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Publié le 24 Février 2023

Leonard Bernstein / Jake Heggie / John Adams 
Concert du 23 février 2023
Auditorium de Radio France

Leonard Bernstein (1918-1990) : Candide, ouverture (1956)
Jake Heggie (né en 1961) : Camille Claudel : Into The Fire (2012)
John Adams (né en 1947 ) : Harmonielehre (1985)

Mezzo-soprano Joyce DiDonato
Direction musicale Pierre Bleuse
Orchestre National de France

 

Cette soirée du 23 février 2023 restera sans doute inoubliable pour le public de l’auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique au point que l’on peut déplorer qu’une plus grande publicité n'ait été faite pour ce concert 100 % américain qui méritait une salle comble.

Sous forme de mise en bouche, l’étincelante ouverture de ‘Candide’ de Leonard Bernstein est d’emblée une bouffée d’optimisme à l’effervescence bien rythmée qui laisse la plénitude du son s’épanouir, ce qui permet à Orchestre National de France d’offrir une première démonstration de l’ampleur de ses couleurs.

Joyce DiDonato

Joyce DiDonato

Magnifique et vêtue d’une robe aux reflets grenats et prompte à entrer dans les états d’âme recueillis de Camille Claudel, Joyce DiDonato fait une entrée chaleureuse et émue, sous les applaudissements du public mais aussi de Pierre Bleuse, car elle s’apprête à offrir à l’assistance, en première pour la France, son interprétation d’’Into The Fire’ dont elle avait assurée la première mondiale 11 ans plus tôt, le 04 février 2012, au Herbst Theater de San Francisco.

A ce moment là, Jake Heggie avait composé cet hommage à la muse de Rodin pour un quatuor à cordes, une forme plus intime et introspective que la version orchestrale jouée ce soir, dont l'arrangement fut achevé trois ans plus tard pour le Berkeley Symphony, en décembre 2014.

Sur des textes de Gene Scheer, auteur et compositrice américaine, les huit poèmes symphoniques racontent l’absence, l’attachement, le manque et des étreintes évanouies de la sculptrice, jusqu’au délire paranoïaque et la solitude de l’asile psychiatrique. 

Joyce DiDonato et Pierre Bleuse

Joyce DiDonato et Pierre Bleuse

L’amateur d’opéra ne peut s’empêcher de reconnaître, dès la première pièce intitulée ‘Rodin’, des réminiscences de la scène de la tour de ‘Pelléas et Mélisande’ qui reviendront à plusieurs reprises dans les autres passages. Le texte est d’ailleurs très explicite, peut-être par hasard, dans ‘La petite châtelaine’, lorsque sa mère évoque ses sorties la nuit par la fenêtre de la tour.

Mais on pense aussi au sentimentalisme du ‘Werther’ de Massenet dès le début, ou bien, dans ‘Shakuntala’, à un orientalisme mauresque où Joyce DiDonato fait une démonstration d’ornementations nuancées et de colorations passionnées d’une intensité fabuleuse. La tension corporelle qui l’anime atteint son paroxysme à ce moment précis. 

Joyce DiDonato

Joyce DiDonato

Et puis il y a aussi ces évanescences minimalistes qui évoquent les compositions de Philip Glass dans ‘The Gossip’, puis un retour, dans l’épilogue, à ce mélange subtil de romantisme et de symbolisme présent au début.

Cette très belle musique aux tissures délicates fait voyager, mais aussi fait progressivement remonter des émotions profondes dans un esprit de sérénité très mystérieux.

Applaudissements nourris, galvanisés par un spectateur, assis au parterre, très enthousiaste qui cherche à entraîner avec lui toute la salle, cette première partie est autant un hommage à Jake Heggie qu’à une artiste aussi merveilleuse et bienveillante que Joyce DiDonato.

L'Orchestre National de France

L'Orchestre National de France

Changement d’atmosphère en seconde partie, où Pierre Bleuse va se lâcher et électriser l’Orchestre national de France surmonté par une impressionnante rangée de percussions et de vibraphones.

‘Harmonielehre’ fut créée le 21 mars 1985 au Davies Hall de San Francisco. Cette symphonie en trois mouvements est née d’un rêve de John Adams, ce qui autorise pleinement l’auditeur à laisser courir son imagination sur une musique de conception minimaliste, mais qui s’ouvre sur des paysages grandioses et une ampleur d’où peuvent surgir des accélérations rythmiques qui catalysent une énergie phénoménale. 

Pierre Bleuse

Pierre Bleuse

Le chef d’orchestre français, qui dirigera l’Ensemble intercontemporain à partir de la saison prochaine, est impressionnant d’enthousiasme. Sens inné de la tension physique, drainé par une exaltation quasi hallucinée, il fait ressortir l’étrange dimension wagnérienne de l’œuvre d’autant plus aisément que l’Orchestre National de France en a l’envergure.

A plusieurs moments, le sentiment d’être aspiré dans un univers cosmique vertigineux devient très intense, et cette sensation nous fait perdre tous nos repères quand l’ivresse sonore l’emporte. Et visiblement, les musiciens sont eux-mêmes subjugués par ce véritable monstre musical qu’ils engendrent, respectant la complexe mécanique musicale tout en faisant s'enchevêtrer les multiples nappes sonores avec un art de la fusion splendide.

