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Publié le 24 Février 2009

Séance de travail d’Idomeneo (Mozart)
Répétition du 23 février 2009 (Garnier)

Mise en scène Luc Bondy
Direction musicale Thomas Hengelbrock
Chef des Choeurs Winfried Maczewski

Idomeneo Paul Groves
Idamante Joyce DiDonato
Ilia Camilla Tilling
Elettra Mireille Delunsch
Arbace Johan Weigel
Il gran Sacerdote Xavier Mas

Il n’est pas d’usage de commenter une séance de travail. Néanmoins, lorsque l’on a le sentiment d’avoir assisté à quelque chose d’essentiel, d’y avoir vu une vérité ou bien une vision idéale, la passer sous silence serait ne lui accorder que peu d’importance.

                                      Mireille Delunsch (Elettra)

Nous retrouvons le même chef et la même distribution féminine que pour les représentations d'Idomeneo en 2006.

Mireille Delunsch (Elettra)

Mireille Delunsch (Elettra)

Premier point, malgré les apparences ce n’est pas une mise en scène de Christoph Marthaler. Bien qu’à quatre jours de la première représentation, cette séance se déroule de manière « casual », ce qui crée une inhabituelle proximité entre les chanteurs et les contemplateurs .

Durant trois heures, le travail de reprise se concentre sur la deuxième partie de l’opéra, à partir du moment où Elektra se réjouit de retourner à Argos avec Idamante (Idomeneo en a décidé ainsi pour éviter de sacrifier son fils selon la volonté du dieu Neptune).

Joyce DiDonato (Idamante) et Paul Grooves (Idomeneo)

Joyce DiDonato (Idamante) et Paul Grooves (Idomeneo)

Que Mireille Delunsch soit une chanteuse qui s’abandonne totalement à son rôle, comme si elle passait dans une autre dimension, n’étonne plus guère, et les signes de complicités se croisent avec les membres du chœur, tout comme ses poses aspirant à la mélancolie.

Plus terre à terre, Joyce DiDonato joue avec les éléments (à voir son estocade avec l’épée d’Idamante), admire depuis la salle ses partenaires, alors que Paul Groves laisse entrevoir un trop fier Roi de Crête.

Joyce DiDonato (Idamante) et Camilla Tilling (Ilia)

Joyce DiDonato (Idamante) et Camilla Tilling (Ilia)

Mais le plus intéressant est d’assister à cette recherche générale d’harmonie orchestrée par Thomas Hengelbrock.

U
ne importante partie du travail consiste à régler le chœur, le synchroniser avec les musiciens pour n’être ni en avance, ni en retard, être véloce quand il le faut, et nuancer quand ses murmures doivent se faire frémissants.

A dire vrai,Winfried Maczewski ne semble qu’avoir préparé et amené sa troupe sur scène pour les livrer au grand coordinateur, architecte qui va se charger de donner corps à tout cela.

Séance de travail d'Idomeneo (Palais Garnier)

Les artistes s’incrustent dans l’ensemble (l’avantage dans ce genre de situation est que chacun a son rôle bien défini, sa partition bien à lui, mais ne peut en sortir) et entretiennent entre eux des rapports humains vrais, hors de toute construction artificielle (ils ont déjà un rôle à défendre).

Il ne faut pas se méprendre, toute la spontanéité ambiante, les détentes soudaines, affirment un grand professionnalisme.

Le choeur de l'Opéra de Paris et le sourire de Mireille Delunsch

Le choeur de l'Opéra de Paris et le sourire de Mireille Delunsch

C’est à se demander si chacun n’en profite pas un peu pour exprimer une part de soi tout en jouant son personnage. Qu’Elektra paraisse trop humaine, Mireille Delunsch y est sans doute pour quelque chose.

Oeuvrant comme Rodin devait sculpter la matière, Thomas Hengelbrock achève cette soirée éprouvante en félicitant tout le monde pour son enthousiasme, lui exprime son sentiment que de grandes représentations d’« Idomeneo » s’annoncent, et envoie à l’orchestre comme dernière consigne, de laisser filer le diminuendo final trois secondes de plus.

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Publié le 25 Janvier 2009

Yvonne, princesse de Bourgogne (Philippe Boesmans)
Création Mondiale

Représentation du 24 janvier 2009 (Opéra Garnier)

D’après la pièce homonyme de Witold Gombrowicz

Direction musicale Sylvain Cambreling
Orchestre Kl
angforum Wien
Mise en scène Luc Bondy

Yvonne Dörte Lyssewski
Le Roi Ignace Paul Gay
La Reine Marguerite Mireille Delunsch
Le Prince Philippe Yann Beuron
Le Chambellan Victor von Halem
Isabelle Hannah Esther Minutillo
Innocent Guillaume Antoine
Valentin Marc Cossu-Leonian

L’on imagine tout à fait une musique vive et entraînante en lisant la pièce de Witold Gombrowicz, le foisonnement comique et les incessantes interventions des personnages s’y succédant sans relâche.

Il faut avouer que la partition de Philippe Boesmans (né en 1936) nous prend à contre-pied, car dans la première partie la tonalité d’ensemble se maintient dans une certaine unité où des motifs se croisent, se désynchronisent, les cordes étirent des aigus filés, les cuivres gonflent l’apparence grotesque d’Yvonne, et tout ceci crée un climat de malaise car la jeune femme semble être le problème et être responsable de la consternation de son entourage.

C’est uniquement à l’arrivée d’Innocent, que les accords se rejoignent dans une harmonie poétique (magnifique intervention de Guillaume Antoine au timbre moelleux) quand un peu de profondeur d’âme se manifeste.

