Rapport de la Cour des Comptes "Recentrer les missions du ministère de la culture"
Publié le 23 Décembre 2021
La Cour des comptes a remis en décembre 2021 une note invitant le Ministère de la Culture à recentrer ses missions. Ce rapport d'une vingtaine de pages (qui peut être consulté sous le lien suivant : Recentrer les missions du Ministère de la Culture) donne une vision générale de son fonctionnement avec les opérateurs et les structures en régions qui en dépendent.
Le résumé de son contenu ci-dessous vise uniquement à appréhender les grandes idées pour mémoire, et un tableau des opérateurs du Ministère de la Culture est ajouté à titre informatif avec un ordre de grandeur des budgets en jeu par programme.
Le ministère de la Culture et de la Communication, pavillon de Contant d’Ivry, rue de Valois, Paris. © Mu/CC-BY-3.0.
La politique menée par le Ministère de la Culture depuis sa création en 1961 a permis aux collectivités territoriales de représenter aujourd’hui près des 3/4 des sources de financement de la culture en France (leur budget a doublé en 40 ans). Il en résulte que le Ministère de tutelle ne joue plus un rôle central et qu’une transformation est nécessaire pour lui redonner un rôle de stratège.
Par ailleurs, ses compétences ont été transférées progressivement à près de 80 opérateurs nationaux (dont le CNC, le Musée et domaine national de Versailles, la Réunion des musées nationaux, l’Opéra national de Paris, le Musée du Louvre, la Comédie Française, la Cité de la Musique, le Théâtre national de l’Odéon, le Centre des monuments nationaux, le récent CNM et bien d’autres établissements) ce qui a réduit le rôle du Ministère à un distributeur de fonds (45% de son budget va vers ces opérateurs en 2019).
L'équipement culturel de la France en 2019 (extrait du rapport de la Cour "Recentrer les missions du Ministère de la culture")
Et l’encouragement au mécénat privé au cours des années 2000 a permis à ces mêmes opérateurs de recevoir plus de 400 millions d’euros d’aides par an auxquelles s’ajoutent les avantages fiscaux restant à la charge de l’Etat.
Le reste du budget du Ministère est distribué à une myriade d’acteurs, dont notamment les structures non labellisées du spectacle vivant, ce qui alourdit la gestion et démultiplie les offres.
Dans le domaine du patrimoine, la dimension administrative et financière a également conduit à favoriser les grands opérateurs et leurs projets franciliens au détriment du patrimoine communal et rural qui est le plus fragile.
Quant à la filière monuments historiques des DRAC, services en région de l’Etat, elle souffre d’un manque d’attractivité et de considération, et quand elle reçoit des financements supplémentaires, le nombre insuffisant d’agents ne permet pas d’engager les chantiers dans les temps, ce qui ralentit l’effet du plan de relance.
Absorbé par ses tâches administratives et des considérations techniques ou bien par des projets ponctuels (Philharmonie, restauration du Grand Palais …), le Ministère de la Culture voit ainsi ses cadres partir vers les opérateurs ou vers le privé, faute de projets structurants à piloter et de rémunérations stimulantes pour les retenir, et doit compter avec les dirigeants de ces grands opérateurs et de grands élus locaux aux pouvoirs élargis de par la réduction du nombre de régions.
Affaibli, le Ministère ne peut plus conduire un dialogue stratégique équilibré avec ces différents acteurs.
Ci dessous, la liste des opérateurs avec un ordre de grandeur du budget (en Millions d'€) de chaque programme du Ministère Culture transféré aux opérateurs (ceux-ci disposent également de ressources propres), et leur part par rapport au budget global de chaque programme du Ministère (hors plan de relance) - source : Financement de la culture
La Cour donne deux issues possibles à cette situation : considérer que le Ministère de la Culture a achevé sa mission structurante et doit se replier sur un rôle plus modeste, ou bien que l’évolution du monde exige du Ministère de jouer un rôle incontournable dans une perspective de « vivre ensemble ».
Le Ministère de la Culture pourrait à l’avenir abandonner aux opérateurs et collectivités les missions qu’il n’a plus vocation à assumer afin de réorienter son action sur les territoires fragilisés et participer à la mission générale d’éducation poursuivie par l’État, ce qui impliquerait en particulier un renforcement de l’action en direction de la jeunesse en prenant en charge la question du numérique comme levier majeur de son action.
Les grands musées nationaux ont bien été transformés en établissements publics, mais il en reste une quinzaine qui dépendent du Ministère qui rémunère leur personnel.
Par ailleurs, la Cour constate que pour l’ensemble des monuments, bâtiments et œuvres patrimoniales appartenant à l’État, ou encore les formations artistiques supérieures, les relations entre le Ministère de la Culture et le Ministère chargé de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale sont quasiment inexistantes.
C’est donc une accentuation de la déconcentration vers les DRAC en leur allouant les ressources humaines et une révision des modèles économiques des opérateurs qui sont mis en avant, et la perte de ressources financières due à la crise covid devrait inciter à mutualiser les fonctions communes à ces opérateurs (notamment pour les musées).