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Publié le 9 Octobre 2012

Boris Godounov (Modest Moussorgski)
Représentation du 30 septembre 2012
Teatro Real de Madrid

Boris Godounov Günther Groissböck
Fiodor Alexandra Kadurina
Yenia Alina Yarovaya
La nourrice de Yenia Margarita Nekrasova
Le prince Chuiski Stefan Margita
Andrei Chelkalov Yuri Nechaev
Pimen Dmitry Ulyanov
Gregory Michael König
Marina Mnishek Julia Gertseva
Rangoni Evgeny Nikitin
Varlaam Anatoli Kotscherga
Misaïl John Easterlin
La tavernière Pilar Vasquez
L’innocent Andrey Popov

Dramaturge Jan Vandenhouwe

Mise en scène Johan Simons
Direction musicale Harmut Haenchen

Pequeños Cantores de la Jorcam
Coro y Orquesta Titulares del Teatro Real              Yuri Nechaev (Andrei Chelkalov)

Dans un contexte de crise sociale et de réductions budgétaires dur et inquiétant, le mérite de Gerard Mortier et de ses équipes à maintenir les représentations de la nouvelle production du Teatro Real renforce notre estime à leur égard.

Des considérations autres que le simple remplissage des caisses les motivent, ce qui rend si nécessaire la reconnaissance pour de tels exemples, à notre époque en particulier.

Connaître et suivre le travail de ces personnes qui cherchent à faire avancer la pensée, malgré un conformisme et une pauvreté réflexive ambiante, donne du courage dans la vie.

Boris Godounov (Groissböck-Haenchen-Simons) Madrid

 “Le Real est un des théâtres les plus pauvres d’Europe” s’insurge Mortier dans les pages du journal généraliste El País (l’équivalent du journal Le Monde en France), mentionnant qu’il a du obtenir des costumes d’une ONG humanitaire pour tenir un objectif de coût très contraignant.

La Semaine d’après, il aborde la culture d’un point de vue plus général,  “Il faut en finir avec l‘idée que l‘art est un luxe”, pointant du doigt une crise qui est aussi une crise humaine, et pour laquelle l’art est autant un moyen de connaissance de soi que de compréhension du monde.

La programmation de Boris Godounov, réflexion sur le pouvoir et ses répercutions populaires, politiques, familiales et intimes, prend ainsi une résonance contemporaine qui dépasse le simple déroulé temporel de l’histoire russe.

La musique est prodigieusement colorée, les grands élans épiques, les implorations religieuses et les petites scènes de vie composent une fresque animée d’un courant profondément grave et identitaire, et, de cette magnifique structure, deux grandes descriptions fondent la puissance de l’œuvre, les tournoiements complexes de l’âme de Boris, et les invocations chorales du peuple, autant spirituelles qu’elles peuvent être viscérales.

Anatoli Kotcherga (Varlaam) et John Easterlin (Misail)

Anatoli Kotcherga (Varlaam) et John Easterlin (Misail)

Rappelons que depuis la version initiale de 1869, Modest Moussorgski a créé une version définitive, trois ans plus tard, ajoutant l’acte polonais, la scène de la révolte et quelques passages (chanson du canard, chanson des enfants, évocation du perroquet).

Mais il a aussi considérablement remanié la scène des appartements royaux au Kremlin et supprimé plusieurs récits de Pimène, la fin du prologue, et surtout le tableau sur la place de la cathédrale Saint Basile à Moscou.

Il s’agit de cette seconde version, achevée en 1872 mais représentée au Théâtre Mariinski seulement en janvier 1874, que le public madrilène découvre pour la première fois, réintégrant le tableau original de Saint Basile. Cet ajout permet à la fois de donner une importance inédite au chœur et d’approfondir le drame, car l’on y entend un peuple affamé qui commence à perdre la raison.

