Eclipse totale de soleil du 20 mars 2015 au Spitzberg (Svalbard)
Publié le 27 Mars 2015
Éclipse totale de soleil du vendredi 20 mars 2015 au Spitzberg (Svalbard)
Circonstances de l’éclipse totale de soleil
Une éclipse de soleil est un évènement extraordinaire pour ceux qui se trouvent dans une région parcourue par l’ombre de la Lune, car elle évoque, plus ou moins consciemment, une réunion idéale de deux forces contradictoires : l’une rayonnante et puissante, l’autre irrationnelle et obscure.
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Celle qui vient de se produire sur les Iles Féroé et l’Archipel du Svalbard est cependant sur le déclin, car elle appartient à un cycle d’éclipses totales finissant, dont la dernière manifestation aura lieu le 30 mars 2033 en Alaska, soit dans 18 ans 11 jours et 8 heures.
C’est ce que l’on appelle un cycle de Saros, le 120ème dans ce cas précis, qui s’étale sur plus d’un millénaire.
Lire également Spitzberg : Focus sur l'éclipse totale de soleil du 20 mars 2015
Trajectoire de l’éclipse totale de soleil du 20 mars 2015 sur le Svalbard (Saros 120) - selon le site de Xavier Jubier
A chaque retour cyclique, la trajectoire de l’ombre de la Lune se rapproche du pôle Nord, avant de quitter définitivement le sol terrestre.
Peu de personnes ont donc été témoins de cette éclipse en 2015, les 2.500 habitants du Spitzberg – l’île principale du Svalbard, les 50.000 habitants des Iles Féroé, et les moins de 10.000 visiteurs internationaux qui se sont rendus sur les deux archipels.
Présentation du Svalbard
Le Svalbard est la désignation par les Vikings, en vieil islandais, de cette terre qu’ils découvrirent au 12ème siècle , les « côtes froides ».
Plus tard, au 16ème siècle, le navigateur hollandais Willem Barents aborda l’île principale qu’il nomma « Spitsbergen », les « montagnes pointues ».
Quatre mers et océan en bordent ses rives : la mer de Norvège, la mer du Groenland, la mer de Barents et l'océan Arctique.
Et, de par sa proximité avec le Pôle Nord distant de moins de 1.100 km, les expéditions polaires aériennes prirent, au début du XXème siècle, cet archipel comme point d’envol. Certaines s’achèveront dans des conditions dramatiques.
Conséquence de son lent déplacement depuis les zones équatoriales jusqu’à plus de 78° de latitude nord, le sous-sol du Svalbard est riche en fossiles d’animaux et de végétaux, ainsi qu’en ressources de charbon.
Longyearbyen, la capitale administrative, est une ville minière qui a considérablement évolué pour devenir un centre universitaire (UNIS). Elle dispose d’un aéroport depuis 1975, est surplombée d’un réseau d’antennes – SVALSAT – offrant des services de communication aux opérateurs internationaux (EUMETSAT, NASA, ESA, NOAA …), et devient maintenant une base d’accueil touristique.
Il était possible – comme certains observateurs l’ont fait – de ne venir au Spitzberg que 48 heures pour observer l’éclipse de soleil, mais il est bien plus intéressant de profiter de cet évènement naturel pour explorer un peu cette région inhospitalière en hiver. Car même le jour de l’équinoxe de printemps, les températures descendent à -25°C, heureusement en l’absence de tout vent.
Randonnée vers le point d’observation
Afin de rejoindre le point d’observation situé à 450m au-dessus du niveau de la mer sur le plateau du Plataberget, au sud-ouest de Longyearbyen, trois jours de marche et de repérage (30km) vont être nécessaires.
Emplacement du point d’observation sur le plateau de Plataberget à 35km de la ligne de centralité. Tracé – en vert – du parcours d’exploration.
Après la remontée de la vallée enneigée de Bjordalen, la progression se poursuit en longeant les flancs de Nordenskioldfjellet (1053m), puis, aboutit sur le plateau où le campement sera posé à l’abri des vents du glacier de cette montagne. Au loin, à l’ouest et à la même altitude, des motoneiges rejoignent les coupoles de SVALSAT.
Observation de l’éclipse
11h00 : Observation de la phase partielle (80%) de l’éclipse de soleil, 10 minutes avant la totalité.
Alors que l’atmosphère des jours précédents était relativement voilée, c’est sous un ciel bleu azur que nous nous réveillons le vendredi 20 mars, jour de l’éclipse. Le soleil n’est qu’à quelques degrés au-dessus du plateau de Gruvefjellet, séparé du notre par la vallée de Longyeardalen. Et rien, même pas les quelques nuages de basse altitude qui recouvrent les sommets de bord de mer de l’autre côté de l’Isfjorden, le principal fjord de l’archipel, n’apparait menaçant.
