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Publié le 5 Septembre 2021

7 Deaths of Maria Callas ( Marina Abramović - Marko Nikodijević – 2020)
Livret Petter Skavlan, Marina Abramović
Représentation du 02 septembre 2021
Palais Garnier

Violetta Valéry Hera Hyesang Park
Floria Tosca Selene Zanetti
Desdemona Leah Hawkins
Cio-Cio-San Gabriella Reyes
Carmen Adèle Charvet
Lucia Ashton Adela Zaharia
Norma Lauren Fagan

Mise en scène et actrice Marina Abramović
Musique Marko Nikodijević
Direction musicale Yoel Gamzou
Acteur Film Willem Dafoe                                      
Hera Hyesang Park (Violetta)

Coproduction Bayerische Staatsoper Munich, Deutsche Oper Berlin, Teatro San Carlo de Naples, Greek National Opéra d’Athènes.
En partenariat avec le Festival d’Automne à Paris

Le spectacle de Marina Abramović, 7 Deaths of Maria Callas, qui inaugure au Palais Garnier la première saison d'Alexander Neef, marque également la 50e édition du Festival d'automne qui est un rendez-vous majeur d'ouverture sur les arts contemporains du monde entier.

Et Robert Wilson, l'une de ses figures emblématiques dès le premier jour, est à nouveau invité à plusieurs reprises, comme ce sera également le cas à l'Opéra de Paris pour lequel il mettra en scène Turandot dans la seconde partie de cet automne.

Marina Abramović (Maria Callas)

Marina Abramović (Maria Callas)

C'est donc un public diversifié, pas forcément issu du milieu spécifiquement lyrique, qui investit ce soir l'univers polychromique du plus somptueux bâtiment du Second Empire.

Artiste n'ayant pas peur dans certaines circonstances de se mettre en danger physiquement, la plasticienne métamorphose son amour pour Maria Callas en concevant un spectacle purement vidéographique et lyrique dans sa première partie qui illustre 7 morts d'héroïnes qu'a interprété la mythique diva sur scène (La Traviata, Tosca, Madame Butterfly, Lucia di Lammermoor, Norma), au disque (Carmen), ou pour un extrait (Desdémone).  Marina Abramović y joue le personnage principal, et Willem Dafoe celui de l’homme qui met à mort la femme qu’il est sensé aimer.

7 Deaths of Maria Callas (Abramović -  Nikodijević) Palais Garnier

Devant ce flot d'images, de jeunes interprètes originaires des quatre coins de la planète (États-Unis, Australie, Corée, Dominique, Italie, Roumanie, France) incarnent, pour un air chacune, ces héroïnes.

Mais comme elles interviennent de façon statique et pour la plupart dans la pénombre, ce n’est pas la théâtralité vocale ou physique de l’incarnation inhérente à la mise en scène d’opéra qui est mise en valeur, mais uniquement la beauté des lignes de ces airs qui apportent une âme subtile aux vidéos. L'auditeur qui vient pour découvrir l’art lyrique est donc tout de même privé d’un aspect vivant de l’interprétation.

Willem Dafoe (Don José) et Marina Abramović (Carmen)

Willem Dafoe (Don José) et Marina Abramović (Carmen)

Chaque spectateur peut cependant être inspiré, ou pas, par la mise en scène de ces mises à mort qui peuvent prendre une allure apocalyptique, comme dans Madame Butterfly qui semble dénoncer l’esprit destructeur des américains dans un univers post-Hiroshima, où cette incroyable marche vers un feu crépusculaire de Pollione et Norma tous les deux travestis, Willem Dafoe renvoyant ainsi une splendide figure torturée de l’obsession opératique pour l’étrange et le hors-norme.

Très impressionnantes sont également les images mettant en scène la lenteur sublime de l’enlacement de Desdémone par un serpent pour signifier l’étranglement par Otello, et qui démontrent surtout le grand sang-froid de l’artiste.

Adela Zaharia (Lucia di Lammermoor)

Adela Zaharia (Lucia di Lammermoor)

La scène de Lucia di Lammermoor, qui contient une forte charge narcissique par ces miroirs qui se brisent en mille morceaux, a aussi à voir avec le symbole qu’a représenté Maria Callas pour des générations. Mais ce passage vaut surtout pour la suspension du temps qu’engendre la très belle interprétation de l'air de la folie de Lucia di Lammermoor par Adela Zaharia qui est véritablement le point d'orgue belcantiste de la soirée. La soprano roumaine se révèle d’une saisissante agilité tout en finesse, créant ainsi un intérêt supplémentaire pour la reprise de Don Giovanni prévue au mois de février prochain au Palais Garnier.

