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Publié le 10 Mars 2009

Werther (Massenet)
Représentation du 09 mars 2009
Opéra Bastille

 

Werther Ludovic Tezier
Charlotte Susan Graham
Sophie Adriana Kucerova
Albert Franck Ferrari
Le Bailli Alain Verhnes

Direction Kent Nagano
Mise en scène Jürgen Rose
Production du Bayerische Staatsoper, Munich

On se doutait que le caractère scénique de Ludovic Tezier se glissait aisément sous la nature introvertie de Werther, mais la très grande interprétation qu'il en a donné lundi soir offre un bel éclat à la version transposée pour baryton.

Dans l'immense salle de Bastille, pensée pour valoriser la fosse d'orchestre, le chanteur s'empare de l'espace de façon simple et convaincante, flatte ses lignes de chants très pures, les éclaircit même, variant ses mouvements d'âme en offrant une richesse d'expressions extrêmement vivantes : citons de rares moments d'esprit au repos, puis les névroses, les hallucinations, l'introspection.

Ludovic Tezier (Werther)

Ludovic Tezier (Werther)

Mais il est bien entendu que le Werther de Massenet ne peut être comparé à celui de Goethe, ce dernier sombrant dans le romantisme le plus violent, et nous prenant au piège de l'univers mental obsessionnel du jeune homme.

Jürgen Rose essaye de décrire cet état psychique avec son décor écrasé par les pensées de Werther, d'où émerge de toutes parts à la fin, le prénom de Charlotte. Cet univers clos s'articule autour du fameux rocher, refuge hors du temps, mais aussi épicentre du monde réel qui entoure le héros.

Chez Massenet, Werther est un homme en souffrance, qui trouve en l'image de Charlotte, un reflet qui le calme, un Hollandais Volant, lui aussi condamné pour l'éternité.

Susan Graham (Charlotte)

Susan Graham (Charlotte)

Mais l'on ne peut pas dire que Susan Graham rende force compassionnelle au personnage de Charlotte. La voix est certes puissante, mais rien ne touche. Elle devient une sorte de mère un peu distanciée à l'air triste et affligé.

Franck Ferrari souffre de la comparaison avec Ludovic Tézier dont il n'a pas la même luminosité, l'austérité du timbre et la maturité physique en font tout de même un honnête Albert.

Ludovic Tezier dans Werther à l'Opéra Bastille

Pimpante et pleine d'entrain, Adriana Kucerova nous fait parfois sourire avec son français slavisé, et Alain Verhnes reste décidément un interprète qui donne beaucoup de personnalité à ses rôles (le Père de Louise aura été le plus attachant ces dernières années).

Avec Kent Nagano, les couleurs des préludes orchestraux se ternissent légèrement, peut être parce qu'il s'agit de maintenir une unité de la structure orchestrale, et de la déployer sans couvrir les chanteurs. D'ailleurs dans les deux derniers actes (les plus noirs), l'orchestre passe souvent au premier plan, capte l'auditeur pas ses pulsations et ses contrastes soudainement plus marqués, l'inertie d'ensemble paraissant lente mais fort majestueuse.

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Publié le 7 Juillet 2007

Don Carlo (Verdi)

Représentation du 09 octobre 2005 (Capitole de Toulouse)
 
Don Carlo Fabio Armiliato
Elisabeth de Valois Daniella Dessi
Rodrigo Ludovic Tezier
Philippe II Roberto Scandiuzzi
L’inquisiteur Anatoli Kotscherga
La princesse Eboli Béatrice Uria Monzon
 
Direction musicale Maurizio Benini
Mise en scène Nicolas Joel
 
Par un temps pareil, préférer s’enfermer dans un théâtre plutôt que de profiter de ce soleil d’automne, il faut quand même le faire.
Mais la presse encense ce spectacle à peine la première passée alors on y va.
La mise en scène est dépouillée dans un décor au plafond changeant (Christ en surplomb, cloître, patio ouvert …) rétrécissant en hauteur et en largeur en arrière plan. Le jeu des acteurs est également plutôt statique et peut renvoyer au Attila de José Dayan (le Kitsch en moins) qui nous avait fait sourire à Bastille il y a 2/3 ans.
 
