Histoire du soldat & El amor Brujo (dir Minkowski) Comique
Publié le 9 Avril 2014
Histoire du Soldat (Igor Stravinsky) &
El amor brujo (Manuel de Falla)
Représentation du 07 avril 2014
Opéra-Comique
L'Histoire du Soldat (1917)
Récitant, Johan Leysen
Le Soldat, Alexandre Steiger
Le Diable, Arnaud Simon
La Princesse Alexane Albert
El amor brujo (1915)
Candelas, Olivia Ruiz
Récitant, Johan Leysen
Direction musicale Marc Minkowski
Mise en scène Jacques Osinski
Chorégraphie Jean-Claude Gallotta
Johan Leysen (Le Soldat) et Alexane Albert (La Princesse)
Danseurs, Groupe Emile Dubois/ Centre chorégraphique national de Grenoble
Orchestre, Les Musiciens du Louvre Grenoble
Coproduction, MC2 : Grenoble, Les Musiciens du Louvre Grenoble, Centre dramatique national des Alpes, Centre chorégraphique national de Grenoble, Opéra-Comique, Opéra de Lyon
Pour le centenaire de sa création à l’Opéra-Comique, en 1914, la salle Favart aurait pu programmer la Vida Breve, un drame lyrique que Manuel de Falla composa en 1905 à Madrid sans pouvoir le mettre en scène.
C’est pourtant El amor brujo, composé en 1915, mais donné à Paris dix ans plus tard, qu’il est possible d’entendre ce soir, couplé à l’Histoire du Soldat d’Igor Stravinsky.
Le rapprochement de ces deux œuvres d’après la Première Guerre mondiale évoque alors la belle manière avec laquelle, le mois précédent, l’Opéra National de Paris avait réuni deux ballets d’après la Seconde Guerre mondiale, Fall River Legend et Mademoiselle Julie.
C’est d’abord à la troupe de danseurs et aux musiciens du Louvre que l’on doit l’enchantement de ce spectacle.
Dans la première partie, le soldat, Alexandre Steiger, vit son histoire dans les limites de son petit espace personnel, terrestre et cubique, mais ouvert, à l’extérieur duquel évolue tout ce qui peut constituer son imaginaire, les esprits, le diable, l’icône de la femme de sa vie, la voix du récitant.
Il est seul, et les danseurs font plus que dessiner simplement les variations des lignes musicales. Ils semblent tous comme raconter de petites histoires personnelles que le spectateur peut lui-même imaginer en les regardant interagir. Certaines expriment des souffrances, des tentatives expressives de débattements intérieurs, d’autres la joie de vivre, le plaisir de l’échange quand ils sont lancés dans de grands élans tournoyants et qu’ils repartent, calmement, main dans la main, avant de revenir. La légèreté de leur corps est comme signifiante, et jambes, bras et têtes vivent des dynamiques différentes et étourdissantes que l’on quitte d’attention, parfois, pour diriger le regard vers l’intimité de la fosse d’orchestre.
Olivia Ruiz (Candelas) et les Danseurs
Là, sous les flammettes chaleureuses, le petit groupe de musiciens fait face à Marc Minkowski et joue cette musique, en apparence si simple, où chaque instrument chante sa mélodie aux couleurs magnifiquement dispendieuses et dans un son formidablement présent et poétique.
Dans la seconde partie, cet orchestre, largement plus étoffé, est encore plus généreux de plénitude sonore, et son romantisme hispanique prononcé surprend un peu de la part d’un orchestre et d’un chef que l’on connait bien mieux dans le répertoire baroque et classique.
La chorégraphie, centrée sur le vécu intérieur de l’héroïne, stimule moins nos sentiments qu’en première partie, et Olivia Ruiz, impressionnante d’aplomb et de détermination, a contre elle sa jeunesse qui ne permet pas de faire entendre les fêlures du temps et de la voix que seule une chanteuse plus âgée pourrait restituer avec un pathétisme qui prend au cœur.
Néanmoins, le charme de cette soirée est préservé, et c’est déjà beaucoup.