Mais dans la deuxième partie, le point de vue s’inverse, lorsque un par un, le Roi, la Reine, le Prince … se trouvent eux mêmes être le problème, chacun projetant en Yvonne ses propres travers (voir le comportement hystérique du Prince quand Yvonne récupère un cheveu d’Isabelle par exemple) jusqu’à ne même plus supporter son regard.

                                               Hannah Esther Minutillo (Isabelle)

De la musique émerge une multitude d’influences du baroque au folklore slave, jusqu’à un petit bijou vocal dédié à la Reine, « Je suis solitaire », qui décrit à travers un aria aérien et plein de grâce l’abîme de ses fantasmes, auxquels le Roi va répondre de manière assez crue.

C’est en tout cas le grand air de la partition fait  pour une Mireille Delunsch d’une intelligence scénique évidente, et dont la lumière de ses passages en voix de tête focalise l’attention générale.

A d’autres moments on remarque souvent un balancement sans transition entre cette tessiture élevée et les résonances graves.

Mireille Delusnch (La Reine), Dörte Lyssewski (Yvonne), Paul Gay (Le Roi)

Mireille Delusnch (La Reine), Dörte Lyssewski (Yvonne), Paul Gay (Le Roi)

Paul Gay, au costume impossible, s’en donne à cœur joie avec la vulgarité juste nécessaire, Yann Beuron est vocalement un choix de luxe cependant pas du tout mis en valeur par l’écriture vocale, et comme toujours émane d’Hannah Esther Minutillo un véritable plaisir à jouer, fait de sourires mais aussi de couleurs métalliques bien à leur place dans cette écriture musicale.

C’est peut être voulu, mais si l’intention est de transformer le Chambellan en croque-mort, le lugubre Victor von Halem est l’homme idéal.

Enfin pour Dörte Lyssewski, Yvonne est une sacrée performance d’une part parce que c’est une femme d’une belle plastique totalement effacée par le rôle, et d’autre part parce qu’elle transmet un malaise dérangeant.

Mireille Delunsch (La Reine)

Mireille Delunsch (La Reine)

Luc Bondy met donc en scène un univers aristocrate bariolé de couleurs feutrées comme pour couvrir sa véritable noirceur et donne un rôle très provocateur à Yvonne.
Nos propres réflexions sur le regard de l’autre y trouvent un support fort, et plus encore, le regard des autres sur nous même.

Sylvain Cambreling défend cette partition avec beaucoup d’humilité, et d’ailleurs pendant les deux ans et demi de travail de composition de Philippe Boesmans, il a lui même participé à la relecture et à de petites modifications quand l’intention du musicien ne lui paraissait pas toujours bien traduite.

L'évidente osmose avec le Klangforum Wien et les petits gestes ou signes d'attention témoignent d'une très grande estime réciproque et font plaisir à voir.

La conclusion musicale réfère avec beaucoup de force à l'exploitation du religieux au service de la bonne conscience.

Le succès de la première, il est quand même rare de voir une salle comble du début à la fin pour une création contemporaine et un aussi long rappel des artistes, devrait faire de cette pièce plus qu’une création éphémère.

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Publié le 6 Juillet 2007

Idomeneo (Mozart)
Répétition générale du lundi 27 novembre 2006 (Opéra Garnier)

Idomeneo Ramon Vargas
Idamante Joyce DiDonato
Ilia Camilla Tilling
Elektra Mireille DeLunsch
Arbace Thomas Moser

Direction Thomas Hengelbrock

Mise en scène Luc Bondy

 

Premières impressions après la dernière répétition.

Quelques réglages seront sans doute nécessaires mais le style de direction que propose Thomas Hengelbrock devrait ravir ceux qui ont été frustrés par la placidité de Gustav Kuhn dans Cosi fan tutte et La Clémence de Titus : attaques vives, sonorités brillantes, motifs qui fusent, aucune lourdeur n’exagère les passages les plus dramatiques.

Le plateau vocal s’annonce plutôt d’une bonne homogénéïté sans forcer sur le volume.

Joyce DiDonato et Camilla Tilling

Joyce DiDonato et Camilla Tilling

Charmante, Camilla Tilling exprime beaucoup de fragilité avec son timbre délicat et une émission parfois fluette, amoureuse d’un Idamante dont la clarté vocale de Joyce DiDonato n’a aucun mal à traduire la juvénilité.
Sans trop de surprise Ramon Vargas est un Idoménéo décidé et révolté et d’une musicalité remarquable par sa constance dans toute la tessiture.
Par ailleurs Thomas Moser touche par la sensibilité de son Arbace. 

En revanche Mireille Delunsch déçoit au départ - la première scène d’Elektra est dénuée de toute rage et n’exprime que lassitude – alors qu’au deuxième acte la tendresse de son personnage est convaincante. Les couleurs dans l’aigu restent discutables.
 
Beaucoup plus sombres que ne le laisse percevoir la retransmission télévisuelle l’année dernière, les couleurs de la scène balayent toutes les variantes du bleu turquoise au bleu Lapis- Lazuli.
L’Ile de Crête est plaquée au sol en relief à côté d’une trappe rouge qui s’ouvre à l’apparition du monstre marin.

Enlèvement du décor

Enlèvement du décor

Les toiles en arrière-plan sont illuminées par des faisceaux rasants provenant uniquement du plateau, jamais de la salle.
Elles évoquent les visages calmes ou agités de la mer d’où surgit même l’œil de Neptune. L’illusion de profondeur est parfois saisissante.

Le sentiment de désolation au troisième acte est poignant.

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