Un concert dont on sort estomaqué et heureux d’avoir été aussi submergé par une telle impression de grandiose et d’excès.

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Publié le 6 Octobre 2022

Eden (de Marini et Valentini à Copland et Portman)
Récital du 05 octobre 2022
Théâtre des Champs-Elysées

Charles Ives The Unanswered Question (1908 – version révisée 1930-1935)
Rachel Portman The First Morning of the World (2021 - Première Française)
Gustav Mahler ‘Ich atmet’ einen linden Duft’ (Rückert-Lieder - 1901)
Biagio Marini ‘Con le stelle in ciel che mai’ (Scherzi e canzonette - 1623)
Josef Myslivecek ‘Toglierò le sponde al mare’ (Adamo ed Eva - 1771)
Aaron Copland ‘Nature, the Gentlest Mother’ (Eight Poems of Emily Dickinson - 1970)
Giovanni Valentini Sonata enharmonica (1619)
Francesco Cavalli ‘Piante ombrose’ ( La Calisto - 1651)
Christoph Willibald Gluck 'Danza degli spettri e delle furie: Allegro non troppo’ (Orfeo ed Euridice - 1764)
Christoph Willibald Gluck ‘Misera, dove son… Ah! non son io che parlo’ (Ezio - 1750)
Georg Friedrich Haendel ‘As with rosy steps the morn’ (Theodora - 1750)
Gustav Mahler 'Ich bin der Welt abhanden gekommen’ (Rückert-Lieder - 1901)

Mise en espace Marie Lambert-Le Bihan
Lumières John Torres

Mezzo-Soprano Joyce DiDonato
Direction et violon Zefira Valova
Ensemble Il Pomo d’Oro
Chœur d’enfants Sotto Voce

C’est au lendemain du concert donné à l’Hôtel de Ville de Paris, le 06 janvier 2003, que Joyce DiDonato fit ses débuts au Théâtre des Champs-Elysées en reprenant le même programme dédié à Henri Dutilleux, Hector Berlioz et Georges Bizet, sous la direction de John Nelson.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

Deux décennies plus tard, et après nombre de récitals et d’opéras en version de concert (Ariodante, Alcina, Agrippina, Theodora, Maria Stuada, Werther) joués sur cette scène, Joyce DiDonato est de retour avenue Montaigne pour interpréter devant le public parisien un spectacle créé sur la base de son dernier album ‘Eden’ (Erato) sorti le 25 février 2022 au lendemain du déclenchement de l’agression russe en Ukraine.

La conception musicale de ce programme mêle des airs italiens, baroques et classiques, au panthéisme mahlérien et à la composition américaine du XXe siècle, et intègre même une création contemporaine.

Mais loin d’être liés chronologiquement, ces différents morceaux sont agencés de manière à dépeindre une évolution spirituelle qui suit une dramaturgie, si l’on peut parler ainsi, bien précise.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

‘The Unanswered Question’ de Charles Ives est un hymne à la contemplation et au mystère de la vie que prolonge, dans le même esprit, ‘The First Morning of the World’ composé en 2021 pour Joyce DiDonato par Rachel Portman, sur un texte de Gene Scheer.

Avant que ne commence cette première séquence, on pouvait entrevoir la cantatrice américaine monter les marches intérieures du Théâtre pour débuter un long appel depuis les hauteurs des balcons, puis revenir à l’orchestre reprendre cet ode au temps, et enfin, rejoindre la scène.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

L’évocation des parfums dans ‘Ich atmet’ einen linden Duft’, extrait des Rückert-Lieder, vient apporter une évocation de l’être aimé qui s’immisce doucereusement dans le charme hypnotique de cet état de grâce.

Puis, afin d'imprégner le spectateur de cet état évanescent, une fine brume baigne la salle en la tamisant de multiples jeux de lumières aux teintes or ou fuchsia dirigés dans tout l’espace, procédé qui fera merveille à plusieurs reprises au cours de la soirée, comme si Joyce DiDonato utilisait le magnifique cadre des fresques de Maurice Denis pour se créer un espace intérieur profondément inspirant.

Et si ‘Con le stelle in Ciel che mai’ de Biagio Marini commence à laisser entrevoir que le Soleil peut soigner les horreurs et les souffrance sur la Terre, alors que la scénographie s'enflamme d'un feu rougissant, ‘Nature, the gentlest mother’ d’Aaron Copland verse à nouveau dans l’ode à la nature.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

Cependant, ‘Toglierò le sponde al mare’ de Josef Myslivecek évoque dorénavant un Dieu destructeur. Les pensées et les expressions du visage de Joyce DiDonato deviennent plus sombres, et nous sommes entraînés dans les ravages de la guerre et de la mort.