Alexandra Kadurina (Fiodor), Günther Groissböck (Boris Godounov) et Alina Yarovaya (Yenia)

Alexandra Kadurina (Fiodor), Günther Groissböck (Boris Godounov) et Alina Yarovaya (Yenia)

On a souvent injustement reproché à Mortier de privilégier le théâtre à la musique, il prouve encore aujourd’hui que la matière et les motifs orchestraux sont fondamentalement la structure centrale de ses spectacles. S’il a du réduire légèrement l’effectif du chœur à 82 chanteurs, au lieu d’une centaine d’artistes, les 16 premiers violons sont présents, et cela s’entend.

Harmut Haenchen, à qui l’on doit un Parsifal inoubliable à l’Opéra de Paris, cisèle des tissures amples et onduleuses, fascinantes par leurs mouvements dispersifs et leurs remous troubles soudainement jaillissants. On entend des effets frissonnants et glaçants, un flot envahissant et prenant qui met en avant le pouvoir des cordes et des archets à former des ondes musicales souples, et à en varier les couleurs.

En revanche, le chef d’orchestre semble avoir des réserves à insuffler une vitalité intense ainsi que des revirements violents  - à moins que cela ne soit un choix volontaire - qui pourraient créer un allant presque sanguin. Cela se ressent dans l’acte polonais, étonnamment atone à partir de l’arrivée des invités.

Michael König (Gregory) et Julia Gertseva (Marina Mnishek )

Michael König (Gregory) et Julia Gertseva (Marina Mnishek )

Autre protagoniste essentiel à la sombre destinée de cet opéra, le chœur du Teatro Real est renforcé par les petits chanteurs de la Jorcam, comme pour Iolanta, un ensemble qui atteint une force phénoménale dans le saisissant tableau de la place de la cathédrale Saint-Basile.

Ce passage pivot permet aux enfants d’enjouer de leur chant spontané la salle entière, mais on peut aussi y voir la volonté de Mortier de créer les occasions qui permettent aux tout jeunes de connaître une expérience musicale déterminante pour eux-mêmes, afin qu'ils l'emportent dans leur vie et la dissipe avec toute leur humanité vers leur entourage. Au cours du temps, la musique peut changer l’être et son rapport aux autres.

Pour en revenir au pouvoir du chœur, celui-ci a eu un peu de mal à se synchroniser en première partie autant avec lui-même qu’avec l’orchestre, puis, il a trouvé au fur et à mesure son unité pour affronter ce fameux quatrième acte.

Dmitry Ulyanov (Pimène)

Dmitry Ulyanov (Pimène)

Günther Groissböck est un chanteur qui ne possède pas l’ampleur vocale sombre et caverneuse caractéristique des basses russes. Il accorde cependant un soin à l’expression et à la crédibilité de son personnage moderne, et lui donne une présence naturellement humaine.
Sa confrontation avec Stefan Margita, le prince Chuiski, est son plus beau moment, car il est poussé dans ses retranchements par la puissance incisive du ténor slovaque, une froideur glaçante terriblement affirmée.

Dans la scène des appartements - une des plus fortes de Johan Simons dépeignant avec justesse l'impossible résistance d'une jeunesse inconsciente, celle de Fiodor, à résister au conditionnement adulte qui va  faire de lui un être stratège et dominateur - Alexandra Kadurina réalise un magnifique portrait plein de vie du jeune héritier, prolongé par le jeu que lui assigne le metteur en scène en l’isolant seule au dessus de l’orchestre, dans l’ombre, puis en réintégrant sa relation à ses proches, sa sœur en particulier (très sensible Alina Yarovaya dans sa tentative consolatrice).

Alexandra Kadurina (Fiodor) et Alina Yarovaya (Yenia)

Alexandra Kadurina (Fiodor) et Alina Yarovaya (Yenia)

On voulait une grande basse russe, Dmitry Ulyanov porte la haute stature attendue de Pimène, avec ses accents de métal et une résonnance sonore qui en font une voix d’une force surnaturelle.
Yuri Nechaev s’impose également dans la grande scène de la Douma, concentré de sévérité parfaitement maitrisé.

Anatoli Kotscherga fut un impressionnant Boris Godounov du temps de Mortier à Salzbourg, et, fidélité oblige, s’il ne peut plus être raisonnablement le Tsar, son sens de la comédie outrée lui permet d’être un Varlaam outrancier, drôle à suivre dans ses saouleries et ses mimiques comiques.

