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Publié le 11 Juillet 2021

Jeunes danseurs – Ballet de l’Opéra national de Paris
Représentation du 10 juillet 2021 - 14h30
Palais Garnier

La fête des fleurs à Genzano (1858)
Musique Holger-Simon Paulli - Chorégraphie August Bournonville

L’Oiseau bleu extrait de La Belle au bois dormant (1890)
Musique Piotr Ilyitch Tchaïkovski - Chorégraphie Rudolf Noureev

And...Carolyn (2007 - Entrée au répertoire)
Musique Thomas Newman - Chorégraphie Alan Lucien Øyen

Flammes de Paris (1932 - Entrée au répertoire)
Musique Boris Assafiev - Chorégraphie Vasili Vainonen

Non rien de rien (1998)
Musique Edith Piaf - Chorégraphie Ivan Favier

Les Indomptés (1992 - Entrée au répertoire)
Musique Wim Merten - Chorégraphie Claude Brumachon

Pas de trois du cygne noir du Lac des cygnes (1877)       Hortense Pajtler et Marius Rubio
Musique Piotr Ilyitch Tchaïkovski - Chorégraphie Rudolf Noureev

After the Rain (2005 - Entrée au répertoire)
Musique Arvo Pärt - Chorégraphie Christopher Wheeldon

Pas de deux de la tombe de Roméo et Juliette (1935 - Entrée au répertoire)
Musique Serguei Prokofiev - Chorégraphie Angelin Preljocaj

Pas de deux du 3ème acte de La Belle au bois dormant (1890)
Musique Piotr Ilyitch Tchaïkovski - Chorégraphie Rudolf Noureev

Danseurs du Corps de Ballet de l’Opéra national de Paris

Solistes femmes : Hortense Pajtler (2019), Eugénie Drion (2014), Apolline Anquetil (2019), Inès Mcintosh (2019), Bianca Scudamore (2017), Roxane Stojanov (2013), Nine Seropian (2019), Hohyun Kang (2018)
Solistes hommes : Keita Bellali (2020), Enzo Saugar (2020), Loup Marcault-Derouard (2018), Antoine Kirscher (2013), Marius Rubio (2019), Chun-Wing Lam (2015), Giorgio Fourès (2016), Jérémy-Loup Quer (2011), Antonio Conforti (2012), Florent Melac (2010), Alexandre Gasse (2007), Guillaume Diop (2018)

Le programme Jeunes danseurs proposé en fin de saison par le Corps de Ballet de l’Opéra national de Paris est une rare occasion de découvrir en une seule soirée un panel le plus large possible de l’art chorégraphique représenté sur cette scène. En 9 pièces, 9 musiques et 9 chorégraphies différentes, le spectateur est confronté à des esthétiques classiques ou contemporaines et peut donc se laisser vibrer à celles qui l’inspirent le plus.

Bianca Scudamore (Odette) - Le Lac des Cygnes (Tchaikovski - Petipa - Noureev)

Bianca Scudamore (Odette) - Le Lac des Cygnes (Tchaikovski - Petipa - Noureev)

C’est aussi l’occasion de découvrir, dans les premiers rôles des danseurs, les Quadrilles, Coryphées ou Sujets dont la moitié de ceux présents ce soir ont intégré le Corps de Ballet depuis moins de 5 ans.

Ainsi, l’ouverture sur La fête des fleurs à Genzano nous mène dans une Italie légère à l’arrivée de l’été, et Keita Bellali – sourire radiant et bras en corolles – et Hortense Pajtler, deux jeunes recrues, font revivre un pas de deux de ce chorégraphe danois, August Bournonville, qui cherchait à donner autant d’importance aux danseurs masculins qu’aux ballerines. On ne retrouvera d’ailleurs pas cette humeur riante et naïve dans les autres pièces présentées au cours de ce riche programme.

Hohyun Kang (Aurore) et Guillaume Diop (Le Prince) - La Belle au Bois dormant (Tchaikovski - Petipa - Noureev)

Hohyun Kang (Aurore) et Guillaume Diop (Le Prince) - La Belle au Bois dormant (Tchaikovski - Petipa - Noureev)

Deux extraits de La belle au Bois Dormant dans la chorégraphie de Marius Petipa et Rudolf Noureev sont interprétés, L’Oiseau Bleu, en début de programme, qui permet de découvrir une autre jeune recrue, Enzo Saugar, associée à Eugénie Drion et ses très mélodieux ports de bras, puis le Pas de deux du 3ème acte, en fin de programme, qui offrira à Hohyun Kang et Guillaume Diop une magnifique chance de renvoyer au public une superbe image de l’assurance épurée noblement tenue de la culture chorégraphique de la maison.