‘Piante ombrose’ de Cavalli fait ainsi apparaitre des paysages de destruction, la célèbre danse des spectres et des furies d’’Orphée et Eurydice’ de Gluck nous accompagne dans la folie à l’approche des enfers – l’allant et la vivacité d’ 'Il Pomo d’Oro’ sont absolument splendides -, et les lamentations après un tel désastre s’élèvent avec le ‘Misera, dove son! Ah! Non son io che parlo’ extrait d’’Ezio’.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

Puis vient le moment du retour à l’espoir avec ‘As with rosy stepts the morn’ issu de ‘Theodora’ de Haendel, et un avenir possible se profile à travers 'Ich bin der Welt abhanden gekommen’, à nouveau repris des Rückert Lieder, qui invite à un détachement vis-à-vis du monde afin de trouver refuge en un nouveau Paradis.

Cette narration n’est pas sans rappeler l’esprit new-âge de notre époque récente, mais elle est cette fois développée sur la base d’un matériau musical qui couvre quatre siècles de création lyrique.

Joyce DiDonato et Zefira Valova

Joyce DiDonato et Zefira Valova

La voix de Joyce DiDonato, caractérisée par une vibration bien connue qui s’assouplit pour former de magnifiques effets diaphanes – quelle merveille que se ‘Ombra mai fu’ qu’elle chantera en bis -, et qui se charge en couleurs boisées somptueuses au corps puissant, est idéale pour restituer ce mélange de craintes, de flammes, d’amour profond et d’aspiration à la paix.

La scénographie, qui joue avec les symboles circulaires de l’harmonie et de la Terre, a également juste ce qu’il faut d’épure pour illustrer tous ces airs.

Nous restons tout autant admiratif pour l’ensemble orchestral dont Zefira Valova, au violon, arrive à coordonner tous les musiciens disposés de manière circulaire autour de la si attachante mezzo-soprano.

De par ses timbres chaleureux, ‘Il Pomo d’Oro’ arrive ainsi à lier en une même unité des compositeurs très différents, et à mixer mystère et ambiance intime avec talent.

Joyce DiDonato et les artistes du chœur Sotto Voce

Joyce DiDonato et les artistes du chœur Sotto Voce

Et pour finir, comme elle le fait à chaque étape de sa tournée internationale, Joyce DiDonato invite un chœur d’enfant résidant dans la ville où elle se produit à la rejoindre – Paris est la dix-neuvième étape du récital ‘Eden’ -.

Il s’agit ce soir du chœur 'Sotto Voce', en résidence au Théâtre du Châtelet, qui, de tout son enthousiasme, vient chanter ‘Seeds of Hope’, puis un air surprise, dans le même esprit d’optimisme qui fait la force d’une des grandes artistes lyriques de notre temps.

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Publié le 4 Février 2018

Dead Man Walking (Jake Heggie - 2000)
Représentation du 03 février 2018
Teatro Real de Madrid

Sœur Helen Prejean Joyce DiDonato
Joseph de Rocher Michael Mayes
La Mère de Patrick de Rocher Maria Zifchak
Sœur Rose Measha Brueggergosman
George Benton Damian del Castillo
Padre de Grenville Roger Padullés
Killy Hart Maria Hinojosa
Owen Hart Toni Marsol
Jade Boucher Marta de Castro
Howard Boucher Viçenc Esteve

Direction musicale Mark Wigglesworth
Mise en scène Leonard Foglia (2010)
Chœur et orchestre du Teatro Real de Madrid           
Measha Brueggergosman (Soeur Rose)
Petits chanteurs de la Jorcam
Production du Lyric Opera de Chicago

Dead Man Walking, opéra inspiré du livre éponyme (1995) de sœur Helen Prejean, est une création contemporaine apparue sur la scène du War Memorial Opera House de San Francisco, le 07 octobre 2000.

A partir d'un évènement tragique ayant entraîné la mort de deux adolescents, cette œuvre pose sans détour la question du sens de la peine de mort et de l'humanité des meurtriers.

Michael Mayes (Joseph de Rocher) et Joyce DiDonato (Soeur Helen)

Michael Mayes (Joseph de Rocher) et Joyce DiDonato (Soeur Helen)

La première partie relate les faits criminels, puis décrit l'entrée de sœur Helen dans un espace carcéral dur, le pénitencier d’État de Louisiane, dénommé aussi Angola, pour aboutir à la  rencontre avec le meurtrier et à la confrontation avec sa mère et les parents des victimes.

Et dès l'ouverture, la musique de Jake Heggie nous fait pénétrer dans un univers familier, une trame de cordes sombres et de violons aiguisés qui décrivent une tension sonore lancinante omniprésente, des cuivres et des percussions qui imprègnent fortement les coups de théâtre qui surviennent au cours des échanges, des motifs mélodiques confiés au vents qui, parfois, se perdent dans les déclamations vocales, et des sonorités descriptives qui animent l'action scénique.

Joyce DiDonato (Soeur Helen) et les petits chanteurs de la Jorcam

Joyce DiDonato (Soeur Helen) et les petits chanteurs de la Jorcam

Mark Wigglesworth, en fin interprète du répertoire anglo-saxon, livre une lecture limpide et soigneusement déliée sans craindre les fortissimo inhérents à une partition instinctivement empreinte d'un climat obsessionnel.