Fabio Armiliato est à la hauteur du rôle. Profil longiligne (cela nous change un peu !), ce n’est que clarté vocale, vaillance, belle musicalité accompagnées d’une bonne présence scénique.
 
Ludovic Tezier est un Posa a donner des frissons (à la prison il tient plus que requis le « Lieto e a qui morra per te ») avec toutefois une attitude un peu distanciée.
 
Ensuite ça se discute : Roberto Scandiuzzi est un basse qui a du coffre et impressionne mais cela serait plus convaincant s’il y croyait un peu. Son « Ella giammai m’amo ! » laisse froid et son jeu scénique est inexistant.
 
Bien sûr Béatrice Uria Monzon a un tempérament sauvage (sait-elle faire autre chose ?) qui convient pour Eboli mais pour la subtilité et le charme vocal Olga Borodina et Dolora Zajick ont bien mieux pris soin de nos oreilles dans ce rôle.
 
Daniella Dessi est maintenant bien avancée dans sa carrière. Si sa voix a réellement un pouvoir émotionnel, c’est un peu à la manière de Callas en toute fin de carrière. Car ici on croirait la mère naturelle de Don Carlo plutôt que son amante. Ce chant expressif mais avec bien peu de grâce frustre dans le « Tu que le vanita ». A n’en pas douter, Adrienne Lecouvreur lui conviendrait tellement mieux.
 
Par contre Anatoli Kotscherga est impeccable en inquisiteur. L’entretien avec le roi commence avec beaucoup de réserve sans laisser présager de l’aplomb vocal avec lequel il condamne ensuite sans état d’âme Rodrigue.
 
Maurizio Benini affectionne particulièrement les passages lyriques et spectaculaires mais dans l’ensemble dramatise peu. Est-ce que le théâtre du Capitole n’est pas un peu juste pour l’ampleur de Don Carlo ?

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Publié le 6 Juillet 2007

Lucia di Lammermoor (Gaetano Donizetti)

Représentation du 09 septembre 2006 à l'Opéra Bastille
 
Mise en scène Andrei Serban
Décors et costumes William Dudley  

Lucia Natalie Dessay
Edgardo di Ravenswood Matthew Polenzani
Enrico Ashton Ludovic Tézier
Raimondo Bidebent Kwangchul Youn
 
Direction musicale Evelino Pidò

 

Dément ! je n’ai pas trouvé d’autres mots pour cette scène de folie qui ne vous arrache pas une seule larme mais vous laisse sans voix si j’ose dire.
Natalie Dessay fait de Lucia une femme se dépassant elle-même, ayant tellement accumulé qu’elle ne peut plus que libérer une énergie folle. L’enchevêtrement de tréteaux en est même escaladé sans y penser.
Cette démonstration d’agilité et de puissance (et ce cri d’effroi !), cet engagement inouï, semblent tellement périlleux pour sa voix que j’en ai eu peur pour elle.
On admire également cette propension à rechercher les situations casse-cou comme si Serban n’en faisait pas assez.

A l’inverse, que de sagesse chez Ludovic Tézier. Tout est beau. Jamais son chant ne risque une petite inflexion expressive histoire d’insuffler un peu plus d’énergie à une action limitée.
Tout est dans le regard et la voix. Un Enrico d’une intelligence froide.

Avec Kwangchul Youn nous avons notre ‘Alain Delon de l’opéra’. D’une classe remarquable, son autorité appuyée par la richesse d’une belle voix de basse capte l’attention à chacune de ses interventions.
 
Face à ces trois grand artistes, Matthew Polenzani peine un peu à s’affirmer et la grâce des premières notes de l’air final ‘Tombe degli avi miei’ semblent indiquer que Mozart pourrait être un répertoire qui le mettrait plus en valeur.
Edgar est un ténor un peu plus héroïque et soutenu par un registre suffisamment grave pour exprimer une force qui ici fait parfois défaut.
Cependant la scène de colère à la fin du IIième acte est très convaincante.
Natalie Dessay, Matthew Polenzani et Kwangchul Youn

Natalie Dessay, Matthew Polenzani et Kwangchul Youn

Etant un inconditionnel de Evelino Pido, un mot suffira : flamboyant.

