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Publié le 24 Janvier 2010

Werther (Massenet)
Représentation du  23 janvier 2010
Opéra Bastille

Werther Jonas Kaufmann
Albert Ludovic Tézier
Charlotte Sophie Koch
Sophie Anne-Catherine Gillet
Le Bailli Alain Vernhes
Schmidt Andreas Jäggi

Direction musicale Michel Plasson
Décors et lumières Charles Edwards
Mise en scène Benoît Jacquot

 

Sophie Koch (Charlotte) et Anne-Catherine Gillet (Sophie)

La saison précédente, la mise en scène de Jürgen Rose faisait de l’univers mental de Werther, obsessionnel et torturé, le centre de l’ouvrage. Le poète était présent en permanence.

Ne pouvant reprendre ce spectacle reparti pour Munich, Nicolas Joël a choisi de monter la production de Benoît Jacquot, créée à Londres en 2004.

Werther ne nous apparaît plus vu de l’intérieur, mais tel que le perçoit Charlotte, une incarnation du poète sensible et intériorisé.

Jonas Kaufmann (Werther)

Jonas Kaufmann (Werther)

Les émois de la jeune fille, dont la force croissante ne lui permet pas de les maîtriser dans le temps, sont subtilement exprimés par des regards détournés, des gestes de repli trahissant la sensibilité au contact physique, et Benoît Jacquot semble très attentif à l’imaginaire féminin.

Cela est d’autant plus facile que Jonas Kaufmann projette une vision parfaite du sombre amoureux, triste mais sans violence apparente. A chacun de considérer à quel point cette image reflète sa propre perception du personnage…

On peut trouver les deux premiers actes ennuyeux, il y a une convergence de retenue entre le style de la direction d’orchestre et le poids des convenances sociales qui se ressent sur le jeu d’acteurs, mais les deux suivants, par leur nature plus dramatique, rappellent l’atmosphère tchékhovienne d’Eugène Onéguine dans la mise en scène de Dmitri Tcherniakov.

Jonas Kaufmann (Werther)

Jonas Kaufmann (Werther)

Théâtralement, le geste reste convenu, les poses sont prises avec un calcul trop apparent, cependant la profondeur humaine que fait vivre la voix de Sophie Koch suffit à nous laisser impressionné.

Anne-Catherine Gillet assume simplement la naïveté de Sophie, et Ludovic Tézier est ici glacial.

Avec un goût pour l'illustration contemplative, les décors en perspective de Charles Edwards couvrent les saisons du printemps à l’hiver.

Jonas Kaufmann (Werther) et Sophie Koch (Charlotte)

Jonas Kaufmann (Werther) et Sophie Koch (Charlotte)

Lente, claire, ne laissant aucun détail s‘échapper trop loin de la masse homogène, la direction de Michel Plasson vire à une noirceur plaintive et discrète à la fois.

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Publié le 1 Novembre 2009

La Bohème (Puccini)
Représentation du 29 octobre 2009 (Bastille)

Direction musicale Daniel Oren
Mise en scène Jonathan Miller

Rodolfo Stefano Secco
Mimi Tamar Iveri
Marcello Ludovic Tézier
Musetta Natalie Dessay
Shaunard David Bizic
Benoît Matteo Peirone
Colline Giovanni Battista Parodi
Alcindoro Rémy Corazza

Depuis sa création en 1995, au début de la première saison d’Hugues Gall, la mise en scène de Jonathan Miller pour la Bohème est devenue une pièce de collection de l’Opéra National de Paris. Son atmosphère de vieux Paris des années 30 résiste comme les authentiques ruelles de son centre historique, aux normes et au temps qui tuent les âmes.

                                                                                                           Natalie Dessay (Musetta)

Cet opéra de Puccini, avec lequel Leoncavallo travailla à l’adaptation du même livret « Scènes de la vie de Bohème » d’Henri Murger pour en composer sa propre version bien moins célèbre, n’est qu’un prétexte pour tirer les larmes, car un amour intériorisé peut y trouver les étincelles libératrices.

Il est donc nécessaire de réunir des artistes capables de toucher notre propre sensibilité.

Stefano Secco et Tamar Iveri, l’Infante et l’Elisabeth de la dernière reprise de Don Carlo, forment ainsi un couple à la simplicité émouvante.

Tous deux profilent des nuances, lui avec l’art de la récupération et du prolongement du port de voix, elle subtilement plus spirituelle mais avec des accents très douloureux auprès de l’ami commun, Marcello.