C'est d'ailleurs clairement dans l'écriture des ensembles vocaux que l'on ressent la plus grande force, et que l'on se trouve confronté à des expressions de haine et de douleur inédites. Benjamin Britten et la violence de Peter Crimes ne sont plus très loin.

Et cette puissance démonstrative caractérise également le quatuor des parents interprété par Marta de Castro, Viçenc Esteve, Maria Hinojosa et Toni Marsol, quatre artistes espagnols d'une vérité expressive absolue et crédibles par la dignité ferme qu'ils assument pleinement.

Joyce DiDonato (Soeur Helen)

Joyce DiDonato (Soeur Helen)

La mise en scène de Leonard Loglia, elle, se veut purement narrative, utilise parfois la vidéo pour décrire les changements de lieu, et trouve sa force principalement dans la représentation du microcosme carcéral, cadré par toutes sortes de grillages montants et descendants évocateurs du monde d'hommes fermé que l'on pourrait retrouver dans Billy Budd.

Dans la seconde partie, l'humeur est plus à la réflexion sur le nécessaire dépassement de soi meurtri par l'horreur du crime, mais peine cependant à convaincre, car quel mérite peut-on attribuer à une sœur capable de surmonter l'abject, quand elle même n'est pas atteinte dans sa propre vie?

On perçoit finalement plus de profondeur dans l'âme de sœur Rose, instinctivement probante quand elle est chantée avec une telle directe simplicité par Measha Brueggergosman, que dans le personnalité de soeur Helen qui s'apparente plus à un guide dont rien ne permet de mesurer la nature des épreuves qu'elle a rencontré dans la vie.

Maria Zifchak (La Mère de Patrick de Rocher)

Maria Zifchak (La Mère de Patrick de Rocher)

Joyce DiDonato incarne ainsi un personnage un peu à part, une conscience pure et tourmentée qui mélange perceptiblement ses sentiments personnels - l'espoir est une valeur forte de la mezzo-soprano américaine - à la psychologie pédagogique d'Helen.

Mais c'est véritablement Maria Zifchak qui met en relief l'individualité la plus saisissante, car elle a une capacité à s'appuyer sur l'orchestre afin de donner une emprise implacable à son chant doloriste et chargé de sens.

L'instant pendant lequel elle regarde Joseph, juste avant que la marche vers l'exécution ne commence, est parfaitement évocateur du regard idéalisé que peut porter une mère sur son fils lorsqu'elle ne voit en lui que l'enfant du passé, plutôt que l'adulte perverti qu'il est devenu aujourd'hui.

Joyce DiDonato (Soeur Helen)

Joyce DiDonato (Soeur Helen)

Et Michael Mayes, bardé de tatouages, et d'allure sauvage, joue ce rôle de criminel non seulement en restituant ses sentiments de contrition avec les tressaillements les plus justes, mais également en faisant entendre les plus belles qualités d'allègement élégiaque que son timbre d'apparence rude peut révéler.

La scène finale d'exécution, froide et jouée en silence, ne fait pas oublier le formidable travail du chœur et des petits chanteurs de la Jorcam qui forment un des plus beaux ensembles vocaux de toute l'Europe.

 

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Publié le 14 Novembre 2016

Joyce DiDonato (Haydn, Strauss, Granados, Heggie)
 

Récital du 13 novembre 2016
Palais Garnier

Joseph Haydn (1732-1809)
Arianna a Naxos

Richard Strauss (1864-1949)
All mein Gedanken
Du meines Herzens Krönelein
Die Nacht
Ach lieb, ich muss nun scheiden
Traum durch die Dämmerung

Enrique Granados (1867-1916)
Tonadillos: La maja dolorosa

Jake Heggie (né en 1961)
Camille Claudel : Into the Fire (2012)
Textes de Gene Sheer

Mezzo-Soprano Joyce DiDonato                                    Philippe Jordan
Piano Philippe Jordan

Depuis les dernières années du mandat d’Hugues Gall, Joyce DiDonato est une habituée de l’Opéra National de Paris où elle a interprété Haendel (Hercules), Mozart (Le nozze di Figaro, Idomeneo), Rossini (Il barbiere di Seviglia, La Cenerentola, La Donna del Lago) et Bellini (I Capuleti e i Montecchi).

Mais depuis ces six dernières années, le Théâtre des Champs-Elysées est la seule scène parisienne à l’inviter régulièrement.

Joyce DiDonato

Joyce DiDonato

Ce récital au Palais Garnier est donc, d’abord, l’aboutissement d’un engagement qu’elle prit avec le chef d’orchestre Philippe Jordan, lorsque tous deux furent réunis en 2011 à la Scala de Milan pour faire revivre Der Rosenkavalier de Richard Strauss, dans la mise en scène d’Herbert Wernicke bien connue à Paris.

Le programme de ce soir ne se limite cependant pas à un programme de lieder du compositeur autrichien, mais s’étend de l’univers classique d’Arianna a Naxos de Joseph Haydn, à celui plus contemporain de Jake Heggie, qui composa spécialement Into the Fire pour la mezzo-soprano américaine.