Deux rôles majeurs, très opposés, sont plus difficiles à apprécier sans ressentir une certaine gêne. Michael König est en permanence dans une posture désabusée et terne, y compris vocalement, si bien qu’aucun souffle un tant soit peu idéaliste n‘en émane.
Julia Gertseva en est le contraire, opulente et généreuse tant qu’elle ne déforme pas son émission dans les aigus, l’impression de volume prenant finalement le dessus sur la finesse vocale.

Günther Groissböck (Boris Godounov)

Günther Groissböck (Boris Godounov)

Johan Simons a choisi de situer le drame - les contraintes économiques se font cruellement sentir - dans un décor unique de la grande cour centrale d'un immeuble délabré.

Il montre un visage de la Russie d’aujourd’hui sombre, et rappelle fortement celui présenté par Dmitri Tcherniakov dans La Légende de la ville invisible de Kitège à Amsterdam en début d’année.

Dans les deux cas, un pouvoir autoritaire pousse le peuple vers l’anarchie et la révolte terroriste, cette dernière étant rendue avec une très grande force orchestrale et scénique à travers une marche décidée et mécanique saisissante.

Simons joue également sur les correspondances entre la froideur inquiétante des ombres laissées par les éclairages, comme lors de l’arrivée du garde sorti d'un interstice de la façade au début du prologue, et la noirceur des ondes ténébreuses de la musique de Moussorgski.

L'innocent (Andrey Popov) et les enfants (Petits Chanteurs de la Jorcam)

L'innocent (Andrey Popov) et les enfants (Petits Chanteurs de la Jorcam)

En fait, son portrait de la Russie où les valeurs religieuses se diluent dans l’alcool et la décadence ne tend qu’à montrer son incroyance en un pouvoir, même bureaucratique, apte à sauver le peuple.

On ne sort pas plus optimiste de ce spectacle, mais plutôt imprégné d’une beauté musicale triste, accentuée par une vision apocalyptique uniquement illuminée par la présence des enfants et leur espérance.

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Publié le 13 Septembre 2010

Eugène Onéguine (Piotr Ilyitch Tchaikovski)
Représentation du 11 septembre 2010

Théâtre Royal de Madrid

Madame Larina Makvala Kasrashvili
Tatiana Tatiana Monogarova
Olga Oksana Volkova
La Nourrice Nina Romanova
Lenski Alexey Dolgov
Eugène Onéguine Mariusz Kwiecen
Le Prince Grémine Anatolij Kotscherga
Zaretski Valery Gilmanov

Mise en scène Dmitri Tcherniakov

Direction musicale Dmitri Jurowski
Solistes, Orchestre et Chœurs du Bolchoï
 

                                                                                             Mariusz Kwiecen (Eugène Onéguine)

En septembre 2008 Gerard Mortier ouvrait sa dernière saison parisienne avec la volonté de faire connaître au public parisien un nouveau metteur en scène : Dmitri Tcherniakov.

Sa réflexion sur Eugène Onéguine prenait l’apparence d’un classicisme typique de la Comédie Française pulvérisé de toute part par des touches ironiques totalement absentes du livret, et l’on pourrait n’attirer l’attention que sur la manière dont Lenski était tourné en dérision par son entourage, y compris Olga.

Deux ans après, jour pour jour, le Teatro Real de Madrid a donc l’honneur de découvrir ce travail scénique déjà longuement commenté dans ces pages.

Tatiana Monogarova (Tatiana)

Tatiana Monogarova (Tatiana)

On pourrait se croire lassé par une production qui fut également diffusée sur Arte puis éditée en DVD, et pourtant, la libération émotionnelle de Tatiana, seule à sa table et s’ouvrant entièrement à Onéguine avec une tension croissante, engendre un frisson électrisant qui trouve son origine dans une vérité trop justement exprimée.

Il en va de même de cette véritable exécution à cœur ouvert que subit Tatiana, opposée à celui qu’elle aime de part et d’autre des extrémités de l’immense table.