Tamar Iveri (Mimi)

Tamar Iveri (Mimi)

Justement, Ludovic Tézier abandonne les noirceurs de la jalousie propre à ce personnage, pour en faire une interprétation d’une sympathie rare, point déterminant qui explique le frisson à l’ouverture du quatrième acte, scène pourtant si ordinaire lorsque les quatre complices se chamaillent, mais rendue ici avec naturel.

Surgit enfin Natalie Dessay, rien ne lui échappe de la légèreté de Musetta et de son numéro d’excitée de charme, mais elle ne sait rien faire d’autre que tomber en commisération lorsque le drame se révèle.
Tout un pan noble du cœur de la maîtresse de Marcello se réduit à peu de chose, comme si la chanteuse devenait faussement concernée par ce qui arrive à Mimi. Un arrière goût d’opération commerciale qui déséquilibre l’esprit de l’ouvrage, je trouve.

Troisième acte de la Bohème sur la Barrière d'Enfer, une des portes d'octroi de Paris.

Troisième acte de la Bohème sur la Barrière d'Enfer, une des portes d'octroi de Paris.

Les deux comparses, Giovanni Battista Parodi et David Bizic, font heureusement corps avec l’ensemble. Et dans la fosse, Daniel Oren se précipite au début de chaque acte au point d’embrouiller le chœur, pour réussir, patiemment, à devenir maître des structures musicales les plus fines.

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Publié le 20 Avril 2009

Un Ballo in Maschera
(Giuseppe Verdi)
Représentation du 19 avril 2009
Opéra Bastille

Riccardo Ramon Vargas
Renato Ludovic Tézier
Amelia Deborah Voigt
Ulrica Elena Manistina
Oscar Anna Christy
Silvano Michail Schelomianski
Tom Scott Wilde

Direction musicale
          Renato Palumbo

Mise en scène 
          Gilbert Deflo

 

Acte II : Deborah Voigt (Amelia)

La reprise du Bal Masqué qui débute à l'Opéra Bastille semble plutôt bien servir Verdi.

Ramon Vargas est bien plus intéressant ici que dans Luisa Miller, il connaît très bien le rôle de Riccardo, lui donne épaisseur, assurance et prestance, et en plus il chante cela avec beaucoup de style et de chaleur.
Il n'a même pas de problème de projection alors qu'il est annoncé souffrant.

Acte I premier Tableau : les conspirateurs parmi les membres du parlement.

Acte I premier Tableau : les conspirateurs parmi les membres du parlement.

Ludovic Tézier fait aussi des efforts pour s'approprier le personnage, et comme dans Werther, allège beaucoup sa voix ce qui rajeunit Renato.

Cela creuse un écart générationnel avec Deborah Voigt qui au contraire paraît vocalement plus âgée.

En fait cette grande voix spectaculaire est surtout taillée pour ne pas se laisser noyer par la direction vivante de Palumbo.

Ce dernier force sur le côté "marche militaire", et écrase trop souvent le son. C'est du Verdi, disons, très populaire.

Les solo instrumentaux sont bien mis en valeur.

Acte I deuxième Tableau : Elena Manistina (Ulrica)

Acte I deuxième Tableau : Elena Manistina (Ulrica)

Ce que fait Anna Christy est très lumineux avec des coloratures légères comme des plumes.
Elena Manistina est franchement irréprochable, vénéneuse sans exagération, avec des injonctions agressives et un timbre parfois âpre.

Finalement, si Gilbert Deflo n'attend pas des chanteurs d'avoir des expressions scéniques crédibles (on peut entendre un chœur crier "horreur!" tout en restant de marbre), l'atmosphère macabre des différents tableaux (toujours sombre) est quand même juste, et l'idée du rituel vaudou bien pensée.

Le livret mentionne en effet, lors du bal du troisième acte, que les serviteurs sont noirs (l'esclavage est toujours de rigueur à cette époque), ce qui rend le rite créole pertinent chez Ulrica.

Acte III premier Tableau : Ludovic Tézier (Renato), Deborah Voigt (Amelia) et Anna Christy (Oscar)

Acte III premier Tableau : Ludovic Tézier (Renato), Deborah Voigt (Amelia) et Anna Christy (Oscar)

Ce metteur en scène joue sur l'économie et la clarté, le décor présente avec élégance l'essentiel de chaque lieu sans superflu, les couleurs des costumes (rouge comme symbole vital de la sorcière, blanc pour l'innocence du page) caractérisent les protagonistes sans ambiguïté.
Cela donne une restitution cohérente de la version nord américaine du Bal Masqué (celle qui a toujours été jouée du vivant de Verdi).

