Articles avec #florez tag

Publié le 29 Octobre 2012

La Fille du Régiment (Donizetti)
Représentation du 27 octobre 2012
Opéra Bastille


La Marquise de Berkenfield Doris Lamprecht
Marie Natalie Dessay
La Duchesse de Crakentorp Dame Felicity Lott
Sulpice Alessandro Corbelli
Tonio Juan Diego Florez
Hortensius Francis Dudziak
Un Paysan Robert Catania
Le Caporal Daejin Bang
Un Notaire Olivier Girard

Mise en scène Laurent Pelly  (2007)
Direction musicale Marco Armiliato

 

                                                                                                Juan Diego Florez (Tonio)

Coproduite avec New-York, Londres et Vienne, La Fille du Régiment est l’archétype même de l’œuvre lyrique qui séduit le public traditionnel.
Le livret exalte la vie en régiment, vie que Marie ne souhaite que rejoindre après avoir connu l’ennui et les contraintes de la vie bourgeoise affectionnée par sa tante, la Marquise de Berkenfield.

S’il avait su qu’un siècle plus tard l’Europe allait s’enflammer dans deux Guerres Mondiales, Donizetti n’aurait probablement pas songé à s’amuser avec un tel sujet, et, de toute évidence, la légèreté ringarde des paroles restent malgré tout un prétexte à sourire, surtout que la mise en scène de Pelly, avec ses personnages mécaniques et caricaturaux, convient bien à cet univers proche du théâtre de Marivaux.

Natalie Dessay (Marie) et Juan Diego Florez (Tonio)

Natalie Dessay (Marie) et Juan Diego Florez (Tonio)

Délirante sur scène, Natalie Dessay révèle non seulement une agréable adresse à jouer avec les coloratures éclatantes et vivantes, mais encore une très belle pureté de ligne, fort émouvante, effilée sur le temps. Seul le timbre a perdu de sa brillance originelle.

Seulement, ce n’est pas l’interprétation musicale qui suscite questionnement ce soir, l’orchestre étant lui-même emporté par un allant insouciant, mais surtout, et uniquement, la réaction des spectateurs après l’air de Tonio, composé de neufs contre-ut.
L’aisance de Juan Diego Florez à faire percuter tous ces aigus vibrants, avec un français superbement enjôleur, a un indéniable pouvoir hallucinatoire.

Mais comment expliquer ces nombreuses minutes d’applaudissements sur cet air pyrotechnique, alors qu’un Roberto Alagna n’a jamais reçu un tel accueil sur le "Di Quella Pira" du Trouvère?

Natalie Dessay (Marie)

Natalie Dessay (Marie)

On veut bien croire que se réveillent les souvenirs idéalisés de la renaissance de l’œuvre dans les années 1970, interprétée par Luciano Pavarotti, Alfredo Kraus ou Joan Sutherland.

Peut-être, également, le patriotisme sous-jacent à la prouesse vocale qui exalte la vie militaire, chantée de surcroit en français à Bastille, un symbole d’un 14 juillet pour lequel l’œuvre fut reprise jusqu’en 1914 à l'Opéra Comique, dans une mise en scène transposée à cette époque, a eu un effet galvanisant.

Au final, et pour la première fois dans cette salle, le public a obtenu la reprise d’un air spectaculaire, et cela en a étonné plus d'un.

Voir les commentaires

Publié le 25 Avril 2011

Le Comte Ory (Gioachino Rossini)
Représentation du 21 avril 2011
New York Metropolitan Opera

Le Comte Ory Juan Diego Florez
La Comtesse Adèle Diana Damrau
Isolier Joyce DiDonato
Raimbaud Stéphane Degout
Le Gouverneur Michele Pertusi
Dame Ragonde Susanne Resmark

Mise en scène Bartlett Sher
Direction musicale Maurizio Benini

 

 

Juan Diego Florez (le Comte Ory) et Stéphane Degout (Raimbaud)

Il paraît surprenant que l’avant dernier opéra de Rossini n’ait pas la notoriété du Barbier de Séville ou bien de l’Italienne à Alger. Il s’agit évidemment d’un divertissement bourgeois haut de gamme, qui comporte un second acte à l’action très serrée.

Bien que cette comédie se déroule vers 1200 - période identique à celle du livret d’ Aroldo, un des opéras les moins connus de Verdi -, Bartlett Sher la transpose au XIXème siècle, sans surcharge, et s’appuie habilement sur les ressorts du théâtre de Marivaux, une forme d’élégance sans trivialité, auxquels le public rit de bon cœur.

Il suffit de voir le chouchou de ces Dames, Juan Diego Florez, sautiller de ci de là dans son costume de religieuse, pour que la salle s’esclaffe sans se limiter à un sourire simplement amusé. Et visiblement, il aime cela.
Incarnation vocale du classicisme, le ténor péruvien manie la précision de la langue française avec une clarté particulièrement charmeuse.

Diana Damrau (La Comtesse Adèle) et Joyce DiDonato (Isolier)

Diana Damrau (La Comtesse Adèle) et Joyce DiDonato (Isolier)

En véritable princesse un peu capricieuse, Diana Damrau pousse les vocalises aux limites de l’hystérie avec, elle aussi, une excellente diction, et l’on retrouve à nouveau Joyce DiDonato dans un de ces rôles masculins et troublants où elle adore se travestir, et exprimer l’insolence de la fougue adolescente, avec la présence qu’on lui connaît.

La scène finale qui se déroule sur le lit dans une confusion des sentiments et des sexes, alors que le Comte, la Comtesse et Isolier alternent des effusions virtuoses et passionnées, est une petite réussite en soi.