Toute l’approche de Dmitri Tcherniakov est une mise en valeur du courage qu’implique la résistance au mimétisme des attitudes conventionnelles, un constat de la facilité avec laquelle l’entourage social tombe dans le convenu uniforme et le dérisoire.

Et c’est dans les couleurs les plus intimes que l’orchestre du Bolchoï  fond, sous la main de Dmitri Jurowski, un rendu sonore au cœur battant.

En revanche, les scènes de fêtes s’animent d’un élan très contrôlé avec une étrange manière de conclure les mouvements théâtraux avec force excessivement appuyée, quand ce ne sont pas les cors qui exagèrent.

Tatiana Monogarova (Tatiana)

Tatiana Monogarova (Tatiana)

Tous les chanteurs sont conviés à rendre vie à leurs personnages selon des lignes bien précises, Olga (Oksana Volkova) désinvolte et insensible que l’on devine très bien en future Madame Larina - rôle repris par Makvala Kasrashvili avec un peu moins de finesse qu’à l‘Opéra Garnier - , Tatiana qui souffre, sans mépris, son entourage complètement stupide - jeune paysanne dont Tatiana Monogarova décline les tourments d’une voix claire et subtilement ondulée, et avec des regards aussi miraculeux de lucidité et d’humanité que ceux de sa compatriote Ekaterina Shcherbachenko, elle aussi présente en alternance.

Dans ce monde indifférent, Alexej Dolgov se révèle un interprète impulsif de Lenski.
Son être vit au plus près d’une âme aussi entière que celle de Tatiana, mais qui ne peut éviter, par imprudence et manque de distanciation, de tomber et d’y laisser sa peau.
Son chant s’approche moins de la préciosité bourgeoise que de l’authenticité populaire.

Mariusz Kwiecen (Eugène Onéguine) et Alexej Dolgov (Lenski)

Mariusz Kwiecen (Eugène Onéguine) et Alexej Dolgov (Lenski)

Rodé à son rôle d’homme en recherche de contenance et d’un pathétique besoin de reconnaissance au dernier acte, Mariusz Kwiecen est l’immature à la voix mûre, la noirceur charmeuse.

Il retrouve un autre partenaire des représentations parisiennes, Anatolij Kotscherga, plus appliqué à Madrid à affiner une douceur décalée en regard d’une autorité lucide et de fer.

Bien que d’une rondeur plus maternelle, la voix de Nina Romanova ne fait pas oublier celle de Emma Sarkisyan, usée, mais plus humaine par le vécu qu’elle évoquait.

A l’occasion de la Noche en Blanco, la retransmission du spectacle sur la plaza de Oriente a attiré environ deux mille personnes, pas autant que pour une star nationale comme Placido Domingo, mais avec un même enthousiasme, surtout lorsque les artistes vinrent saluer au balcon du Théâtre Royal.

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Publié le 7 Septembre 2008

Eugène Onéguine (Piotr Ilyitch Tchaikovski)

Représentations du 04 et du 06 septembre 2008
O
péra Garnier

Madame Larina        Makvala Kasrashvili
Tatiana                     Ekaterina Shcherbachenko
Olga                         Margarita Mamsirova
La Nourrice              Emma Sarkisyan
Lenski                      Andrey Dunaev
Eugène Onéguine      Mariusz Kwiecen
Le Prince Grémine    Anatolij Kotscherga
Zaretski                    Valery Gilmanov

Mise en scène          Dmitri Tcherniakov

Direction musicale    Alexander Vedernikov

Solistes, Orchestre et Choeurs du Théâtre Bolchoï

Avec cette histoire de sentiments piétinés et méprisés qui conduisent Tatiana à trouver dans sa douleur la force de bâtir sa personnalité sociale, la sensibilité et l'intelligence d'un réalisateur comme Dmitri Tcherniakov étaient le gage d'une représentation qui mette l'âme à vif.

C'est bien ce qui s'est produit.           M.Mamsirova (Olga) et E.Shcherbachenko (Tatiana)

Partant d'un décor unique construit autour d'une large table circulaire, de costumes élégamment dessinés en camaïeu beige pour la campagne ou bien gris pour la haute société, c'est tout l'univers d'un monde conventionnel qui est animé et détaillé afin d'en exposer l'agitation et l'insensibilité.

