Publié le 4 Janvier 2012
Amadis de Gaule (Jean-Chrétien Bach)
Représentation du 02 janvier 2012
Opéra Comique
Amadis Philippe Do
Oriane Hélène Guilmette
Arcabonne Allyson McHardy
Arcalaüs Franco Pomponi
Urgande, 1ère Coryphée Julie Fuchs
La Discorde Alix Le Saux
La Haine Peter Martincic
Direction musicale Jérémie Rhorer
Le Cercle de l’Harmonie
Mise en scène Marcel Bozonnet
Hélène Guilmette (Oriane)
En 1770, une nouvelle salle suffisamment large pour accueillir 2000 places est construite au Palais Royal afin d’accueillir l’Académie royale de Musique. Quatre ans plus tard, Christoph Willibald Gluck arrive à Paris, et, sous la protection de Marie Antoinette, l’enthousiasme pour Iphigénie en Aulide se transforme en délire total pour Orphée et Eurydice.
En 1779, alors que le succès de d’Iphigénie en Tauride ôte d’avance toute chance à celle de Piccinni pour s’imposer, Johann Christian Bach crée Amadis de Gaule le 14 décembre. Ce sera un échec.
Sans doute le contexte favorable à Gluck ne pouvait que desservir le dernier fils de Jean-Sébastien Bach, mais on peut aussi y voir d’autres causes comme la faiblesse du livret, un étalement de souffrances masochistes à la longue pesant -« Cette mortelle offense ne sort point de mon cœur », « Par pitié percez-moi le cœur », « Viens déchirer mon triste cœur » etc.-, qui engendre colère et haine chez les protagonistes. Très vite, on se détourne de la vacuité du propos.
La musique, elle, est un bouillonnement énergique prenant, un continuum de phrases musicales qui soulignent le pouvoir émotionnel et dramatique du chant - mais l’art de Gluck est certainement bien plus coloré et pathétique -, les cuivres dessinent des contrastes sombres et brillants en clair-obscur, et des danses clôturent chaque acte, signe de l’emprise encore forte des conventions sur le compositeur.
Heureusement, Marcel Bozonnet réussit à rendre ces danses pas trop barbantes dans les deux derniers actes, grâce à l’intervention humoristique de deux talentueux danseurs.
Sans surprise, Jérémie Rhorer et Le Cercle de l’Harmonie s’emparent à bras le corps de cette musique où l’entrain côtoie des moments contemplatifs. Le son paraît un peu brut, dans certains passages, puis, les cordes et les bois fuient selon des lignes plus fines et nuancées.
Et la distribution donne un relief marquant aux personnages, à commencer par Philippe Do.
Ce chanteur possède des qualités vocales consistantes et un classicisme poétique, une belle clarté de timbre, et surtout une diction impeccable qui se détache très nettement. Ses sentiments s’expriment aussi avec beaucoup de naturel.
En Oriane, Hélène Guilmette offre une interprétation théâtrale et très humaine, pleine de fragiles frémissements, qui rappelle l’expressivité de Mireille Delunsch, alors qu’Allyson McHardy ne trouve pas toute la crédibilité nécessaire à une Arcabonne unilatéralement brûlée par ses fureurs, bien qu’elle caractérise par de noires et amples vibrations saisissantes ses excès de rage.
Solide et franc Arcalaüs, Franco Pomponi défend au mieux un rôle bien trop caricatural, et Julie Fuchs permet d’entendre un moment de virtuosité impressionnant, mais gratuit, qui distrait un instant de cette intrique malheureuse.
En fait, cet ensemble musical permet de vivre, sur le moment, la plénitude d’un envahissement sonore qui, visuellement, repose également sur des décors éclairés avec subtilité, des éléments d’architecture classique qui se fondent dans la structure baroque de la salle, et qui font oublier la bizarrerie et le mauvais goût de certains costumes.