Intolleranza 1960 (Nono Klingele von Peter) Opera Vlaanderen Gand

Publié le 20 Mai 2025

Intolleranza 1960 (Luigi Nono – 13 avril 1961  - Teatro La Fenice, Venise)
Représentation du 18 mai 2025
Opera Ballet Vlaanderen - Gent

Un émigrant Peter Tantsits
Sa compagne Lisa Mostin
Une dame Jasmin Jorias
Un Algérien Tobias Lusser
Un torturé Werner Van Mechelen
Une voix Chia Fen Wu

Direction musicale Stefan Klingele
Mise en scène Benedikt von Peter (Hanovre, 2011)
Chorégraphie Carla vom Hoff
Chœur et Orchestre symphonique de l’Opera Ballet Vlaanderen   
      (Luigi Nono)

Présentée en 2011 à l’opéra de Hanovre pour célébrer les 50 ans de sa création à la Fenice de Venise, la mise en scène immersive de ‘Intolleranza 1960’ par Benedikt von Peter, le directeur artistique de l’opéra du Teater Basel, est reprise à l’opéra de Gand, une initiative qui aurait énormément plu à Gerard Mortier.

Le public est prévenu d’avance, il va devoir vivre l’œuvre sur la scène même en étant mêlé à des chanteurs et figurants afin d’éprouver la condition d’un couple de migrants, d’un algérien ou d’un torturé cernés dans des camps à travers l’histoire des guerres impérialistes et fascistes.

 Intolleranza 1960' ms Benedikt von Peter - Photo Annemie Augustijns

Intolleranza 1960' ms Benedikt von Peter - Photo Annemie Augustijns

Pour Luigi Nono, l’art doit servir un engagement politique radical, et cette production joue beaucoup avec les limites entre expression réaliste de la violence et bienveillance vis à vis de l’auditeur qui ne vient pas à se spectacle pour y trouver le confort.

D’abord amené au parterre de la salle recouvert de draps blancs éclairés par quelques faisceaux fantomatiques, le public est invité à monter sur scène une fois le rideau levé sur l’humaine polyphonie du chœur. Certains pourront s’asseoir sur les chaises disposées en désordre, d’autres resteront debout. Le rideau se referme ensuite, tous les spectateurs étant ainsi enfermés dans la cage de scène aux parois noires, alors que l’orchestre, situé sous la scène tout en étant perceptible à travers les grilles du sol, ouvre immédiatement sur un univers sonore pétaradant de cuivres, bousculé par les percussions, avec lequel les murmures et les exclamations scandées des chanteurs vont interagir. 

Certains marmonnent en état de prostration, d’autres appellent au réveil en prenant de la hauteur sur quelques escabeaux, la tension monte, des lanternes balayent les visages, et la vie en espace contraint engendre d’inévitables tensions. Les voix deviennent parfois très puissantes, certains chants confidentiels sont d’une pureté insolite quand on se trouve tout près d’un des interprètes, et la notion de temps se dilue.

 Intolleranza 1960' ms Benedikt von Peter - Photo Annemie Augustijns

Intolleranza 1960' ms Benedikt von Peter - Photo Annemie Augustijns

Puis, les acteurs font mine de s’adresser aux individus sans que leurs propos soient intelligibles pour autant, et une bonne partie du public est doucement invitée à s’allonger au sol, chacun équipé d’une couverture et d’un coussin, ce qui sera, paradoxalement, le moment le plus exaltant car les chants et les décharges d’énergie orchestrales pourront se vivre à ce moment là simplement en admirant les cintres, en total abandon.

La tension dégénère dans le camp, mais l’implication doloriste de certains chanteurs est impressionnante car fort exigeante à leur égard, d’autant plus que les rapports entre eux sont très physiques, ramenés à ce qu’il y a de plus primitif.

Quelques écrans vidéos permettent de suivre la direction bien réglée de Stefan Klingele, ainsi que les coups d’œil des chanteurs pour se synchroniser, jusqu’à la saisissante scène de débordement de la rivière en crue où des trombes d’eau se déversent bruyamment sur les intervenants le long du fond de scène. La promiscuité atteint son paroxysme.

Chœur et Orchestre symphonique de l’Opera Ballet Vlaanderen et Stefan Klingele

Chœur et Orchestre symphonique de l’Opera Ballet Vlaanderen et Stefan Klingele

Nous nous retrouvons enfin debout, les uns près des autres, réalisant la diversité même des participants, jeunes et anciens, couples proprets et apparences punk, alors que la main tendue d’un figurant noir et bras nus fait subtilement signe à chacun que l’humanité attend une aide salutaire au moment où nous regagnons le parterre de la salle.

Pour un observateur extérieur, voir environ 500 personnes accepter de se regrouper volontairement dans l’espace totalement clos d’une scène de théâtre pendant une heure trente au milieu d’un tel fatras a aussi sa part de mystère inextricable.

Tobias Lusser, Lisa Mostin, Peter Tantsits, Jasmin Jorias, Werner Van Mechelen et Chia Fen Wu

Tobias Lusser, Lisa Mostin, Peter Tantsits, Jasmin Jorias, Werner Van Mechelen et Chia Fen Wu

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