Ainsi lui est opposé l'attitude apparemment réservée de la jeune fille derrière laquelle se dissimule une violente affection.

Tout est rituel ici, même les pleurs de la mère de Tatiana pensant à son mari défunt et qui revient à la joie automatiquement pour reprendre son rôle de femme maîtresse des lieux.

 

 

Makvala Kasrashvili (Madame Larina)

 

La caractérisation du milieu social est donc un des points forts. On pourra citer cette idée ingénieuse de réunir le chœur autour de la même table au premier tableau comme une grande réunion de famille, ou bien la scène festive chez madame Larine qui aboutit à un summum du délire collectif.

Pour accentuer l'état d'esprit des convives, s'ajoute la célébration de l'anniversaire de Tatiana par des gens qui n'ont comme seule envie que d'en profiter, pour s'offrir un peu de divertissement sans connaître et encore moins comprendre la personne vers laquelle convergent les cadeaux.

Cette scène atteint son paroxysme lorsque Lenski se met à imiter Monsieur Triquet (tout en trafiquant sa voix) pour amuser grassement la galerie, petite entorse au livret mais à fin dramatique, et marquer encore plus le malaise de Tatiana face à cette ambiance insensée.
Car quelque part, le poète va au suicide en se comportant ainsi.
Et l’on appréciera le baiser consolateur de Tatiana pour Lenski adressé à celui qui, comme elle, est authentique dans ses sentiments et doit le rester.    Chez madame Larine

La description de la haute bourgeoisie au 3ième acte est d’ailleurs très intéressante car finalement elle montre un milieu qui n’a de différent avec le milieu rural que son faste.

Ekaterina Shcherbachenko (scène de la lettre)

Ekaterina Shcherbachenko (scène de la lettre)

Le même rituel, le même attachement au respect du patriarche (Grémine joue le même rôle que Madame Larine car ils ont un pouvoir sur leur entourage) et cette table qui maintient toujours une distance infranchissable entre chacun.  

 

Cependant, l’autre force de cette interprétation est tout entièrement contenue dans le rôle de Tatiana magnifiquement porté par Ekaterina Shcherbachenko

 

Pas de simagrées inutiles ici, au calme que la convenance sociale attend d’elle se substitue, lorsque qu’elle se trouve seule, de soudaines décharges d’émotions suivies de vaines tentatives de reprises.

Ekaterina Shcherbachenko

Ekaterina Shcherbachenko

Elle écarte même violemment la table et monte dessus pour enfin approcher en songe celui qu’elle aime.

Tous les gestes sont justes pour atteindre la vérité d’une adolescente qui cherche les mots et la manière de communiquer sa passion à Onéguine.

 

Qui a vécu cela sincèrement dans sa vie ne peut qu’être impliqué et attentif à la moindre expression car cela réveille ce qu’il y a de plus vital en soi.

Ekaterina Shcherbachenko

Ekaterina Shcherbachenko

Et c’est un fort ressenti qui surgit lorsque les lumières rayonnent d’une puissance équivalente à ce que cette jeune amoureuse vit intérieurement, le lustre surplombant la scène brillant alors avec une intensité telle qu’elle perce l’œil comme la douleur perce son cœur.

La transformation au dernier acte est tout aussi spectaculaire que fragile, les furtives compulsions de Tatiana ne laissant aucun doute sur l’existence réelle de ses sentiments envers Onéguine malgré l’effort tragique avec lequel elle les étouffe.

 

Dmitri Tcherniakov ne semble avoir qu’une petite difficulté : convaincre de sa transposition de la scène de duel (très belle lumière hivernale) qui devient une bagarre un peu confuse entre Onéguine et Lenski.

 

Cependant là aussi, la mort du poète s’approche du crédible par sa soudaineté.

Ekaterina Shcherbachenko

Ekaterina Shcherbachenko

Alors il est vrai que face à ce travail théâtral remarquable, l’oreille est plus distraite.

Alexander Vedernikov dirige l’orchestre du Bolchoï avec punch mais aussi un sens de l’intime dans la mise en valeur des solistes.