Marina Abramović (Maria Callas)

Marina Abramović (Maria Callas)

Dans la seconde partie de la soirée, nous nous retrouvons face à une reconstitution de la chambre de Maria Callas le dernier jour de sa vie, où après le réveil elle sera atteinte d’une attaque cardiaque.

Ce réveil joué par Marina Abramović est assez long dans sa mise en scène et est accompagné par une musique de couleur assez uniforme et un chœur, disposé dans les loges latérales, qui donne une tonalité proche de l’oratorio à ce passage dont la durée installe une attente jusqu’à ce qu'apparaisse la plasticienne habillée en diva et coiffée comme Maria Callas.

Pour quelques instants, elle donne l’impression au spectateur de retrouver la présence de la grande cantatrice chantant Casta Diva à partir d’un ancien enregistrement, sur lequel Yoel Gamzou induit avec l’orchestre un accompagnement pour accentuer le réalisme de la scène, tableau final caractérisé par le beau travail illusionniste qu’il prodigue.

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Publié le 9 Novembre 2013

The Old Woman (Daniil Kharms)
Représentation du 08 novembre 2013
Théâtre de la ville

Mise en scène Robert Wilson
Musique Hal Willner
Lumière A.J Weissbard

Adaptation Darryl Pinckney


Avec Mikhail Baryshnikov et Willem Dafoe
En anglais et russe

 

Etre confronté à l’œuvre de Daniil Kharms est quelque chose d’assez déroutant, car l’univers de ce poète surréaliste, victime de l’ère soviétique, est un délire sur l’absurde de scènes de vie ordinaires.
Pour mieux connaître son travail, il faudrait sans doute, d’abord, en approfondir sa connaissance avant de voir le spectacle de Bob Wilson, car, sans cela, il est difficile de dire si la relative distance que l’on peut éprouver provient de l’imaginaire visuel qui en émerge sur scène, ou bien, simplement, du malaise qui se ressent derrière l’apparente légèreté des personnages.

Willem Dafoe et Mikhail Baryshnikov

Willem Dafoe et Mikhail Baryshnikov

Il est d’ailleurs rare de voir une mise en scène de Wilson totalement axée sur le burlesque, car son monde est plus souvent onirique, construit de manière à agir sur le spectateur en le saisissant progressivement dans un univers temporel lent qui le sort de son rythme quotidien.

Ici, ce n’est plus le cas, et la scénographie s’adapte au rythme saccadé de courtes vignettes écrites par Kharms, pour raconter cette histoire d’un homme qui ne peut inviter chez lui la jeune femme qu’il a rencontré, car une vieille dame s‘y trouve déjà. En en parlant à son ami écrivain, il rêve d’assassiner celle-ci.

Au début, le rideau accueille le spectateur en représentant une scène de vie pastorale, comme dessinée au fusain, où toutes sortes d’objets plus ou moins incongrus s’y dispersent, et certains, comme une comète, se retrouvent, plus loin, au cours du spectacle.

Willem Dafoe et Mikhail Baryshnikov

Willem Dafoe et Mikhail Baryshnikov

Les deux acteurs, Mikhail Baryshnikov et Willem Dafoe, arrivent en smoking, mais le visage grimé avec de grands cercles noirs autour des yeux. Leur gestuelle souple est belle à regarder, leur talent de danseurs également, leurs rires sont plus crispants que drôles, et tous deux jouent leur personnage avec un sens de la performance virtuose, mais froid.

Comme toujours avec Wilson, les éclairages lumineux sont magnifiques, changent brusquement de contrastes avec une précision qui permet de simplement modifier la couleur d’un visage, et c’est sans doute ce fantastique sens du réglage qui traduit le mieux l’art scénographique du metteur en scène.

La musique, elle, balaye un très large spectre de tendances depuis la musique populaire américaine à l’art du Requiem de Verdi. Pour ceux qui aiment les moments sensibles et poétiques, une très belle image du couple d’acteurs qui se retrouve dans l’ambiance bleu-nuit d’une scène éclairée par un croissant de lune permet, pour un bref instant, d’évoquer la nostalgie d’un rêve d’enfance enveloppé d´une douce berceuse.

Willem Dafoe et Mikhail Baryshnikov

Willem Dafoe et Mikhail Baryshnikov

A l’inverse, la scène de cauchemar est une incessante répétition de cris d’effroi stridents sous les lumières d’une porte étroite effilée comme un poignard, le meurtre de Macbeth sous les traits du ‘cri’ d’Edvard Munch.

Une réflexion absurde survient, et, pourtant, reste indélébile : ‘il baisait son pied, et il comprit alors le bonheur des gens’.

Et il y a des images surprenantes, toujours aussi furtives, comme ce vieillard qui déambule en fond de scène en marchant de manière un peu démembrée, et le dernier instant d’adieu qui renvoie un joli sourire au spectateur.

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