Un impératif est alors de disposer de chanteurs possédant bien leur rôle pour animer le drame, car les consignes du directeur restent minimalistes et se limitent, en caricaturant à peine, à "regarde la salle!", "regarde ton partenaire!", "va t'asseoir!"...

Acte III troisième Tableau : le Bal Masqué

Acte III troisième Tableau : le Bal Masqué

Le soin accordé au personnage d'Oscar, virevoltant à l'image de la légèreté du Comte, est heureusement absolument sympathique.

Lire également Histoire d'Un Ballo in Maschera et Un Bal Masqué (création 2007) à Bastille.

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Publié le 10 Mars 2009

Werther (Massenet)
Représentation du 09 mars 2009
Opéra Bastille

 

Werther Ludovic Tezier
Charlotte Susan Graham
Sophie Adriana Kucerova
Albert Franck Ferrari
Le Bailli Alain Verhnes

Direction Kent Nagano
Mise en scène Jürgen Rose
Production du Bayerische Staatsoper, Munich

On se doutait que le caractère scénique de Ludovic Tezier se glissait aisément sous la nature introvertie de Werther, mais la très grande interprétation qu'il en a donné lundi soir offre un bel éclat à la version transposée pour baryton.

Dans l'immense salle de Bastille, pensée pour valoriser la fosse d'orchestre, le chanteur s'empare de l'espace de façon simple et convaincante, flatte ses lignes de chants très pures, les éclaircit même, variant ses mouvements d'âme en offrant une richesse d'expressions extrêmement vivantes : citons de rares moments d'esprit au repos, puis les névroses, les hallucinations, l'introspection.

Ludovic Tezier (Werther)

Ludovic Tezier (Werther)

Mais il est bien entendu que le Werther de Massenet ne peut être comparé à celui de Goethe, ce dernier sombrant dans le romantisme le plus violent, et nous prenant au piège de l'univers mental obsessionnel du jeune homme.

Jürgen Rose essaye de décrire cet état psychique avec son décor écrasé par les pensées de Werther, d'où émerge de toutes parts à la fin, le prénom de Charlotte. Cet univers clos s'articule autour du fameux rocher, refuge hors du temps, mais aussi épicentre du monde réel qui entoure le héros.

Chez Massenet, Werther est un homme en souffrance, qui trouve en l'image de Charlotte, un reflet qui le calme, un Hollandais Volant, lui aussi condamné pour l'éternité.

Susan Graham (Charlotte)

Susan Graham (Charlotte)

Mais l'on ne peut pas dire que Susan Graham rende force compassionnelle au personnage de Charlotte. La voix est certes puissante, mais rien ne touche. Elle devient une sorte de mère un peu distanciée à l'air triste et affligé.

Franck Ferrari souffre de la comparaison avec Ludovic Tézier dont il n'a pas la même luminosité, l'austérité du timbre et la maturité physique en font tout de même un honnête Albert.

Ludovic Tezier dans Werther à l'Opéra Bastille

Pimpante et pleine d'entrain, Adriana Kucerova nous fait parfois sourire avec son français slavisé, et Alain Verhnes reste décidément un interprète qui donne beaucoup de personnalité à ses rôles (le Père de Louise aura été le plus attachant ces dernières années).

Avec Kent Nagano, les couleurs des préludes orchestraux se ternissent légèrement, peut être parce qu'il s'agit de maintenir une unité de la structure orchestrale, et de la déployer sans couvrir les chanteurs. D'ailleurs dans les deux derniers actes (les plus noirs), l'orchestre passe souvent au premier plan, capte l'auditeur pas ses pulsations et ses contrastes soudainement plus marqués, l'inertie d'ensemble paraissant lente mais fort majestueuse.