 

Il concourt impeccablement au concept d’ensemble d’un milieu clos que renforce la petite bonbonnière de l’opéra Garnier.

Ekaterina Shcherbachenko

Ekaterina Shcherbachenko

Ekaterina Shcherbachenko, voix très pure, fascine par la perfection de son visage de cire et contribue à ajouter une impressionnante sophistication qui la distancie encore plus d’Onéguine au dernier tableau.

 

C’est un plaisir également immense que de voir et entendre Makvala Kasrashvili s’en donner à cœur joie dans son rôle de matriarche, et Emma Sarkisyan est très touchante en nourrice.

 

La distribution masculine est particulièrement soignée pour la première représentation que ce soit l’élégance vocale de Mariusz Kwiecen, la clarté et la sensibilité d’Andrey Dunaev ou bien l’autorité incontestable d’Anatolij Kotscherga.

 

Le scandale levé par madame Galina Vishnevskaya et rapporté par le New York Times n’est finalement que cinéma inutile.

 

Vivement la sortie du DVD à Noël et la retransmission sur Arte, afin de fixer la représentation du 10 septembre 2008!

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Publié le 7 Juillet 2007

Don Carlo (Verdi)

Représentation du 09 octobre 2005 (Capitole de Toulouse)
 
Don Carlo Fabio Armiliato
Elisabeth de Valois Daniella Dessi
Rodrigo Ludovic Tezier
Philippe II Roberto Scandiuzzi
L’inquisiteur Anatoli Kotscherga
La princesse Eboli Béatrice Uria Monzon
 
Direction musicale Maurizio Benini
Mise en scène Nicolas Joel
 
Par un temps pareil, préférer s’enfermer dans un théâtre plutôt que de profiter de ce soleil d’automne, il faut quand même le faire.
Mais la presse encense ce spectacle à peine la première passée alors on y va.
La mise en scène est dépouillée dans un décor au plafond changeant (Christ en surplomb, cloître, patio ouvert …) rétrécissant en hauteur et en largeur en arrière plan. Le jeu des acteurs est également plutôt statique et peut renvoyer au Attila de José Dayan (le Kitsch en moins) qui nous avait fait sourire à Bastille il y a 2/3 ans.
 
Fabio Armiliato est à la hauteur du rôle. Profil longiligne (cela nous change un peu !), ce n’est que clarté vocale, vaillance, belle musicalité accompagnées d’une bonne présence scénique.
 
Ludovic Tezier est un Posa a donner des frissons (à la prison il tient plus que requis le « Lieto e a qui morra per te ») avec toutefois une attitude un peu distanciée.
 
Ensuite ça se discute : Roberto Scandiuzzi est un basse qui a du coffre et impressionne mais cela serait plus convaincant s’il y croyait un peu. Son « Ella giammai m’amo ! » laisse froid et son jeu scénique est inexistant.
 
Bien sûr Béatrice Uria Monzon a un tempérament sauvage (sait-elle faire autre chose ?) qui convient pour Eboli mais pour la subtilité et le charme vocal Olga Borodina et Dolora Zajick ont bien mieux pris soin de nos oreilles dans ce rôle.
 
Daniella Dessi est maintenant bien avancée dans sa carrière. Si sa voix a réellement un pouvoir émotionnel, c’est un peu à la manière de Callas en toute fin de carrière. Car ici on croirait la mère naturelle de Don Carlo plutôt que son amante. Ce chant expressif mais avec bien peu de grâce frustre dans le « Tu que le vanita ». A n’en pas douter, Adrienne Lecouvreur lui conviendrait tellement mieux.
 
Par contre Anatoli Kotscherga est impeccable en inquisiteur. L’entretien avec le roi commence avec beaucoup de réserve sans laisser présager de l’aplomb vocal avec lequel il condamne ensuite sans état d’âme Rodrigue.
 
Maurizio Benini affectionne particulièrement les passages lyriques et spectaculaires mais dans l’ensemble dramatise peu. Est-ce que le théâtre du Capitole n’est pas un peu juste pour l’ampleur de Don Carlo ?

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