Seul le froid glaciaire va rendre l’attente et l’observation un peu pénibles.
Phases partielles de l’éclipse entre le 1er et le 2d contact : 10h18 (10%), 10h32 (33%), 10h42 (50%), 10h57 (75%), 11h04 (85%). ISO 100, Focale 400mm, vitesse 1/8s, ouverture5.6 (Panasonic Lumix DMC-FZ72)
A 10h12mn, la lune commence à s’interposer entre le soleil et la Terre, alors que son ombre se rapproche à une vitesse de 6000 km/h. Il ne lui faut qu’une petite heure pour recouvrir l’intégralité du disque, en laissant un croissant orange – vu à travers les filtres solaires – s’affiner au fur et à mesure que l’alignement se forme.
Quelques observateurs manifestent leur présence, à motoneige, à skis, et même depuis la nacelle d’une montgolfière qui s’élève au loin vers l’est.
A 11h10mn, les restes des rayons lumineux scintillent le long de la surface lunaire, le diamant brille irrésistiblement, se rétrécie, et, à 11h10mn et 40s, le plateau du Plataberget plonge subitement dans le bleu de la nuit.
Plataberget 11h11 : Protubérances solaires au second contact. ISO 100, Focale 660mm, vitesse 1/1000s, ouverture 5.6.
La couronne solaire n’est qu’à 11° d’altitude, près du sommet du Trollsteinen (850m). L’allongement ellipsoïdal de l’ombre se devine par les courbes en dégradé qui illuminent l’horizon, sauf dans la direction du soleil noir.
Plataberget 11h11mn : Vision scénique de l’éclipse. ISO 100, Focale 36mm, vitesse 1/6s, ouverture 3.5.
Les protubérances solaires sont nombreuses et importantes sur la surface occidentale de l’astre solaire, et l’observation entière de l’éclipse se déroule dans un calme sidérant.
A l’opposé du soleil, les nuages d’Isfjorden se sont noircis, et les sommets baignés par les glaciers qui se déversent dans la mer du Groenland semblent comme étouffés sous les lueurs sombres et rougeoyantes qui entourent l’ombre.
Seules 2mn et 25s de nuit polaire sont laissées à ce spectacle total, et le second diamant en annonce la fin. D’incroyables ombres volantes convergent soudainement vers lui, comme si la roue géante d’un vélo tournait et projetait ses rayons sur le sol totalement blanc.
La dernière partie de l’éclipse, moins assidument suivie, se déroule en moins d’une heure jusqu’à 12h12mn.
Si le vent ne s’est pas levé dans la suite du phénomène, la température, elle, est passée de -18°C à -26°C !
Et à notre grande surprise, les appareils photographiques grands publics non tropicalisés (type Nikon, Panasonic …) tiennent le choc alors qu’ils ne sont pas garantis pour les températures négatives.
Après l’éclipse
L’après-midi de ce jour de printemps est ensuite consacré à la découverte du plateau du Plataberget et de ses vues sur LongYearbyen et l’Isfjorden, ainsi qu’à l’observation du renne de Svalbard, le plus petit et le plus trapu des neuf sous-espèces de rennes.
Puis, les jours qui suivent, nous rejoignons Longyearbyen par le goulot encaissé de Blomsterdalen – la vallée des fleurs -, pour entrer dans la vallée de Bolterdalen.
La finesse des découpes des rochers sur le fond blanc immaculé transforme en œuvre d’art le paysage qui semble dessiné à l’encre de Chine, avec le même raffinement que les peintures mystiques des montagnes célestes d’Extrême-Orient.
De plus, les jours continuent à s’allonger de 15 minutes par jour pendant tout le mois de mars, et, à minuit, les lueurs du soleil sont dorénavant perceptibles.
Accompagnement
Progresser sur les terres glacées du Svalbard n’est pas entreprise facile.
En outre, affronter le froid nécessite une organisation et un rituel rigoureux, et la présence de l’ours polaire, protégé depuis 1973 et maître des lieux, rend obligatoire d’être armé et accompagné de chiens.
Emmanuel Poudelet observant l’éclipse. Dans les airs, une montgolfière surveille l’arrivée de l’ombre de la lune.
Pour sécuriser ces jours d’explorations, il fallait donc un guide vigilant, déterminé et attentif. Cet esprit d’engagement enthousiaste, nous l’avons trouvé en Emmanuel Poudelet, à qui l’on doit un soutien et une énergie qui ont été, tous les jours, une leçon pour chacun d’entre nous, malgré les aléas inhérents à la mission.
C’est également l’un des buts de ces expéditions, rencontrer les véritables exemples, pour ne pas dire les véritables héros, d’aujourd’hui.
Pour approfondir ses propres connaissances sur le Svalbard :
Carte topographique du Svalbard
Base de connaissance sur le Svalbard