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Publié le 7 Juillet 2007

Don Carlo (Verdi)

Représentation du 09 octobre 2005 (Capitole de Toulouse)
 
Don Carlo Fabio Armiliato
Elisabeth de Valois Daniella Dessi
Rodrigo Ludovic Tezier
Philippe II Roberto Scandiuzzi
L’inquisiteur Anatoli Kotscherga
La princesse Eboli Béatrice Uria Monzon
 
Direction musicale Maurizio Benini
Mise en scène Nicolas Joel
 
Par un temps pareil, préférer s’enfermer dans un théâtre plutôt que de profiter de ce soleil d’automne, il faut quand même le faire.
Mais la presse encense ce spectacle à peine la première passée alors on y va.
La mise en scène est dépouillée dans un décor au plafond changeant (Christ en surplomb, cloître, patio ouvert …) rétrécissant en hauteur et en largeur en arrière plan. Le jeu des acteurs est également plutôt statique et peut renvoyer au Attila de José Dayan (le Kitsch en moins) qui nous avait fait sourire à Bastille il y a 2/3 ans.
 
Fabio Armiliato est à la hauteur du rôle. Profil longiligne (cela nous change un peu !), ce n’est que clarté vocale, vaillance, belle musicalité accompagnées d’une bonne présence scénique.
 
Ludovic Tezier est un Posa a donner des frissons (à la prison il tient plus que requis le « Lieto e a qui morra per te ») avec toutefois une attitude un peu distanciée.
 
Ensuite ça se discute : Roberto Scandiuzzi est un basse qui a du coffre et impressionne mais cela serait plus convaincant s’il y croyait un peu. Son « Ella giammai m’amo ! » laisse froid et son jeu scénique est inexistant.
 
Bien sûr Béatrice Uria Monzon a un tempérament sauvage (sait-elle faire autre chose ?) qui convient pour Eboli mais pour la subtilité et le charme vocal Olga Borodina et Dolora Zajick ont bien mieux pris soin de nos oreilles dans ce rôle.
 
Daniella Dessi est maintenant bien avancée dans sa carrière. Si sa voix a réellement un pouvoir émotionnel, c’est un peu à la manière de Callas en toute fin de carrière. Car ici on croirait la mère naturelle de Don Carlo plutôt que son amante. Ce chant expressif mais avec bien peu de grâce frustre dans le « Tu que le vanita ». A n’en pas douter, Adrienne Lecouvreur lui conviendrait tellement mieux.
 
Par contre Anatoli Kotscherga est impeccable en inquisiteur. L’entretien avec le roi commence avec beaucoup de réserve sans laisser présager de l’aplomb vocal avec lequel il condamne ensuite sans état d’âme Rodrigue.
 
Maurizio Benini affectionne particulièrement les passages lyriques et spectaculaires mais dans l’ensemble dramatise peu. Est-ce que le théâtre du Capitole n’est pas un peu juste pour l’ampleur de Don Carlo ?

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Publié le 6 Juillet 2007

Lucia di Lammermoor (Gaetano Donizetti)

Représentation du 09 septembre 2006 à l'Opéra Bastille
 
Mise en scène Andrei Serban
Décors et costumes William Dudley  

Lucia Natalie Dessay
Edgardo di Ravenswood Matthew Polenzani
Enrico Ashton Ludovic Tézier
Raimondo Bidebent Kwangchul Youn
 
Direction musicale Evelino Pidò

 

Dément ! je n’ai pas trouvé d’autres mots pour cette scène de folie qui ne vous arrache pas une seule larme mais vous laisse sans voix si j’ose dire.
Natalie Dessay fait de Lucia une femme se dépassant elle-même, ayant tellement accumulé qu’elle ne peut plus que libérer une énergie folle. L’enchevêtrement de tréteaux en est même escaladé sans y penser.
Cette démonstration d’agilité et de puissance (et ce cri d’effroi !), cet engagement inouï, semblent tellement périlleux pour sa voix que j’en ai eu peur pour elle.
On admire également cette propension à rechercher les situations casse-cou comme si Serban n’en faisait pas assez.

A l’inverse, que de sagesse chez Ludovic Tézier. Tout est beau. Jamais son chant ne risque une petite inflexion expressive histoire d’insuffler un peu plus d’énergie à une action limitée.
Tout est dans le regard et la voix. Un Enrico d’une intelligence froide.

Avec Kwangchul Youn nous avons notre ‘Alain Delon de l’opéra’. D’une classe remarquable, son autorité appuyée par la richesse d’une belle voix de basse capte l’attention à chacune de ses interventions.
 