Philippe Jordan

Philippe Jordan

Malgré une telle disparité stylistique, l’ensemble du récital est empreint d’une même douceur lumineuse qui évoque, en peinture, les couleurs subtilement nimbées de brume de William Turner. Car bien qu'elle soit une artiste douée d’une tessiture sombre, elle n’a recours que dans quelques passages à une accentuation des graves, dans les mélodies espagnoles de Granados par exemple, pour privilégier la délicatesse des nuances claires, parfois aériennes et très affinées, et le vif papillonnement de son timbre brun.

Mais le plus beau est de la voir faire communier son corps, l'élégance des gestes de la main et les lignes de son visage avec l’expression des sentiments mélancoliques drainés par la musique.

Joyce DiDonato

Joyce DiDonato

Et comme elle a toujours l'envie d'irradier de sa joie naturelle les auditeurs, qu’elle adore embrasser du regard, elle a aussi des mots pour nous rappeler les origines de ce récital, témoigner de sa sensibilité à l’actualité du monde, particulièrement lourde en cette seconde semaine de novembre, et délivrer un ultime message d’Espérance, selon ses propres mots, à travers deux bis, Morgen'l’espoir que le Soleil brillera à nouveau' – et La Danza de Rossini 'tant que la Lune resplendit'.

Philippe Jordan, dans le rôle si humble et dévoué du pianiste, à l’affût du rythme et des respirations de sa partenaire, lui aura accordé une attention recueillie et feutrée, et un répondant particulièrement ludique sur la musique de Jake Heggie.

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Publié le 25 Avril 2011

Le Comte Ory (Gioachino Rossini)
Représentation du 21 avril 2011
New York Metropolitan Opera

Le Comte Ory Juan Diego Florez
La Comtesse Adèle Diana Damrau
Isolier Joyce DiDonato
Raimbaud Stéphane Degout
Le Gouverneur Michele Pertusi
Dame Ragonde Susanne Resmark

Mise en scène Bartlett Sher
Direction musicale Maurizio Benini

 

 

Juan Diego Florez (le Comte Ory) et Stéphane Degout (Raimbaud)

Il paraît surprenant que l’avant dernier opéra de Rossini n’ait pas la notoriété du Barbier de Séville ou bien de l’Italienne à Alger. Il s’agit évidemment d’un divertissement bourgeois haut de gamme, qui comporte un second acte à l’action très serrée.

Bien que cette comédie se déroule vers 1200 - période identique à celle du livret d’ Aroldo, un des opéras les moins connus de Verdi -, Bartlett Sher la transpose au XIXème siècle, sans surcharge, et s’appuie habilement sur les ressorts du théâtre de Marivaux, une forme d’élégance sans trivialité, auxquels le public rit de bon cœur.

Il suffit de voir le chouchou de ces Dames, Juan Diego Florez, sautiller de ci de là dans son costume de religieuse, pour que la salle s’esclaffe sans se limiter à un sourire simplement amusé. Et visiblement, il aime cela.
Incarnation vocale du classicisme, le ténor péruvien manie la précision de la langue française avec une clarté particulièrement charmeuse.

Diana Damrau (La Comtesse Adèle) et Joyce DiDonato (Isolier)

Diana Damrau (La Comtesse Adèle) et Joyce DiDonato (Isolier)

En véritable princesse un peu capricieuse, Diana Damrau pousse les vocalises aux limites de l’hystérie avec, elle aussi, une excellente diction, et l’on retrouve à nouveau Joyce DiDonato dans un de ces rôles masculins et troublants où elle adore se travestir, et exprimer l’insolence de la fougue adolescente, avec la présence qu’on lui connaît.

La scène finale qui se déroule sur le lit dans une confusion des sentiments et des sexes, alors que le Comte, la Comtesse et Isolier alternent des effusions virtuoses et passionnées, est une petite réussite en soi.

Unique interprète français de la distribution, Stéphane Degout se prête de bon cœur à la farce sans verser dans les excès du cabotinage, mais le souffle et la chaleur de sa voix, qu'il libère généreusement lorsque l'occasion lui en est donnée, le mettent de toute façon mieux en valeur dans un répertoire plus sensible et poétique.

Dans la fosse, Maurizio Benini mène un rythme entraînant, ce qui est l’élément essentiel de la musique de Rossini.

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Publié le 23 Septembre 2010

Joyce DiDonato
Concert du 22 septembre 2010 au Théâtre des Champs Elysées
Orchestre de l’Opéra de Lyon
Direction Kazushi Ono

Poulenc Sinfonia

Mozart «Non son piu» (Cherubino - Noces de Figaro)
             «Deh vieni, non tardar» (Susanna - Noces de Figaro)
Gluck  «Se mai senti spirarti sul volto» (Sesto - La Clémence de Titus)
Mozart «Non piu di fiori» (Vitellia - La Clemenza di Tito)

Gluck  Iphigénie en Aulide, ouverture

Offenbach «La mort m’apparaît souriante» (Eurydice - Orphée aux enfers)
Gluck / Berlioz «Amour viens rendre à mon âme» (air d’Orphée - Orfeo)

Berlioz  Béatrice et Bénédict, ouverture

Rossini «Non piu mesta» (Angelina - La Cenerentola)

Bis Mozart « Parto, parto » (Sesto - La Clémence de Titus)

Etrange soirée où les fanatiques de classification partirent en déroute face à une Joyce DiDonato enflammée aussi bien dans les rôles de mezzos que dans les rôles de sopranos.

