Publié le 16 Février 2015
Ensemble intercontemporain
Représentation du 13 février 2015
Philharmonie 2 – Salle des concerts
Matthias Pintscher
A twilight’song, pour soprano et sept instruments
Anton Webern
Six pièces, op.6, pour orchestre de chambre
Arturo Fuentes
Snowstorm, pour ensemble
Aribert Reimann
Nacht-Räume, pour piano à quatre mains et soprano
Hans Werner Henze
Being Beauteous, pour soprano colorature, harpe et quatre violoncelles
Yeree Suh, soprano
Dimitri Vassilakis, Sébastien Vichard, pianos
Ensemble intercontemporain
Direction musicale Matthias Pintscher
C’est à une soirée intégralement dédiée à l’art musical d’après-guerre que l’ensemble Intercontemporain vient de convier un public curieux d’atmosphères abstraites et de sonorités étranges.
Christine Shaefer devait être, dans un premier temps, l’interprète féminine irradiante de sa voix adolescente si profonde et fragile. Elle a néanmoins choisi de privilégier sa vie personnelle en se faisant remplacer par la jeune soprano colorature Yeree Suh.
Celle-ci, très différente, est par son naturel et son chant souriant et perceptiblement vibrant – harmonieusement lié aux élans mystérieux de la musique- , l’ange aérien de Saint-François d’Assise.
Dans la première pièce, A twilight’song, on retrouve l’écriture austère qui caractérise nombre d’œuvres contemporaines, égrainant des comas furtives qui ne s’inscrivent jamais dans une phrase temporelle longue et continue. On ne peut s’empêcher de penser aux propos de Renaud Machart, critique et homme de radio, qui avait caricaturé avec grand sens du spectacle ces ‘tics’ mécaniques lors de la création d’Akhmatova (Bruno Mantovani) à l’opéra Bastille.
Cependant, ces ‘marques’ de ce répertoire sont transcendées dans la pièce de Matthias Pintscher par une expérience acoustique qui insère des sons cristallins tenus sur une même tonalité jusqu’à leur évanouissement total dans l’espace de la salle des concerts.
Les six pièces, op.6, d’Anton Webern, dans leur version réduite pour orchestre de chambre, ne font que conforter un climat sinistre, et faire mieux ressortir l’énergie tournoyante et jouissive, presque hilarante, de la création d’Arturo Fuentes jouée pour la première fois à l’auditorium de l’opéra de Bordeaux deux jours avant. En émergent des tubulures caustiques et un foisonnement inventif qui pourraient faire croire à l’effervescence d’une scène de vie animale à la campagne, un jour de printemps.
Pourtant, le compositeur ne fait que recréer le souffle imprévisible d’une tempête de neige. Et lorsque l’on demande à chacun quelles images lui furent évoquées, on se rend compte que snowstorm est une œuvre que l’auditeur peut s’approprier pour y projeter son imaginaire personnel. Ce rapport au vivant fantastique pourrait ainsi parfaitement s’intégrer à un opéra naturaliste, afin d’en décrire une scène forte.
Dans la seconde partie, Nacht-Räume, écrit par Aribert Reimann pour une soprano accompagnée au piano, se vit comme une préparation abstraite et intérieure à la pièce qui va suivre, Being Beauteous, de Hans Werner Henze.
Car les soupirs longs et pathétiques des violoncelles nous ramènent aux vérités silencieuses et essentielles de la vie et de ses peines.