Face à ces trois grand artistes, Matthew Polenzani peine un peu à s’affirmer et la grâce des premières notes de l’air final ‘Tombe degli avi miei’ semblent indiquer que Mozart pourrait être un répertoire qui le mettrait plus en valeur.
Edgar est un ténor un peu plus héroïque et soutenu par un registre suffisamment grave pour exprimer une force qui ici fait parfois défaut.
Cependant la scène de colère à la fin du IIième acte est très convaincante.
Natalie Dessay, Matthew Polenzani et Kwangchul Youn

Natalie Dessay, Matthew Polenzani et Kwangchul Youn

Etant un inconditionnel de Evelino Pido, un mot suffira : flamboyant.

Au rideau final, André Serban récolte les salutations bruyantes habituelles pour les mises en scènes décalées et qui doivent être aussi une forme d’expression de « bonne rentrée » adressée à Gerard Mortier.

Très habile, le metteur en scène revient une deuxième fois saluer seul rejoint alors par Natalie Dessay dont l’enthousiasme à son égard et les gestes moqueurs dirigés vers le public agité sont fort drôles : Quel ringard ce public parisien tout de même.

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Publié le 3 Juillet 2007

Un Bal Masqué à l'Opéra Bastille

Représentation du 01 juillet 2007

 
Lors de la file d’attente au guichet pour le Bal Masqué, le très sympathique Gilbert Deflo nous disait vouloir s’en tenir au livret situé à Boston et donc éviter toute transposition hasardeuse.
Effectivement, jamais nous ne serons pris à contre-pied : tenues guindées, aigle américain aux ailes déployées, élégante statue du gouverneur à l’effigie de Marcelo Alvarez, potence surplombée de deux sinistres vautours, une sorcière noire et trois salamandres constituent des éléments symboliques conformes à l’histoire.
Seulement ces scènes mises bout à bout génèrent un ennui certain lorsqu’elles ne sont liées que par une direction d’acteur minimaliste et qu’aucune recherche de dynamique des effets lumineux ne vient accentuer le discours musical.
 
Heureusement, le ténor argentin s’impose d’entrée avec aisance et nonchalance enthousiasmantes. Le timbre est généreux, chaleureux même, soufflant une ardeur teintée de sentiments affectés très latins. L’homme joue un gouverneur qui joue dans un monde qu’il ne prend pas au sérieux ; difficile de distinguer si les gesticulations sont celles du Comte ou bien de l’acteur laissé sans consignes. 
  
Face à un tel phénomène, Ludovic Tézier fixe un Renato « droit dans ses bottes », un homme d’honneur, dont la fierté se change en mépris quand se révèle la réalité des émois d’Amélia. La noblesse de ce rôle convient bien au chanteur même si les couleurs de sa tessiture évoquent plus une belle jeunesse qu’une autorité mature.
Le rictus glacial qui accompagne le geste meurtrier rappelle instinctivement Don Giovanni.
Marcelo Alvarez et Angela Brown (Acte II)

Marcelo Alvarez et Angela Brown (Acte II)

Grande voix Angela Brown ? assurément ! bien entendu il faut un certain goût pour les graves gonflés et caverneux, une certaine tolérance aux irrégularités et un vibrato, m’a-t-on dit, qui pourtant ne m’a aucunement gêné.  
Je n’aime pas que l’on raille son physique développé (et il faut voir de qui émanent ces critiques) surtout que je trouve beaucoup de beauté dans ce fascinant visage noir et les accents métalliques. « Morro, ma prima in grazia » à l’acte III est par ailleurs riches de nuances.
 
Ulrica bien tenue, Elena Manistina ne possède cependant pas une personnalité vocale suffisante pour camper une sorcière impressionnante. Mais que de fraîcheur dans cet Oscar espiègle que Camilla Tilling déroule de toute sa légèreté ! Elle est adorable.
 
Enfin, Semyon Bychkov fait une entrée réussie à l’Opéra de Paris. Il avantage les chanteurs par un choix de tempi mesurés et libère toute l'énergie de l'orchestre dans les moments clés comme l'arrivée spectaculaire du Comte, l'ouverture tourmentée du second acte (digne de Tchaïkovsky) ou bien l'angoissante avancée d'Amélia vers l'urne, tension qui évoque les sombres intrigues de Don Carlo et Otello.
Ludovic Tézier et Camilla Tilling (Acte III)

Ludovic Tézier et Camilla Tilling (Acte III)

Saluons la scène du bal masqué et la réussite des danses enlevées exécutées par des personnages de la Commedia dell'Arte.

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