Vitellia s'emporte au point d'avaler la salle comme le ferait Waltraud Meier sous les traits d'Ortrude, Mozart n'ayant plus qu'à se recoiffer, Angelina se panache de virtuoses bulles d'ivresse décorées de furtives coloratures fantaisie, le pendant de Rosine par Callas, et Sesto, le héros de Gluck, se laisse aller à une magnifique épure, rêveuse et introspective.

Joyce DiDonato

Joyce DiDonato

Plus discrets, car humainement plus simples, Suzanne et Chérubin se contentent d’être charmants, et « Malgré toi, je saurai t ‘arracher au trépas » seront les intentions les plus intelligibles d’Eurydice.

En parallèle, Kazushi Ono mène un second concert avec l’orchestre de l’Opéra de Lyon, netteté de l’éclat dans Berlioz, fluidité vivante de la Sinfonia de Poulenc, et tous les archers scient l’air avec divers petits décalages en orientation quand la musique de Gluck résonne.

Enfin, Sesto, le héros de Mozart cette fois, vient saluer d’un bis qui sera l’unique de la soirée, engagé et touché par la fatigue de plusieurs jours de travail intense, « Parto, parto ».

Les airs de ce concert seront intégrés au prochain album de Joyce DiDonato, "Diva Divo",  prévu pour janvier 2011.

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Publié le 17 Juin 2010

Joyce DiDonato
Récital du 16 juin 2010
Théâtre des Champs Elysées
Pergolesi, Durante, Caccini, Rossi  Arie antiche
Beethoven  Cinq mélodies italiennes
Rossini  Assisa a' pie D'un Salice (Otello)
Santoliquido  I canti della Sera
Leoncavallo, Pizzetti, Di Chiara  Mélodies et Canzone
Bis :
Mozart Voi che sapete (Le Nozze di Figaro)
Rossini Tanti affetti in tal momento (La Donna Del Lago)
Piano David Zobel
 
                                                                  Joyce DiDonato
 
Quelle belle manière que de conquérir les cœurs dès le début du concert, charmante, souriante, et pleine d'humour, en commençant par remercier les auditeurs pour leur respect du silence après le premier air du cycle Arie antiche, telle l'institutrice qui distribue ses bons points aux élèves bien sages.
Joyce DiDonato explore l'amplitude d'un programme distinctif de ses traits vocaux.
Les airs anciens mettent en valeur la légèreté pure, alors que l'expressivité s'installe dès les Cinq mélodies italiennes.
Et là, le personnage se colore, et réapparaissent ces vibrations qui lui donnent un caractère singulier.
L'air de Desdemone, Assisa a' pie d'un salice, sera l'un des bijoux de la soirée, tout comme Tanti affetti in tal momento, pour ceux qui ne pourront aller écouter ses coloratures dans La Donna del Lago au Palais Garnier.
Elle se permet même de subtiles variations dans Voi che sapete.
Il y a également cet art de projeter la voix, puis de la réduire comme dans un simple mouvement de rappel.
Joyce DiDonato (Air de Desdemone)

Joyce DiDonato (Air de Desdemone)

Cette générosité, en art comme dans les mots, et cette spontanéité avec laquelle elle clame au public qu'il est son plus beau cadeau, sont un souffle d'amour.

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Publié le 15 Juin 2010

La Donna del Lago (Rossini)
Représentation du 14 juin 2010
Palais Garnier

Giacomo V (Uberto) Juan Diego Florez (14 juin)
                   Javier Camarena  (10 juillet)
Elena Joyce DiDonato (14 juin)
        Karine Deshayes (10 juillet)
Duglas d’Angus Simon Orfila
Rodrigo di Dhu Colin Lee
Malcolm Groeme Daniela Barcellona
Albina Diana Axentii
Serano Jason Bridges
Direction Musicale Roberto Abbado
Mise en scène Lluis Pasqual
Décors Ezio Frigerio

                                        Daniela Barcellona (Malcom)

Coproduction avec le Teatro Alla Scala (Milan) et le Royal Opera House (Londres)

La production scénique conçue par Lluis Pasqual et Ezio Frigerio, sous l'impulsion de Nicolas Joel, prête tellement à sourire que l'on ne s'attardera pas dessus.

Disons qu'elle a l'avantage de fournir un environnement lumineux sombre et coloré propice à la détente, et permet de se concentrer sur la musique sans nécessité de suivre l’intérêt dramatique de l’œuvre.

Le livret de La Donna del Lago s’articule autour d’un flot d’angoisses amoureuses et d’exaltations de l’esprit guerrier. Et à l’écoute des airs, on surprend notre imaginaire à faire apparaître des personnes verdiens au milieu des chœurs vaillants.

Le plus évident est Otello, lorsque Rodrigo entre triomphalement sur scène 'Eccomi a voi', mais Elena prend aussi des accents d’Odabella quand elle manifeste sa détresse (scène 7 par exemple).