Au rideau final, André Serban récolte les salutations bruyantes habituelles pour les mises en scènes décalées et qui doivent être aussi une forme d’expression de « bonne rentrée » adressée à Gerard Mortier.

Très habile, le metteur en scène revient une deuxième fois saluer seul rejoint alors par Natalie Dessay dont l’enthousiasme à son égard et les gestes moqueurs dirigés vers le public agité sont fort drôles : Quel ringard ce public parisien tout de même.

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Publié le 3 Juillet 2007

Un Bal Masqué à l'Opéra Bastille

Représentation du 01 juillet 2007

 
Lors de la file d’attente au guichet pour le Bal Masqué, le très sympathique Gilbert Deflo nous disait vouloir s’en tenir au livret situé à Boston et donc éviter toute transposition hasardeuse.
Effectivement, jamais nous ne serons pris à contre-pied : tenues guindées, aigle américain aux ailes déployées, élégante statue du gouverneur à l’effigie de Marcelo Alvarez, potence surplombée de deux sinistres vautours, une sorcière noire et trois salamandres constituent des éléments symboliques conformes à l’histoire.
Seulement ces scènes mises bout à bout génèrent un ennui certain lorsqu’elles ne sont liées que par une direction d’acteur minimaliste et qu’aucune recherche de dynamique des effets lumineux ne vient accentuer le discours musical.
 
Heureusement, le ténor argentin s’impose d’entrée avec aisance et nonchalance enthousiasmantes. Le timbre est généreux, chaleureux même, soufflant une ardeur teintée de sentiments affectés très latins. L’homme joue un gouverneur qui joue dans un monde qu’il ne prend pas au sérieux ; difficile de distinguer si les gesticulations sont celles du Comte ou bien de l’acteur laissé sans consignes. 
  
Face à un tel phénomène, Ludovic Tézier fixe un Renato « droit dans ses bottes », un homme d’honneur, dont la fierté se change en mépris quand se révèle la réalité des émois d’Amélia. La noblesse de ce rôle convient bien au chanteur même si les couleurs de sa tessiture évoquent plus une belle jeunesse qu’une autorité mature.
Le rictus glacial qui accompagne le geste meurtrier rappelle instinctivement Don Giovanni.
Marcelo Alvarez et Angela Brown (Acte II)

Marcelo Alvarez et Angela Brown (Acte II)

Grande voix Angela Brown ? assurément ! bien entendu il faut un certain goût pour les graves gonflés et caverneux, une certaine tolérance aux irrégularités et un vibrato, m’a-t-on dit, qui pourtant ne m’a aucunement gêné.  
Je n’aime pas que l’on raille son physique développé (et il faut voir de qui émanent ces critiques) surtout que je trouve beaucoup de beauté dans ce fascinant visage noir et les accents métalliques. « Morro, ma prima in grazia » à l’acte III est par ailleurs riches de nuances.
 
Ulrica bien tenue, Elena Manistina ne possède cependant pas une personnalité vocale suffisante pour camper une sorcière impressionnante. Mais que de fraîcheur dans cet Oscar espiègle que Camilla Tilling déroule de toute sa légèreté ! Elle est adorable.
 
Enfin, Semyon Bychkov fait une entrée réussie à l’Opéra de Paris. Il avantage les chanteurs par un choix de tempi mesurés et libère toute l'énergie de l'orchestre dans les moments clés comme l'arrivée spectaculaire du Comte, l'ouverture tourmentée du second acte (digne de Tchaïkovsky) ou bien l'angoissante avancée d'Amélia vers l'urne, tension qui évoque les sombres intrigues de Don Carlo et Otello.
Ludovic Tézier et Camilla Tilling (Acte III)

Ludovic Tézier et Camilla Tilling (Acte III)

Saluons la scène du bal masqué et la réussite des danses enlevées exécutées par des personnages de la Commedia dell'Arte.

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