Il y a plusieurs entrées au répertoire au cours de ce spectacle, et le Pas de deux de Flammes de Paris, ballet hommage à la Révolution Française, en est une et est très bien défendue par l’élan romantique élégant et la belle correspondance entre Antoine Kirscher et Inès Mcintosh, danseuse fort confiante dans son rapport à la salle.

Inès Mcintosh (Jeanne) et Antoine Kirscher (Philippe) - Flammes de Paris (Vasili Vainonen)

Inès Mcintosh (Jeanne) et Antoine Kirscher (Philippe) - Flammes de Paris (Vasili Vainonen)

Au répertoire contemporain apparaît pour la première fois sur cette scène And...Carolyn d’Alan Lucien Øyen qui permet de découvrir le couple formé par Apolline Anquetil et Loup Marcault-Derouard qui joue avec des effets d’attraction vers le sol, et le jeune danseur est fabuleusement mis en valeur par la chorégraphie et les lumières qui magnifient sa gestuelle tournoyante.

Autre nouveauté, After the Rain de Christopher Wheeldon interprété sur la pièce Spiegel im Spiegel (pour violon et piano) d’Arvo Pärt, est propice à un véritable travail sur l’intériorité et décrit une union poétique et silencieuse entre deux êtres au son des gouttes d’eau pianistiques. Roxane Stojanov et Florent Melac noient dans la pénombre leur propre individualité pour en rendre la grâce charnelle et mélancolique.

Loup Marcault-Derouard et Apolline Anquetil - And...Carolyn (Alan Lucien Øyen)

Loup Marcault-Derouard et Apolline Anquetil - And...Carolyn (Alan Lucien Øyen)

Après le duo très ludique et charmeur entre Hortense Pajtler et Marius Rubio sur la chanson d’Edith Piaf « Non, rien de rien », vient une autre entrée au répertoire avec Les Indomptés de Claude Brumachon sur la musique de Wim Mertens qui fait vivre une lutte provocante entre deux hommes incarnés par Chun-Wing Lam et Giorgio Fourès, vétus en jeans et torses-nus, à travers un jeu d’équilibre instable et une course qui s’achève sur une forme de victoire par épuisement.

Le spectateur n’a pas fini d’être étourdi car il est par la suite projeté dans l’univers psychanalytique du Lac des Cygnes de Rudolf Noureev et son célèbre pas de deux devenu un pas de trois afin de renforcer le rôle de Rothbart. Ce retour au classicisme académique juste après Les Indomptés peut apparaître comme un grand écart, mais quand on réfléchit au thème de ces deux pièces, on peut tout à fait y voir une forme de continuité d’esprit.

Chun-Wing Lam et Giorgio Fourès - Les Indomptés (Claude Brumachon)

Chun-Wing Lam et Giorgio Fourès - Les Indomptés (Claude Brumachon)

On ne peut que frémir aux attentes qui pèsent sur les épaules de Bianca Scudamore au moment d’aborder les 32 fouettés d’Odette dont elle se sort très bien, et avec le sourire, qui représentent une figure mythique de l’univers chorégraphique car la magie émane de cet instant par une maîtrise absolue des lois de la physique et de la préservation du mouvement. On retrouve déjà le tempérament piqué de Rothbart, l’esprit déstabilisateur du prince Siegfried, dans les attaques pointées d’Antonio Conforti, ainsi qu’une certaine appétence pour ce personnage hautain, et Jérémie-Loup Quer délivre une fine attention à sa partenaire comme à ses propres moments d’extase.

Nine Seropian (Juliette) et Alexandre Gasse (Roméo) - Roméo et Juliette (Prokofiev - Preljocaj)

Nine Seropian (Juliette) et Alexandre Gasse (Roméo) - Roméo et Juliette (Prokofiev - Preljocaj)

Le pas de deux de Roméo et Juliette (Prokofiev), donné dans la chorégraphie d’Angelin Preljocaj et non de Rudolf Noureev (qui est jouée au même moment à l’Opéra Bastille), est une véritable découverte avec une indicible violence respectivement de Juliette et Roméo envers les corps de l’un et l’autre lors de la scène d’empoisonnement finale. Ce réalisme joué sans réserve par Nine Seropian et Alexandre Gasse peut fortement impressionner les jeunes spectateurs et donne envie de connaître la version intégrale.

En un peu plus de deux heures, c'est tout l'avenir du Corps de ballet de l'Opéra qui nous est ainsi suggéré.

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