La veine mélodieuse de l’ouvrage, attachante dans les duos et trios, chante des sentiments authentiques où l’amour, chez chacun des protagonistes, en est le socle, même lorsque l’instinct violent s’exacerbe.

Joyce DiDonato (La Dame du Lac)

Joyce DiDonato (La Dame du Lac)

Les deux distributions prévues pour Elena et Giacomo V vont permettre, à l’identique de la reprise des Capulets et Montaigus en 2008, une mise en valeur à la fois des chanteurs et de leur écriture vocale.

Le favori des dames, Juan Diego Florez, est d’un point de vue stylistique suffisamment étincelant, phrasant avec beaucoup de charme, et endurant pour être considéré comme un des plus justes interprètes rossiniens de notre époque.

Mais, les nombreux passages tendus de la partition le poussent souvent à assécher la fraîcheur de son timbre. Il se révèle également un acteur sensible et très conventionnel.

Joyce DiDonato (La Dame du Lac)

Joyce DiDonato (La Dame du Lac)

Les couleurs vocales de Joyce DiDonato, plus diverses, se déclinent le long d’une ligne de chant vibrant de manière très stimulante, et en émergent même des expressions presque animales.

Sa féminité s'épanouit dans la grâce de coloratures magnifiquement déroulées, bien que son tempérament de feux soit trop bridé par le personnage idéalisé qui nous est présenté.

En terme d’alliage vocal, la matière prend plus naturellement avec le jeune roi (Cielo! In qual’estasi) qu’avec Malcolm (O sposi, o al tenebro regno).

Car Daniela Barcellona se situe dans un format plus large et dramatique. Elle n’avait d’ailleurs pas fait autant impression en Romeo avec Ruth Ann Swenson en 2004.

La voix n’a pas la pureté de l’ébène, mais elle en a le corps. L’aigu éclate d’urgence, et ses qualités théâtrales lui permettent de combler le vide des intentions scéniques.

Joyce DiDonato (La Dame du Lac)

Joyce DiDonato (La Dame du Lac)

Et puisque la course aux plus beaux aigus est ouverte, Colin Lee s’y joint avec une pénétrance virile où d’autres ténors se seraient vite étranglés. Pourtant, c’est le jeune roi, bien sous tout rapport, qui le vaincra au combat.

Enfin, Simon Orfila campe un Douglas à la voix de pierre rude et fascinante.

Les représentations du mois de juillet proposent une alternative au couple DiDonato/Florez en confiant les deux rôles principaux à Karine Deshayes et Javier Camarena.

La première, mise en avant par Nicolas Joel pour incarner des premiers rôles, comme ce fut le cas avec Rosine cette saison, et le sera à nouveau dans quelques mois avec Cherubino puis Dorabella, passe du répertoire slave avec Gerard Mortier (Rusalka, l'Affaire Makropoulos), à Rossini et Mozart.

C'est une Elena dramatique et charnelle, la texture vocale s'approche de celle de Daniella Barcellona, et ses soudaines projections, trop agressives pour le rôle, donnent envie de l'entendre dans des personnages où l'expressivité l'emporte sur la légèreté (on pense à Verdi, Fenena par exemple).

  Javier Camarena (Giacomo V)

On peut trouver Javier Camarena plus costaud et physiquement moins fin que Juan Diego Florez, il s'agit tout de même d'une incarnation bien plus entière et touchante, dominante et sensuelle, solide dans l'aigu.

A nouveau il offre un duel vocal formidable avec Colin Lee.

N’aurait-il pas fallu diriger avec plus de romantisme et de détails afin d’enrichir l’expressivité du flux orchestral?

Karine Deshayes (La Dame du Lac)

Karine Deshayes (La Dame du Lac)

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Publié le 24 Février 2009

Séance de travail d’Idomeneo (Mozart)
Répétition du 23 février 2009 (Garnier)

Mise en scène Luc Bondy
Direction musicale Thomas Hengelbrock
Chef des Choeurs Winfried Maczewski

Idomeneo Paul Groves
Idamante Joyce DiDonato
Ilia Camilla Tilling
Elettra Mireille Delunsch
Arbace Johan Weigel
Il gran Sacerdote Xavier Mas

Il n’est pas d’usage de commenter une séance de travail. Néanmoins, lorsque l’on a le sentiment d’avoir assisté à quelque chose d’essentiel, d’y avoir vu une vérité ou bien une vision idéale, la passer sous silence serait ne lui accorder que peu d’importance.

                                      Mireille Delunsch (Elettra)

Nous retrouvons le même chef et la même distribution féminine que pour les représentations d'Idomeneo en 2006.

Mireille Delunsch (Elettra)

Mireille Delunsch (Elettra)

Premier point, malgré les apparences ce n’est pas une mise en scène de Christoph Marthaler. Bien qu’à quatre jours de la première représentation, cette séance se déroule de manière « casual », ce qui crée une inhabituelle proximité entre les chanteurs et les contemplateurs .

Durant trois heures, le travail de reprise se concentre sur la deuxième partie de l’opéra, à partir du moment où Elektra se réjouit de retourner à Argos avec Idamante (Idomeneo en a décidé ainsi pour éviter de sacrifier son fils selon la volonté du dieu Neptune).

