baba Yetu (« Notre Père » en swahili, Chœur)
Thula Baba, berceuse d’Afrique du Sud en langue zoulou (Kimmy Skota)
Mohau Mogale « Thamalakwane », air lyrique (Kimmy Skota)
Eding, Chant sacré du Cameroun (Chœur)
Verdi « Va pensiero » - Nabucco (solistes et Chœur)

Leïla Brédent soprano
Elisabeth Moussous soprano
Cyrielle Ndjiki soprano
Kimmy Skota soprano
Blaise Malaba basse
Levy Sekgapane ténor
Adriana Bignagni-Lesca mezzo soprano
Edwin Fardini baryton

Direction musicale Sébastien Billard
Orchestre Symphonique de la Garde Républicaine et Chœur de l’Armée française

Coproduction Africa Lyric’s Opéra / Women of Africa / Opera for Peace 
Concert au profit de Women of Africa et en soutien aux jeunes artistes lyriques et aux projets pour les femmes

Organisée par Patricia Djomseu, ancienne professeur de danse classique au Cameroun qui a repris la direction de l’association Women of Africa créée il y a 20 ans par sa mère, cette grande soirée caritative est pour beaucoup l’occasion de découvrir une nouvelle génération de chanteurs lyriques professionnels originaires d’Afrique et d’Outre-Mer.

Kimmy Skota - « O mio babbino caro »

Kimmy Skota - « O mio babbino caro »

Même si la majeure partie de ce récital est constituée d’airs d’opéras italiens et français du XIXe siècle régulièrement interprétés en concerts lyriques, le véritable plaisir vient de la diversité de couleurs, d’amplitudes et de timbres de voix des huit artistes invités qui permettent à l’auditeur de varier constamment les impressions sensorielles.

Blaise Malaba - Air de Banco

Blaise Malaba - Air de Banco

Toute fine et délicate, Kimmy Skota débute avec un ‘O mio babbino caro’ très émouvant par sa manière d’en exprimer les sentiments sur le souffle d’un filet de voix ténu et intime, puis apparaît plus impétueuse dans ‘Thamalakwane’ du compositeur sud-africain Mohau Mogale, et se révèle d’une irrésistible sensibilité pour la berceuse sud africaine ‘Thula Baba’, susurrée avec une soyeuse luminosité intemporelle. 

Cyrielle Ndjiki - « Pace, pace, mio dio »

Cyrielle Ndjiki - « Pace, pace, mio dio »

Cet air très doux intervient juste après que nous ayons été emportés par un chant en langue swahili originaire d’Afrique de l’Est, ‘Baba Yetu’, qui est une composition de Christopher Tin devenue célèbre à travers le jeu de stratégie ‘Civilization IV’, une des fantastiques surprises de cette soirée qui a engagé le chœur de l’Armée française dans une ode pleine d’espérance.

Leïla Brédent et Cyrielle Ndjiki - « Barcarolle »

Leïla Brédent et Cyrielle Ndjiki - « Barcarolle »

Voix véritablement verdienne, riche en vibrations dramatiques, Cyrielle Ndjiki donne énormément d’intensité au «Pace, pace, mio dio» de la 'Force du destin', puis s’adapte parfaitement à la tessiture bien plus légère de Kimmy Skota dans le duo des fleurs de ‘Lakmé’, avec une recherche d’harmonie subtilement réussie.

Et en duo avec Leïla Brédent, pour l’air de la ‘Barcarolle’, c’est cette fois-ci l'alliage d’un chant fruité, délié et bien focalisé mêlé à la tessiture voilée de Cyrielle Ndjiki qui en fait le charme.

Chœur de l’Armée française interprétant 'Baba Yetu' de Christopher Tin

Chœur de l’Armée française interprétant 'Baba Yetu' de Christopher Tin

Splendide dans l’air de 'La Wally' où la clarté du timbre est étoffée d’un médium expressif, Elisabeth Moussous offre le second portrait de Leonora de la ‘La Force du destin’, où elle apporte une touche de classicisme supplémentaire.

Et si l’on n’entendra Adriana Bignagni-Lesca, première lauréate du concours des grandes Voix d’Afrique, que pour un air qui plongera Carmen dans une noirceur fortement ténébreuse, il sera possible de la retrouver en juin 2022 sur la scène du Palais Garnier où elle interprétera Junon dans ‘Platée’ de Rameau auprès de Lawrence Brownlee, ténor américain qui partageait la scène de la salle Gaveau avec Levy Sekgapane il y a encore trois semaines.

Elisabeth Moussous - « La Vergine degli angeli »

Elisabeth Moussous - « La Vergine degli angeli »

Levy Sekgapane, Comte Almaviva sur la scène Bastille en 2018, est présent ce soir et profite d’airs de Rossini et Donizetti pour faire montre d'aisance, souplesse, éclat et précision sans le moindre dépareillement de ses aigus légers agréablement vibrés. Blaise Malaba lui donne la réplique dans le rôle de la basse, mais c’est plus dans Verdi que l’artiste congolais peut mettre en valeur le velours d’un souffle majestueux à travers la mort de Banco.

Levy Sekgapane - « Ah mes amis quel jour de fête »

Levy Sekgapane - « Ah mes amis quel jour de fête »

Enfin, en l'absence de Sir Willard White atteint du covid, c’est Edwin Fardini, gagnant de la 3e édition du concours « Voix des Outre-mer » le 22 janvier 2021, qui se charge de le remplacer, ce qui vaudra au public d'entendre un air de Rodrigo issu de ‘Don Carlo’ de Verdi d’une impressionnante sonorité bien galbée et en contraste total avec l’allure longiligne du chanteur.

Edwin Fardini - Mort de Rodrigue

Edwin Fardini - Mort de Rodrigue

Sous la direction fluide et chaleureuse de Sébastien Billard, l’Orchestre de la Garde républicaine et le Chœur de l’Armée française sont des soutiens attentifs, et tous se rejoignent, solistes compris, dans un ‘Va, Pensiero’ final qui permet d’achever dans une sérénité recueillie un récital généreux empreint d’une modestie très touchante.

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