Arabella (M.Volle-R.Fleming-G.Kühmeier dir Jordan) Bastille

Publié le 5 Juillet 2012

Arabella (Richard Strauss)
Représentation du 30 juin 2012
Opéra Bastille

Graf Waldner Kurt Rydl
Adelaide Doris Soffel
Arabella Renée Fleming
Zdenka Genia Kühmeier
Mandryka Michael Volle
Matteo Joseph Kaiser

Mise en scène Marco Arturo Marelli (Graz 2008)
Direction musicale Philippe Jordan

 

                                                                                   Renée Fleming (Arabella) et Doris Soffel (Adelaide)

Si l’on ne devait s’en tenir qu’au texte, on trouverait le personnage d’Arabella bien ennuyeux, car le questionnement sans fin sur ses prétendants tourne à vide, jusqu’au tout dernier instant où elle évoque enfin un sentiment soudain qui la fait s’éprendre de Mandryka, riche provincial qui est surtout amoureux d’une image (le portrait). Comment ne pas plutôt croire à la réalité du poids de la condition sociale ?

Mais il y a aussi l’amour de Zdenka pour Matteo, moteur inconscient qui la fait agir dans l’espoir d'atteindre Arabella, avant qu’elle ne comprenne la réalité de ses propres sentiments pour le jeune officier, motivation la plus touchante de l’œuvre que la musique ne magnifie pourtant pas.

En réalité, la musique dit autre chose. Elle enrobe de sentiments le personnage d'Arabella, ce qui engendre une sensation d'artificialité gênante.

Renée Fleming (Arabella)

Renée Fleming (Arabella)

Alors on en oublie l'histoire et l'on prend la musique telle qu'elle est, avec par moment une magnifique évocation de méandres limpides et évanescents qui vivent et s'élèvent sous l'ample direction de Philippe Jordan. Il y a également cette souplesse de son de cuivres fondus à l'ensemble orchestral, quelques noirceurs, et un effet d'enchantement qui laisse rêveur.

Parmi les petites merveilles vocales, le duo d'Arabella et Zdenka fait entendre le superbe alliage de deux timbres, fin et cristallin pour Genia Kühmeier, agréablement charmeur pour Renée Fleming, mais la découverte est le splendide Mandryka de Michael Volle, impressionnant ours au grand cœur dénué de tout ennoblissement précieux, et d’une grande franchisse de geste.

D‘autre part, Genia Kühmeier dessine un portrait extrêmement sensible de la jeune sœur d’Arabella, avec une manière très naturelle de faire ressortir les troubles intérieurs et de le faire ressentir loin dans la salle.

A côté d’eux, Kurt Rydl et Doris Soffel paraissent bien secondaires, malgré leur carrure artistique, et Joseph Kaiser, très beau Lenski il y a quelques temps sur la même scène,  ne trouve pas en Matteo un rôle qui le valorise.

Michael Volle (Mandryka) et Renée Fleming (Arabella)

Michael Volle (Mandryka) et Renée Fleming (Arabella)

Avec son décor imposant de moulures débordant jusque sur l’avant scène, le dispositif lourd et couteux de Marco Arturo Marelli ne masque pas l’absence d’originalité de sa scénographie, mais il y a au moins un beau moment qui se révèle lors de la conclusion, quand les éclairages s’assombrissent pour accueillir Renée Fleming, inimitable dans les apparitions mystérieusement glamours, laissant un grand frisson nous parcourir sur un ralentissement du temps crépusculaire.

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