Joyce DiDonato (Idamante) et Paul Grooves (Idomeneo)

Joyce DiDonato (Idamante) et Paul Grooves (Idomeneo)

Que Mireille Delunsch soit une chanteuse qui s’abandonne totalement à son rôle, comme si elle passait dans une autre dimension, n’étonne plus guère, et les signes de complicités se croisent avec les membres du chœur, tout comme ses poses aspirant à la mélancolie.

Plus terre à terre, Joyce DiDonato joue avec les éléments (à voir son estocade avec l’épée d’Idamante), admire depuis la salle ses partenaires, alors que Paul Groves laisse entrevoir un trop fier Roi de Crête.

Joyce DiDonato (Idamante) et Camilla Tilling (Ilia)

Joyce DiDonato (Idamante) et Camilla Tilling (Ilia)

Mais le plus intéressant est d’assister à cette recherche générale d’harmonie orchestrée par Thomas Hengelbrock.

U
ne importante partie du travail consiste à régler le chœur, le synchroniser avec les musiciens pour n’être ni en avance, ni en retard, être véloce quand il le faut, et nuancer quand ses murmures doivent se faire frémissants.

A dire vrai,Winfried Maczewski ne semble qu’avoir préparé et amené sa troupe sur scène pour les livrer au grand coordinateur, architecte qui va se charger de donner corps à tout cela.

Séance de travail d'Idomeneo (Palais Garnier)

Les artistes s’incrustent dans l’ensemble (l’avantage dans ce genre de situation est que chacun a son rôle bien défini, sa partition bien à lui, mais ne peut en sortir) et entretiennent entre eux des rapports humains vrais, hors de toute construction artificielle (ils ont déjà un rôle à défendre).

Il ne faut pas se méprendre, toute la spontanéité ambiante, les détentes soudaines, affirment un grand professionnalisme.

Le choeur de l'Opéra de Paris et le sourire de Mireille Delunsch

Le choeur de l'Opéra de Paris et le sourire de Mireille Delunsch

C’est à se demander si chacun n’en profite pas un peu pour exprimer une part de soi tout en jouant son personnage. Qu’Elektra paraisse trop humaine, Mireille Delunsch y est sans doute pour quelque chose.

Oeuvrant comme Rodin devait sculpter la matière, Thomas Hengelbrock achève cette soirée éprouvante en félicitant tout le monde pour son enthousiasme, lui exprime son sentiment que de grandes représentations d’« Idomeneo » s’annoncent, et envoie à l’orchestre comme dernière consigne, de laisser filer le diminuendo final trois secondes de plus.

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Publié le 10 Décembre 2008

Joyce DiDonato et les Talens Lyriques (Christophe Rousset)
Concert du 09 décembre 2008 (Salle Pleyel)

Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Teseo - "Dolce riposo" - "Ira, sdegni, e furore" – "O stringero nel sen" – "Moriro, ma vendicata"
Imeneo – "Ouverture" – "Sorge nell'alma mia'
Il Pastor Fido – "Chaconne"
Serse – "Crude furie"
Ariodante – "Scherza infida"
Rodrigo – "Vincer se stesso e la maggior vittoria"
Hercules – "Ouverture" – "Cease, ruler of the day" – "Where shall i fly?"

Direction Christophe Rousset

Il faut avouer que l’investissement scénique de Joyce DiDonato éclipse parfois l’attention qu’il faudrait apporter à sa technique et aux qualités propres à sa voix.

Ce récital est donc l’occasion d’y remédier.
Tout d’abord, la jeune femme est splendidement féminine. La remarque peut faire sourire mais nous sommes habitués à l’entendre dans des rôles masculins (Idamante, Roméo).

Passé l’effet de surprise, de ce récital purement Haendel vont se dégager trois temps :
il y a ces grands moments effervescents où les trilles se succèdent certes avec facilité, mais sur des reflets peu colorés notamment dus à une tessiture grave un peu trop légère.

Dans les passages de fureurs, le timbre se ponctue de stridences, s‘enlaidit, ce qui accentue le contraste avec la beauté physique de la chanteuse tout en lui donnant une dimension encore plus étrange.

Joyce DiDonato

Joyce DiDonato

Alors qu’au contraire dans les airs où le temps s’arrête, c’est un déploiement vocal d’une projection superbe dans cette salle aussi froide, des aigus aériens d’une souplesse facile qui rendent par exemple l’air d’Ariodante sans doute moins subtilement fouillé et rageur que ne le faisait Anne Sophie von Otter à Garnier, mais augmenté d’une candeur qui lui sied bien plus.

Très à l’aise sur scène et généreuse lorsqu’il s’agit d’offrir son énergie, Joyce DiDonato surprend aussi par ce petit côté inclassable entre mezzo et soprano et par l’originalité qui consiste à posséder à la fois un vrai don théâtral et des atouts pour le bel canto.

En bis « Ombra mai fu" (Serse) et "Dopo notte" (Ariodante) concluent une soirée « intense », comme elle le dira elle même, mais quand on y repense Christophe Rousset et les Talens Lyriques auront paru bien sages.

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