Unique interprète français de la distribution, Stéphane Degout se prête de bon cœur à la farce sans verser dans les excès du cabotinage, mais le souffle et la chaleur de sa voix, qu'il libère généreusement lorsque l'occasion lui en est donnée, le mettent de toute façon mieux en valeur dans un répertoire plus sensible et poétique.

Dans la fosse, Maurizio Benini mène un rythme entraînant, ce qui est l’élément essentiel de la musique de Rossini.

Voir les commentaires

Publié le 15 Juin 2010

La Donna del Lago (Rossini)
Représentation du 14 juin 2010
Palais Garnier

Giacomo V (Uberto) Juan Diego Florez (14 juin)
                   Javier Camarena  (10 juillet)
Elena Joyce DiDonato (14 juin)
        Karine Deshayes (10 juillet)
Duglas d’Angus Simon Orfila
Rodrigo di Dhu Colin Lee
Malcolm Groeme Daniela Barcellona
Albina Diana Axentii
Serano Jason Bridges
Direction Musicale Roberto Abbado
Mise en scène Lluis Pasqual
Décors Ezio Frigerio

                                        Daniela Barcellona (Malcom)

Coproduction avec le Teatro Alla Scala (Milan) et le Royal Opera House (Londres)

La production scénique conçue par Lluis Pasqual et Ezio Frigerio, sous l'impulsion de Nicolas Joel, prête tellement à sourire que l'on ne s'attardera pas dessus.

Disons qu'elle a l'avantage de fournir un environnement lumineux sombre et coloré propice à la détente, et permet de se concentrer sur la musique sans nécessité de suivre l’intérêt dramatique de l’œuvre.

Le livret de La Donna del Lago s’articule autour d’un flot d’angoisses amoureuses et d’exaltations de l’esprit guerrier. Et à l’écoute des airs, on surprend notre imaginaire à faire apparaître des personnes verdiens au milieu des chœurs vaillants.

Le plus évident est Otello, lorsque Rodrigo entre triomphalement sur scène 'Eccomi a voi', mais Elena prend aussi des accents d’Odabella quand elle manifeste sa détresse (scène 7 par exemple).

La veine mélodieuse de l’ouvrage, attachante dans les duos et trios, chante des sentiments authentiques où l’amour, chez chacun des protagonistes, en est le socle, même lorsque l’instinct violent s’exacerbe.

Joyce DiDonato (La Dame du Lac)

Joyce DiDonato (La Dame du Lac)

Les deux distributions prévues pour Elena et Giacomo V vont permettre, à l’identique de la reprise des Capulets et Montaigus en 2008, une mise en valeur à la fois des chanteurs et de leur écriture vocale.

Le favori des dames, Juan Diego Florez, est d’un point de vue stylistique suffisamment étincelant, phrasant avec beaucoup de charme, et endurant pour être considéré comme un des plus justes interprètes rossiniens de notre époque.

Mais, les nombreux passages tendus de la partition le poussent souvent à assécher la fraîcheur de son timbre. Il se révèle également un acteur sensible et très conventionnel.

Joyce DiDonato (La Dame du Lac)

Joyce DiDonato (La Dame du Lac)

Les couleurs vocales de Joyce DiDonato, plus diverses, se déclinent le long d’une ligne de chant vibrant de manière très stimulante, et en émergent même des expressions presque animales.

Sa féminité s'épanouit dans la grâce de coloratures magnifiquement déroulées, bien que son tempérament de feux soit trop bridé par le personnage idéalisé qui nous est présenté.

En terme d’alliage vocal, la matière prend plus naturellement avec le jeune roi (Cielo! In qual’estasi) qu’avec Malcolm (O sposi, o al tenebro regno).

Car Daniela Barcellona se situe dans un format plus large et dramatique. Elle n’avait d’ailleurs pas fait autant impression en Romeo avec Ruth Ann Swenson en 2004.

La voix n’a pas la pureté de l’ébène, mais elle en a le corps. L’aigu éclate d’urgence, et ses qualités théâtrales lui permettent de combler le vide des intentions scéniques.

Joyce DiDonato (La Dame du Lac)

Joyce DiDonato (La Dame du Lac)

Et puisque la course aux plus beaux aigus est ouverte, Colin Lee s’y joint avec une pénétrance virile où d’autres ténors se seraient vite étranglés. Pourtant, c’est le jeune roi, bien sous tout rapport, qui le vaincra au combat.

Enfin, Simon Orfila campe un Douglas à la voix de pierre rude et fascinante.

Les représentations du mois de juillet proposent une alternative au couple DiDonato/Florez en confiant les deux rôles principaux à Karine Deshayes et Javier Camarena.

La première, mise en avant par Nicolas Joel pour incarner des premiers rôles, comme ce fut le cas avec Rosine cette saison, et le sera à nouveau dans quelques mois avec Cherubino puis Dorabella, passe du répertoire slave avec Gerard Mortier (Rusalka, l'Affaire Makropoulos), à Rossini et Mozart.

C'est une Elena dramatique et charnelle, la texture vocale s'approche de celle de Daniella Barcellona, et ses soudaines projections, trop agressives pour le rôle, donnent envie de l'entendre dans des personnages où l'expressivité l'emporte sur la légèreté (on pense à Verdi, Fenena par exemple).

  Javier Camarena (Giacomo V)

On peut trouver Javier Camarena plus costaud et physiquement moins fin que Juan Diego Florez, il s'agit tout de même d'une incarnation bien plus entière et touchante, dominante et sensuelle, solide dans l'aigu.

A nouveau il offre un duel vocal formidable avec Colin Lee.

N’aurait-il pas fallu diriger avec plus de romantisme et de détails afin d’enrichir l’expressivité du flux orchestral?

Karine Deshayes (La Dame du Lac)

Karine Deshayes (La Dame du Lac)

Voir les commentaires