Histoire de l'Opéra, vie culturelle parisienne et ailleurs, et évènements astronomiques. Comptes rendus de spectacles de l'Opéra National de Paris, de théâtres parisiens (Châtelet, Champs Élysées, Odéon ...), des opéras en province (Rouen, Strasbourg, Lyon ...) et à l'étranger (Belgique, Hollande, Allemagne, Espagne, Angleterre...).
« Ce soir la mise en scène s’inspire de l’Espace Vide en référence à Peter Brooks », en ces termes tout autant humoristiques qu’élégiaques Gerard Mortier annonce à la salle qu’aucun élément de la mise en scène de Robert Carsen ne sera utilisé. Seule trouvaille, la harpe de Tannhäuser plantée au centre du plateau indique une soirée de pure musique.
Mais ce dont personne ne se doute à cet instant là, c’est que la gêne posée par le mouvement de grève (qui atteint un point critique) va être soufflée par l’élan d’une soirée exceptionnelle !
Debout, l’orchestre accueille Seiji Osawa avec un enthousiasme que se réapproprie le public, puis se lance dans une ouverture illuminée.
Le point culminant de la bacchanale reflète parfaitement l’art du chef à théâtraliser sans marques exagérées. Le courant garde ainsi sa fluidité.
Dans la scène qui suit, Béatrice Uria Monzon est une Vénus d’une véhémence franchement impressionnante. Ce n’est pas forcément très nuancé, mais une belle femme avec un tel tempérament s’apprécie sans modération.
Mais ce que le public découvre relève de l’exception. Stephen Gould vient tout simplement exposer ce qu’est un ténor wagnérien : une puissance contrôlée, un chant lié et plein de clarté aux accents mélancoliques. Pourtant, c’est l’impression d’avoir compris un personnage bien mieux que n’importe quel spectateur averti qui prédomine.
Béatrice Uria-Monzon (Vénus)
Une telle caractérisation pousse au questionnement et à l’envie d’être revue.
La puissance est aussi une des grandes qualités vocales d’Eva-Maria Westbroek. Seulement, moi-même sans doute victime d’une image trop idéalisée d’Elisabeth, cette force seule fait barrage à l’émotion que devrait soulever cette femme hautement morale et aimante.
Beaucoup plus dans son élément que dans Verdi, Franz Joseph Selig économise ses gestes, et se suffit de son autorité naturelle pour incarner les valeurs traditionnelles.
Matthias Goerne devient donc l’autre protagoniste le plus émouvant. Timbre chaud et lignes magnifiquement enveloppées, j’ajouterais qu’il est le véritable cœur palpitant du drame.
L’utilisation de l’espace sonore par les chœurs est aussi une des grandes réussites de la soirée, surtout lorsqu’ils chantent hors de scène.
Au final c’est plutôt fortissimi à volonté !
Eva-Maria Westbroek (Elisabeth)
Evidemment, cette dernière répétition s’achève dans un délire qui fait écho à l’arrivée d’Osawa, avec des musiciens et musiciennes sautillants dans la fosse et des spectateurs survoltés comme pour aider encore plus les artistes, et surtout le chef, à conjurer le sort de fort belle manière.