Publié le 3 Juillet 2025
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Il barbiere di Siviglia (Gioachino Rossini –
Teatro Argentino de Rome, le 16 février 1816)
Représentation du 02 juillet 2025
Opéra Bastille
Rosina Isabel Leonard
Figaro Mattia Olivieri
Il Conte d'Almaviva Levy Sekgapane
Bartolo Carlo Lepore
Basilio Luca Pisaroni
Fiorello Andres Cascante
Berta Margarita Polonskaya
Un ufficiale Jianhong Zhao
Direction musicale Diego Matheuz
Mise en scène Damiano Michieletto (2014)
Pour sa cinquième reprise et déjà 55 représentations au compteur depuis le 19 septembre 2014, la production du ‘Barbier de Séville’ imaginée par Damiano Michieletto est devenue l’un des grands classiques de l’Opéra Bastille, ce qui conforte l’ouvrage le plus populaire de Rossini au 7e rang des opéras les plus joués à l’Opéra de Paris.
Il faut dire que cette scénographie a de quoi séduire par sa reconstitution des façades d’une rue de Séville contemporaine dont le bâtiment central pivote pour révéler un dédale de pièces et d’escaliers sur trois niveaux absolument charmant, chargé d’une riche décoration plutôt prosaïque illuminée par des éclairages aussi bien intimes et chaleureux qu’ils peuvent être francs.
Le public a ainsi l’impression de se trouver face à une immense maison de poupée parmi laquelle les chanteurs évolueraient, une brillante adresse aux souvenirs d’enfance des auditeurs qui touche au cœur, Rosina étant elle même une adolescente vivant dans son monde fait d’admiration pour de beaux acteurs et chanteurs.
Et non seulement la direction d’acteurs du metteur en scène italien est vive et inventive, jusqu’à la scène de folie qui clôt la première partie dans un tournoiement méticuleusement réglé, mais l’on a aussi de cesse d’admirer la complexité du décor et ses moindres détails, qui ne peuvent se révéler qu’aux jumelles ou bien en allant visiter les coulisses. Les équipes techniques, des lumières et des décorations doivent être très fières d’une telle réalisation amenée à rester au répertoire certainement pour bien des années encore.
Depuis son passage à l’Opéra de Paris en 2011 où elle incarnait Sesto et Cherubino respectivement dans ‘Giulio Cesare’ et ‘Le Nozze di Figaro’ – elle était même initialement annoncée dans le rôle de Rosine en 2010 -, Isabel Leonard n’était pas revenue à Paris depuis, sa carrière s’étant principalement développée dans sa cité natale, New-York.
Elle se glisse avec grande aisance dans ce rôle enfantin, rondeur et noirceur du timbre allant de pair avec une vivacité, et parfois même une certaine célérité, des vocalises qui se veulent expressives avec beaucoup de corps, les aigus ne manquant nullement de panache.
Découvert par le public parisien en février 2023 dans ‘Lucia di Lammermoor’, Mattia Olivieri est un excitant Figaro au profil de jeune ambitieux ayant une voix d’un excellent tranchant et un métal qui résonne avec un bel éclat. Mais il a aussi une agilité qui exprime une grande liberté d’esprit et une certaine légèreté par rapport à la vie. Il en résulte une image moderne et fascinante d’un homme initialement serviteur qui souhaite renverser les grands, sans la moindre hargne et avec un humour et une ruse affûtés.
Mais le plaisir devient absolu avec Levy Sekgapane.
Le ténor sud-africain s’était autorisé un passage au Théâtre des Champs-Élysées le 18 juin dernier entre deux représentations du ‘Barbier de Séville’ pour aller chanter Lindoro dans ‘L’Italienne à Alger’, et finalement remporter un succès bien réjouissant.
Cependant, sur la grande scène Bastille, il diffracte un optimisme chantant enivrant, une inspiration du bonheur qui provient autant du charme vibratoire de sa voix que de sa clarté qui évoque tant un printemps insouciant. Très bon acteur et partenaire semblant danser sur la musique, il offre au final un solo ‘Cessa di più resistere’ pleinement aérien, une évocation libre et dénuée de tout orgueil qui le départit d’autres profils de ténors qui donnent parfois l’impression de se prendre trop au sérieux.
Et dans son air idolâtre 'Ecco ridente in Cielo', les nuances et variations enjôleuses virevoltent amusément, la sérénade suivante 'Se il mio nome saper voi bramante' prenant une tonalité hispanisante complètement dépaysante avec des passages en voix de tête d'une sensibilité à fleur de peau qui laissent aussi transparaitre des affinités avec l'univers baroque.
Par magie, avec Levy Sekgapane tout n’est que joie lumineuse sans autre aspiration que le partage qui devient par conséquent extrêmement communicatif. Croisons les doigts pour que cette jeunesse qui cache un travail acharné sur le souffle et le phrasé dure le plus longtemps possible.
Présent à la création de cette production et à sa précédente reprise, la basse napolitaine Carlo Lepore fait elle aussi montre d’une forte présence, d’abord par son timbre saillant et sa très bonne élocution interprétative, mais aussi de par son jeu rodé à la comédie, certes tout à fait classique d’esprit, mais avec un lustre encore bien sensible.
On ressent néanmoins moins de superbe chez Luca Pisaroni, inoubliable Leporello et Figaro sous le mandat de Gerard Mortier et artiste qui joue toujours avec générosité, mais qui concentre dorénavant trop les graves de sa voix en son intérieur plutôt qu’en les faisant rayonner avec vibrance, mais les jeunes seconds rôles issus du giron de l’Opéra de Paris, Andres Cascante en Fiorello, Margarita Polonskaya en Berta et Jianhong Zhao en ufficiale, ont tous une luminosité à embrasser avec naturel.
Geste très élégant, savant coloriste des volées de cordes et de la fraîcheur des vents, Diego Matheuz est le garant de la clarté et du lustre radieux de l’interprétation musicale, sans excès de trépidations, mais avec le goût pour faire ressentir la valeur d’une partition et sa délicatesse. Il préserve aussi la cohésion de cette soirée somptueuse tout en respectant la personnalité de chaque artiste.
Un moment d’exception à travers une œuvre pourtant si recherchée, on ne pouvait mieux espérer en ce début d’été.